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15 Rumporter 15-Novembre 2019


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LE MAGAZINE DE LA CULTURE RHUM

ÉDITION NOVEMBRE 2019

8,00€

NICARAGUA : LA LUMIÈRE AU BOUT DU TUNNEL

FOCUS DISTILLERIE : SAINT-JAMES

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DOSSIER : RHUM ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

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ENTRE CIEL ET MER

Ultime cuvée issue de la trilogie hommage aux trois rivières à l’origine du nom de notre Plantation, et succédant à OMAN et BOIS D’INDE, Trois Rivières SAINT PIERRE résulte d’un assemblage de nos meilleurs rhums et millésimes rares.

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EDITO

21 grammes

© DR

« On dit que nous perdons tous 21 grammes au moment de notre mort. Est-ce le poids de notre âme ? » Tel est le pitch du film du réalisateur Alejandro Gonzáles Iñárritu sorti en 2003. Et telle sera la limite à partir de laquelle un rhum perdra son âme dans l’Union Européenne… En effet selon le règlement sur les spiritueux, à partir de mai 2021, il y aura enfin une limite à l’édulcoration du rhum. Jusqu’ici, la seule limite connue était celle des 100 grammes de sucre par litre (soit 10%) à partir de laquelle on passe dans le monde des liqueurs. Désormais, entre 20 et 100 grammes, on ne sera qu’une boisson spiritueuse à base de rhum. Si l’on regarde les autres grandes catégories de spiritueux vieillis, on constate que le whisky ne peut en aucun cas être édulcoré, on y retrouve ainsi le plus souvent que des traces de sucre extrait du chêne et parfois du précédent contenu du fût, notamment pour les vins moelleux, liquoreux ou de liqueur (on peut atteindre dorénavant 2 à 4 grammes de sucre par litre tout de même). Le whisky est donc un spiritueux généralement sec, parfois légèrement arrondi. Quid du cognac ? La règle est un peu plus complexe : on y autorise quatre degrés d’obscuration, c’est-à-dire une différence de 4 degrés entre la mesure par densité et le taux réel : cela inclue aussi bien le sucre que les extraits de chêne… Cela revient à fixer une limite de 15 grammes par litre pour l’édulcoration, dans la pratique cela tourne autour des 7-8 grammes pour les cuvées les plus populaires. Et il y a souvent toute une science derrière, avec des sucres intégrés lors du vieillissement. Pour le rhum, la limite a donc était fixée à « 20 grammes par litre de produits édulcorants ». Cela implique que des cuvées qui ont grandement contribué à la popularité des rhums vieux dans les années 2000, comme Zacapa 23 et Diplomático Reserva Exclusiva, affichant historiquement de 30 à 45 grammes par litre, vont devoir évoluer. Pour les rhums agricoles, aucun changement car ceux-ci ne peuvent être édulcorés. Comment cette limite a-t-elle été fixée ? Probablement par le lobbying des grands alcooliers européens qui ont des intérêts de plus en plus importants dans le rhum. Organoleptiquement, un léger ajustement permet parfois de doper la complexité aromatique, surtout en finale, ensuite la présence de sucre se fait ressentir en bouche autour des 6 à 10 grammes, masquant l’amertume de l’alcool jeune et parfois du bois, et au-delà le sucre lisse le profil des rhums avant de l’étouffer. Avec tous ces éléments en tête, on comprend mieux pourquoi il fallait donc une limite, arbitraire certes, pour que le rhum vieux conserve sa crédibilité dans l’univers des grands spiritueux, alors même que la répression Alexandre Vingtier des fraudes chasse les additifs décriés comme la vanilline et le glycérol. Dans Rédacteur en chef tous les cas, cela induit une nouvelle phase de maturité pour l’industrie rhumière dont nous ne pouvons que nous féliciter !

ÉDITION NOVEMBRE 2019 NUMÉRO 15

ALEXANDRE VINGTIER : Co-fondateur / Rédacteur en Chef ANNE GISSELBRECHT : Co-fondatrice / Coordinatrice Rédaction / Service Photos CYRILLE HUGON : Co-fondateur / Directeur de la Publicité JOHANNA EDWIGES : Chef de Publicité FRANÇOIS GUILLET : Conception graphique / Maquette AGENCE DIGITALE B : Création Graphique / Site Internet COUVERTURE : « Adelante Initiative » Joe woodruff, Bonsucro IMPRIMEUR : Edicolor - ZI de la Fresnais - Chemin la Fresnais - 35470 Bain-de-Bretagne N°ISSN : 2552-2531 ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO

Baptiste Bochet, Gilbert Delos, Yoann Demeersseman, Nicolas Bourdais, Fabien Humbert, Caroline Knuckey, Matthieu Lange, Cyr Mald, Nicolas Dubois, Laurence Marot, Mikael Peilloux, Benjamin Rousseaux, Damien Sagnier , LUKO, Cédrick Isham Calvados, René Van Hoven.

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SOMMAIRE 7

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8

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NOS DESTINATIONS DANS CE NUMÉRO

8

WHAT’S UP Actus produits

24

AUTOUR DU RHUM La Hot(te) liste du père Noël

26

FOCUS DISTILLERIE Saint-James, carrément rhum !

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HOMO SACCHARUM “Rest, water and shade,” on vous dit !

52

DOSSIER Rhum et développement durable, histoire d’amour ou mariage arrangé ?

69

LES BONNES ADRESSES

70

PORTFOLIO Cedrick Isham Calvados, history of violence

80

BANC D’ESSAI Barbade, possibilités d’une île

88

COCKTAIL & RHUM Les cocktails de Yoann Demeersseman

96

RHUM EN TOQUE Les recettes de Benjamin Rousseaux

100 OFFICINE A RHUM

La scène parisienne

108

112

108 HISTOIRE

L’odyssée de la canne, Partie 2

112 BUSINESS

Une nouvelle consommation du rhum a vu le jour

118

122

118 RHUMS ET PLUME

Miguel Bonnefoy, accord majeur

122 REVISITEZ VOS CLASSIQUES Le roi Daïquiri

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nos destinations dans ce numéro

Paris

Officine à rhum

Bermudes Dossier

Bélize

Dossier

Venezuela Littérature

Nicaragua Homo Saccharum

Tahiti

Histoire

Bolivie Dossier

La Réunion

Dossier Rhum en toque Histoire

Guadeloupe Portfolio

Cuba

Revisez vosclassiques

Jamaïque Dossier

Martinique

Focus Distillerie Dossier

Grenade Dossier

Barbade

Banc d’essai Dossier

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WHAT ’S UP Par Baptiste Bochet

RHUMS DES OU TRE-MER NOTE : A+ AVEC A1710 TRICENTENAIRE, NOUVELLE CUVÉE

ESSAIE DE DIRE NON À DILLON !

Mission impossible tu verras, tant Dillon revient en force si on tend l’oreille pour écouter les internets. On commence avec le Brut de colonne qui affiche en rouge sur l’étiquette son “71,3%”, une certaine façon d’avertir les “noobs” de s’éloigner de la bouteille ou de la manipuler avec précaution. Ça fait maintenant un petit moment que les producteurs de Martinique et de Guadeloupe nous ont habitués aux “blancs méchants”, mais c’est sûr que ces “doux” breuvages font toujours leur petit effet une fois que le verre a été porté aux lèvres. Quoi dire de plus si ce n’est que la cuvée est signée par William Cestor, le maître distillateur, bah oui, ici point de chai ! On passe au Single cask 2003 ou plutôt aux Single casks 2003 puisque 2 fûts sont embouteillés séparément. L’occasion, pour ceux qui aiment les “comparos”, de faire la comparaison ! En bouche, nul doute que c’est du Dillon. Malgré son bel âge, 15 ans révolus, la signature de la maison se fait toujours présente. Même réduits à 43% ces rhums gardent une belle fougue. Un peu moins de 500 bouteilles pour chaque cuvée. On termine par la carafe de rhum vieux hors d’âge de 2004, très belle carafe d’ailleurs, elle sort idéalement lorsque Noël commence à pointer le bout de son nez ! Un beau cadeau à mettre sous le sapin de beau-papa ? Avec sa puissance malgré ses 43%, son fruité, ses épices, vous devriez éviter de vous fâcher avec le beau-père… DILLON BRUT DE COLONNE - 70 CL - 71,3% PVC : 47€ DILLON SINGLE CASK 2003 - 70 CL - 43% PVC : 85€ DILLON CARAFE XO MILLÉSIME 2004 - 70 CL - 43% PVC : 129€ Distribution : La Martiniquaise

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Dans ce flacon dont la beauté réchaufferait même un inuit, A1710 Tricentenaire revient. Assemblage de 6 rhums vieillis entre 7 ans et 19 ans, ils sont ensuite affinés pendant 17 mois en foudre de chêne français ayant précédemment contenu du Cognac. Le flacon et la couleur du précieux liquide imposent le respect. Au nez, ses notes de cacao et de cuir ainsi que son boisé puissant nous laissent “entrevoir” le soin apporté à ces cuvées. En bouche, c’est le cake anglais, ma madeleine de proust, qui me tire vers de lointains et agréables souvenirs. Contemplation, partage et feu de cheminée sont de rigueur, ça tombe bien, “winter is coming” ! A1710 - TRICENTENAIRE - 70 CL - 41,6% PVC : 210€ - Distributeur : A1710

LA MONTAGNE PELÉE SE RÉVEILLE ET CRACHE DES DEPAZ 2005 BRUT DE FÛT !

C’est le retour du Depaz brut de fût, en version adolescente cette fois puisqu’il s’agit du millésime 2005. Vieillissement intégral en fût de chêne français, au nombre de deux d’ailleurs, ces fûts. Ils n’ont pas été assemblés et il semblerait qu’il y ait de légères différences de goût entre les 2 fûts. Normal, me direz-vous... Nul doute qu’il saura trouver preneur, comme le 2000 porté disparu des étagères de nos chers cavistes depuis belle lurette. Pour le reste, le degré d’alcool est identique pour les 2 et il faut compter 970 bouteilles. On se doit de le mentionner, le carton de l’étui est fait en fibres de bois provenant de forêts certifiées FSC #écoloporter. DEPAZ MILLÉSIME 2005 BRUT DE FÛT - 70 CL - 50,2% Distribution : Dugas

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CAP SUR TAHITI EN VERSION SOUS-TITRÉE MANUTEA V.O, VERSION ORIGINALE VIEILLIE

LA SALLE, LAQUELLE ? UN LIEU, UN VSOP ET UN XO

La salle c’est un lieu et du rhum. L’habitation La Salle a été acquise par Saint-James dans le but d’agrandir sa surface de chais. Dans les champs, ils ont trouvé les traces d’un passé fait de sucrerie et de distillation de rhum,. C’était donc l’occasion parfaite de jouer la carte du spiritourisme et d’offrir la possibilité aux curieux de visiter un lieu chargé d’histoire. Ca a pris quand même quatre ans (ndlr : voir interview de Marc Sassier en pages suivantes). Et pourquoi pas faire d’une pierre deux coups ? Avec l’ouverture de La Salle, Mac Sassier a imaginé deux cuvées d’une nouvelle gamme, souhaitée avec un boisé plus prononcé que pour la gamme Saint James. Cela donne donc un VSOP et un XO. Le premier est décrit comme suave et finement boisé avec des notes d’épices tandis que le second est dit bien charpenté avec un très joli fruité. Le XO a vieilli plus de 6 ans dans des fûts de chêne sélectionnés, sa finale évolue vers des fruits à noyaux et des fruits secs. HABITATION LA SALLE VSOP ET XO - 70 CL - 42% ET 43% Distribution : Exclusif distillerie (pour l’instant)

COMME L’ADAGE DISAIT... RIVIÈRE DU MÂT ROYAL RESERVE

Du rhum au pt’it dej’ donc ? Petit déjeuner comme un roi, déjeuner comme un prince et dîner comme un mendiant, heureusement à ce prix, ce Royal Réserve vous le permet ! Cette cuvée est dite “Old Small Batch” mais QUID du “Small” ? Cela dit, sa mention “Rhum Vieux”, sans plus d’information, sa cible - la clientèle de Grande et Moyenne Surface (GMS) - et pour finir son prix (20,95€) laissent supposer que nous n’avons pas affaire à un rhum très âgé. Il est dit autant appréciable en dégustation à température ambiante qu’en cocktail. Un rhum tout terrain en somme ! RIVIÈRE DU MÂT ROYAL RESERVE 70 CL - 42% PVC : 20,95€ - Distribution : GMS

Trois années, c’est ce temps qui distingue ce Manutea V.O du Manutea blanc. Vieillissement en fût de chêne oblige, le fût transpire dur, 7% de part des anges par an nous dit-on ! Pour le reste c’est la canne O’Tahiti qui est toujours à l’honneur avec des notes de caramel vanillé, de sousbois réglissés et de fruits rouges confits. Pour ceux qui ne s’en souvenaient pas, Manutea c’est du pur jus de canne également. Un joli étui accompagne le flacon. MANUTEA V.O - 70 CL - 43% PVC : 74€ - Distribution : Dugas

APRÈS LE 1, 4 ET LE 9, TIRAGE DU NUMÉRO COMPLÉMENTAIRE : LE 12 ! LONGUETEAU SÉLECTION PARCELLAIRE N°12

Tirage ou soutirage, telle est la question. Passons ces blagues de geek – on vous a épargné “tirage ou titrage ?”, Longueteau embouteille de nouveau son rhum issu de la parcelle n°9 et propose du rhum issu d’une autre parcelle, la n°12. Quoi de neuf au programme ? Comme toujours, il y a 2 variétés de canne chez les Longueteau: Canne Rouge R579 et Canne Bleue B69-566. Il y a aussi 12 parcelles, un peu comme pour Star Wars, tout n’a pas été embouteillé dans l’ordre, on peut donc s’attendre à une suite puisque la série semble bien fonctionner jusque-là. La numéro 12, la star de cette brève, est exposée côté montagne du domaine et dispose de moins d’exposition maritime tout en étant plus protégée du vent. De facto, elle pousse droit et est moyennement riche en sucre si on écoute les tauliers -”moyen” étant une unité de mesure vaguement scientifique comme aurait dit mon prof de physique-. Côté profil aromatique, il est dit sensiblement proche de celui des parcelles 1 et 9 : rondeur, équilibre, agrumes et finale très végétale en bouche. LONGUETEAU SÉLECTION PARCELLAIRE N°12 70 CL - 55% Distribution : L’Hedoniste

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RHUMS AMERIQUE L AT INE EMBOUTEILLAGES OFFICIELS (OB) DEMON’S SHARE, LES ANGES N’EN ONT PAS VOULU !

COLOMA, C’EST FORT SANS CAFÉ ! COLOMA SINGLE CASK

Coloma c’est Colombien, c’est aussi un rhum de mélasse qui possède la particularité d’avoir passé un moment plus ou moins long -selon les cuvées- dans un fût ayant contenu de la liqueur de café locale. Avec une gamme composée de 2 produits, une cuvée 8 ans et une cuvée 15 ans, Coloma change de registre et propose un millésime - ici, 2006 - ainsi qu’un fort degré, puisque embouteillé à 50,3%. Fût de bourbon pendant la quasi-entièreté du vieillissement, puis court passage de 3 à 4 semaines dans ce fameux fût de liqueur de café qui a fait la particularité de la marque. Pour ce qui est de l’habillage, on garde la beauté du packaging et de l’étiquette Coloma. Ah oui, même si le titre le laissait supposer, ce(s) Coloma sont issus de 6 fûts uniques qui portent chacun le nom d’un des collaborateurs de la marque. Un seul fût cependant est réservé au marché français, on espère que ce sera le fût “Flor”, parce que c’est joli comme prénom “Flor”. COLOMA MILLÉSIME 2006 SINGLE CASK 70 CL - 50,3% Distributeur : Dugas

Cette nouveauté nous vient tout droit du Panama où elle a été contenue pendant manifestement 6 longues années en fût de Bourbon avant d’être relâchée pour se déchaîner sur les palais français. Dans la lignée des Don Papa & Diplomático qui ont fait la réputation de Dugas, Demon’s Share plaira aux amateurs d’eaux-de vie suaves. DEMON’S SHARE - 70 CL - 40% PVC : 39 € Distributeur : Dugas

CAÑA SORT SON GRAND-PÈRE DU CAGNARD ! FLOR DE CAÑA 30 ANS

Après un – Alain - bashing bien souvent perpétré par des personnes qui n’ont fait que de s’intéresser au problème de façon superficielle, Flor de Caña tente de revenir encore plus fort. Pour afficher au monde entier sa légitimité et son établissement depuis 5 générations - la marque fêtera ses 130 ans en 2020 - c’est Flor de Cana 30 ans qu’on embouteille, un poil en avance mais difficile de résister à l’excitation ! 5 générations se succèdent depuis 1890 et cela donne donc un nom pour cette cuvée spéciale limitée à 411 bouteilles par le monde : V Generaciones ! Il s’agit d’un fût unique. 5 signatures sont présentes sur cette bouteille et le bouchon est fait de roche volcanique, vous trouverez également dans ce coffret en cuir noir une réplique du timbre postal de 1902 à l’effigie du volcan du Nicaragua. FLOR DE CAÑA 30 ANS - 75 CL - 45% PVC : 1080€ Distribution : Maison du Whisky

LA FAMILLE DIPLOMÁTICO S’AGRANDIT

Diplomático renoue avec les cavistes avec cette cuvée spéciale composée à 90% de miel de canne - vous savez, cette étape intermédiaire du processus de raffinage -. Miel de canne donc et vieillissement en ex-fûts de bourbon et de Xérès. Pour le reste, rien de nouveau sous le soleil, ah si, également un coffret dégustation avec 2 jolis verres, le tout en édition limitée. DIPLOMÁTICO - SELECCIÓN DE FAMILIA - 70 CL - 43% PVC : 49€ ou 58€ en coffret - Distribution : Dugas

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RHUMS DES CARAÏBES EMBOUTEILLAGES OFFICIELS (OB) BACARDI GRAN RESERVA DIEZ

P*tain 10 ans ! Seuls les vieux de la vieille comprendront la référence… et le vieux de la vieille c’est un peu comme ça qu’on pourrait qualifier ce Bacardi Gran Reserva Diez ! Après nous avoir gratifié d’un Bacardi Cuatro, le point symétrique entre le Carta Blanca et le 8 ans, il était temps de s’éloigner dans la vallée du rhum et d’aller chercher la décennie. Et c’est donc la décennie minimum garantie dans la bouteille, vous lisez bien, il s’agit d’un rhum de minimum 10 ans d’âge, Bacardi et gros volumes obligent, le tarif est contenu. Chaque bouteille est numérotée. Numérotée comme une voiture d’ailleurs, il y a un petit côté plaque d’immatriculation avec 3 chiffres précédés de 2 lettres, sûrement pour prévenir d’une production “conséquente” et ouais les gars, on est loin d’un single cask, mais c’est bien compréhensible et c’est un événement en soi puisque cette cuvée est réservée aux cavistes et ça c’est une première pour la grande maison de Porto Rico. BACARDI - GRAN RESERVA DIEZ - 70 CL - 40% PVC : 40€ - Distribution : Bacardi-Martini Réservé aux cavistes

NOUVELLE RECETTE, ENCORE PLUS DE FRUIT ! ANGOSTURA 1824, NOUVEAU BATCH

Derrière ce titre emprunté à des géants de l’industrie agroalimentaire - bah ouais c’est du plagiat et alors ? Sue me ! -, se cache en fait une dernière version de l’Angostura 1824, le milieu de la gamme premium, vous suivez ? Comment est ce nouvel embouteillage alors ? wIl est dit assemblage de 3 rhums âgés d’entre 6 et 17 ans : fruits secs, banane, caramel et vanille chatouillent votre nez. Le boisé, la mélasse, les raisins secs et les épices vous tapissent le palais. ANGOSTURA 1824 - 70 CL - 40% PVC : 65€ - Distributeur : Dugas

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MATUSALEM - L’ACOLYTE DE L’INSOLITE

Matusalem, l’iconique marque pré-castriste, nous avait habitué à du vieux mais à du vieux un peu ronflant. Chez Rumporter, ça fait longtemps qu’on attend le réveil de cette belle endormie. La construction en 2016 d’un chai Matusalem sur ses nouvelles terres dominicaines étaient un premier signal mais on en attendait depuis les premiers fruits. Avec Insolito, c’est chose faite. Insolito porte bien son nom, au niveau du produit déjà, puisque s’il s’agit toujours d’un assemblage de rhums, passés par du charbon actif pour en retirer la couleur, le jus assemblé est ensuite vieilli pendant 3 ans dans des fûts de vin Tempranillo où il se teinte d’une étonnante robe rose. Pour retrouver la signature Matusalem, ce rhum est assemblé avec du Matusalem Gran Reserva Solera. Et c’est là qu’intervient l’insolite, Insolito est en effet embouteillé dans une très jolie carafe dont les codes lorgnent très clairement du côté du rosé estival. Marketing direz-vous ? Et vous aurez raison mais - parce qu’il y a un mais à la dégustation, on est sur un rhum où la douceur le dispute à l’équilibre et à une complexité douce (cf Santa Teresa 1796). Bling Bling me direz-vous ? Oui mais du Bling Bling accessible puisque cette carafe, avec son positionnement tarifaire, tutoie les entrées de gamme des différentes marques d’Amérique du Sud… A notre avis, nous voilà en présence d’un véritable Ovni, bien réjouissant qui ne laissera personne indifférent. MATUSALEM INSOLITO - 70 CL - 40% PVC : 43€ - Distribution : Dugas 15. 8000 bouteilles seront commercialisées en 2019

DON Q FÊTE LES 20 ANS DE CBH

Partenaire historique de l’acteur de la distribution en France, Don Q leur a dédié cette année une cuvée, une « seleccion especial ». Assemblage de 6 à 15 ans avec la présence d’invités de prestige ayant jusqu’à 50 ans, ce Don Q se veut subtil mais discret, puissant mais mesuré avec ses timides 40% fidèles à la marque. DON Q - SELECCION ESPECIAL 70 CL - 40% PVC : 52€ - Distribution : CBH

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GIFFARD X BARCÈLO

X comme Xtributor, Giffard nous propose donc 2 références du rhum Dominicain, l’Imperial et l’Imperial Premium Blend. Le second a été créé pour le 30ème anniversaire du premier. C’est gentil à Barcelo et Giffard de faire la fête avec nous. Pour Rappel, l’Imperial est un assemblage de rhums ayant vieilli entre 8 et 10 ans. Pour l’Imperial Premium Blend, il s’agit d’un assemblage de rhums âgés d’entre 10 et 12 ans puis vieilli 2 ans de plus en ex-fût de Sauternes. Edition limitée et bouteilles numérotées à la main.

WHISPER CHANGE DE PAVILLON WHISPER 5 ANS & 8 ANS, CAP SUR LA BARBADE !

BARCELO IMPERIAL / IMPERIAL PREMIUM BLEND 70 CL - 40% PVC : 40€ pour L’impérial / 99€ pour l’Imperial Premium Blend. Distribution : Giffard

On n’a pas le même maillot, mais on a la même passion ! Whisper, on l’on a connu en version “Gold Rum” embouteillé sur l’île d’Antigua. C’est l’île aux 365 raisons de faire la fête et de “chiller” - ce nouveau anglicisme à la mode - car je parle des 365 plages de l’île, mais Whisper a décidé de prendre l’avion pour la Barbade, car il y a un temps pour s’amuser et un temps pour “Barbader”. No more Antiguan Rum donc, mais bien un nouveau Whisper, frais et pimpant qui tire son jus directement de la Barbade et avec une nouveauté nouvelle, celle d’une mention d’âge. Ça sera donc 5 ans pour la plus jeune cuvée et 8 ans pour la plus vieille. Le tout a passé l’intégralité de son développement en ex-fût de Bourbon ce qui ne surprendra sûrement pas grand monde. Peut-on donc dire Whisper est mort, vive Whisper ? WHISPER - 5 ANS & 8 ANS - 70 CL - 40% PVC : 34€ & 39€ - Distribution : Dugas

HAMPDEN S’EMBOUTEILLE DE NOUVEAU TOUT SEUL COMME UN GRAND ! HAMPDEN - GREAT HOUSE

Un an s’est écoulé depuis l’arrivée des premiers embouteillages officiels Hampden. L’occasion de passer la seconde couche avec une édition “Great House”, dans le rhum a vieilli intégralement sur l’île des rastafaris. Au goût, on reste proche de la signature des précédents et donc un Hampden moins vigoureux que ceux auxquels nous a habitué la marque Habitation Velier. Il faut de tout pour faire un monde. HAMPDEN - GREAT HOUSE - 70 CL - 59% Limité à 3066 bouteilles - Distribution : LMDW

WORTHY REVIENT POUR METTRE LE FEU ! WORTHY PARK HIGH ESTERS

Worthy Park revient en version Terrible Two - cet âge terrible des enfants en bas-âge - bien déterminé à vous mettre les papilles en désordre ! Ça donne un rhum qu’on aime bien, assez différent des précédents tout en gardant une trame aromatique très Worthienne (certains ont dû lire Wolverine !). Né en l’an 2017, ce rhum pesait déjà plus de 800 grammes d’esthers par hectolitre d’alcool pur à la naissance : un gros bébé. 2 ans l’ont à peine assagi mais c’est pour le mieux. WPE c’est son “mark” pour ceux qui souhaitent le savoir. Il arrive donc en édition limitée à 250 exemplaires et il semble être réduit à 67%, petite camisole chimique pour éviter trop de surpuissance ! Ex fût unique de Bourbon by the way. WORTHY PARK SINGLE ESTATE WPE 2017 70 CL - 67% PVC : 69€ - Distribution : LMDW

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LE PHOQUE D’OR AU SOLEIL

Témoignage poignant de la fonte des glaces, le phoque sur la bouteille de Goslings Gold se dore au soleil avec un beau coup de soleil sûrement. Disponible depuis 2016 aux Bermudes, il est distribué dès à présent par CBH en France. Moins “Toffee” mais plus “Butterscotch” que la version classique nul doute qu’il fera son petit effet en cocktail et notamment dans le Dark and Stormy dont rappelons que Goslings détient le Trademark pour le monde entier ! Attention aux contrefaçons…

INTERMÈDE WHISKY

GOSLINGS GOLD SEAL RUM 70 CL - 40% PVC: 35€ - Distribution : CBH

THE AIKAN DREAM ? AIKAN REVIENT AVEC 2 PRODUITS

MOUNT GAY LA JOUE OLD SCHOOL

Mount Gay s’essaie, depuis un an déjà, à un exercice de style : la collection Master Blender. Après avoir fait un bond dans le futur avec son “Peat Smoke Expression”, la marque rétropédale pour se plonger dans la genèse de sa distillation. Il est donc question d’un rhum 100% Pot Still, tel qu’il l’a été de “la création de la distillerie en 1703 jusqu’au début des années 1900”. Mount Gay nous gâte donc - Mount Gâte ? puisque cette petite série de 4920 bouteilles a son étiquette bien remplie : bouteille numérotée, type de distillation, millésime, type de fûts et, bien sûr, le nom de la master distiller qui a initié cette collection, Miss Trudiann Branker. Un rhum de la vérité vraie en somme. 360 bouteilles pour le marché français. MOUNT GAY POT STILL RUM 70 CL - 48% PVC : 130€ Distribution : Bollinger Distribution

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Changement de pôle pour ce… whisky ! Hey, cela fait bien longtemps que vous parlez ou entendez parler du vieillissement tropical, lui-même qualifié de bien plus brutal/ violent/impactant/moneymaker - (poke) rayez la mention inutile - que le vieillissement continental. Il était donc temps qu’un petit malin se mette à déplacer du whisky et le fasse vieillir dans nos DOM TOM. Au programme donc, une maturité issue de la maturation accélérée, vous me suivez ? Alors, avec Rumporter, quel est le lien apparent vous me direz ? Ces whiskies sont vieillis en fûts de rhum le tout en Martinique. Oui car c’est le cas depuis 2016 les amis, quoi, on ne vous avait rien dit ? Et pourtant Aikan a fait “Sold Out” sur son premier Blend Collection en 2018. Même si le jus de grain n’est pas forcément la panacée des amateurs de canne et de mélasse, que ces derniers se rassurent, le whisky vient tout droit d’Ecosse et a bénéficié d’un soin tout particulier pour son assemblage. Il dit par ailleurs “Adieu” à la mention Scotch Whisky à la seconde même où il se fait dorer en vieillissement ailleurs que sur sa terre natale… En même temps, qui pensait bronzer en Ecosse ? Bronzage et sauna sont donc au programme, ça transpire sec dans les DOM, puisqu’on passe de 2% de part des anges à 10% en Martinique ! Dans ces conditions extrêmes, il faut faire gaffe à la qualité des contenants, on vous croit sur parole les gars ! En lieu et place du Monoï pour la finition, c’est ici le fût de rhum qui est utilisé pour parfaire ces whiskies. Et rien de tel qu’un bon marketing pour accompagner un bon produit, Aikan signifie “mariage” en Arawak, langue des premiers habitants de la Martinique. “Aikan, c’est un désir de rencontre entre deux continents (l’Europe et l’Amérique), deux climats (continental et tropical), deux univers de spiritueux (le whisky et le rhum).” Ce whisky est une main tendue aux amateurs de rhum. “Venez, on a des cookies”. BLENDED COLLECTION N°2 & EXTRA COLLECTION 50 CL - 43% PVC : 40€ & 52€ Distribution directe

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EMBOUTEILLAGES INDÉPENDANTS (IB) FERRAND MET LES BOUCHÉES DOUBLES EN NOUVELLES CUVÉES “BARREL SWAP”

KUNA … MATATA ? LE RHUM QUI S’ADAPTE

A quand le Employee Swap ? Notre Alex Mourigue national au pays des piñatas ? “Barrel Swap”, pour ceux qui n’ont pas suivi le feuilleton Ferrand, c’est un échange de fûts avec des producteurs de spiritueux parfois situés à l’autre bout du monde à l’instar de ce fût ayant contenu de la Tequila Ocho ou encore ce fût de whiskey irlandais Teeling. Ici, il est temps de lancer le rouleau-compresseur Plantation et d’étendre la gamme à … 12 références. Alors, on parle de mini rouleau-compresseur puisqu’il s’agit à chaque fois de fût unique pour chaque rhum. Niveau prix, il y en a pour toutes les bourses puisque le Bélize 2009 est à 79€ et le Clarendon 1999 est à 179€ en PVC. Par ailleurs, ce Barrel Swap est ouvert aux cavistes qui souhaiteraient être partenaires de l’opération en s’octroyant une partie du fût afin d’étancher une grosse soif et/ou de pouvoir personnaliser un peu l’étiquette à l’instar d’ExcellenceRhum - plus sur la soif pour le coup *poke*.

Oui parce qu’en fonction des saisons et de la richesse de la canne à disposition, cette distillerie du Panama produit des rhums de pur jus de canne ou de mélasse. La marque met en bouteille des rhums ayant vieilli uniquement en fûts de moins de 200 L de chêne blanc américain. Niveau âge ça dit quoi ? Assemblage de 8 ans au max puis un passage dans un fût de vin de bordeaux Kuna a noué un partenariat unique avec Davidoff Of Geneva. La marque de cigares a tenté l’expérience de faire fermenter ses feuilles de tabac dans des fûts de bourbon. Davidoff a enfin proposé à Kuna de les utiliser pour faire vieillir son rhum, le tout pour une durée de 6 mois. Inutile de dire que le recyclage est à la mode ! KUNA - 70 CL - 40% DAVIDOFF OF GENEVA - 70 CL - 42% Distribution : Dugas

PLANTATION SINGLE CASK BARREL SWAP 70 CL Dégré propre à chaque embouteillage

- Barbados XO en fût d’Amburana essence de bois typique du Brésil - 48% - Barbados 7 ans en fût de Partizan Brewing -bière - 48,2% - Bélize 2009 en fût de merisier - 44,1% - Guatemala XO en fût d’Amburana - 50% - Guyana 2008 en fût Zebra - alternance de douelles de châtaignier et d’acacia - 47,1% - Jamaïca 1999 distillerie CLD en fût de whisky d’Arran - 46,7% - Jamaïca 2009 distillerie LPD en fût de vin de Tokay - 42,6% - Panama 27 ans en fût de Whiskey Teeling - 51,1% - Panama 2006 en fût de Muscat - 41,9% - Perú 2010 en fût de Pineau des Charentes - 43,6% - Saint Lucia 2010 en fût de châtaignier ayant contenu de l’eau de vie de raisin de Charente (lol c’est du Cognac en fait, mais faut pas le marquer - 53,6%) - Trinidad 1997 vieilli en fût de whisky tourbé d’Islay Kilchoman 45,2%

Distribution : LMDW - PVC : Spécifique à chaque embouteillage

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ZAKA, FAUT QU’ON !

Dans un monde du rhum en pleine frénésie, Zaka nous a ramené à l’essentiel : le rhum, ses hommes, leur passion et le fruit de leur travail. Dès le premier regard, la magie du personnage de Zaka a opéré et nous a attiré, de manière presque mystique, à la découverte de ces élixirs. Difficile d’expliquer pourquoi, mais on se sent subitement plus proche de ces univers, de ces contrées du rhum et de ses gens. Et si le vrai luxe était dans la simplicité et le partage ? Dans la culture traditionnelle Vaudou, Zaka est le dieu de la paysannerie et de l’agriculture, souvent dépeint comme un homme simple, généreux et proche des gens. La collection Zaka Rum est un hommage aux planteurs, agriculteurs, ou producteurs dont la passion et le savoir-faire, transmis à travers les générations, ont permis d’élaborer parmi les meilleurs rhums au monde. Chacun des rhums Zaka a été choisi avec soin et vous invite à une rencontre avec les communautés du rhum, pour partager le fruit de leur travail dans toute sa beauté et sa simplicité. Comme le dieu Zaka, ces rhums de dégustation reflètent l’esprit de partage et de convivialité. A votre tour, partagez le secret ! Les Hommes : Zaka est une figure emblématique, qui symbolise cet appétit de rencontres, de proximité et de simplicité. La collection est née de l’envie de faire partager ces valeurs, cette culture de communauté, en créant un lien quasi spirituel entre le producteur et l’amateur de rhum. Le dieu Zaka est un filigrane de l’histoire du rhum. Le point de vue de l’habitant, son attachement au travail, à la terre, à sa culture. La passion du producteur, du maître rhumier, qui façonnent le produit et lui donnent sa noblesse à travers le temps. Ce sont ces points de vue, sans artifice, qu’expriment chacun des rhums Zaka en les faisant vivre pour chacun de nous. La dégustation : Les rhums Zaka se dégustent pur ou sur glace, afin d’apprécier toutes leurs caractéristiques gustatives ainsi que leurs superbes expressions. Zaka Panama, floral et épicé avec ses notes de violette, exprime son charme et sa complexité à travers la signature de son double-vieillissement. Quant à Zaka Mauritius, assemblage de pur jus de canne et de mélasse, révèle sa volupté, son élégance et son exotisme au travers de notes d’agrumes, fruits confits et vanille. Enfin, Zaka Trinidad propose une structure fraiche et florale, surprenant par son explosion de saveurs d’agrumes et de poire. ZAKA PANAMA - 70 CL - 42% ZAKA MAURITIUS - 70 CL - 42% ZAKA TRINIDAD - 70 CL - 42 % Distribution : l’explorateur du goût

IL EST COMMENT TON SALVADOR MON AMI PÉON ?

Parce que Jacques Bave ne sélectionne que le meilleur ! Même s’il ne s’agit pas d’une nouveauté, il fallait qu’on vous tienne informés de la poursuite des aventures de FAIR. Après un détour par l’Ovni Muscovado, ces péripéties s’arrêtent pour le moment en terres salvadoriennes avec un léger poids dans les années puisque ce rhum FAIR est dit XO. Il s’agit d’un blend de rhums ayant vieilli entre 3 et 6 ans dans des fûts de chêne américain ayant précédemment contenu du Bourbon. Ce blend provient de la seule distillerie, en activité depuis 1999, du Salvador, la “licorera Cihuatán”. Pour ceux qui débarquent, la canne à sucre utilisée tout en haut de la chaîne de production de ce rhum est labellisée commerce équitable. La marque FAIR s’appuie sur cette spécificité pour chacun de ses produits. J’oubliais, les rhums proviennent d’une colonne de distillation. FAIR SALVADOR XO 70 CL - 44% PVC : 40€ - Distributeur : LMDW

VALINCH ÇA M’ALLAIT MAIS VALINCH & MALLET UITVLUGT C’EST MIEUX !

Ce jeu de mot d’un goût douteux possède comme seule caractéristique d’être adéquat. Adéquat, oui parce que sûrement que ce rhum sera sold out, comme disent les gens in, au moment de la parution du magazine. Valinch & Mallet nous met donc à disposition quelques bouteilles de ce très beau et accessible - en termes de goût Uitvlugt 20 ans. Le vieillissement est le suivant : 10 ans en tropical, 10 ans en continental selon les manifestants, Deux ans en tropical et 18 ans en continental selon la police (manifestants étant le co-fondateur et police étant leur site web…). VALINCH & MALLET UITVLUGT 1998 20 ANS 70 CL - 59,2% PVC : 180€ Distributeur : LMDW

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EXCELLENCERHUM S’EMBOUTEILLE À TOUTES LES SAUCES !

Hum, pardon, on me dit dans l’oreillette qu’il n’y a aucun ajout de «sauce»... En cette fin d’année pas moins de quatre nouvelles bouteilles portent la mention : “L’alcool est à consommer avec modération”, euh pardon, la mention Excellence Rhum. Deux sont sous pavillon Plantation, dans le cadre du programme “Barrel Swap”, il y a donc le Jamaïca Clarendon 1999 ainsi que le Bélize 2009 vieilli en fût de merisier. Ce cher Excellence Rhum s’est donc approprié une partie des fûts de ces rhums et a fait apposer sa marque sur chacune des bouteilles, l’étiquette reste sous domination Plantationesque. Parlons donc plus particulièrement des deux embouteillages ExcellenceRhum par ExcellenceRhum. Durant les deux dernières années, Alexandre Beudet a beaucoup navigué en Caraïbes où le français n’est pas langue commune - mis à part sur ce moment d’égarement linguistique avec le Bellevue de Marie Galante- sur les 8 dernières cuvées. Aujourd’hui il est temps de crier haut et fort Cocorico - un peu comme ce coq qui chantait trop fort - et de réaffirmer son amour pour nos DOMTOM, deux cuvées donc : Martinique et Guadeloupe. La très hype Bielle et la très en vogue Maison La Mauny - comment ça ce sont des synonymes ? - sont donc à l’honneur avec toujours deux bruts de fûts, sans ajout de sucre ni de caramel. Des rhums d’apparence plutôt jeunes car avec trois et six ans sont-ils aussi turbulents que leurs âges laissent supposer ? Parlons technique plutôt que petite enfance ! Le martiniquais La Mauny est né en l’an 2015, il a vieilli intégralement en fût de Cognac, durant 3 ans, il s’agit d’un rhum vieux agricole AOC Martinique. Orange confite, épices, vanille, muscade, épices, encens, thé, épices, épices… Un rhum… épicé. 540 bouteilles au total ! Pour le Bielle, né en 2012, on passe sur un vieillissement en fût de Sauternes prestigieux -le château n’est pas précisé mais il y a quand-même marqué sur la bouteille YQM, hmmm, lui c’est plutôt fruits blancs, eucalyptus, agrumes, pain d’épices, amande et bois précieux nous dit-on. 307 bouteilles pour celui-ci.

EXCELLENCE RHUM BIELLE 2012 ET LA MAUNY 2015 70 CL - 59,2% POUR LE BIELLE / 62,8% POUR LE LA MAUNY PVC : 189€ et 89€ respectivement Distribution : Excellence Rhum

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RUM NATION FÊTE SES 20 ANS EN COFFRET

La sélection s’annonce Guatémaltèque, mélasse et colonne, 4 ans de vieillissement en ex-fût de bourbon au Guatemala. Puis viennent les 16 mois en ex-fûts d’Oloroso et de Pedro Ximénez en Italie. La carafe est de sortie pour l’occasion. RUM NATION GUATEMALA XO 20TH ANNIVERSARY COLLECTION 70 CL - 40% PVC : 70€ Distribution : LMDW

CARONI, THE LAST BUT NOT THE LEAST ! NOUVELLE SORTIE CARONI VELIER

Elle était trop tentante et quelle jouissance de la placer quand elle est justifiée ! Je parle donc de ce Caroni The Last qui arrive dans son dernier spectacle -en date- car le chant du cygne n’est pas pour tout de suite, vous vous en doutez. On pourrait faire le parallèle avec ces séries qui s’étirent à l’infini alors qu’elles auraient dû finir plus tôt ! Mais là ça ne serait pas justifié car le dernier Caroni, millésime 96, 23 ans d’âge, est bon, bon comme un jeu vidéo old-school qui n’aurait pas mal vieilli. Oui car on retrouve dans ce Caroni la patte qui nous avait fait tant aimer les Caroni 1992 et consorts, les vieilles “releases”. CARONI THE LAST - 70 CL - 61,9% PVC : 390€ Distribution : LMDW

DÉGUSTATION EN BANDE ORGANISÉE CARONI 23 TASTING GANG Assemblage de carburants légers et lourds, euh de rhums, tout s’est orchestré le 12 avril dernier par 23 aficionados de Caroni - le nombre 23. 22 fûts ont été assemblés. Pour parler un peu Curriculum Vitae, le petit Caroni Tasting Gang a grandi avant assemblage jusqu’en 2008 sur l’ile de Trinidad puis est parti s’installer en Guyane Britannique jusqu’en 2019. Il a sacrément maigri durant ces 23 tours de soleil puisqu’on nous dit que la part des anges a atteint 85 %. CARONI 23 TASTING GANG - 70 CL - 63,5% PVC : 350€ - Distribution : LMDW

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CARONI (ENCORE !) JE DEMANDE SARGE ET SLIPPERY !

La saga de la décennie reprend son cours avec la deuxième fournée de la collection Caroni Employees. Le rendez- vous est pris pour tous ceux qui font la collection des vignettes panini ... euh des rhums Caroni Velier. Au programme donc Kevon “Slippery” Moreno, 1998, 21 ans dans les tropiques et David “Sarge” Charran, 1996, 23 ans pour sa part. Rappelons que pour donner toujours plus de « sens » à un stock qui finit par fondre, Luca Gargano a eu la belle idée de partir à la recherche des anciens employés de la distillerie fermée, de les faire prendre en photo et de leur dédier à chacun une cuvée. Chapeau l’artiste !

CARONI EMPLOYEES - SPECIAL RELEASE VOL.2 70 CL - 69,5% POUR KEVON, 66,5% POUR DAVID PVC : 390€ et 410€ Distribution : LMDW

DES VISIONNAIRES, JE VOUS DISAIS ! EMB & MMW, OCTOGONE TROPICAL VS CONTINENTAL

Il fallait que ça arrive, le match de la décennie ! C’est Velier qui se charge d’organiser le combat, mais cette fois ça ne va pas finir comme ces deux oursons du 92 et 93 … Le match a bel et bien lieu, certains l’ont vu en Pay Per View durant le dernier Whisky Live. Alors peut-on parler de K.O d’un côté ou de l’autre ? C’est dur à dire tant on n’a pas été emballés par ce qu’on a pu goûter...Certains pensent que les tickets pour le match se vendront quand même - ou se sont déjà vendus ? - grâce au promoteur… Qu’en reste-t-il alors ? Une belle expérience qui plaira certainement à tout rum geek - ou Velier collectionneur qui se respecte - ou pas ? Hahaha...

BLACK TOT, NÉ D’UNE TRADITION ARRÊTÉE TROP TÔT

On commence sur les chapeaux de roue avec un jeu de mot original : certains d’entre vous se souviendront d’une précédente sortie de Black Tot dont le prix avait poussé à se pencher sur la raison du pourquoi du comment. Alors pourquoi est-on passé de 700€ et des poussières à moins de 50€, est-ce un pur produit de la délocalisation et de la mondialisation ? Est-ce une entrée de gamme à la sauce voiture-de-riche-mais-faite-en-plastique-donc-moinschère-à-produire ? Hé bien rien de tout ça, Elixir Distillers, après avoir commercialisé parmi les derniers stocks de ce rhum de marin, s’est “amusé” à s’en inspirer pour récréer un Black Tot moderne. 4 styles de rhums nés sur 3 territoires différents, Guyane Britannique, Barbade et Jamaïque ont été assemblés pour créer un rhum complexe. On nous dit qu’il y a eu 2 ans de R&D et 26 versions de Black Tot créées avant de parvenir à celle que nous sommes en train de siroter en ce moment-même. Avec son (ses ?) caractère, son degré d’embouteillage et son positionnement tarifaire, nul doute qu’il ne laissera aucun amateur de rhum de marbre - hein quoi ? c’est quoi un rhum de marbre ?. Non filtré à froid et non édulcoré. BLACK TOT - 70 CL - 46,2% PVC : 49,90€ - Distributeur : LMDW

VELIER JOINT BOTTLING AVEC E&A SCHEER 70 cl pour chaque MMW WEDDERBURN 11 ANS SVM TROPICAL AGING 69,1% PVC : 129€ MMW WEDDERBURN 11 ANS SVM CONTINENTAL AGING 63,9% PVC : 109€ EMB PLUMMER 14 ANS SVM TROPICAL AGING 69,7% PVC : 141€ EMB PLUMMER 14 ANS SVM CONTINENTAL AGING 64,8% PVC : 121€ Distribution : LMDW

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RHUMS DU MONDE EMBOUTEILLAGES OFFICIELS (OB) LE BAYOU TIRE AVEC UN SIMPLE BARILLET ! BAYOU SINGLE BARREL

NAGA RHUM SE FAUFILE DANS UN NOUVEAU FÛT

BAYOU - SINGLE BARREL - 70 CL - 40% PVC : 39€ - Distributeur : CBH

NAGA PEARL OF JAKARTA 70 CL - 42,7% PVC: 53€ - Distribution : Dugas

Oui, référence Guns, Louisiane, USA, Make Rum Great Again ! Barrel, c’est le fût mais c’est aussi le barillet d’un revolver ! Bayou c’est donc un rhum de mélasse, ellemême produite à partir de canne à sucre locale, c’est ensuite fermenté puis distillé en alambic à repasse. Ce Bayou Single Barrel est vieilli pendant 2 ans et demi, dans un fût de whiskey de seigle et c’est le premier batch, 001 ! Ce vieillissement lui apporte un caractère épicé exacerbé ainsi qu’un côté sec qui sera apprécié par les amateurs de rhums ... secs !

Naga, dans sa double finition -fût de jati et fût de bourbon-, on trouve ça quand même assez cool, mais il a fallu que des scientifiques fous s’en mêlent ! Naga Triple Wood est né, avec un vieillissement de douze mois supplémentaires dans des fûts de merisier. Y a de l’idée mais on trouve que le merisier est un poil trop prononcé malheureusement… probablement un ajustage à faire ?

TU M’AS VU GARS ? M’AS VU NO ? LE TITRE LE PLUS BARRÉ, POUR LE RHUM LE PLUS BARRÉ DE CE WHAT’S UP - MATUGGA MAVUNO 2018

En Swahili, Mavuno ça veut dire «la récolte», c’est aussi une édition limitée qui est âgée dans sa version 2018 en fût d’acacia. Mais avant tout, Mavuno c’est un rhum distillé 3 fois dans un alambic à repasse de 200 litres. Cette cuvée présente donc la particularité d’avoir été vieillie dans un fût d’acacia, arbre iconique de l’Afrique de l’Est, clin d’œil affiché puisque Matugga utilise des mélasses d’Ouganda. Il nous est précisé que ce rhum n’est pas filtré à froid, et aucun sucre ni colorant n’y a été incorporé. Par ailleurs, même si le rhum a donc été distillé et vieilli en Ecosse, les fûts ont été stockés dans la distillerie et pas dans le chai afin de bénéficier d’un vieillissement accéléré dû aux variations d’hygrométrie et de température. Avec Matugga, on sent le souci du détail et c’est certainement dû en partie à son co-fondateur Paul Rutasikwa qui s’est formé à la distillation à l’université de Édimbourg Heriot-Watt. Une belle aventure poursuivie en famille puisque l’autre co-fondatrice n’est autre que sa femme Jacine. MATUGGA - MAVUNO 2018 - 70 CL - 46% PVC : 51€ - Distributeur : Dugas

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RHUMS ARRANGES / SPICED

UNE TAMBOUILLE PSYCHÉDÉLIQUE DEAD MAN’S FINGERS HEMP

LE SUCRE C’EST LA FORCE ! TI ARRANGÉS DE CED’ ANANAS CARAMEL AU BEURRE SALÉ

Ne parler que de sucre et de force serait bien trop réducteur lorsqu’on s’affaire à traiter du sujet Ti Ced ! La marque s’est illustrée avec tant de créations, parfois conservatrices parfois innovantes et surprenantes, que le sucre et la force ne sont que des co-voitureurs sur la route du plaisir. La route du plaisir, elle, a pour destination Nantes, une nouvelle fois donc, avec un nouvel artisan mis à l’honneur par Cédric Brément et sa team, un maître Caramelier -à quand le maître kebabier dont on parle tant !. Qui dit maître Caramelier dit caramel ! Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont déjà fait du caramel maison et qui en connaissent -ou non- les subtilités et ceux qui sont restés vierges de toute casserole/poêle pourrie au caramel. Après tout, ne dit-on pas “heureux, le simple d’esprit” ? #traumatismecaramel. Anyway, la belle équipe a réussi à masteriser ce supplice/bonheur liquide et a eu la bonne idée de le mélanger à du rhum agricole AOC Martinique et à de l’ananas victoria mûr à point -un peu comme vous après une soirée passée à La Table du Loup #seulslesvraissavent. Après tant d’énergie mise dans cette brève j’aurais été tenté d’aller faire une sieste mais ça serait oublier de vous dire que le liquide a passé un temps en ex-fûts de Sauternes et ex-fûts de Cognac. A vous de jouer ! TI ARRANGÉS DE CED’ ANANAS CARAMEL AU BEURRE SALÉ 70 CL - 32% PVC : 39€ - Distribution : Dugas

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Affublée d’un packaging bizarre, il fallait que la marque aille plus loin. Plus loin comment, me direz-vous ? Plus loin en trois lettres, non, pas DMF mais bien CBD pour Cannabidiol, vous savez, «cette substance légale extraite du chanvre, qui ne contient pas de THC, la substance psychotrope». Hemp, de son petit nom, est donc le premier rhum aromatisé à base de chanvre et de CBD. Pour rappel Dead Man’s Fingers ça vient directement de la pointe SudOuest de la Grande Bretagne et c’est signé du restaurant Rum & Crab Shack, du rhum et des crabes. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? La recette c’est un assemblage de rhums caribéens et d’une sélection d’épices, le tout décliné en version aromatisée à la noix de coco ou au café. DEAD MAN’S FINGERS HEMP 70 CL - 40% PVC : 24,90€ - Distributeur : CBH

ALORS RIVIÈRE DU MÂT, LA PÊCHE ? LA BANANE PLUTÔT !

La famille des Arrangés de Rivière du Mât s’agrandit et accueille son petit nouveau : banane vanillée. Rhum de l’île de la Réunion, bananes macérées et épices sélectionnées, tournoient, s’assemblent et s’embouteillent pour le plus grand bonheur de ceux qui avaient été emballés par la gamme jusqu’ici. On nous promet de la banane flambée avec une pointe vanillée. Pour le reste, les caractéristiques restent les mêmes.

RIVIÈRE DU MÂT ARRANGÉ BANANE VANILLÉE 70 CL - 35% PVC : 16,20€ Distribution : Grandes et Moyennes Surfaces / Cavistes

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AUTOUR DU RHUM

LA HOT( TE) LISTE DU PÈRE NOËL Verres en cristal, tablier en cuir, boîte à cigares, flasque flanquée de sa boussole, livres et même livraison de babas au rhum à domicile... le père Noël a une pensée toute particulière pour les fidèles lecteurs de Rumporter.

Par Caroline Knuckey

HUMMEZ, RESPIREZ, SOUFFLEZ

Figurez-vous que la bougie du parfait gentleman est aux effluves de rhum et de safran ! Une trouvaille qui tombe à pic surtout lorsqu’elle est signée de la maison belge Baobab, le nec plus ultra de la bougie parfumée réputée pour ses écrins en verre « soufflé bouche ». Gentlemen, rhum, safran et labdanum, BAOBAB COLLECTION, à partir de 89 € (4 tailles disponibles) - www.baobabcollection.com

NE JAMAIS PERDRE LE NORD

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NON, PAS QU’IMPORTE LE FLACON !

Du cristal, rien que du cristal. Ce splendide set pour son rhum de prédilection, à ranger dans sa bibliothèque de verres. Coffret On The Rocks, 800 € et mixology set, 750 €, Colection Manhattan, SAINT-LOUIS - www.saint-louis.com

BIAISERIES

Il n’y a que les Anglais pour nous régaler d’une flasque avec boussole. Un bel objet qui peut s’avérer utile dans nombre de pérégrinations....

S’ils sont de biais, on n’en est pas pour autant biaisés. Voilà des verres dont on voudrait posséder la collection entière. Signée du designer danois Eva Solo et repérée chez Poliform, la marque italienne d’aménagement intérieur.

Flasque d’expédition, finition acier inoxydable avec boussole aux normes militaires, 66 €, DALVEY www.dalvey.com

Collection de verres à whisky, cognac, gin, liqueur, schnapps, martini, 29,95 € pièce, EVA SOLO www.evasolo.com

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CUBA SÍ ! DIEU EST UN FUMEUR DE HAVANES

Casa Cubana, la série de boîtes à cigares, en bois précieux de Sycomore, signée du tabletier Elie Bleu, multiplie ses déclinaisons. De la très belle ouvrage ! Boîtes à cigares, collection Casa Cubana, à partir de 2 153 € la boîte de 30 cigares (existe aussi pour 75 et 100 cigares), ELIE BLEU - www.eliebleu.fr

Pas besoin d’aller à Cuba pour se replonger dans l’âge d’or de l’affiche cubaine des années 1960 et 1970, période culturelle et politique propice à la création. L’expo que nous livre le Musée des Arts Décoratifs propose d’explorer cette effervescente production graphique à travers plus de 250 affiches. Avec le soutien de Havana Club International. « Affiches cubaines, révolution et cinéma », jusqu’au 2 février 2020. 107 rue de Rivoli, 75001 Paris. Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h. Nocturne le jeudi jusqu’à 21h). Entrée 11 € - www.madparis.fr

S’IL-VOUS-PLAÎT, RACONTE-MOI LES RHUMS

Comment s’y retrouver dans la jungle des rhums ? Parfois, une petite remise à niveau de ses arômes n’est pas de trop pour mieux les apprécier. Un peu comme un tableau qui ne se révèle tout à fait qu’une fois ses clés décelées... Kit de formation aux arômes du rhum, coffret contenant 24 flacons d’arômes couvrant le spectre aromatique qu’offre le rhum et un livret explicatif, 129 €, EXCELLENCE RHUM - www.excellencerhum.com

AMOUR ET FORTUNE

Avec Sucre Noir, l’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy nous entraîne dans une histoire de corsaires, d’explorateurs et de butin enfoui en mer des Caraïbes, avec pour héroïne une héritière de plantation de cannes à sucre... Sucre Noir, roman de Miguel Bonnefoy, 7,50 €, édition de poche Payot Rivages www.payot-rivages.fr

FÉTICHISME DE BON TON

Sortez le grand jeu avec le kit à cocktail en cuir de la maison grecque Pukka, affublé d’un de leurs tabliers dessinés par le bartender Teo Terzopoulos. Tablier à partir de 80 €, en cuir, denim, toile de coton, etc., roll-up en cuir pour kit à cocktail, 140 €, PUKKA www.pukka.gr

HEP GARÇON ! VITE UN BABA AU RHUM !

Et voilà que Jean-Baptiste Martinon accourt ! Fallait y penser ! Cette idée lumineuse va sauver bien des soirées en cette fin d’année. Pourvu qu’il n’en soit pas tout essoufflé ! Service de livraison de babas au rhum en courant avec des pâtisseries partenaires et solidaires, BABA AU RUN, prix sur demande. www.babaaurun.com - contact : 06 40 60 72 03

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FOCUS DISTILLERIE

S A I N T- J A M E S CARRÉMENT RHUM !

Leader du marché des rhums agricoles de Martinique dont il a été l’un des précurseurs, Saint-James offre la plus large gamme qu’une distillerie élabore actuellement. Mais il a fallu une longue histoire de plus de 250 ans pour arriver à cette réussite incontestable… avec une bouteille carrée exclusive !

Par Gilbert Delos Photos de Laurent Ardhuin

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on nom exact est : Les Plantations SaintJames, utilisé depuis au moins le 18ème siècle… sans que son origine soit clairement définie et historiquement prouvée. Car ce n’est pas un lieu-dit voire une commune de Martinique, et encore moins celui d’une habitation (comme on appelle un domaine dans l’île) voire d’une distillerie. Et il n’y a jamais eu de «Sir Saint-James» pour présider à la destinée de cette marque avant tout commerciale. Tout au plus est mentionnée dans l’histoire officielle l’existence d’un certain amiral britannique, du nom de Saint-James, qui aurait séjourné longtemps dans les environs de Saint-Pierre, à l’époque où ce port était la capitale de la Martinique. Mais les chroniques n’ont rien retenu d’autre à propos de son existence, et de son rapport avec les tafias de l’époque. Il semble davantage établi que ce nom ait été choisi pour séduire la clientèle britannique, à une époque où un décret de 1713 interdisait la commercialisation des rhums antillais vers la France, afin de protéger le cognac ! De plus, la Martinique fut pendant un temps colonie britannique. Et le nom, déjà en vigueur en 1765, avait une autre raison de plaire aux Anglais, puisque c’était celui du palais abritant leur roi et son administration, bien avant Buckingham Palace. Reste que ces rhums auraient pu tout autant s’appeler Trouvaillant, Sainte-Marie, Paulin ou Lambert… comme quoi, avant que n’interviennent les experts en marketing, le hasard faisait bien les choses dans la réussite d’une marque.

UN HÔPITAL EN QUÊTE DE CHARITÉ L’histoire de Saint-James commence dans un hôpital, installé à Saint-Pierre au milieu du 17ème siècle pour soigner prioritairement les troupes royales. Il est confié en 1685, après quelques errements, aux Pères de la Charité, un ordre hospitalier qui prendra le nom – plus connu – de Saint-Jean-de-Dieu, en 1790. Les frais de fonctionnement doivent être couverts par des subsides royaux, mais aussi par une partie des taxes prélevées dans les débits de boisson ! Toutefois, les sommes promises par le roi font se faire longuement attendre ; aussi, en bons gestionnaires, les Pères vont essayer d’avoir des ressources propres. Cela passe par des maisons et des magasins, puis des domaines agricoles qu’ils reçoivent par dons. Mais, comme on est aux Antilles, la principale richesse à l’époque est le sucre, et c’est donc assez naturellement que les religieux disposent de sucreries. La première est située à Saint-Pierre même, mais leur domaine va vite se développer à 2 km de là, dans un lieu appelé Trou-vaillant, peut-être qu’il fallait beaucoup de … vaillance pour l’atteindre par un chemin très escarpé. Sur le site, subsistent encore une partie des anciens bâtiments. Car, bien sûr, les religieux produisent du sucre mais aussi des mélasses, qui vont être exportées pour devenir ce qui est appelé tafia avant de devenir du rhum. Car c’est plus rémunérateur encore que le sucre et, pour conserver un peu de moralité à leurs activités, ils peuvent soutenir que le tafia peut aussi soigner leurs malades. Ne s’agit-il pas d’une «eau-de-vie», après tout ? L’origine de Saint-James est officiellement datée de 1765, comme en témoigne une plaque retrouvée au Trouvail-

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lant, qui rend hommage au supérieur de la communauté, le père Edmond Lefébure, pour avoir édifié la sucrerie. Saint-James était déjà utilisé comme désignation de cet alcool, vendu à l’époque en contrebande sous un nom pouvant dissimuler ses origines un peu trop françaises. Il a été aussi écrit – sans que cela soit prouvé - que le père Lefébure serait originaire d’un village de France appelé Saint-Gemmes ou Saint-James… Un inventaire de 1777, fort détaillé, précise qu’au Trouvaillant est installée une «vinaigrerie ou guildive» équipée d’un alambic ainsi qu’à proximité une «case à tafia» contenant quatre «fûtailles» d’une capacité totale de 6 500 litres. Cet inventaire précise surtout qu’étaient conservées dans cette case trois productions différentes : du tafia, de l’esprit de tafia et du rhum ! Ce qui prouve déjà un souci de qualité, même si les explications manquent quant aux méthodes utilisées pour les obtenir. Arrive la Révolution française et ses grands changements, y compris en Martinique. A Saint-Pierre, les Pères de la Charité perdent leurs possessions, cédant la place aux représentants de l’État. Et ceux-ci donnent le domaine foncier – et aussi les activités qui s’y trouvent, notamment la sucrerie et la distillerie à un bailleur privé. Ironie de l’histoire, le premier d’entre eux, Edouard Henry, n’est autre que l’ancien supérieur des Pères de la Charité, par ailleurs franc-maçon ! Sous sa direction, le domaine de Trouvaillant va prospérer, comme en témoigne l’état rédigé en 1828 lors de la nomination du nouveau bailleur. Tout au long du 19ème siècle, les bailleurs se succèdent avec des résultats plus ou moins satisfaisants, tandis que l’abolition de l’esclavage provoque de profonds changements dans l’organisation économique de la Martinique. Le domaine de Trou-Vaillant est passé des mains de l’État à celles du conseil général de la Martinique, mais la fin de la main d’œuvre quasi-gratuite rend sa gestion de plus en plus difficile, source de nombreux problèmes. Rien d’étonnant alors qu’en 1861, le domaine soit privatisé, acheté aux enchères par Paul de Grottes et ses trois fils. C’est aussi une période de grands changements technologiques, avec le développement des alambics à colonne, plus productifs, et économiques : les petites sucreries installées directement dans les domaines agricoles cèdent la place à des unités plus importantes, qui centralisent la production de toute une région. En cette fin de 19ème siècle, la Martinique est devenue le premier producteur mondial, fournissant le tiers de la consommation de rhum dans le monde entier, et doit importer des mélasses de Guadeloupe ou d’ailleurs. Le phylloxéra et autres maladies de la vigne ont permis au rhum de supplanter les eaux-de-vie viticoles, et l’on compte sur l’île 190 distilleries en 1882. Cette prospérité va entraîner l’apparition de nouveaux intervenants, et d’abord aux Plantations Saint-James.

DE PAULIN LAMBERT À SAINT-JAMES Né en 1828, François-Paulin Lambert est un self-made man parti de rien. Cuisinier de métier, il est attiré par la mer et s’embarque jeune pour aller jusqu’aux Antilles,

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ment de la qualité de ses provenances, Paulin Lambert devient lui-même propriétaire, achetant en 1890 par devant notaire l’habitation du Trou-Vaillant et sa distillerie. Un peu plus tard, ce sera un autre domaine, appelé Beauséjour ou Daguerre, qui devient sa propriété. Il peut ainsi commercialiser ses propres rhums, qu’il va faire connaître par un recours massif à la publicité, en métropole et aussi à l’étranger, comme en Argentine par exemple. Sa réussite vaudra à Paulin Lambert bien des imitateurs – notamment pour sa bouteille carrée – qu’il poursuit sans faiblir devant les tribunaux. Et la première représentation qui nous soit parvenue, publiée dans l’Illustration du 13 mars 1886, montre les plantations de canne à sucre au-dessus de Saint-Pierre, surmontées par un immense panneau «St James» à la manière d’Hollywood, et qui, pendant plusieurs décennies, servira de repère aux marins voguant au large.

MIRACULÉS DE SAINT PIERRE En 1902, la Martinique est bouleversée par l’éruption de la Montagne Pelée, qui va entièrement dévaster la ville de Saint-Pierre, tuant près de 30 000 personnes et laissant en ruines la plupart des distilleries que compte la ville. Mais, située dans une ravine plutôt protégée, celle du Trou-Vaillant est seulement recouverte de cendres, et sera

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où il arrive avant même d’être adulte. En bourlinguant, il découvre progressivement l’organisation du commerce du rhum, depuis la production jusqu’à sa distribution en métropole, et s’installe par la suite comme négociant importateur. Comme ses confrères, il fait venir des rhums en tonneaux des Antilles françaises et anglaises, qu’il met en bouteilles en métropole et commercialise sous différentes appellations, dont le «rhum P. Lambert» provenant de la Martinique. Mais il a le souci marqué de se différencier de ses concurrents. Ainsi, en 1882, il dépose son modèle de bouteille à section carrée, plus facile à stocker et présentant moins de risque de casse lors du transport. Cela se vérifiera amplement lorsque l’embouteillage sera réalisé en Martinique. La même année, c’est la marque «Rhum des plantations de Saint-James» qu’il dépose au greffe du tribunal de commerce de Marseille, en soulignant leur «vieille réputation dans les Antilles à leurs rhums placés au premier rang pour leur finesse et leurs arômes». Car Paulin Lambert, bientôt rejoint par ses fils Eugène et Ernest, a avant tout le souci de la qualité de ses productions. Il est en effet l’un des premiers à développer la technique du vesou chauffé – dont l’inventeur n’a jamais été identifié – sorte de pasteurisation rapide (avant l’heure !) qui élimine les bactéries nuisibles et assure un meilleur contrôle des fermentations, donnant au final une eau-de-vie plus constante en aromatiques. Aussi, pour s’assurer totale-

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rapidement remise en état de fonctionnement. Pour les fils Lambert – leur père décède en 1905 – il faut donc diversifier les approvisionnements en achetant plusieurs autres habitations distillant du rhum : Rivière-Blanche en 1911 ; Acajou au Lamentin en 1912 ; Fonds-Bourlet à Case-Pilote en 1929. La Première Guerre Mondiale va provoquer une véritable euphorie rhumière aux Antilles, et plus particulièrement en Martinique. Entre les besoins de l’armement (l’eau-de-vie est indispensable pour produire de la poudre à canon), les rations servies aux poilus et l’interdiction de l’absinthe en 1915, la production atteindra en 1919 183 000 hectolitres d’alcool pur, sans compter les distillateurs clandestins. Et Saint-James, pendant les quatre années de guerre, vendra annuellement jusqu’à deux millions de litres de rhum. Après 1920, le marché du rhum s’effondre, entraînant de nombreuses faillites, mais Saint-James tient bon, s’étant même doté d’une seconde distillerie et se remet à produire des millésimes, dont il fut un précurseur tout comme des « crus » en rhum. Sa notoriété devient mondiale, et atteint même des pays comme la Chine et l’Indochine, où se vend avant-guerre un bon

million de bouteilles. La famille Lambert contrôle SaintJames jusqu’en 1955, date à laquelle la veuve d’Ernest vend l’entreprise à un groupe de financiers de la métropole dirigé par M. de Vibraye, sous le nom de Société d’Investissement des Caraïbes. Une page se tourne…

ET LES PLANTATIONS SAINT-JAMES DEVIENNENT… MARTINIQUAISES ! La Martinique est alors à un tournant important, pour ne pas dire une véritable révolution de son système économique. Ses sucreries traversent une mauvaise passe qui finira par les faire péricliter. En raison de coûts de production (notamment les salaires) plus élevés que bien d’autres pays, elles ne trouvent plus d’acheteurs et cessent progressivement leurs activités. D’où un manque croissant de mélasses pour les distillateurs de rhum industriel, qui sont de plus interdits d’importations. Et la canne à sucre, de moins en moins rentable, cède du terrain face à la culture de la banane et de l’ananas. Les distilleries martiniquaises

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sont contraintes à se tourner vers le rhum agricole à base de jus (le vesou), qui ne se vend que sur place. Bien que plus qualitatif par sa richesse aromatique, il faudra beaucoup d’efforts pour l’amener à une véritable reconnaissance, en métropole puis à l’exportation, concrétisée par l’Appellation d’Origine Contrôlée obtenue en 1996 après des années de démarches auprès de l’administration. Les ambitions des nouveaux propriétaires de SaintJames, fondées sur la modernisation des infrastructures et la diversification (distillation de plantes aromatiques) ne sont pas couronnées de réussite, loin sans faut. Aussi, en 1965, dix ans après le rachat à la veuve Lambert, la société d’investissement des Caraïbes est contrainte de se déclarer en faillite. Mais il y a un repreneur : Picon, son distributeur en France, pour qui les rhums Saint-James sont d’un intérêt essentiel. Mais toute la structure industrielle doit être revue. Une solution se profile grâce à une entente passée avec la famille Despointes, qui possède une sucrerie à Sainte-Marie, sur la côte est de la Martinique. Avec l’effondrement du marché du sucre, l’idée est de convertir cette sucrerie en distillerie de rhum agricole. Ce qui va prendre beaucoup de temps… Toute la production de Saint-James est, pour un temps, recentrée à Saint-Pierre, les autres sites étant fermés et les terres vendues. Par ailleurs, Picon est rachetée par Cointreau, ce qui donne plus de moyens pour créer la distillerie de Sainte-Marie. Celle-ci est finalement mise en service en 1974, avec inauguration le 23 décembre par le Premier ministre de l’époque, à savoir Jacques Chirac en personne, prouvant une fois de plus son attachement à l’outre-mer. Avec cette nouvelle unité de production, Saint-James se relance complètement sur le rhum agricole en partant sur de nouvelles bases. Dans cet outil moderne, il n’est plus besoin de faire chauffer le vesou, ce qui permet de traiter ce jus au maximum de sa fraîcheur. Par ailleurs, profitant du retentissement entraîné par la création de la nouvelle distillerie, Saint-James entreprend de reconquérir des positions sur le marché… martiniquais. Car depuis les années 50, il était quasiment impossible de trouver ses rhums dans les magasins ou les bars de l’île, tout partant à l’exportation. La dernière étape dans la vie de l’entreprise est son rachat en 2003 par La Martiniquaise, une sorte de retour aux sources particulièrement symbolique. L’entreprise, fondée en 1934 par Jean Cayard, est devenue au fil des années un leader dans l’univers des spiritueux, avec le porto Cruz, les whiskies Label 5, Glen Moray, Glen Turner et récemment Cutty Sark, la vodka Poliakov, les pastis Duval et Casanis, les jus de fruits Caraïbos et bien d’autres liqueurs, apéritifs et eaux-de-vie … Et aussi des rhums, le premier métier de La Martiniquaise avec Depaz, Dillon, Bally, Bellevue, Montebello, Rivière du Mât, Old Nick et Negrita. C’est dire si Saint-James se retrouve aux mains d’experts de la filière rhums.

UN LEADER À LA POINTE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE Aujourd’hui, la distillerie Sainte-Marie est la plus importante de Martinique pour la production de rhum agricole.

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Entre 70 et 90 % de ses besoins en cannes proviennent des 250 ha de terres appartenant en propre à Saint-James, le reste étant fourni par de petits producteurs situés sur la façade atlantique, la mieux arrosée par les alizés, mais aussi suffisamment proches de la distillerie pour que le délai entre la coupe des cannes et leur traitement ne dépasse pas les 24 heures. La fermentation du vesou se déroule dans 24 cuves inox de 48 000 litres pendant 36 heures en moyenne, équipées de serpentins en cuivre où circule de l’eau de rivière pour maintenir une température de fermentation entre 38° et 40°. Pour la distillation du «vin» obtenu (qui titre entre 4 et 5° d’alcool) sont utilisées 6 colonnes de type créole à condenseurs en cuivre. Puis l’eau-de-vie titrant 70 à 73 % d’alcool prend le chemin de grandes cuves pour six semaines de repos où elle est brassée et aérée afin d’éliminer des composés volatiles trop âcres. Le rhum blanc peut alors être mis en bouteille, à différents degrés obtenus par ajouts d’une eau la plus neutre possible. Le reste va subir un affinage ou un vieillissement selon deux catégories : les «élevés sous-bois» passent entre douze et 18 mois dans une soixantaine de grands foudres en chêne français d’une capacité de 33 000 litres ; pour les rhums «vieux», l’eau-de-vie séjourne dans des barriques de moins de 650 litres (selon la législation de l’AOC Martinique) mais à Saint-James, il s’agit essentiellement de fûts de bourbon), d’une capacité ne dépassant pas les 220 litres. Ils restent entre trois et six ans pour la majorité d’entre eux, mais cela peut atteindre les 15 ans, voire plus pour des cuvées élaborées en quantité très limitée. Avec un parc de plus de 15 000 fûts, Saint-James possède le plus important stock de rhum agricole aux Antilles françaises. Et sa production annuelle moyenne tend vers les 4 millions de litres à 55 % d’alc.vol. Pour les produire, il a fallu récolter aux alentours de 40 000 tonnes de canne à sucre, et la capacité de stockage de l’usine est de près de 8 millions de litres ! Tout aussi intéressant pour les amateurs, il est important de souligner (cf l’interview de Marc Sassier en pages suivantes) que Saint James, via la volonté de son actionnaire, est a la pointe des techniques de développement favorables à l’environnement. La distillerie de Sainte Marie est ainsi la seule de l’île à posséder son méthaniseur et a même pu faire profiter de son savoir-faire en la matière à sa distillerie sœur Rivière du Mât à la Réunion. De la production de la canne à celle d’énergie, Saint James a créé un écosysteme circulaire autonome qui est sain et devrait servir de modèle dans l’industrie. Ainsi, on mesure toute la différence entre la petite «vinaigrerie» du père Lefébure et le gigantisme du site de Sainte-Marie, qui s’étend sur plusieurs dizaines d’ha. Mais la continuité existe dans le souci de la qualité et de la finesse des rhums élaborés. En témoigne les musées construits sur le site : celui du rhum (le premier en Martinique) abrité dans une maison créole datant de 1872, celui de la distillation (ouvert en 2010), et tout récemment l’ouverture de l’habitation La Salle (voir pages suivantes) qui initient plus de 100 000 visiteurs par an au passé de l’eaude-vie martiniquaise et à ses méthodes d’élaboration.

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LA SALLE EST UN LIEU CHARGÉ D’ HIS TOIRE AVEC L A PIERRE , LE FEU, LE BOIS… »

Interview de Marc Sassier Directeur de la distillerie Saint James, Président de l’A.O.C. Martinique et Président des IG Françaises

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par Cyrille Hugon

Rumporter : 2019 a été une année faste pour la distillerie avec notamment en plus des affaires courantes, le lancement d’un bitters aromatique remarqué et l’ouverture de l’habitation La Salle. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce projet et sa finalité ? Marc Sassier : L’habitation La Salle jouxte les plantations Saint-James et nous l’avons acquise pour notamment augmenter la surface de nos chais. Il subsistait les anciens vestiges de la sucrerie et lors de leur rénovation nous avons trouvé, enterrés sous une couche de terre et de gravats, les restes d’une habitation sucrière du 17ème sur le type du Père Labat (présent à la même époque à Fonds SaintJacques à Sainte-Marie). Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir les châssis d’un alambic, d’une batterie de

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chaudière, des foyers complets avec les deux modes à la française et à l’anglaise, la base de la cheminée, et tout un réseau souterrain empierré d’évacuation des eaux, un bassin de rétention pour alimenter les roues à aubes… C’est à partir de ce moment-là qu’est née l’idée de rendre au site toute son histoire, ce qui a tout de même nécessité près de 4 ans ! C’est endroit est unique en Martinique. Ainsi à quelques centaines de mètres l’un de l’autre, le visiteur pourra renouer avec le passé du rhum d’habitation à La Salle et découvrir le rhum agricole dans sa production actuelle sur le site de Saint James. Rumporter : Le spiritourisme est un axe stratégique de développement pour la Martinique, qu’est-ce qui est

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mis en œuvre collégialement au niveau de l’île que ce soit via la région ou au niveau de l’interprofession ? MS : En ne considérant que les spiritueux, la Martinique est la première région du spiritourisme en France. S’agissant d’un axe important, son développement a été initié depuis longtemps par les producteurs de rhum qui ont aménagé leurs sites en ce sens avec chacun une évocation différente donnant une pluralité d’approches et une identité pour chaque marque. Ces investissements se poursuivent, ainsi La Salle pour le plus récent, mais ce n’est pas le tout d’avoir des sites faut-il encore le faire savoir et le faire découvrir. C’est là où le spiritourisme a eu un essor récent, initié par la profession, pour faciliter la venue des touristes sur ment des vinasses de rhumerie. Ainsi avec cette phase nos sites à partir des points d’entrée que sont le port et anaérobie de méthanisation, la baisse de la demande en l’aéroport. Enjeux stratégiques de développement qui a eu oxygène, de plus de 80%, est complétée par une phase rapidement l’adhésion des élus, mais aussi de tout le tissu aérobie réduite pour abaisser le solde et ne laisser que économique. Mais cela suppose un engagement financier quelques pourcents maximums. Les résidus propres important et les rhumiers veulent rester dans le comité de sont épandus dans les champs comme fertilisants. Ce pilotage, aussi en premier lieu, nous mettons en place un n’est là que le traitement de la vinasse. Notre profession parcours des distilleries avec une distinction entre rhums est depuis longtemps engagée dans le développement agricole A.O.C. qui peuvent employer terminologie et durable. La canne en elle-même est une plante « duallusion à la Martinique et ceux qui ne le sont pas pour rable » par nature. En C4, elle fixe plus de carbone que qui cela est interdit et des lieux historiques non-producd’autres plantes, on l’appelle « puits à carbone ». Avec les teurs. A ce parcours s’associera tout un fléchage et des 4 000 ha plantés en Martinique, panneaux spécifiques sur les on fixe par an l’équivalent de routes et les sites de la Marti25% de la pollution atmosphénique puis ensuite sera étudié « La Martinique est la première région rique des voitures de l’île en l’environnement (hôtels, restaudu spiritourisme en France » dioxyde de carbone. En outre, rants…), avec une charte pour la canne a une réflexion de la homologuer nos partenaires chaleur qui est favorable à un dans l’esprit de notre spiritourafraîchissement de l’air ambiant. Plantons de la canne ! A risme. cela s’ajoute un flux variétal continu sans OGM, une lutte biologique instaurée depuis la fin des années 70, amenant, Rumporter : Pour revenir à La Salle, l’inauguration de en Martinique, à l’absence de traitements insecticides, l’habitation s’accompagne de la sortie de deux noufongicides ou nématicides. Seuls subsistent quelques hervelles cuvées, un VSOP et un XO. Vous connaissant, bicides, avec un indice de fréquence de traitement annuel vous n’avez pas dû vous contenter d’embouteiller du (IFT) de 2 contre 40 pour la pomme, par exemple. Les Saint James sous une nouvelle étiquette. Pouvez-vous amarres de canne servent de complément alimentaire pour nous en dire un peu plus sur ces deux rhums ? les animaux en période de sécheresse pendant la récolte, MS : La Salle est un lieu chargé d’histoire avec la pierre, le feu, le bois… Il nous fallait donc créer une gamme à part, l’ensilage de la paille de canne est utilisé pour l’alimentation des ovins-caprins dans sud de l’île, la bagasse est emavec des produits à l’image de cet enracinement et de son héritage. Ainsi, nous avons élaboré des rhums assez masployée comme ingrédient de compost ou source d’énergie ! sifs avec un boisé bien marqué qui amène la longueur de Saint James utilise sa bagasse pour fournir la vapeur des ces cuvées, avec un VSOP assez suave alors que le XO moulins et faire fonctionner les colonnes à distiller éviprésente une charpente plus prononcée et corsée. tant l’apport d’autres types d’énergie. Par l’adjonction de tours aéro-réfrigérées, la rhumerie optimise son recyclage Rumporter : Nous parlons souvent ensemble, ces derd’eaux usées, les lies de fermentation sont filtrées… C’est niers temps, de développement durable. Votre maison un cumul de diverses actions qui amènent vers un dévemère La Martiniquaise semble en avoir fait une prioloppement durable et qui sont également génératrices de rité, que ce soit à La Réunion (voir l’article de Fabien nouveaux emplois dédiés. Cependant la médaille à un Humbert dans le dossier) ou en Martinique et en Guarevers, car ces surcoûts ne sont pas négligeables, ainsi les deloupe. Pouvez-vous nous détailler ce que vous avez coûts de dépollutions, soit environ 20% du coût de revient, été amenés à mettre en œuvre au Cours de la décennie représentent à eux seuls ceux les de productions de certains pays tiers.. écoulée à Saint James plus précisément ? Qu’en est-il A quand l’obligation d’application de ces règles dans les de la problématique de traitement des fumées apparue pays tiers ? C’est là un des problèmes français et eurorécemment ? péen, de définir des règles peu appliquées aux produits MS : La Martiniquaise est la seule société en Marimportés. On pourrait parler ainsi des conditions du bio tinique qui emploie des méthaniseurs pour le traite-

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L’ habitation La Salle reproduit à l’ identique une sucrerie vinaigrerie du 18ème. Un bijou qui a demandé 4 ans de travaux et employé de nombreux compagnons artisans.

MS : Au regard des éléments déjà fournis plus haut, nous contre celles de pays d’Amérique latine, si lointaines des employons des herbicides dans les premiers mois de nôtres. Nous avons également de nouvelles normes eurocroissance pour donner le temps à la canne d’assurer le péennes où la France va au-delà de ce qui est demandé. couvert végétal sur les autres graminées. Le désherbage Ainsi, pour le traitement des fumées, certainement par est essentiel pour assurer le tonnage final, car un jour méconnaissance de la bagasse, nous nous voyons applide retard de désherbage c’est 400 à 500 kg de sucre par qués les normes les plus restrictives alors que l’Europe hectare de perdu (Marnotte, INRA, Réunion). Et il nous prévoyait des spécificités. On ne parle pas d’aller contre manque le meilleur désherbant le texte, mais de bon sens et de du vieux continent, l’hiver. pondération, car pour quelques Si pour l’inter-rang cela reste microgrammes nos chaudières « Les planteurs de Martinique possible mécaniquement par seraient toutes à changer, plus sont très inquiets de leur avenir » contre dans le rang cela devient de 40 millions d’euros pour vite une gageure, car ce n’est nous avec 2 ans d’immobilisapas comme dans des cultures tion. Avec sûrement un passage pérennes comme la vigne où il y a toujours le cep au aux produits pétroliers car eux, très curieusement, sont même endroit. Les tiges poussent en tous sens sur une beaucoup moins contraints ! Les bateaux de croisières au bande assez large, et c’est problématique. La solution du port de Fort-de France dégagent plus de particules lors désherbage chimique permettait jusque-là d’y remédier d’un passage que l’une de nos distilleries en une camavec des produits très spécifiques, car la canne est de la pagne ! Et on ne parle pas des voitures des particuliers. même famille que les graminées à évincer. L’Asulox est Nous avons donc demandé récemment que soit appliquée un de ces produits, qui au moment de sa revente n’a pas la clause de spécificité du texte européen et que la bagasse fait l’objet de ré-homologation en Europe. Ce produit doit y soit traitée à part entière. donc repasser tous les tests nécessaires des normes européennes. Après l’obtention des résultats, les planteurs de Rumporter : Nous avons également abordé la quesla Martinique avaient demandé une dérogation puisqu’il a tion de l’herbicide Asulox dont l’autorisation n’a jamais été prouvé par l’ANSES (ndlr : Agence nationale de sécuété renouvelée en Europe et pour lequel les Dom-Tom rité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du avaient une dérogation jusqu’en 2018, dérogation non travail), organisme des plus sérieux en Europe, que cette obtenue cette année-là. Compte tenu du contexte glomolécule répondait aux critères européens et que des débal de défiance vis à vis des produits phytosanitaires, rogations étaient déjà demandées par des pays comme la que la dérogation peut ne jamais être à nouveau accorSuède, le Danemark, la Belgique, l’Ecosse, la France sur dée, qu’avez-vous (les planteurs et vous) mis en œuvre d’autres cultures. L’homologation du produit présentée pour opérer un désherbage sans produits chimiques ?

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par l’Ecosse est d’ailleurs en cours de traitement. Malgré cela, la défiance a été portée en Martinique en comparant cette molécule à la Chlordécone (insecticide) qui en est pourtant très éloignée et pour un usage complètement différent. A l’époque la DGAL (ndlr : Direction générale de l’alimentation) nous a promis monts et merveilles pour nous aider à trouver des financements, mais ce sont encore d’autres monts à gravir. Et nous nous retrouvons seuls. Quant à trouver du personnel pour un arrachage manuel, c’est un parcours du combattant, on doit même envisager des embauches étrangères avec pourtant un taux de chômage élevé. Avec la Commission Rhum I.N.A.O. nous avons discuté de ces problèmes, car pour cette institution aussi il faut rentrer dans des mesures agro-environnementales. Force est de constater que nous avons tenté à peu près tout ce à quoi ils avaient pensé sans succès ! Rumporter : Pensez-vous que le gouvernement actuel fait tout ce qu’il peut pour accompagner les agriculteurs dans cette nouvelle révolution culturale ? MS : A Paris, entre dans les salons, on parle de « demandes sociétales », quand on ne donne pas les moyens et le temps d’y parvenir. D’avoir été bon élève depuis des années avec

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une lutte biologique, en n’ayant plus que quelques herbicides cherché depuis 2009 on cherche des solutions alternatives, cela ne compte pas. Et les quelques rares hectares en bio (moins de 0,2% !), les quelques robots, malheureusement inefficaces dans nos contrées, sont utilisés pour mieux cacher notre forêt de mauvaises herbes. Car ce ne sont pas aujourd’hui des solutions viables, avec un rendement où il ne reste que 40%, avec des coûts de revient multipliés par 5 ou 6 selon les années et le climat, comment le planteur pourrait-il survivre ? Ceux de Martinique sont très inquiets de leur avenir, du devenir de leurs plantations, d’être abandonnés par des décideurs si éloignés des réalités de terrain même si nous prenons très à cœur de sauvegarder notre patrimoine. Il est vital de conserver nos aides actuelles et sensibiliser ces mêmes décideurs pour demain. La Métropole, historiquement, a toujours représenté le premier marché des rhums français, car à l’export ils ne représentent qu’une part infime de la consommation. Il faut maintenir cet équilibre sous peine de voir les rhums tiers gagner du terrain et petit à petit avoir un impact sur nos surfaces agricoles cannières, nos distilleries, notre tourisme et nos emplois. En final, le consommateur français ou européen acceptera-t-il de payer la différence ou ira-t-il vers des produits importés exempts de tout cela ?

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" DIAMOND ROCK EST UN RHUM FESTIF, ROCK N ’ R O L L , AUSS I DOUX Q U ' U N SI M AIS AVE C L A P UISSANCE D' UN DO "

H A B I TAT I O N D U S I M O N , L E F R A N Ç O I S , M A R T I N I Q U E / W W W. R H U M - A 1 7 1 0 . C O M

L'ABUS D'ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ À CONSOMMER AVEC MODÉRATION

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HOMO SACCHARUM

Entretien avec Jason Glaser, fondateur du réseau La Isla Network Par Cyrille Hugon

* Repos, eau et ombre

“RE S T, WAT ER AND SHADE ,” O N V O U S D I T !*

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ason Glaser fait partie de ces individus qui par leur seule volonté et leur opiniatreté, changent le monde. Il y a deux ans, Rumporter avec son soutien avait enquêté sur ce que, par facilité, nous avions appelé la maladie des coupeurs de canne. Deux ans et un happy end nicaraguayen plus tard, Jason nous explique en quoi sa mission n’est pas prête de finir. Jason n’est pas à proprement parler un homme du rhum mais il a toute sa place ici. Chapeau l’artiste ! Rumporter : En 2018 nous avons fait paraître un dossier fourni qui s'inspirait largement de votre travail dans la lutte contre une maladie rénale (le CKdu) et qui se focalisait sur le Nicaragua. Dans nos conclusions, nous n’avions pas totalement disculpé ni l’Ingenio San Antonio ni SER, le propriétaire de Flor de Caña, qui ne se sont peut-être pas occupés asez tôt du problème, et ce pendant trop longtemps. Mais, peu avant la publication de ce dossier, vous avez noué un partenariat avec eux et vous vous montriez très optimiste. Pouvez-vous nous raconter ce qu'il s'est passé ces derniers mois ? Jason Glaser : Depuis nos premières prises de contact, nos relations se sont complètement inversées. Nous avons maintenant affaire aux employés du moulin San Antonio tous les jours, et la Adelante Initiative avance dans la bonne direction. Nous sommes parvenus à un niveau de confiance et de transparence qui, étant donné les rapports compliqués qu'avaient les deux organisations dans le passé, mériterait de faire l'objet d'une étude de cas à présenter dans les cours sur le développement durable et les écoles de commerce. La détermination que manifestent l'équipe responsable de la santé, la direction du moulin, le sommet de la hiérarchie et le conseil d'administration fait que nos actions bénéficient du soutien et de la participation de toute l'organisa-

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tion. Nous avons là un modèle de bon leadership. Lorsque Ricardo, le PDG de SER, et moi-même nous sommes enfin rencontrés, nous avons tout de suite su que nous serions des alliés dans le futur. Nous avons immédiatement vu comment nous allions pouvoir, pour régler le problème, exploiter ce que les deux organisations offraient de meilleur. Peu de temps après, cette alliance s'est traduite par des actes. Ricardo a même trouvé un financement indépendant pour maximiser l'impact qu'aurait l'étude que nous allions mener ensemble. Nous entretenons des relations de travail où, lorsque les problèmes surviennent (comme cela arrive dans tout projet d'envergure), nous les résolvons ensemble en quelques minutes via WhatsApp. C’est remarquable. A mon avis, toutes les entreprises qui se préoccupent sérieusement de développement durable et de santé au travail devraient faire en sorte que leur PDG s'implique directement dans leur programme phare. Lorsque l'équipe dirigeante est impliquée, cela change tout. Si quelqu'un m'avait dit, il y a deux ans, que nous en serions là où nous sommes parvenus dans le cadre de la Adelante Initiative, je me serais poliment retiré et j'aurais appelé la police pour lui dire qu'un fou à lier était en liberté... Les résultats obtenus ont dépassé tous nos espoirs. En ce qui concerne les relations entre les deux parties, il y a un degré de confiance important et la conviction parta-

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fin. Il faut que ce soit un effort collectif et une responsagée de pouvoir gérer ensemble tout ce à quoi nous serons bilité commune. confrontés. Nous avons un objectif en vue et cet objectif, c'est un système permettant d'évaluer, d'améliorer et Rumporter : Qu'est-ce exactement que la Adelante Inide valider de bonnes pratiques susceptibles de stopper tiative ? le CKDu. Ce que nous avons observé la première année, JG : La Adelante Initiative est un projet impliquant pluc'est qu’une intervention forte en faveur des travailleurs sieurs acteurs et destiné à faire face à l’épidémie de CKDu ne suffisait pas et que l'hyperthermie causée par la surqui sévit dans le secteur sucrier et ailleurs. Il rassemble des charge de travail semblait être le vrai coupable. représentants de ce secteur, des chercheurs, des banques Lorsque tout a commencé pour moi, le CKDu avait bede développement, des certifications et des producteurs et soin d'un point de mire, et c'est au Nicaragua, il y a pluvise à fournir une base à partir de laquelle on pourra prosieurs années, que j'ai découvert par hasard, en tant que gresser vers une meilleure protection de tous les ouvriers cinéaste, cette maladie. Aujourd'hui, 12 ans plus tard, Flor concernés contre les conditions de travail difficiles et la de Caña (FdC) et le moulin San Antonio offrent sans chaleur. Il prévoit l'évaluation des pratiques actuelles au aucun doute les rhum et les sucres les plus conformes au travail, la résolution des carences par des améliorations de développement durable d’Amérique centrale. A vrai dire, la conception et de la mise en œuvre de protections pour ils faisaient ce qu'ils pouvaient à l'époque, en s'appuyant les travailleurs, et la validation de ces améliorations par sur ce qu'ils savaient, et ce dans un système de sous-traila mesure de leur impact sur la santé de la main-d’œuvre. tance et d'externalisation qui est toujours en place dans la plupart des régions. Dans le cadre de notre nouvelle colL’Ingenio San Antonio (ndlr : le moulin), la source de la laboration, ils ont immédiatement cessé de sous-traiter les mélasse utilisée pour FdC et d'autres rhums, est maintenant un laboratoire vivant où nous pouvons traiter les tâches les plus à risques. Même si nos études montrent que façons de travailler sujettes à les interventions ne suffisent l'hyperthermie et au CKDu, pas à stopper la maladie, nous mais aussi chercher à mieux savons clairement aujourd'hui « A mon avis, toutes les entreprises comprendre la maladie. comment agir ensemble pour qui se préoccupent sérieusement de La Isla Network (LIN), notre empêcher autant que possible développement durable et de santé au centre de recherches, gère la une épidémie de CKDu. En élitravail devraient faire en sorte que leur recherche et la création d'ouminant la sous-traitance et en PDG s’implique directement dans leur tils d'évaluation et de mise en prenant directement en charge programme phare » œuvre qui s'appuient sur ces sa main-d’œuvre, San Antonio a constitué un précédent que recherches. Le moulin fournit l'espace de travail, et leur tous devraient suivre dans le secteur sucrier et ailleurs. La plupart des consommateurs direction ; ses équipes de santé et de sécurité au travail se soucie de savoir si les travailleurs sont employés dans le collaborent avec nous pour mener à bien les interventions, cadre d'un contrat direct ou de sous-traitance. Ils veulent combler les carences identifiées et offrir un accès libre aux que tout le monde soit protégé, et il est plus facile de s'en données recueillies. assurer avec des contrats directs. L'Association des producteurs de sucre du Nicaragua est Le moulin a pris les mesures qui s'imposaient. Il sont favorable à ce que l'ensemble des cultivateurs et des moudevenus des partenaires incroyables, qui sont déterminés lins adoptent les conclusions que nous tirons ici. Au nià lutter contre cette maladie qui frappe la canne à sucre veau international, c'est Bonsucro, l'organisation qui promais aussi d'autres secteurs à risques. Comme je le disais, meut le développement durable de la production de canne l'impulsion vient du sommet de la hiérarchie et tous les à sucre, qui joue ce rôle. Nous espérons que nos concluliens de la chaîne font preuve d'une détermination totale, sions seront prises en compte dans la révision des normes de la direction à l'équipe responsable de la santé au traBonsucro et que cette certification accordera encore plus vail. Il est aussi inhabituel qu'agréable de travailler dans d'importance à la santé au travail. un cadre où l'entreprise cherche des solutions, et non des Nos fonds proviennent essentiellement de la Deutsche Inraisons de ne rien faire. L'important est de créer un envivestitions und Entwicklungsgesellschaft (ndlr : la DEG est ronnement où les entreprises sont récompensées de leurs une institution financière de développement), et du minisefforts pour être à l'avant-garde, et non sanctionnées par tère allemand pour la Coopération économique (BMZ) ; de mauvais résultats financiers ou par la pensée à court la Fondation Stavros Niarchos nous a aussi aidés. Ces terme. Dans le cas présent, le résultat est d'autant plus institutions allemandes considèrent que les leçons tirées impressionnant que les adversaires d'hier ont su laisser de ici pourront être adaptées à d'autres zones géographiques côté leur aigreur pour se mettre sérieusement au travail en et secteurs économiques touchés par l'hyperthermie et le quête d'améliorations. CKDu. La réalité, c'est que, avec tout produit à base de sucre, Rumporter : Le Nicaragua est en proie à de forts de mélasse ou d'éthanol provenant de Mésoamérique, le troubles politiques depuis quelques mois. Cela a-t-il CKDu est présent dans la chaîne logistique. Aujourd'hui, affecté votre travail, et quelle analyse faites-vous de dans le cadre de la Adelante Initiative, nous avons les la situation ? moyens de gérer le problème, et nous espérons que JG : Nous n’avons pas été affectés. Nous recueillions déjà d'autres marques collaboreront avec nous pour y mettre

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Un des premiers outils mis en place par La Isla dans les champs : une simple tonnelle portable !

des données sur place lorsque les choses ont commencé à dégénérer. Mais notre équipe sur le terrain est très compétente, et nous avons pu gérer les conditions extérieures. Avant tout, nous espérons présenter nos conclusions auprès des ministères de la Santé et du Travail pour qu'ils puissent mieux protéger les travailleurs à risques. Rumporter : Y a-t-il eu des progrès sur le plan scientifique/médical en termes de remèdes ? Vous venez de publier une étude qui confirme vos premières intuitions et qui fait des conditions de travail, la cause de la maladie. Pouvez-vous nous présenter cette étude en détail et expliquer à nos lecteurs en quoi elle représente une avancée très importante pour vous ? JG : Des études récentes montrent que ni les toxines, ni une éventuelle maladie infectieuse ne suffisent à expliquer l'épidémie de CKDu. Faute de faits avérés qui confirmeraient ces autres hypothèses, il convient de faire des recherches sur la gestion de l'hyperthermie chez les travailleurs défavorisés parce que l'impact de ce facteur est plausible et qu'il est sans doute possible d'améliorer cette gestion. Il faut que les études sur l'incidence de la maladie s'intéressent aux travailleurs des Etats du Golfe et aux autres pays où l'incidence du CKDu n'est pas mesurée ni rapportée de façon adéquate et où les risques liés à l'hyperthermie ne sont pas gérés. En outre, une intervention rapide (i.e., une amélioration des pratiques au travail), ce n'est pas la même chose qu'une intervention bien conçue et bien mise en œuvre. L'an 2 et l'an 3 de la Adelante Initiative sont consacrés à ces points importants. Nos 5 découvertes les plus intéressantes, reprises dans deux articles scientifiques publiés récemment, sont les suivantes : 1. Plus d'un travailleur sur 10 a connu une insuffisance rénale : 12% des travailleurs ayant participé à nos re-

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cherches ont développé une insuffisance rénale lors de la moisson. Cela montre que, alors que les pratiques mises en place sont les meilleures de la région, la chaleur et la charge de travail auxquelles ces travailleurs sont confrontés sont si extrêmes que nous devons augmenter la fréquence et la durée des pauses. Le point positif pour ceux qui se préoccupent de profitabilité et de rendement, c'est que, avec des pauses, la productivité ne diminue pas mais augmente. 2. Ceux qui travaillent le plus dur sont les plus susceptibles de souffrir de lésions : les travailleurs dont la charge de travail était la plus lourde et qui, donc, encouraient les températures corporelles les plus élevées, les coupeurs de canne brûlée, étaient presque 12 fois plus susceptibles de souffrir d'une maladie rénale à la moisson que ceux dont les efforts physiques étaient plus légers, alors qu'ils étaient exposés aux mêmes températures extérieures, appartenaient aux mêmes communautés et travaillaient souvent dans les mêmes champs. La seule différence identifiable en matière de risques était l'intensité de la charge de travail. 3. Biais statistique : Une forte proportion (21%) des travailleurs ayant participé à l'étude avant la moisson n'ont pas participé au test conduit à la fin de la moisson. Lorsqu'ils ont été relancés chez eux, près du tiers ont déclaré souffrir d'une maladie rénale. Cela signifie que les autres études ont sous-évalué l'incidence de la maladie parce qu'elles n'ont pas relancé les participants qui se sont retirés en cours d'étude. Ce n'est pas en se débarrassant des travailleurs malades qu'on traite la maladie et ses effets. L'important, c'est de prévenir la maladie. 4. La bonne nouvelle, c'est que les programmes « eau, ombre et repos » mis en place au moulin à sucre San An-

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doivent collaborer avec le secteur sucrier pour protéger les travailleurs contre l'hyperthermie, mais aussi pour chercher à savoir si la maladie est présente dans leur pays. Il y a quelques années, les parties concernées niaient sa présence au Guatemala. Cette attitude a des répercussions pour les gens qui se situent au bas de l'échelle, qu'on ne prend pas en compte et qu'on déconsidère trop souvent. Il est probable que la maladie soit présente dans tous les pays de la zone équatoriale, mais il faudrait faire des études pour le vérifier. 5. L'hyperthermie et la désAu niveau du Bureau internahydratation sont deux choses tional du travail, cette étude différentes : les études précé« Il est clair que les choses vont empirer permettra de créer des direcdentes concernant le CKDu avec le réchauffement de la planète. tives et des « normes du travail » ont regroupé les deux états. Le problème se répandra au nord et au élémentaires visant à garantir Même lorsque l'hydratation est sud de l’équateur et, à terme, même les la protection des travailleurs. importante, la hausse de la temtâches représentant de faibles charges Au niveau des certifications, les pérature corporelle peut quand de travail seront à risques à cause des labels de développement dumême conduire à des lésions températures extérieures extrêmes » organiques. Les interventions rable devraient mettre l'accent doivent avoir pour but à la fois sur la santé au travail, alors que, aujourd'hui, ce thème n'est l'hydratation et la conservation traité qu’à la marge. Les pandas passent avant les êtres d'une température corporelle raisonnable grâce à une fréhumains, on dirait… Il faut protéger à la fois les hommes quence et une durée adéquate des périodes de repos. et leur environnement ; ils interagissent les uns sur les et il est temps de changer d'approche dans ce domaine. Il est clair que les choses vont empirer avec le réchauffeAu niveau des Institutions et banques de développement : ment de la planète. Le problème se répandra au nord et au les organismes qui octroient des prêts doivent s'assusud de l'équateur et, à terme, même les tâches représentant rer que les bonnes mesures soient prises pour prévenir de faibles charges de travail seront à risques à cause des l'hyperthermie et gérer l'hydratation des travailleurs. Octempératures extérieures extrêmes. troyer des prêts à des entreprises de secteurs qui contriCes faits scientifiques doivent conduire ceux qui occupent buent au développement de maladies professionnelles, c'est faire porter un fardeau supplémentaire au pays qu'on des postes à responsabilité à prendre des mesures clairement identifiées : essaie de « développer ». DEG montre la voie dans ce doAu niveau des marques, celles qui épousent la cause du développement durable doivent faire en sorte que les travailleurs qui, au sein de leur chaîne logistique, sont exposés à la chaleur bénéficient de bons programmes « eau, ombre et repos ». Elles doivent aussi travailler avec leurs fournisseurs pour s'assurer que les mesures décidées soient bien mises en œuvre et évaluées. Les interventions ne sont pas toutes de même qualité. Il faut faire passer Une maladie un test à ses employés au début et à la fin qui n’est pas de la moisson. Si vous vous approvisionnez cantonnée au en sucre auprès d'une source externe et seul Nicaragua que vous avez les ressources d'une grande marque de rhum ou de boissons gazeuses, nous serions ravis de collaborer avec vous pour faire en maine, et j'espère que les autres fondations et institutions sorte que le sucre que vous achetez soit produit dans des de développement emboîteront le pas. conditions qui ne menacent pas la santé de ceux qui le Enfin au niveau des assureurs : les entreprises qui assurent produisent. les secteurs où les actifs sont exposés au CKDu doivent Les producteurs, comme les marques, ces acteurs doivent introduire dans leurs contrats des clauses prévoyant au s'assurer que des programmes « eau, ombre et repos » sufmoins des protections rudimentaires contre l'hyperthermie. Pourquoi verser des indemnisations si le client ne fisants sont partout en place. Le réseau LIN est prêt à fournit pas à ses employés des protections élémentaires ? travailler avec toutes les parties concernées pour évaluer leurs programmes actuels et les aider à les améliorer. Rumporter : N'est-il pas ridicule d’avoir dû dépenser Au niveau des Etats, les ministères de la Santé et du Trades millions de dollars et consacré plusieurs années vail des pays susceptibles d'être affectés par le CKDu

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tonio sont suffisants lorsque les charges de travail sont faibles, puisque les groupes concernés ne présentent pas un nombre élevé de cas de néphropathie. Mais ils ne sont pas encore suffisants lorsque les charges de travail sont importantes. Notre but, au cours de l'année à venir, sera de déterminer la fréquence et la durée que les pauses doivent avoir pour maintenir la température corporelle à un niveau acceptable.

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de votre vie pour prouver ce qui semblait manifeste gens sont susceptibles... Mais la qualité des recherches depuis le début ? proposées et les résultats que nous obtenons finiront par JG : On a du mal à comprendre comment certains ont pu les convaincre et encourager individus et organisations à autant rejeter l'idée selon laquelle le corps humain réagit nous apporter leur soutien. nécessairement négativement lorsqu'on le fait travailler au rythme d'un coureur de marathon, 6 ou 7 jours par Rumporter : En 2016, votre ONG, « La Isla Foundation » semaine, 6 à 12 heures par jour, à des températures supéa changé de nom pour devenir « La Isla Network » rieures à 38 °C, sans eau ni repos à l'ombre, et comment et élargir son champ d'action. Pouvez-vous nous dire on a pu discréditer ceux qui dans quel sens les choses jugeaient cela inacceptable, évoluent en ce qui concerne comme cela a été le cas pour le la prise de conscience de réseau LIN. « Des pistes claires s’ouvrent à nous en la maladie et les solutions Cette idée ne fait aucun doute. appliquées dans les autres matière d’adaptation à d’autres zones Mais je ne suis pas un martyr, pays où elle sévit ? géographiques et secteurs économiques » je suis un battant, et on a beJG : Les choses évoluent dans soin d'une mentalité de battant le bon sens. Un des problèmes dans des situations comme rencontrés, c'est que, au lieu de celle-ci. Nous avons maintenant d'excellents alliés grâce coordonner leurs efforts avec les nôtres, beaucoup d'orà Adelante, de vrais partenaires. Mais nous devons nous ganisations qui devraient être des partenaires pensent battre contre la maladie, non les uns contre les pouvoir jouer solo, sans la rigueur scientifique dont autres. ils auraient besoin pour garantir l'efficacité de ce D'un point de vue scientifique, il est intéqu'ils font. ressant de noter que ces risques se traAlors, vous faites le tri pour surmonter ces duisent par des insuffisances rénales, obstacles, identifier, parmi vos partenaires, même si des études physiologiques procelui qui sera le meilleur venant de l'armée et de la médecine du messager, et trouver des sport montrent que d'autres organes individus qui partagent peuvent être endomvos idées. Nous avons de magés. A vrai dire, merveilleux partenaires nous avons soumis au sein de l'Union euroun article fort dont péenne, aux Etats-Unis, les hypothèses sont en Inde, dans toute la Mécon f i r mé e s pa r soamérique, au Sri Lanka, les biomarqueurs à Singapour et au Japon. concernés. Au Costa Rica, nous colCe qui est clair, c'est laborons avec un excellent qu'il est toujours partenaire de recherche, aussi nécessa i re la Agencia Costariquense d ’œuvrer en vue de Investigaciones Biomed'une solution. Notre dicas (ACIB), sous l’œil intétravail sur la durée et la ressé et avec les encouragements de fréquence que les pauses l'Etat costaricain. permettra de développer Grâce à nos partenaires, tels que l'Asdes interventions qui poursociation des producteurs de sucre ront être adaptées à d'autres du Nicaragua, tel que Bonsucro, ordres de grandeur, d'autres tâches et à d'incroyables fonds tels que et d'autres zones présentant des situaDEG, BMZ et la fondation Stations similaires. Cela rendra ces travaux vros Niarchos, des pistes claires aussi viables que possible et garantira la sés'ouvrent à nous en matière d'adapcurité des travailleurs. On ne peut pas faire tation à d'autres zones géographiques une intervention et prétendre que les travailleurs et secteurs économiques. Nous y arrisont en sécurité lorsqu'on met en place quelque chose de verons, nous continuerons à ouvrir la médiocre. En déterminant le comment des choses, nous voie. Les gens nous suivront, même si ce montrons a/ que beaucoup de travailleurs sont affectés et sera bon gré mal gré pour certains. Même s'ils ont besoin b/ comment on peut les protéger. de se raconter des histoires pour le faire, ils nous suivront. Je comprends qu'on puisse être surpris d'apprendre que Ils n'ont pas le choix. Il s'agit à proprement parler d'une toutes ces choses sont requises mais, à vrai dire, nos efforts question de vie ou de mort. Nous devons tous mettre les se heurtent encore à une forte résistance dans certains questions personnelles de côté. milieux, parce que nous mettons en évidence la médioSoyons clairs. Si même Ricardo, le directeur du moulin crité de systèmes qui ont trop longtemps été utilisés. Les San Antonio, et moi sommes parvenus à trouver un terJO

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Rechercher, informer et former

pas été prouvée. C'est à l'entreprise multimilliardaire qui gagne de l'argent grâce au travail effectué sur le terrain de s'assurer que le CKDu n’est pas présent dans sa chaîne logistique. On ne peut pas faire endosser la responsabilité Rumporter : Un des problèmes auxquel est confronté aux communautés défavorisées qui souffrent, sont affecle consommateur qui veut boire de manière respontées par la maladie, et vivent dans des pays aux maigres sable tient au fait que beaucoup de pays et de marques ressources. Il est assez facile d'évaluer sa chaîne logistique ne produisent pas eux-mêmes leur sucre et qu'ils imau niveau de la production lorsqu'on en fait une priorité portent de la mélasse, laquelle circule librement sur et qu'on déploie les investissements nécessaires. Le réseau un marché mondial quasiment impossible à contrôler. LIN peut vous aider si vous ne connaissez pas bien les Nous avons entendu dire que les conteneurs font le bonnes pratiques épidémiologiques. tour du monde et changent parfois de destination en J'espère que nous pourrons cours de route lorsque leur compter sur la participation propriétaire décide qu'il venactive d'autres marques de dra ailleurs à un meilleur prix. « C’est aux entreprises multimilliardaires rhum, et sur celle des marques Cela rend les choses très difqui gagnent de l’argent grâce au travail ficiles quand on veut savoir qui produisent les boissons gazeuses servant à préparer cerqui achète sa mélasse à qui. effectué sur le terrain de s’assurer que Parmi les pays producteurs tains cocktails à base de rhum le CKDu n’est pas présent dans sa chaîne de rhum que vous connaissez très consommés. Il y a, dans logistique » (Mexique, Guatemala, Costa le secteur de l'hôtellerie et de Rica, Brésil, Porto Rico, Salla restauration, des individus vador...), quels sont ceux et incroyables qui veulent servir quelles sont les marques qui, selon vous, doivent faire à leurs clients des préparations dont ils n'aient pas à rouun véritable effort concernant leur chaîne logistique ? gir. Je pense qu'ils peuvent demander aux autres marques de suivre l'exemple de Flor De Caña. Faire face au tollé JG : Les choses sont claires et simples : si votre mélasse général, à la nécessité évidente d'améliorer les choses, et vient de Mésoamérique, le CKDu est présent dans votre agir efficacement. Si les grandes marques cherchaient chaîne logistique, et cela est sans doute vrai d'autres résérieusement à protéger les individus qui rendent leurs gions sous les tropiques. Mais il faudrait faire des études produits viables, cela pourrait avoir un énorme impact et rapidement. au Brésil, au Mexique, en République dominicaine, au Chez Adelante, les portes sont grand ouvertes pour tous Pérou, en Equateur, en Argentine, en Colombie et dans les ceux qui veulent contribuer. Nous ne nous préoccupons pays d'Asie du Sud-Est comme la Thaïlande. Les marques pas du passé ici. Nous sommes trop occupés à préparer ne doivent pas croire qu'elles peuvent se protéger en s'apl'avenir. provisionnant dans des zones où l'existence du CKDu n’a rain d'entente en deux mois et à nous mettre au travail, personne ne peut se trouver des raisons de ne rien faire.

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Rumporter : Etes-vous optimiste concernant l'évoluRumporter : Lorsqu'on lit vos rapports, vous mentiontion de la planète ? nez souvent des mentions de Bonsucro. Pouvez-vous JG : Notre époque se caractérise par le double langage et nous expliquer quelle est cette organisation et de l'autocratie. Cela ne fait aucun doute. Orwell est le proquelle manière peut-elle aider les entreprises à netphète de notre temps. De ce point de vue, je ne suis pas toyer leur chaîne d’approvisionnement ? Avec quelles très enthousiaste. J’ai vu quels dégâts l'absence de consiautres grandes organisations travaillez-vous ? dération pour la vérité pouvait avoir dans le secteur du JG : Bonsucro, c'est la principale certification dans le secdéveloppement, au sein d'ONG, et même dans les milieux teur mondial de la canne à sucre. Vous devriez vous entrescientifiques, où les théories à tenir directement avec eux – la mode sont défendues malgré le responsable de l'Amérique toutes les preuves contraires. latine et le directeur régio« C’est en (…) se concentrant sur Bref, l'époque est à l'extrême nal pour la Mésoamérique la résolution du problème que des émotivité. Tout se fait dans l'amsont des personnes de quaplification, la réaction, la colère, lité qui connaissent bien ces partenariats qu’on jugeait impensables se la division. questions. Le réseau LIN sont formés » La colère est une bonne chose, fait partie de leur groupe de à condition de la canaliser. Le travail visant à améliorer la mécontentement peut servir de norme Bonsucro, mais il est moteur aux réformes. A Adelante, notre travail consiste aussi membre du comité consultatif technique dont la à protéger les travailleurs contre le CKDu, mais il a fallu tâche est de s'assurer de la qualité des protections pour surmonter des années d'acrimonie et de malentendus et la santé au travail. Nous soutenons également le travail de mobiliser des ressources énormes pour en arriver là où Fair Trade USA de manière similaire et aimerions collabonous sommes aujourd'hui. C'est en se confrontant à tout rer plus étroitement avec Fair Trade International. Nous sommes financés par DEG, ce qui permettra d'adapter cela et en se concentrant sur la résolution du problème que des partenariats qu'on jugeait impensables se sont formés. les bonnes pratiques vérifiées ici à d'autres zones grâce à leur portefeuille impressionnant. En termes de certifiAujourd'hui, nous en sommes à un point où les adversaires cations, si celles-ci adoptent des normes du travail mieux d'hier aiment travailler ensemble et où des amitiés inatadaptées et plus efficaces, alors les entreprises certifiées tendues, mais précieuses, se sont nouées. Un jour, il faudevront traiter correctement leurs employés. C’est là un dra se pencher sur le passé pour comprendre comment excellent moyen d'élargir les protections. Bonsucro a un de tels dysfonctionnements ont pu se produire dans le rôle essentiel à jouer pour assurer le succès de cette encas du CKDu, comment on a laissé la maladie cachée si treprise. En fait, c'est leur ancien PDG, Simon Usher, qui longtemps, quelles faillites structurelles lui ont permis de a insisté pour que Ricardo et moi nous rencontrions. Il perdurer sans recours possible et pourquoi les lanceurs avait compris que nous voulions tous les deux dépasser d'alertes ont rencontré tant d'hostilité. les critiques réciproques stériles et, avec son aide, nous Pour le moment, le mot d'ordre, c'est « Adelante », ce qui signifie « en avant » ou « avancer » en espagnol. Nous l'avons avons trouvé des buts communs et commencé à œuvrer choisi parce qu'il était temps de trouver un terrain d'enpour les atteindre. C’est plus qu'une certification, c’est une tente, d'identifier des objectifs communs et de chercher plate-forme et un excellent outil permettant de réunir les à les atteindre avant toute autre considération. C'est ce parties concernées pour gérer les problèmes urgents du que nous faisons avec des organisations et des personnes secteur de la canne à sucre. Et il y en a beaucoup !

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qui ne disaient pas du bien les unes des autres. Mais les individus qui, au sein de ces organisations ont rendu ces progrès possibles, font preuve d'une incroyable intégrité, d'une conscience claire de leur mission, et d'un grand sens de l'entraide, et ce que nous faisons est historique. La tâche entreprise est difficile et, pour ceux qui se demandent toujours comment ils souhaitent participer à son accomplissement, je veux être clair : chaque nouveau cas de néphropathie nous fait l'effet d'un coup de poing, puisque notre but est de stopper la maladie, mais c’est aussi un moteur qui nous fait avancer. Le coût humain de cette maladie est ce qui nous motive à faire notre travail. Si ce que nous essayons de faire à Adelante peut servir de modèle à ceux qui veulent dialoguer, passer rapidement à l'action, œuvrer en vue d'un but précis et rester concentrés sur leur mission, je crois que tous ces problèmes se régleront. Pour le reste, il faut mettre en place des systèmes qui donnent la parole aux opprimés qui sont sur le terrain et qui sont confrontés à l'adversité tous les jours. Et il faut que les consommateurs et les marques écoutent avant l’apparition de la crise. Chez LIN, nous avons un employé, William, qui a grandi

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Personne ne devrait mourir pour produire notre rhum non ?

à La Isla (« l'île des Veuves »), la communauté dont notre nom s'inspire. Je connaissais son père, qui est mort d'une maladie rénale alors qu'il avait, je crois, l'âge que j'ai aujourd'hui (41 ans). William a travaillé dans les champs à l'époque où il était malheureusement courant de faire travailler des enfants. Il a gravi tous les échelons pour devenir responsable de champ. Il a obtenu une bourse pour décrocher un diplôme d'ingénieur. Il a ensuite intégré l'équipe santé et sécurité au travail du moulin. Il est venu chez LIN pour participer au travail de recherche, et il étudie maintenant pour obtenir une maîtrise de santé au travail, tout en apprenant l'anglais. Son histoire, sa voix, méritent d'être écoutées. Nous devons trouver les moyens de prendre plus activement contact avec ceux qui n'ont pas eu la chance, ni les opportunités dont a bénéficié William. Aujourd'hui, William vit toujours à La Isla, il a une certaine autorité au sein de sa communauté et c'est un de mes meilleurs collègues. Il y a des pistes de progrès à explorer, mais, pour qu'il y ait progrès, il faut que les acteurs concernés rendent des comptes, que tous ceux qui sont impliqués dans la chaîne logistique fassent leur autocritique.

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MANTUANO

REDÉCOUVREZ LE RHUM. DÉCOUVREZ DIPLOMÁTICO. L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

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DOSSIER

RHUM ET DÉVELOPPEMENT DURABLE, HISTOIRE D’AMOUR OU MARIAGE ARRANGÉ ? Dossier mené par Cyrille Hugon et Fabien Humbert

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’intéresser à la question du développement durable dans le rhum s’avère une entreprise qui dépasse le simple cadre de notre spiritueux préféré. Aborder le sujet « rhum » c’est envisager la culture de la canne à sucre et donc plus largement la question agricole, c’est parler de commerce globalisé et donc de commerce équitable, c’est regarder du côté de l’énergie et donc des ressources durables, mais, aussi et surtout, c’est parler d’êtres humains, car comme le dit justement Alexandre Koiransky de Rum Fair, dans son interview ci-après : « Si vous voulez que les producteurs s’engagent sur la voie du développement durable, commencez par les payer convenablement.» Une fois cette arborescence exposée, il nous faut en développer une autre car les enjeux de la filière canne ne sont pas les mêmes à la Réunion où la problématique principale est de réorganiser la filière sucre/rhum pour la rendre rentable dans un écosystème circulaire (voir l’article de Mathieu Lange), au Nicaragua frappé par la maladie des reins des coupeurs de canne (voir l’interview de Jason Glaser en pages précédentes), à la Barbade ou en Jamaïque où il s’agit de préserver la culture locale de la canne tout en ayant une gestion raisonnée de l’eau et de l’énergie et de s’organiser pour importer des mélasses « propres » (voir les interviews d’Alexandre Gabriel et Raphael Grisoni), en Martinique où le principal enjeu actuel est celui du désherbage sans produits phytosanitaires tout en maintenant les aides d’Etat (Interviews d’Eric Eugénie et de Virgine Pouppeville) ou encore au Belize (voir l’interview d’Alexandre Koransky). A travers les interviews de ce dossier, que nous laisserons ouvert dans Rumporter, car le sujet est non seulement vaste mais évolutif (à suivre sur www.rumporter.com), nous avons essayé d’aborder tous les aspects du développement durable en dépassant la seule préoccupation écologique. Nos interlocuteurs nous ont permis de comprendre que la plupart des problèmes liés au sujet ont été pris à bras le corps par la filière rhum, que cette prise de conscience ne date pas d’hier et qu’elle débouche sur des

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actes forts : politique éthique d’achat des mélasses chez Rhums Plantation, économie circulaire propre chez La Martiniquaise (Saint James, Rivière du Mat), désherbage manuel chez La Mauny etc… Nous sommes face à un monde en mouvement, parfois sous la contrainte (réglementaire ou populaire) mais souvent à l’initiative des dirigeants du rhum (lire encore Alexandre Gabriel) loin des diktats du marketing (Mount Gay par exemple n’a jamais revendiqué commercialement sa démarche envers la biodiversité.) Alors « Circulez, y a rien à voir ? » pourrait on se dire. Loin de là, car il nous reste à dépasser cette vision angélique et fouiller certaines zones d’ombres ressenties dans les nuances ou l’absence de réponses à quelques-unes de nos questions. Celles-ci sont certainement liées au fait que nous avons, dans ce dossier, commencé par interroger ceux dont nous connaissions d’avance les préoccupations éco-responsables et qu’il nous reste encore beaucoup de pays du rhum à explorer avec ce regard. Dans les prochains articles de ce dossier, nous nous pencherons notamment sur la question de la gestion des eaux usées (vinasses) qui rejetées sans traitement à la mer (dans le cas des Caraïbes) sont une menace pour le milieu marin. Nous étudierons plus avant les questions soulevées par Marc Sassier et Eric Eugénie quant au double discours des gouvernements plein de bonnes intentions mais incapables de mettre en œuvre des politiques en accord avec les réalités du terrain et ce aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe ou à la Réunion. Nous entrererons en relation avec les organismes certificateurs de la filière canne Bonsucro et ProTerra afin de confirmer ou d’infirmer certains points relatifs au business mondial de la mélasse… Bref, il y a du plain sur la planche ou plutôt du moût dans l’alambic. En attendant ne boudons pas notre plaisir de découvrir tout ce qui est fait est bien fait dans le monde du rhum d’autant que tous nos interlocuteurs nous ont paru désireux de partager leurs expériences dans un esprit Open Source. La parole est eux.

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George Bocaly, planteur en Martinique sur les flancs de La Pelé

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«NOTRE PRÉOCCUPATION PREMIÈRE C ’ E S T L’ H U M A I N »

Interview d’Alexandre Gabriel

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par Cyrille Hugon

Rumporter : Alexandre, Vous avez repris récemment la distillerie WIRD à la Barbade. Parmi les investissements que vous avez entrepris pour moderniser votre outil, l’environnement est-il une de vos préoccupations premières ? Alexandre Gabriel : Notre préoccupation première c’est l’humain et nous voulons notamment qu’il puisse évoluer et s’épanouir dans le monde dans lequel nous vivons avec ses contraintes et challenges environnementaux. Je dois dire que l’équipe de la distillerie WIRD à la Barbade et celle de NRJ à la Jamaïque sont des partenaires d’exception. C’est avec beaucoup d’humilité et de plaisir que je considère faire partie de ces deux teams. Que ce soit à la Jamaïque ou à la Barbade, nous avons comme objectif de protéger et développer l’emploi et ce, bien sûr, dans les

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meilleures conditions. A la distillerie WIRD de la Barbade nous avons par exemple étoffé l’équipe de 40% en un peu plus de deux ans. Par ailleurs, nous réinvestissons localement chaque euro gagné sans aucune remontée de dividendes en Europe par exemple. C’est notre engagement. Nous considérons le partenariat entre Plantation et les distilleries WIRD, Clarendon et Long Pond comme une association où nous devons tous pouvoir nous développer sainement. Cela ne peut se considérer que si c’est avantageux pour tous. Dans un premier temps, nous avons sécurisé et développé les contrats avec les partenaires à qui nous vendons du rhum. Nous avons alors entrepris de retaper l’outil et lancer de nombreuses innovations en nous penchant sur les techniques anciennes de distillation et d’élaboration du rhum trouvées dans les incroyables archives de la

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distillerie WIRD. Depuis 1893, cette distillerie abrite notamment des archives sur son activité et sa production de rhum soigneusement protégées dans le « distillers vault » (une pièce forte au cœur de la distillerie). Nous y avons trouvé de véritables trésors que nous appliquons actuellement comme la fermentation avec un peu d’eau de mer produisant un rhum étonnant et délicieux. La remise en marche de l’alambic à chambre vulcain (dernier de son genre) à la distillerie WIRD s’inscrit dans ce contexte. Un de nos distillateur y travaille depuis plus de 40 ans. Quel bonheur pour nous de l’écouter nous montrer comment ces vieux alambics endormis pendant de nombreuses années fonctionnent. Par ailleurs, nous avons aussi entamé des travaux en matière d’autonomie énergétique. Rumporter : Et pour parler plus précisément d’écologie ? AG : Nous sommes dans des îles caribéennes. Nous avons le vent et le soleil, ça serait dommage de ne pas en profiter pleinement. A la Barbade, Andrew le patron de WIRD a une maitrise dans l’environnement et est issu d’une famille très soucieuse de l’humain (son père est un chirurgien de pointe qui a consacré sa vie aux autres). Nous sommes en train d’y faire de gros investissements avec la mise en place de panneaux photovoltaïques qui vont nous coûter pas loin d’un million d’euros et qui nous permettront de couvrir dans l’année qui vient environ 1/3 de notre consommation électrique avec pour objectif de couvrir 100% de nos besoins d’ici 3 à 5 ans à un rythme forcément dicté par nos moyens. A la Jamaïque, nos équipes sont en train de passer un accord avec un partenaire local avec le même objectif. Pour ce qui est de l’énergie de distillation, nous allons procéder par étapes. A la distillerie Clarendon, la première étape, a été de passer l’alimentation de notre chaudière du fioul au gaz naturel qui est une énergie plus propre en émission de CO2. C’est maintenant chose faite. Nous sommes en train d’étudier la possibilité de passer à une chaudière biomasse mais ne sommes pas encore prêts pour ça. Il faut noter que ces investissements sont très lourds pour une PME comme la nôtre. Notre engagement se réalise selon nos moyens sachant que chaque centime gagné est ré investi dans le tissus et l’outil local. Rumporter : On sait que de nombreuses îles caribéennes ont dû arrêter de planter de la canne faute d’être compétitives. Est-ce que la Barbade continue à produire du sucre ? AG : Il y a encore plus de 10 000 ha plantés en canne à la Barbade avec une sucrerie historique Port Vale qui produit du sucre et donc des mélasses. Ces dernières années nous avons pu produire à la distillerie WIRD tout notre rhum Plantation Barbados avec les mélasses locales. Par contre cette production locale de mélasse est insuffisante pour le reste de notre distillation et aussi pour toute la production des autres distilleries de la Barbade. La distillerie WIRD produit plus de 80 % du rhum de l’île, depuis plus d’un siècle. Depuis de nombreuses années un gentleman agreement régissait via WIRD, l’approvisionnement des mélasses locales au prorata de la distillation de chaque distillerie. En complément, et comme les autres

distilleries qui emploient des mélasses, nous importons le reste de nos besoins. Sur ce point, c’est un peu comme les distilleries d’Ecosse qui utilisent du grain local mais en importent aussi beaucoup. Il faut savoir que la libéralisation du prix du sucre a fait beaucoup de mal aux petites sucreries historiques des Caraïbes du CARICOM ce que nous regrettons. Port Vale n’y échappe malheureusement pas. C’est un sujet qui nous préoccupe beaucoup et nous travaillons très fort pour sauver l’activité de la canne à la Barbade en collaboration avec les acteurs du pays. C’est un sujet très important pour nous. Rumporter : Dans le contexte global d’un marché du sucre, très tendu en terme de prix comment, pensezvous que doit s’organiser la filière rhum si elle veut continuer à : 1 / contrôler sa production de mélasse (en terme de qualité et de respect des hommes et de l’environnement) 2/ évoluer dans un contexte rentable ? On pense à l’exemple de la Réunion qui, en marchant sur les 3 pattes sucre/rhum/électricité, créée les conditions d’une survie de son agriculture cannière vs l’exemple de Porto Rico qui ne dispose plus de production local de sucre pour mettre en place un tel écosystème … AG : C’est une question très complexe. On le voit avec la cessation d’activité de la sucrerie historique Monymusk en Jamaïque qui est voisine de Clarendon. Le marché du sucre est devenu très compliqué pour les pays qui ont une législation sociale forte et des surfaces plantées limitées par la taille même du pays comparativement aux productions continentales. Les gros opérateurs que sont le Brésil, l’Inde, la Chine, l’Australie ou le sud-est asiatique (Philippines, Indonésie, Thailande) ont complètement chamboulé le marché, surtout depuis la libéralisation complète du marché du sucre fin 2017. Nous souhaitons protéger l’agriculture et la canne locale. Nous travaillons dans ce sens avec de la recherche sur des rhums distillés à partir d’assemblage de jus de canne et de mélasse. A la Jamaïque, à Long Pond et Clarendon nous cultivons environ 500 hectares de canne. Nous souhaitons aussi une culture profitable de la canne à la Barbade. C’est un sujet important et passionnant. Dans une autre vie, je rêverais de devenir un producteur de sucre de très grande qualité. Initier dans le sucre ce qu’on a mis en place dans le rhum avec Plantation : consommer moins mais uniquement des produits d’excellence et d’origine, suivant des méthodes anciennes et respectueuses. On consomme bien trop de sucre et en plus de mauvais sucres sans intérêt (ultra-raffiné) alors que c’est un matériau d’une noblesse infinie s’il est fait de façon artisanale et consommé aussi avec modération. Par contre, produire les quantités de mélasse dont nous avons besoin serait un investissement que nous ne pouvons pas faire seuls, surtout que nous devons digérer les deux derniers rachats. Ce sont des questions qui sont posées à la Barbade ou au sein des commissions techniques des producteurs de rhum dans lesquels je siège au sein du Wirspa (West Indies Rum Association) et plus largement de la Caricom : comment sauver l’industrie du sucre locale et à minima la culture de la canne ? N’oubliez pas que le sucre a disparu dans beaucoup des îles caribéennes du Caricom.

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Rumporter : Puisque vous importez de la mélasse, comment contrôler que celle-ci soit produite dans des conditions propres (humainement et écologiquement) ? AG : Nous avons la chance qu’une prise de conscience existe et en particulier dans l’industrie du sucre. Beaucoup de travail reste à faire mais je reste confiant sur l’évolution en cours. Pour importer les mélasses nous avons deux sources : les courtiers comme par exemple Edf Man et des approvisionnements directs auprès de moulins que nous jugeons fiables. Edf Man est un courtier agricole historique (ndlr : XVIIIème siècle) qui a une charte de bonne conduite, très stricte sur toute la dimension « sustainable ». C’est Don Ben qui s’occupe de cela chez nous depuis plus de 20 ans et il est très vigilant. Nous avons établi en interne un code de bonnes pratiques que nous appliquons à chacun de nos fournisseurs. Il s’agit de standards bien précis tenant au respect dans la culture de la canne/ mélasse : des droits de l’homme, des conditions de travail, du respect de l’environnement. De surcroit, nous attachons beaucoup d’importance à ce que les sucreries avec lesquelles nous travaillons soient certifiées, ou en cours de certification, par des organismes tiers reconnus tels que BonSucro ou ProTerra. Pour avoir ces discussions avec beaucoup de producteurs de rhum de la région, c’est un mouvement de fond et je pense qu’on va vers de grandes améliorations de la filière. Cependant restons vigilants. Par exemple, nous avons refusé un partenariat avec un producteur asiatique, qui sans préjuger de sa bonne volonté, ne pouvait pas nous apporter les garanties que les organismes certificateurs comme Bonsucro nous apportent. Ces institutions internationales sont très importantes car elles savent contrôler efficacement et méthodiquement les pratiques des différents producteurs. C’est un métier à part entière qui ne tolère pas l’amateurisme. Naturellement, les mélasses qui bénéficient de ces garanties sont plus chères mais c’est un point non négociable. Ceci étant dit, une fois encore, c’est dommage de faire voyager sur de grandes distances des matières premières qui pourraient être produites localement ou tout au moins régionalement. Donc nous privilégions les productions de la région en faisant attention à leur source. Il y a plusieurs années, nous avons arrêté de travailler avec le Nicaragua, et recommencerons peut-être puisque les indicateurs semblent être passés au vert dans ce pays. Rumporter : Certaines personnes font pression pour que dans le cahier des charges des IG rhum, l’embou-

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teillage soit fait sur place. Qu’en pensez-vous ? AG : Dans la règlementation ancienne et toujours en vigueur de la production du rhum des iles caribéennes du CARICOM (Barbade, Sainte Lucia, Grenada etc.), l’origine du rhum est l’endroit où se font la fermentation et la distillation (The Caricom rules of rum). Nous soutenons cette règlementation qui est basée sur des raisons historiques et techniques selon laquelle l’origine d’un rhum et son profil gustatif sont en très grande partie définis lors de ces deux opérations via les eaux de fermentation dont la qualité est importante, les levures (idéalement locales), les méthodes de fermentation différentes dans presque chaque île, et les techniques de distillation propres à chaque distillerie. Naturellement, nous souhaitons que la matière première soit aussi issue du pays d’origine mais, malheureusement, ce n’est plus le cas dans beaucoup de pays. Sur ce point, le rhum est similaire au scotch whisky qui est fermenté et distillé la plupart du temps à partir de grains importés en Ecosse. Après, l’eau de réduction (100% du temps de l’eau distillée ou osmosée et donc neutre) et l’origine du verre des bouteilles n’apportent rien en terme de transformation substantielle du produit. Faire voyager des containers de bouteilles vides vers les pays producteur de rhum (ndlr : presque aucune île ne dispose d’industrie verrière, énorme consommateur d’énergie pour ses hauts fourneaux), c’est transporter de l’air dans un sens et rebelote, transporter du rhum réduit le plus souvent à 40°, c’est transporter de l’eau (qui plus est neutre, on le répète) dans l’autre sens. Ce n’est pas anodin car pour un rhum à 40% d’alcool, l’eau représente 58% ou 59% du volume. D’un point de vue impact carbone ce n’est pas idéal. Rumporter : Cette idée n’est-elle pas en lien avec celle défendue avec force par Luca Gargano, et qui nous semble juste (au sens fair trade), de laisser la valeur ajoutée dans les pays producteurs ? AG : Nous partageons cette idée car créer et laisser la valeur dans le pays de production est une chose importante pour nous. Il faut qu’une distillerie et son équipe vivent honorablement de leur travail. En réalité, la valeur ajoutée est laissée là où le propriétaire de marque décide de la laisser, qu’il soit distillateur ou pas. L’eau de réduction ajoutée localement ou la bouteille importée n’y changent rien. Notre engagement dans les Caraïbes est de réinvestir localement ce que nous gagnons et donc créer de la valeur localement sans forcément embouteiller sur place pour les raisons évoquées précédemment.

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« L A B A R B A D E E S T U N E Î L E O Ù L’ E A U DOUCE EST RARE ET PRÉCIEUSE»

Interview de Raphael Grisoni, Directeur de la distillerie Mount Gay

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par Cyrille Hugon

Rumporter : Raphael, pouvez-vous nous résumer en quelques points ce que Mount Gay a mis et met en place que ce soit pour l’amont (agriculture) et l’aval (traitement des déchets) Raphale Grisoni : Le développement durable chez Mount Gay tourney tout d’abord autour des trois grands axes traditionnels pour une distillerie : autonomie en énergie renouvelable (des panneaux solaires sont en place qui produisent plus de 500MWh et un système de turbine éolienne est à l’étude), conservation de l’eau (voir plus bas) et traitement des effluents. Cependant, nous voulons aller plus loin et travaillons notamment la question de l’agriculture et de la biodiversité. Rumporter : Vous importez des mélasses comme de nombreuses distilleries des Caraïbes, avez-vous mis en place un cahier des charges « développement durable » pour contrôler vos importations ? Si oui, lequel ? RG: Nous avons nos propres champs de canne et la Barbarde a la chance d’avoir encore un moulin. Pour les cannes issues de notre domaine, nous veillons à toujours passer en dernier afin de nous garantir que la mélasse qui nous est rendue provient bien de nos plantations. Pour

les mélasses que nous achetons hors de la Barbade, nous privilégions des fournisseurs certifiés “ProTerra”, ce qui garantit une filière respectueuse de l’environnement et la non-utilisation d’OGM. Nous montons en puissance pour être 100% “ProTerra” en 2021/22. Sur nos plantations à la Barbade (Mount Gay et Oxford), nous avons entamé un travail en amont sur la qualité des sols avec une réduction des engrais chimiques via l’utilisation d’engrais biologiques, un enrichissement des sols via l’épandage de manière controlée de nos vinasses, vinasses que nous mettons également à la disposition d’autres agriculteurs qui reduisent ainsi leur achat d’engrais. Nous sélectionnons en ce moment de nouvelles variétés de cannes en fonction de la qualité des sols, cannes nous élevons sous serre après traitement à l’eau chaude pour éviter les maladies. Tout ce travail est fait, en collaboration avec le Dr Emmanuel Bourguignon, spécialiste reconnu des sols, par notre Agricultural Manager Jackie Broome. Rumporter : Nous avons eu vent de la mise en place de travaux sur la bio diversité et la préservation (voire l’enrichissement des sols), pouvez-vous sans trahir de secret nous en dévoiler quelques contours ? RG : Nous travaillons sur la biodiversité depuis quelques années. La particularité de Mount Gay est d’intégrer tout le personnel à cette démarche ainsi que le voisinage (Mount Gay Village) des plantations et les étudiants des lycées agricoles de l’île avec qui nous entretenons une étroite collaboration. Nous plantons chaque années des arbres sur la plantation et à la distillerie comme des acajous mais aussi des arbres fruitiers pour notamment alimenter en fleurs notre parc croissant de ruches (12 à ce jour). Le personnel de Mount Gay a donc été formé pour veiller à la santé des abeilles et à la récolte du miel... Nous cultivons également des fruits et légumes (pastèques, patates douces, Yams, etc.) que nous cédons à prix coûtant au personnel. La Barbade est une île où l’eau douce est rare et précieuse. Même si nous avons la chance d’avoir notre propre puits qui alimente en eau la distillerie, nous l’utilisons avec parcimonie. Toute l’eau que nous utilisons est recyclée et dès que possible et nous collectons l’eau de pluie via des étangs qui peuvent stocker jusqu’à 13 millions de litres.

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«CONCRÈTEMENT AUJOURD’HUI IL N’ Y A PAS D’AIDE POUR AIDER LES PLANTEURS À ABANDONNER LES PRODUITS PHYTO. C’EST LE PLANTEUR QUI DOIT INVESTIR»

Interview d’Éric Eugénie, Directeur de la SICA (Société d’Intérêt Collectif) Canne Union, en Martinique

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Par Fabien Humbert

Eric Eugénie (à droite) avec Olivier Grolleau du CTCS et Mme Nicole Barbe, agricultrice.

Rumporter : Quel a été votre parcours avant de prendre la tête de la SICA, créée en fin 2014 et qui regroupe tous les planteurs de Cannes ? Eric Eugénie J’ai travaillé sur l’exploitation agricole du Galion pendant 23 ans, et auparavant au centre technique de la canne et du sucre pendant 12 ans. J’ai animé de 1991 à 1993 la CUMA de MALGRÉ-TOUT qui regroupe les petits planteurs du Nord (Trinité Robert) … Disons que je roule ma bosse dans la filière canne depuis 34 ans. Rumporter : La filière canne fait face à de graves problèmes agro-écologiques, pouvez-vous, pour les lecteurs néophytes en agriculture tropicale, nous décrire les enjeux du désherbage dans un champ de canne ? E.E. : La canne à sucre en Martinique n’a qu’un seul ennemi, les mauvaises herbes. Des études ont conclu que lorsqu’on ne lutte pas contre ce fléau au moment où

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la canne a entre 3 et 7 mois, le planteur perd entre 400 et 500 kg de canne par jour et par hectare. En effet, la mauvaise herbe va consommer la lumière du soleil, l’eau et les engrais réservés à la canne. Cette lutte est donc une obligation. Rumporter : Quelles sont les mauvaises herbes qui menacent le plus les plantations de canne ? E. E. : Il y a deux grandes familles de mauvaises herbes qui viennent concurrencer nos plantations : les graminées, qui sont de la même famille que la canne et les dicotylédones (les lianes notamment). Nous sommes actuellement confrontés à trois types de graminées : l’herbe à riz (rottboellia cochinchinensis), l’herbe de Guinée (panicum maximum) arrivée depuis 3 ans en Martinique et la canne d’eau (paspalum fasciculatum) arrivée également depuis 3 ans en Martinique. Ce sont de véritables fléaux. Les

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lianes quant à elles grimpent sur la canne, en alourdissent le feuillage, ce qui la force à se coucher, empêche la photosynthèse et permet aux rongeurs dans cette « tonnelle » de manger les entre-nœuds. Les dégâts peuvent être considérables. Rumporter : Disposez-vous de solutions vous permettant de lutter contre ces nuisibles tout en préservant la canne ? E. E. : Oui nous disposions d’herbicides très efficaces mais nous n’avons plus le droit de les utiliser… Rumporter : Vous voulez parler de l’Asulox ? E. E. : Tout à fait, l’Asulox était un produit intéressant, utilisé depuis longtemps qui tuait certaines graminées en laissant la canne indemne. Ce produit a cependant été interdit d’utilisation en 2012 dans l’Hexagone, mais nous avions encore le droit de nous en servir jusqu’à récemment. Son interdiction a été étendue aux Départements d’Outre-Mer en 2018. Les planteurs de Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion ont demandé une dérogation pour pouvoir continuer à traiter les champs de canne, en vain. A cause du scandale du Chlordécone sur la banane, les esprits s’échauffent dès qu’on parle de produits chimiques et de dérogations. Rumporter : L’interdiction de l’Asulox a été motivée pour des raisons de santé publique, n’est-ce pas une bonne chose ? E.E. : Il y a eu des soupçons de métabolite. Un résidu de l’Asulox pourrait fragiliser la coquille des œufs des oiseaux. Mais rien n’a été confirmé. De plus il y a deux poids deux mesures, l’Asulox est interdit en France, or la Belgique, la Hollande, ou l’Angleterre continuent de l’utiliser sur des plantes alimentaires comme l’endive, les petit-pois et même pour des plantes médicinales ! Rumporter : Avez-vous un espoir quant à sa ré-homologation ? E.E. : La firme qui a racheté la molécule, une société indienne n’est pas intéressée à faire des essais de nouvelle homologation de l’Asulox au niveau français, car la France est un tout petit marché. Or homologuer un produit coûte cher en temps et en argent. La firme pourrait demander son autorisation de mise sur le marché au niveau européen. A ce moment-là peut-être que la France changera d’avis. Mais encore une fois, vu le scandale sanitaire du Chlordécone, les planteurs ont déjà fait une croix sur l’Asulox et se débrouillent autrement, comme ils peuvent. Rien ne sert de se battre pour obtenir des produits phytosanitaires qui seront de toute façon interdits au fil des années. Rumporter : Il existe d’autres façons de désherber, à la main par exemple, n’est-ce pas efficace ? E.E. : Le problème principal de l’arrachage manuel, c’est qu’on ne trouve pas de main d’œuvre. Malgré le taux de chômage élevé en Martinique (18% en 2018), les jeunes ne sont pas intéressés par ce type de travaux. Parfois ils viennent pour prolonger leurs droits à Pôle Emploi mais

ils ne restent pas. Notre seule solution est de faire appel à de la main d’œuvre étrangère, notamment en provenance de Haïti et de Sainte-Lucie. Mais les Haïtiens sont souvent en situation irrégulière. Nous discutons avec la préfecture et Pôle Emploi pour que ceux qui en situation régulière obtiennent des autorisations de travail pour nous aider dans les champs. Ça fonctionne mais ça coûte cher. Rumporter : Le recours à la main d’œuvre manuelle provoque une hausse du prix de revient de la canne, la filière pourra-t-elle l’absorber ? E.E. : Sachant que dans ces conditions, le planteur s’y retrouve que s’il touche entre 110 et 140 € la tonne (ndlr : l’année dernière le prix moyen de l’achat d’une tonne de canne par les distilleries était de 100 euros.) ; sachant qu’il a manqué à peu près 100 000 tonnes de cannes en 2019 en Martinique : les distilleries paient de plus en plus cher la canne. C’est la loi de l’offre et de la demande. Je ne sais pas jusqu’à quand elles pourront tenir le coup, à moins de faire peser ce surcoût sur les consommateurs. Rumporter : La filière bénéficie-telle de subventions pour l’aider à se passer de produits phyto ? E.E. : Il y a des plans qui sont mis en place au niveau national, comme Ecophyto 2. Mais ça ne marche pas bien. Au niveau national, la consommation de produits phytosanitaires a augmenté, dans l’Outre-mer elle a légèrement baissé. Concrètement aujourd’hui il n’y a pas d’aide pour aider les planteurs à abandonner les produits phyto. C’est le planteur qui doit investir. Rumporter : Outre le désherbage manuel, il existe le désherbage mécanique, est-ce que ça marche ? E.E. : Nous ne disposons pas de machines dédiées. Nous regardons ce qui se passe dans d’autres cultures comme la vigne. Les exploitations font venir des ingénieurs dans les champs de canne afin d’adapter de outils existants aux spécificités de la canne. Ça fonctionne dans les inter-rangs de cannes, mais pas dans les rangs eux-mêmes. Là nous n’avons pas d’autre choix que d’arracher à la main. Rumporter : Et le bio ? N’est-ce pas une solution ? E.E. : En Martinique, Neisson a réussi à convertir 5 hectares de champ de canne au bio. Ça leur a pris 5 ans. Mais le surcoût par rapport à la culture conventionnelle est de 300% et les rendements sont moitié moins élevés… Rumporter : Quelle est la situation au niveau de l’utilisation des pesticides ailleurs qu’en France et en Europe ? E.E. : Au niveau mondial, grosso modo, tous les pays qui ne sont pas dans l’Europe peuvent utiliser tous les produits qu’ils veulent dans les quantités qu’ils veulent. Seule l’Europe fait cet effort sur l’environnement et le bien être des travailleurs. Rappelons qu’en Martinique, nous n’avons jamais utilisé d’insecticide sur la canne. Nous avons eu des problèmes d’insectes dans les années 1960, mais en partenariat avec l’INRA les planteurs ont utilisé des insectes prédateurs pour y faire face. Et nous n’utilisons pas de fongicide non plus. La canne n’emploie que des herbicides aux doses et fréquences autorisées.

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« E N V I S A G E R L’ A V E N I R S A N S RESTRICTION DE VOLUMES ET SANS AUGMENTATION DES COÛT S N’ES T PAS TRÈS RÉALISTE»

Interview de Virgine Pouppeville et Christian Moravie, Responsable Qualité & Développement et Directeur du service agriculture de BBS (La Mauny, Trois Rivières)

par Cyrille Hugon

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Rumporter : Quelles mesures avez-vous mis en œuvre pour la protection de l’environnement ? Virginie Poupeville et Christian Moravie : Nous nous investissons pour comprendre et réduire nos impacts environnementaux au-delà des normes et des réglementations en matière de consommation et de rejet dans le milieu naturel. Parmi les programmes d’actions qui ont été menés chez nous, il y a par exemple la mise en œuvre d’un audit énergétique mené en collaboration avec l’usine de cogénération d’électricité, la mise en place d’un système de recyclage des eaux de refroidissement des colonnes à distiller, l’amélioration de la régulation automatique des moulins ou des chaudières qui conduit à une meilleure performance énergétique et à des économies de vapeur d’eau, la mise en place du tri et de la collecte des déchets ainsi que la chasse au gaspillage. Nous sommes également équipés pour contrôler et piloter de façon performante nos traitements de vinasses et nos fumées de cheminées. Nous avons par ailleurs mis en place un comité de riverains pour communiquer de façon transparente et accueillir leurs remarques et propositions d’amélioration. Nous faisons des analyses de sol systématiques avant amendement comme il est recommandé en agriculture raisonnée et nous l’avons également mise en oeuvre gracieusement pour les petits planteurs avec lesquels nous travaillons. Enfin, nous réalisons des expérimentations de compostage de bagasse, de ferti-irrigation de manière à réutiliser nos déchets organiques pour réactiver la microbiologie des sols et permettre sa régénération naturelle.

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Rumporter : Nous aimerions insister sur la dimension agricole. Nous savons que BBS travaille avec beaucoup de petits planteurs, pouvez-vous rappeler rapidement comment est structuré votre approvisionnement en canne ? VP & CM : Nous exploitons en propre 60 ha de canne à sucre AOC sur le domaine La Mauny, lui-même d’ailleurs entouré d’une forêt primaire tropicale classée zone protégée, c’est dire si nos terres sont précieuses et intimement liées à l’un des écosystèmes les plus rares de la Martinique. Par ailleurs, La Mauny exploite en fermage des terres en canne à sucre AOC sur Saint Anne à l’anse Trabaud pour 35 hectares et 40 hectares sur Vatable aux Trois Ilets. De plus, sur Trois-Rivières, nous disposons 700 ha de terres mais seulement 200 ha exploités en cannes, le reste est constitué de savanes naturelles dédiées à l’élevage bovin, de salines, et de mangroves, des écosystèmes très spécifiques qui font notre fierté. Pour compléter les approvisionnements de Maison La Mauny, nous travaillons en étroite collaboration avec environ 70 planteurs qui nous livrent leurs cannes. A part la sucrerie du Galion, nous sommes les seuls à nous organiser de cette manière. Nos planteurs sont regroupés au sein de l’association « Les Planteurs La Mauny » à but non lucratif pour une gestion mutualisée et une représentativité des exploitants canniers du sud. Nous sommes très attachés à la notion d’équilibre, de sauvegarde du patrimoine familial, de défense des biodiversités et des itinéraires techniques de cannes traditionnels. Certains jeunes petits planteurs travaillent également des terres que nous louons et les entretiennent pour nous.

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Rumporter : Vous êtes situés dans le sud de l’île et donc parmi les plus embêtés par la problématique de l’herbe à riz, un des adventices les plus nuisibles pour la canne et notamment dans le cadre des coupes mécanisées. Dans le contexte d’interdiction ou de non homologation des produits phytosanitaires et notamment de l’Asulox, comment avez-vous organisé votre désherbage ? VP & CM : Nous sommes situés dans le sud de l’île et donc parmi les plus pénalisés par toutes les problématique qui s’abattent sur la culture de la canne à sucre en Martinique : pression du foncier, sécheresse, interdiction des produits phytopharmaceutiques. Le contexte d’interdiction ou de non homologation des produits phytosanitaires et notamment de l’Asulox, comment avons-nous organisé notre désherbage ? Nous avons repris la méthode traditionnelle d’extirpation des mauvaises herbes à la main. Cette année, les champs ont bien été entretenus et nous avons créé des emplois. Mais la problématique reste entière : en Martinique personne ne souhaite travailler dans les champs pour ce type de poste, même en proposant aux jeunes recrus un CDD renouvelable accompagné d’un plan de formation permettant une montée en compétence et une professionnalisa-

tion (CACES, mécanisation, certiphyto, etc.), ces postes demeurent principalement pourvus par des travailleurs étrangers ce qui impliquent sur le plan administratif et organisationnel des contraintes supplémentaires (permis de séjour, logement)… Pour les planteurs, avec qui nous travaillons en sous-traitance, ceux-ci ont des domaines de petite taille et ont dû souvent faire le travail eux-même voire travailler avec l’aide de proches car le désherbage mécanique n’est pas une option. C’est pour eux aussi une énorme surcharge. Rumporter : Toutes les problématique qui s’abattent sur la culture de la canne en Martinique : pression du foncier, sécheresse, interdiction des phytos ne cessent de faire monter les prix de la canne. En tant que non producteur, vous y êtes particulièrement sensibles. Est ce que vous pensez que le rhum va pouvoir continuer à absorber des hausses de prix pendant encore longtemps ? VP & CM : Je pense que d’envisager l’avenir sans restriction de volumes et sans augmentations des coûts n’est pas très réaliste et ce, dans tous les domaines de consommations et de production de la Terre.

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RIVIÈRE D U MÂT, À L A P OIN T E D E L A TECHNOLOGIE VERTE À LA RÉUNION

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Par Matthieu Lange

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ivière du Mât est certainement la distillerie réunionnaise la plus confidentielle aux yeux des amateurs métropolitains de rhum. C’est pourtant un géant qui gagnerait à être connu autant pour la qualité de ses rhums, dont Christian Vergier reste le maître de chai, que pour ses investissements environnementaux. Afin de mesurer la place qu’occupe la distillerie Rivière du Mât dans le paysage sucrier et « rhumier » réunionnais, il suffit que savoir que celle-ci a la capacité de consommer jusqu’à 70% des 70 000 tonnes de mélasses produites chaque année sur l’Île. Jusqu’en 2018, la Réunion exportait annuellement entre 15 000 et 20 000 tonnes de mélasse non transformée en rhum, dont la production s’élève à 110 000 hl pour un potentiel de distillation de 145 000 hl par an. Rivière du Mât, en partenariat avec le sucrier Téréos et le producteur d’énergie Albioma, a choisi d’utiliser ce potentiel pour faire de la production énergétique un pilier fondamental de son activité, sans compromettre sa vocation première à savoir, faire du rhum.

LE FLEGME, POUR LE COUP, PAS BRITANNIQUE Rivière du Mât produit annuellement entre 50 000 et 60 000 hectolitres de rhum (ndlr : plus de 50% de la production locale). En 2018, elle s’est lancée, en plus des

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rhums traditionnels et des rhums légers, dans la production que ce qu’on appelle le flegme. Il s’agit d’un éthanol titrant à 94-96°, ayant vocation à alimenter une turbine à combustion (TAC) pour la production d’électricité en heures de pointe. Dans les années 2000, Rivière de Mât en produisait déjà pour l’exportation, pour être redistillé en alcool surfin, mais de manière irrégulière en fonction des stocks de mélasse disponibles. Cela ne reflétait une stratégie globale ni de la distillerie, ni de la filière canne. Quand la production de cet alcool brut reprend, cela s’inscrit dans un projet général d’évolution - pas de transformation - de la filière, dont l’objectif est de faire de la canne à sucre, et de ses sous-produits, une source d’énergie. Cette turbine est en activité dans la ville de Saint-Pierre depuis février 2019. Il s’agit de la première centrale du monde fonctionnant à hauteur de 80% au bioéthanol, d’une puissance électrique de 41 Megawatts (ndlr : de quoi alimenter en électricité environ 20 000 foyers). Du fioul léger est utilisé uniquement dans les phases de démarrage et d’arrêt de la centrale, qui durent 7 minutes chacune. La turbine est gérée par Albioma, propriétaire, des centrales thermiques de Bois-Rouge et du Gol. Mais une des choses les plus intéressantes dans ce projet est qu’elle est co-détenue par un consortium dans lequel nous trouvons, évidemment Albioma, mais aussi Tereos et Rivière du Mât (La Martiniquaise) elle-même. Cette alliance qui illustre la coordination nécessaire entre les différents secteurs de cette filière que l’on doit désormais appeler « canne-sucrerhum-énergie », est un hommage à la vision d’origine des

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fondateurs du groupe Quartier Français dont la vente à la découpe en 2010 avait fait craindre qu’elle ne disparaisse. Or chacune des trois industries n’est viable que si elles s’appuient mutuellement. En effet, sans débouchés pour la mélasse, le sucre réunionnais n’est pas compétitif, sans sucre pas de mélasse, sans mélasse pas de rhum et bien sûr ni bagasse, ni éthanol pour produire de l’électricité. Lorsque les initiateurs du projet ont estimé qu’il était plus intéressant de valoriser la mélasse inutilisée, en bioéthanol plutôt que de l’exporter, ils durent convaincre les acteurs de la filière mais également les autorités. La Commission de Régulation de l’Energie a alors estimé que ce projet de turbine, élaboré pour les 25 années à venir, était une entreprise durable et efficace. De son côté, au vue des investissements réalisés, Rivière du Mât a obtenu la garantie d’écouler son éthanol durant cette période. Si les résultats en matière énergétique se concrétisent dans le temps, la production de flegme pourrait représenter dans les prochaines années entre 30% et 50% de la production totale de la distillerie, à côté des rhums, traditionnel et léger. Cette réalisation renforce l’utilité de la canne à sucre dans le secteur le secteur énergétique. Ce lien est patiemment tissé depuis plusieurs années notamment à travers le traitement de la bagasse - 10% de l’électricité produite à la Réunion en est issue - mais aussi via la méthanisation que Rivière du Mât pratique directement sur son site.

LA MÉTHANISATION OU COMMENT TRANSFORMER LES DÉCHETS EN ÉNERGIE Il s’agit du premier grand projet écologique de Rivière du Mât. La méthanisation est un procédé de traitement des résidus de la colonne de distillation, dont la finalité est de produire du biogaz. C’est en 2011 qu’est prise la décision d’ouvrir la voie au recyclage de cette vinasse hautement polluée. La méthanisation qui ne traite actuellement que 50% des vinasses produites chez Rivière du Mât, est un processus qui ne fut maîtrisé pleinement qu’à partir de 2015. Les débuts furent difficiles et l’affaire aurait pu tourner court. Le Groupe Martiniquaise, qui a racheté la distillerie en 2012, l’épaula et lui fit profiter de l’expérience des exploitations des méthaniseurs des distilleries Bonne Mère en Guadeloupe et Saint-James en Martinique. Ce premier méthaniseur permit à Rivière du Mât de réduire sa consommation de fioul de 80%. Les dirigeants décidèrent alors de construire un second méthaniseur pour absorber les vinasses non traitées, qui sera opérationnel en 2020. La distillerie obtiendra alors un surplus de gaz qui servira à produire de l’électricité revendue à EDF. Après distillation du vin de mélasse fermentée, on

obtient du rhum et de la vinasse. La vinasse est dirigée vers le méthaniseur. On y ajoute des bactéries méthanogènes qui dégradent la matière organique de la vinasse, la température est maintenue à 37°, et du biogaz (contenant 58% de méthane) y est naturellement produit. Celui-ci est brûlé dans une chaudière qui chauffe la vapeur utilisée dans les colonnes de distillation. Après extraction du gaz méthane, la matière liquide, la vinasse dépolluée, restante est décantée pour séparer ce que l’on appelle la vinasse claire de la boue. Cette boue, surnommée ferticanne, est fournie - voire livrée et épandue - gratuitement aux planteurs environnants en guise de fertilisant. Ainsi, les planteurs peuvent réduire jusqu’à 60% leur utilisation d’engrais chimiques. La vinasse claire dépolluée est rejetée à la mer. Que ce soit la boue ou la vinasse, elles sont analysées, suivies et testées chimiquement afin de répondre aux normes environnementales. Mais il fallait convaincre les planteurs d’utiliser la boue fertilisante. Car, certes, les engrais chimiques sont onéreux, mais restent une solution efficace, et ancrée dans la pratique. Pour rassurer, il fut par exemple nécessaire d’adapter la consistance et la mise en œuvre de la boue afin que celles-ci ressemblent aux engrais utilisés précédemment ainsi qu’à l’usage antérieur. Aujourd’hui, lorsqu’un planteur l’utilise dans ses champs, il signe une convention avec la distillerie. Son terrain est analysé avant puis après épandage afin de s’assurer qu’il n’y ait ni dégradation, ni de surfertilisation des sols. Les retours d’expérience des agriculteurs, que ce soit en matière de qualité des sols ou d’utilisation d’engrais, sont bons. Fidéliser les agriculteurs reste encore aujourd’hui un défi important. Avec le second méthaniseur, la distillerie produira quotidiennement 100 m3 de boues et aura besoin de trois hectares par jour pour l’épandage. En 2020, Rivière du Mât s’est fixée pour objectif de travailler avec une centaine de planteurs représentant 1500 ha de canne (ndlr sur les 24 000 ha plantés en canne de l’île).

UN NAVIRE PRÊT À AFFRONTER LES TEMPÊTES Rivière du Mât est assurément la distillerie qui innove le plus à la Réunion, en 2019. A l’issue des travaux, elle sera la plus moderne de l’île, aura réalisé d’importantes transformations liées aux préoccupations environnementales, se sera rapprochée des planteurs, et aura ainsi renforcé sa position au sein de la filière canne-sucre-rhum-énergie. Le monde de la canne à sucre traverse une zone de turbulences mondiales, notamment à cause de la baisse des cours de sucre, mais Rivière du Mât, grâce à la diversification que représente le secteur énergétique, sortira incontestablement renforcée de cette période.

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«SI VOUS VOULEZ QUE LES PRODUCTEURS S’ENGAGENT SUR LA VOIE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, COMMENCEZ PA R L E S PAY E R C O N V E N A B L E M E N T»

Interview d’Alexandre Koiransky, fondateur de la marque de spiritueux équitables FAIR.

© FAIR SPIRITS

Par Fabien Humbert et Cyrille Hugon

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Rumporter : Comment vous est venue l’idée de vous lancer dans les spiritueux équitables ? Alexandre Koiransky : L’idée m’est venue lorsque je travaillais dans les années 2000 comme commercial pour une marque des cognacs Ferrand (Landy) dans le « Ghetto » de Chicago. J’y avais été envoyé notamment par Alexandre Gabriel et Jean-Dominique Andreu, qui avaient créé la marque de rhums Plantation.

Rumporter : Et vous avez commencé par la Vodka ? A.K. : La Vodka marchait fort à cette époque aux EtatsUnis. L’idée c’était de trouver une matière première que je pourrais acheter à un prix plus élevé à des petits producteurs afin ensuite de la faire distiller. Je me suis rapproché du label Max Havelaar qui m’a conseillé le Quinoa et m’a dirigé vers la Bolivie et la coopérative Anapqui. Depuis 2009, j’y passe deux semaines par an pour la récolte.

Rumporter : Du cognac dans le Ghetto ? A.K. : Oui il s’agit d’un des spiritueux les plus appréciés des afro-américains. C’était une période de ma vie très excitante, parfois un peu dangereuse. Mais j’étais un peu mal à l’aise de vendre des bouteilles de cognac qui tombaient parfois entre les mains de gens très pauvres qui se privaient pour les acquérir, ou de trafiquants de drogues notoires. Je me suis remis en question. J’avais envie de trouver du sens à ce que faisais. Moi-même consommateur de produits du commerce équitable (une tendance très forte dans le monde anglo-saxon), j’ai eu envie d’en appliquer les codes aux spiritueux.

Rumporter : Comment avez-vous basculé vers le rhum ? A.K. : J’ai voulu diversifier l’offre, toujours dans l’optique d’aider des petits producteurs. Mais cela a été compliqué de trouver des rhums certifiées commerce équitable. Finalement Max Havelaar nous a dirigés vers le Belize. Rumporter : Pourquoi le Belize, ce petit pays méconnu ? A.K. : On y fait beaucoup de sucre labellisé commerce équitable, notamment en direction du marché britannique. Nous avons trouvé une petite distillerie avec des stocks de rhum, nous l’ avons aidé à obtenir les certifications équitables et nous nous sommes lancés.

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Rumporter : Comment ça se passe concrètement ? Vous achetez la tonne de canne plus cher ? A.K. : Pas exactement, nous achetons à la distillerie l’alcool vieilli, 15% plus cher que le prix moyen pratiqué au Belize. Cela qui correspond à environ 50 centimes supplémentaires par bouteille vendue. Nous surpayons donc à la fois la distillerie et les gens qui y travaillent, ainsi que les petits producteurs de canne. En ce qui nous concerne, au lieu de faire 60% de marge sur une bouteille comme certains de nos concurrents, nous nous contentons de 45%. C’est bien suffisant.

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Rumporter : Le cahier des charges du commerce équitable contient-il des obligations vis-à-vis de l’écologie ? On confond souvent équitable et bio non ? A.K. : L’idée du fair trade, c’est d’abord de tenter de sortir les êtres humains de la pauvreté en rémunérant leur travail de façon équitable. C’est une façon de s’engager très directe. Nous agissons vraiment sur les conditions de vie de ces gens. Leur intérêt pour l’écologie, le retraitement des eaux usées, les énergies alternatives ou le bio progresse, mais au même rythme que l’élévation de leur niveau de vie. Donc si vous voulez que les producteurs s’engagent sur la voie du développement durable, commencez par les payer convenablement et donc achetez des produits issus du commerce équitable. La confusion entre bio et équitable est forte en effet. Les deux notions sont cependant interdépendantes et complémentaires. Nous sommes convaincus que le commerce équitable est une des conditions au développement de l’agriculture bio. Une fois que les producteurs n’ont plus à se soucier de pouvoir nourrir leurs enfants, alors ils peuvent s’organiser et investir dans une agriculture plus raisonnée. Un des fondements du commerce équitable est l’accompagnement des agriculteurs dans la mise en place de cette transition écologique. Rumporter : Allez-vous développer votre gamme de rhums équitables ? A.K. : Oui mais ce n’est pas une sinécure ! Notre souci c’est que nous n’avons pas encore le reins assez solides pour acheter du rhum et le faire vieillir nous-mêmes, or c’est difficile de trouver des rhums vieux (3 à 6 ans) équitables. Dans notre modèle, nous achetons le rhum et nous l’assemblons dans nos locaux en Charente. Parfois, les rhums équitables que nous trouvons perdent leur agrément ! C’est arrivé avec notre rhum Jamaïcain par exemple. Nous n’en ferons plus. Cela montre aussi que

les contrôles existent et qu’ils sont efficaces. Nous versons 2,5% de notre chiffre d’affaires pour que des audits sérieux soient pratiqués sur nos fournisseurs. Rumporter : Donc pas de développement en vue ? A.K. : Si bien sûr, mais dans un premier temps nous n’allons pas développer d’autres provenances de rhums que le Bélize, Paraguay et Salvador. Par contre je peux vous annoncer que nous allons les marier dans un blend qui sera disponible en septembre 2020. Rumporter : On constate en effet qu’il y a peu d’acteurs qui revendiquent le label dans le monde du rhum (ni d’ailleurs qui cultivent en bio). Vous avez une explication ? Je n’ai pas assez de recul et d’expérience (en temps) pour pouvoir analyser précisément ce phénomène. Il me semble que le premier frein pour les marques reste économique. La plupart d’entre elles ne souhaite pas baisser ses niveaux de marge pour une cause qui n’est pas encore largement soutenue par les consommateurs. La recherche de sens qui se propage dans tous les secteurs d’activité entraînera probablement une croissance des pratiques éthiques, et donc du commerce équitable. Le consommateur décide quelque soit le pays ! Rumporter : Flor de Caña a obtenu la certification Fair Trade USA il y a deux ans. Nous ne doutons plus de leur bonne volonté ans (voir l’interview de Jason Glaser pages précédentes) mais pour y être allé, nous sommes quand même sceptiques vs le cahier des charges du commerce équitable tel que défini sur le site de Max Havelaar. Y a-t-il des différences de cahier des charges entre l’Europe et les Etats Unis. A.K. : Fairtrade USA, certification fondée par Paul Rice, est un standard très sérieux. Des marques respectables comme Alter Eco ou Patagonia y adhèrent et continuent de participer à un avenir meilleur. Il me semble donc positif que Flor De Caña les ait rejoints. Cela va permettre de densifier l’impact et le message du commerce équitable en Amérique du Nord. Rumporter : Pour finir, comment voyez-vous l’évolution du rhum dans les 10 ans à venir ? A.K. : Je pense que le rhum va prendre de plus en plus de parts de marché au whisky. Il est plus facile d’accès, plus libre aussi. Concernant notre segment de marché, l’idée c’est aussi de servir d’exemple, nous ne voulons surtout pas rester les seuls rhums équitables au monde !

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GLOSSAIRE Asulox

L’Asulox est le nom commerciale d’un herbicide (autre nom fougerox) particulièrement efficace en culture forestière pour lutter contre l’envahissante fougère aigle. De la famille des carbamates son principe actif, l’asulam, agit sur la photosynthèse et permet de traiter le désherbage de manière profonde (y compris au niveau des racines). En 2011, l’asulam est devenu la propriété d’une société indienne , qui comme ça doit être fait dans pareil cas, n’a pas fait les démarches de réhomologation en Europe. Néanmoins, des dérogations ont été accordés pour la culture de la canne entre 2012 et 2018 et ce dans tous les DOM et TOM. L’asulam est depuis interdit d’utilisation. Une étude de l’Anses de 2014 (Peer reviewed) concluait à un danger négligeable pour le consommateur des sucres issus de la canne traitée avec, compte tenu de la très faible rémanence de son composé actif dans la plante au moment de la récolte... Ce qui ne signifie en rien que le produit en lui même n’est pas dangereux... A suivre.

Bonsucro

Bonsucro qui est une entreprise de droit privé enregistrée en Grande Bretagne est organisé de manière participative (multiple stakeholder), non lucrative et affiche comme but d’améliorer la production de canne dans les domaines sociaux, environnementaux et économique. Né en 2005, de la rencontre d’une trentaine d’acteurs de la filières, Bonsucro est rapidement devenu un acteur majeur de la chaine de production de sucre. Avec plus de 500 membres (du champ de canne jusqu’à Coca cola), Bonsucro connait une croissance très rapide ces dernières années. Dans un contexte, de libéralisation du marché du sucre et de la tentation du bio-éthanol, Bonsucro est pivot et est clairement un acteur majeur du développement durable sur toute la chaine de la filière. A travers ses certifications Bonsucro Production et Bonsucro Chain of Custody, Bonsucri certifie les conditions de production de la canne à sucre dans les fermes et dans les unités de transformation, et monitore la traçabilité et la durabilité des produits issus de la canne à sucre à travers la chaîne d’approvisionnement. Ses standards de certification sont sans cesse remis en question par ses membres eux-mêmes et Bonsucro assure, via son réseau, ses propres audits de certification Ceci étant dit, Bonsucro en 2019 ne certifie que 60 millions de Tonne de Canne produites sur un total de 1,25 milliards.

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ProTerra

ProTerra est un label certificateur indépendant (depuis 2012) adossé à une fondation ProTerra foundation. A l’origine du label, une demande de certification pour du soja brésilien assuré par l’organisme certificateur Food Chain ID, a débouché sur un partenariat entre le WWF, Coop suisse et Proforest. Le champ d’application de Pro Terra couvre toute la chaine alimentaire de la production à la distribution en passant par la transformation et ses champs d’investigation s’étendent aux domaines suivants : - Responsabilité éthique et sociale - Emploi - Santé et sécurité - Bien-être et recrutement - Formation - Durabilité environnementale - Impact environnemental - Modification génétique - Pollution et gestion des déchets - Traçabilité du produit - Amélioration continue FoodChain ID est l’organisme certificateur du label.

Fair Trade

Le Fair Trade Si tous ses organismes se rejoignent sur leurs grands objectifs, le Fair Trade revêt des formes différentes d’un organisme à l’autre et d’un continent à l’autre. Cependant, « en 2001 les principales organisations du commerce équitable (CE) se sont entendues sur une définition commune de celui-ci : un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel. » (Source Le système Fairtrade : une garantie pour les consommateurs ? par Gaëlle Balineau et Ivan Dufeu sur Cairn.info).

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PORTFOLIO

C E D R I C K I S H A M C A LV A D O S HIS TORY OF VIOLENCE Par Cedrick Isham Calvados et Anne Gisselbrecht Cédrick Isham Calvados est un photographe guadeloupéen autodidacte de 39 ans. Ancien rappeur, il joue des mots autant que des images. Cédrick fait partie de cette nouvelle génération d’artistesetauteurs outremers quivalorisentleurs territoires et leurs traditions et dont la quête identitaire semble indispensable pour mieux se tourner vers l’avenir hors des clichés « doudouistes » (cocotiers et sable blanc). Avec un regard introspectif, lumineux et moderne, Cedrick nous plonge ici, en images et texte, au cœur d’un Pitts, arène où se déroulent des combats de coqs, selon la tradition antillaise afin de régler des conflits communautaires.

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’ai eu la chance de pénétrer une de ces arènes en Guadeloupe. En arrivant, le calme est trompeur et rien ne laisse présager de la suite. Les habitués arrivent les uns après les autres et se saluent chaleureusement. Certains s’évitent. Quelques contentieux dans l’air. Un signal est donné et un mouvement homogène s’opère vers l’intérieur de la petite maison en bois. Je les suis. Je suis excité mais je ne laisse rien transparaître. Je n’ai jamais assisté à ces combats mais je peux sentir cette nouvelle adrénaline s’emparer de moi. L’odeur de la violence est dans l’air, suave autant qu’épicé. Elle se pose lentement dans l’enceinte et semble oindre les présents les uns après les autres. Qui sont-ils d’ailleurs? Des hommes, des maris, des pères, des travailleurs? Sûrement un peu de tout cela. Qu’importe; ils sont là et forment un mêlasse prête à se laisser glisser dans le courant de leurs passions. Les gladiateurs sont présentés, analysés et scrutés de toutes parts. Les premiers désaccords commencent à poindre et la tension croît. Ces bêtes sont debout là, dressés fièrement sur leurs pattes et défient du regard la cohorte autour. Ils semblent n’avoir cure de toute cette agitation autour d’eux. À cet instant, je me demande si elles sont conscientes de ce pourquoi elles sont là? Quels stimulus sont mis en action afin de les préparer à la suite? Peut-être sont-elles déjà concentrées pour se battre? Mes questions sont naïves mais je suis presque impressionné par ces coqs. Ce sont des combattants d’un autre genre. Ils sont entraînés à tuer et faire mal tant que leurs forces les tiennent debout. Dans ces combats, rien n’est joué d’avance et c’est bien là le charme de ces luttes électriques. Au-delà de la violence de ces combattants d’un autre genre, ces pratiques nous questionnent également sur notre propre violence. L’animal serait-il, en quelque sorte, le reflet des passions qui animent l’être de son maître? Immersion dans une arène où les hommes se font plus entendre que les coups que se portent ces volatiles et où la véritable tension n’est pas tant dans le spectacle offert par ces petits gladiateurs mais dans la mesure des égos poussés dans une forme d’animalité… Cedrick Isham Calvados

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BANC D’ESSAI

BARBADE

POSSIBILITÉS D’UNE ÎLE Par Cyrille Mald & Nicolas Dubois

« L’honneur est comme une île escarpée et sans bord : on n’y peut plus rentrer dès que l’on est en dehors. »

Nicolas Boileau Satires, 1666

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DISTILLERIES DE LA BARBADE

Mount Gay St Nicolas’ Abbey

Foursquare

West Indies Rum

Sirop de canne

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Mélasse

écalée de l’arc antillais dont elle est la terre la plus orientale, la Barbade n’est pas une île volcanique mais calcaire : la partie émergée d’un prisme d’accrétion du bassin océanique, constituée de roches sédimentaires. A l’est de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, dans les Îles-sous-le-Vent, au sein des Petites Antilles, elle partage sa frontière maritime, au nord, avec Sainte-Lucie et la Martinique et, au sud, avec la Grenade et Trinité-etTobago. Introduite par les hollandais qui quittèrent leurs terres brésiliennes du Pernambouc en 1640, la culture de la canne dans cette île excentrée lui permit d’en être l’incu-

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Pot still

Colonne

Pot still + Colonne

bateur pour tout l’arc caribéen. Elle possède ainsi l’un des plus anciens héritages en matière de distillation de rhum, les premières traces de ‘Barbados Water’ remontant à 1637. Sa façade orientale ‘au vent’ est plus humide que la côte ouest, sous le vent, et toute entière soumise aux influences océaniques et aux alizés venus du nord-est qui tempèrent la température tropicale. Alors il est temps de plonger vers les palaces flottants de Port Saint Charles, de s’enfièvrer dans les soirées flying fish lors d’un barbecue sur la plage, de s’assourdir dans un des rum shops où s’entrechoquent les parties de dominos ou de se rafraîchir dans les piscines naturelles des grottes d’Harrison. Tour d’horizon.

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MOUNT GAY (MOUNT GILBOA) Des documents attestent de la production de rhum à Mount Gilboa dès 1703 mais la distillation devait déjà être pratiquée sur l’île bien des décennies avant. La distillerie fut rebaptisée Mount Gay en 1801 en hommage à John Gay Alleyne (qui la dirigea dès 1747). Très récemment c’est Trudiann Branker qui a succédé à Allen Smith aux commandes de la distillerie, devenant la première femme Master Blender chez Mount Gay.

LAST WARD 2009

MOUNT GAY POT STILL RUM 10 ANS - 48% Ce rhum de mélasse a été distillé en 2009 exclusivement en pot still et mis en bouteille en 2019. Il s’agit d’une des premières réalisations de Trudiann Blanker. Nez : très fruité, il est marqué dans un premier mouvement par de belles notes d’ananas et de longane pour devenir de plus en plus précis et aéré. Les notes florales font alors la part belle à la fleur d’oranger et à la camomille. Bouche : confirme le nez sur le fruit, elle évolue sur la goyave, la banane et le fruit du jacquier. La texture est à la fois ronde et parsemée de légères pointes acidulées. Finale : délicate et persistante, la finale laisse d’abord ressortir le camphre et les fruits à coque. L’huile d’amande confère une belle tonicité, et l’ensemble fait preuve d’une texture et d’une persistance remarquables.

HABITATION VELIER [IB] MOUNTGAY TRIPLE DISTILLATION, FÛTS DE BOURBON 59% Distillé par Mount Gay et embouteillé par Habitation Velier, ce rhum de mélasse a subi une triple distillation et une maturation de 9 ans en fûts de bourbon. Hommage à Frank Ward, dernier propriétaire de la distillerie avant son rachat par Rémi Cointreau. Nez : riche et aérien. Débute d’emblée sur un boisé fin (palissandre, bois de rose) dont s’extraient de notes de tamarin, et de cerise noire. Progressivement, il se poursuit sur la réglisse douce, et une vanille légère. Bouche : très affirmée, sur la réglisse forte, les fruits au sirop, la fève de tonka et l’herbe fraîchement coupée. L’adjonction de quelques gouttes d’eau lui apporte un caractère plus gras, sans toutefois modifier sa structure aromatique. Finale : longue et concentrée sur une ossature mentholée, elle exprime d’abord toute sa fraîcheur herbacée. En arrière plan, apparaissent des notes de cacao, de grain de café torréfié et d’olive noire en toute fin. La finale est joliment tannique mais assez unidimensionnelle.

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ST. NICHOLAS ABBEY Si St Nicholas n’a jamais été une abbaye, elle a cependant, depuis le XVIIème siècle, toujours été une plantation de canne à sucre et les première trace de production de rhum remontent à Sir John Gay Alleyne qui avait introduit une unité de production de rhum en 1775. La nouvelle distillerie de St Nicholas Abbey, fondée en 2009 par Larry Warren au sein de cette plantation historique de 415 ha, se démarque de ces voisines par l’usage de sirop de canne au lieu de mélasse sucrière pour la production de son rhum.

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ST NICHOLAS ABBEY 5 ANS - 40% Nez : boisé et assez uniforme, il se développe sur les fruits à coque : noisette, noix, noix de macadamia. Un parfum de mochaccino sous-tend l’ensemble, laissant ressortir des pointes de cacao prononcées. Bouche : soyeuse dans un premier mouvement, elle n’est pas sans évoquer le lait de poule. Des notes épicées se développent peu à peu, centrées autour du poivre blanc. La structure aromatique manque toutefois de tenue (et de complexité) pour s’exprimer pleinement. Finale : saline mais assez courte, elle se teinte de volutes marines, d’embruns et de coumarine. La réglisse sous-tend l’ensemble et s’immisce en toute fin.

RECOMMANDÉ

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FOURSQUARE En pointe sud-est de l’île, à St. Philip Parish, Foursquare est le plus ancien domaine sucrier de la Barbade (16361984). La nouvelle distillerie, fondée en 1996 par David Seale et reprise par son fils Richard Seale, est aussi innovante qu’authentique. Des pierres grises de l’ancienne Distil house (1737) à la distillerie moderne aménagée dans l’historique fabrique de sucre du domaine tout ici s’imprègne de la culture rhumière. Les fermentations durent 44 heures dans quatre cuves de 40.000 litres et comme tout rhum bajan traditionnel, celui de Foursquare est issu d’un assemblage en fût de distillat de colonne et de pot still qui en enrichit le profil aromatique. Foursquare commercialise sous plusieurs marques et notamment Doorly’s, Sixty Six ou Real McCoy, des batchs plus restreints étant griffés Foursquare.

FOURSQUARE - PATRIMONIO, SINGLE BLENDED RUM, DOUBLE MATURATION 58% Réalisé par Habitation Velier en collaboration avec Richard Seale à partir de rhums de mélasse issus de la distillerie Foursquare : un rhum de 14 ans exclusivement vieilli en fûts de bourbon et un rhum vieilli 10 ans en fûts de Bourbon puis 4 ans dans des fûts d’ex-Sherry. Nez : élégant et racé il se développe sur des notes florales prononcées : rose, églantine, pot-pourri, hibiscus et tabac frais. Les strates olfactives se succèdent devenant plus structurantes à l’aération : sur un boisé fin et harmonieux (bois de rose).

Bouche : complexe et soyeuse, marquée par la badiane et le mochaccino. Jolie pointe d’amertume en fin de bouche. Finale : ample et évolutive, on sent que les fûts de sherry ont joué à plein ici, rajoutant une strate aromatique supplémentaire, gorgée de fruits rouges très appétissants. En toute finale quelques notes salines apparaissent, complexifiant encore d’avantage ce rhum de grande tenue.

EXCELLENT

DOORLY’S 14 ANS FÛTS DE BOURBON DU KENTUKY + MADÈRE 48% Nouvel entrant de la gamme Doorly’s, ce 14 ans a bénéficié d’un double vieillissement en fûts de bourbon et en fûts de Madère qui lui ont arrondi les angles mais pas le caractère. Il en résulte un rhum riche et fuité. Nez : tout entier dirigé sur les fruits tropicaux, il se recentre autour de la goyave et de la papaye mûre. Quelques pommes cuites également, le tout enrobé dans un caramel onctueux. Bouche : ample et suave, elle évolue sur les fruits du verger (quetsche, prune, pêche de vigne) qui apportent richesse, douceur et unicité à l’ensemble. Finale : Longue. Elle restitue avec force les arômes marqués du madère (miel, reine-claude, mangue, zeste d’orange) et du vin de cerise. A chaque étape de la dégustation l’harmonie offerte est palpable, guidée par une trame aromatique au fruité intense.

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WEST INDIES RUM DISTILLERY (WIRD OU BLACK ROCK DISTILLERY) Fondée en 1893 par George et Hermann Stades, nationalisée en 1918, la WIRD est acquise en 1973 par Goddard Enterprise Ltd qui la cèdera en 2017 à United Caribbean Rum Ltd - Maison Ferrand. Cette vénérable institution ne manque pas de fourmiller de secrets et Alexandre Gabriel, plongeant dans les méandres de l’histoire de l’île et la personnalité de ses habitants nous indique que lors de sa première visite à la Distillerie West Indies, il avait remarqué une pièce-forte, remplie de mètres cubes d’archives. Demandant à Brett et Andrew, les deux managers de l’époque si quelqu’un avait la clef, ils avaient répondu avec une extrême politesse ‘qu’elle était perdue’. Quelques années plus tard, après que la WIRD fût rachetée par la Maison Ferrand, Alexandre Gabriel remonta dans le bureau d’Andrew qui, le regardant avec le même sourire que lors de la première rencontre, ouvrit lentement le tiroir de son secrétaire pour lui tendre la fameuse clé au trésor : la chambre forte regorgeait de documents précieux dont les minutes de production depuis 1901, des extraits de discussions techniques, etc. : « On a notamment redécouvert que certains rhums étaient à l’ époque fermentés avec un peu d’eau salée, qui crée un environnement différent pour le développement des levures et qui donnait aux rhum de West Indies des années 60 et 70 un côté briny, saumuré, très caractéristique de la distillerie. » Alexandre Gabriel WIRD PLANTATION SINGLE CASK 2019 BARBADOS XO, FÛTS DE BOURBON + COGNAC + AMBURANA 48% Ce rhum de mélasse est issu des pot stills de la West Indies Rum Distillery. Son affinage complexe mixte vieillissement tropical (6-7 ans en fûts de bourbon) et continental, en France, (un an en fût de cognac Ferrand et un finish court en fût d’amburana). L’amburana est un bois exotique d’Amérique du sud et notamment du Brésil, riche en coumarine (fève de tonka)

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aux arômes suaves et extrêmement fruité (cerise douce). Nez : fin et envoûtant, la cannelle fraîchement arasée accentue une sensation d’exotisme qui se poursuit tout le long de la dégustation. Après aération les épices chaudes laissent place à des arômes floraux aériens et subtils, marqués par les fleurs d’oranger et de cerisier. Bouche : l’amburana prend ici toute sa place, renvoyant à un équilibre fruit, épices axé autour de la cerise, la fève de tonka et la muscade. L’ensemble démontre une maîtrise dans les tonalités et les agencements harmonieux. Une leçon d’apparente simplicité. Finale : longue et élégante, aux boisés fins, marquée par l’encens et le rancio du passage en fût de cognac, des notes qui ne manquent pas de se fondre avec celles plus fruité de la merise et du kirsch alors que, en arrière plan, les baies roses font une apparition remarquée.

EXCELLENT

WIRD PLANTATION SINGLE CASK 2019 BARBADOS 7 ANS, FÛTS DE BOURBON + COGNAC + BIÈRE 48.2% Ce rhum de mélasse est issu des pot stills de la West Indies Rum Distillery. Son affinage complexe mixte vieillissement tropical (5-6 ans en fûts de bourbon) et continental, en France, (un an en fût de cognac Ferrand et un finish court en fût de bière actif). Nez : franc et direct, l’impact du houblon est immédiat, il complète une structure olfactive très marquée par le toffee, le carambar mou et la banane fraîche. Bouche : suave et caramélisée, la mélasse enrobe les premiers contours de la structure aromatique, suivi d’un caramel fin qui déploie une palette assez fruitée sur la poire et la tarte tatin. Finale : de manière surprenante, très rafraîchissante. Marquée par la citronnelle et la coriandre.

TRÈS BON

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CO CK TA IL S & RHUM

RETOUR DE RHUM FESTS PAR TIE II Par Yoann Demeersseman Photos : Mikael Peilloux

Commençons par le rhum vieux Cane Island Trinidad, j’avais apprécié le Barbade ce qui m’a donné envie de découvrir ce nouveau single estate. La dégustation m’a inspiré un fameux milk punch clarifié que je souhaitais expérimenter depuis quelques temps. J’ai twisté le classique et le résultat est bluffant, un milk punch clarifié aux saveurs de banane dans lequel ce rhum s’exprime nettement. Une des originalités de cette recette provient du cidre de glace Kystin, tout nouveau en France. Mélangé au marc de Savoie, il apporte les notes typiques du apple brandy qui remplace le cognac dans la recette classique. Un must try. Autre nouveauté, le rhum blanc agricole Island Cane de MarieGalante issu d’une distillation de cannes rouges qui titre 53% vol. Lors du dernier sujet, j’avais mixé la liqueur de café extra dry algebra, cette fois-ci, j’ai travaillé le café vert nature avec l’idée de revisiter le cocktail classique The Black Rose de Frank Meier célèbre bartender du Ritz Paris dans les années 1930. La recette initiale est composée de rhum blanc agricole, de sucre et de café. J’y ai apporté une touche végétale en utilisant un café vert et la chartreuse jaune car sans la liqueur je trouve que le goût de terre est trop présent. Destination Martinique avec les rhums Trois Rivières qui innovent une nouvelle fois avec leurs cannes brûlées. Depuis un an, on découvre une multitude de rhums blancs agricoles, on sent vraiment une montée en puissance dans cette catégorie. Rhum Improved Collins démontre une nouvelle fois le potentiel du Rum Collins. C’est simple,

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c’est bon et ça permet de découvrir le rhum blanc différemment. Restons en Martinique pour valoriser la canne bleue 2018 de l’habitation Clément. Comme à chaque concours de cocktails à base de rhum, j’aime mixer une recette et qu’à l’heure où j’écris se joue la finale Europe de la Ti’Punch Cup, j’ai imaginé une recette en partant sur le fruit et les fleurs ce qui a donné le Ti’Punch à l’hibiscus dans lequel l’équilibre entre la canne et la poire offrent un mélange puissant et fruité. Très beau ce millésime 2018 soit-dit en passant ! Lors d’un récent sujet, nous avions découvert El Libertad spiced distribué par Real Distribution, le rhum Sister Isles l’est aussi. C’est leur nouveau rhum, fruit d’un assemblage de rhums de mélasse ayant entre 8 et 12 ans et vieillis dans différents fûts dont un ayant contenu du vin. Suite à la dégustation j’ai imaginé un cocktail digestif fin et rond. Je revenais d’un voyage en Champagne au même moment et c’est naturellement que j’ai réalisé mon premier cocktail avec la Ratafia de Champagne. Pour finir, je vous présente Marlin Spike, un excellent rhum d’assemblage sur une base de rhums provenant de Trinidad & Tobago, Barbade, Jamaïque et de 4 rhums d’Amérique latine. Il a été spécialement conçu pour la mixologie. Je recommande ce rhum pour celles et ceux qui veulent apporter fraîcheur et modernité à leurs cocktails classiques. Au premier tasting, mon inspiration se porta sur le Daiquiri mais je voulais trouver un ingrédient différent que le lime et qui apporte du pep’s. Chose faite avec le jus de gingembre frais bio qui donne à ce cocktail une saveur particulière. Enfin, le sirop d’érable et la dernière création Kystin cidre au sarrasin blé noir torréfié sublime The Royal Fish. © MIKAEL PEILLOUX

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u’il s’agisse de nouveautés ou de classiques, j’ai flashé sur une bonne quinzaine de rhums lors du dernier Rhum Fest à Paris. N’en tirer qu’un dossier, c’était donc trop juste pour vous faire partager mes dernières recettes Cocktails & Rhum, nous voilà donc partis pour un chapitre 2 !

Remerciements à l’ équipe du CDV Lohéac qui nous a accueillis pour le shooting.

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TRINIDAD MILK PUNCH CLARIFIÉ Ingrédients (pour 8 verres) - 160 ml de jus de citron jaune bio - 80 g. de sucre en poudre blanc bio - 2/3 d’ananas bio (coupé en dés et pilés) - 8 écorces de citron - 400 ml rhum Cane Island Trinidad - 80 ml cidre de glace Kystin - 80 ml marc de Savoie - 20 graines de coriandre - 8 clou de girofles - 400 ml eau minérale bouillante - 480 ml lait chaud Méthode Incorporez les 9 premiers ingrédients dans un grand récipient (suivre l’ordre décrit par la recette) et terminer par l’eau bouillante puis laisser infuser pendant au moins 6 heures. Une fois l’infusion terminée, ajoutez le lait chaud et remuez quelques secondes à l’aide d’une grande cuillère puis passez le mélange une première fois dans une grande passoire (type chinois). Passez le mélange une seconde fois dans une étamine. Enfin, passez le mélange une troisième fois à travers un filtre à café, le milk punch est alors clarifié, conservez-le dans une bouteille pasteurisée. Réservez-le au frais quelques heures et servez le dans une petite tasse ou mug sur un bloc de glace.

Dégustation du cocktail Le Milk Punch est la boisson mélangée idéale à préparer lorsqu’on organise une soirée ou un évènement spécial. Etant déjà en bouteille, vous n’avez plus qu’à servir. Il peut également convenir aux bars à cocktails. Si vous êtes patient vous ne serez pas déçus, vos clients vont adorer. La surprise est tant visuelle que gustative, l’apparence du milk punch clarifié est claire et limpide, en bouche et il est incroyablement léger et fruité. Servez-le bien frais et consommer-le rapidement car lorsqu’il se réchauffe il perd en saveurs.

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Décoration - garniture Noix de muscade râpé (facultatif)

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Verrerie Tasse ou mug

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THE GREEN ROSE Ingrédients : - 40 ml rhum blanc Island Cane - 40 ml café vert nature - 1 dash sirop de sucre en poudre blanc bio - 1 dash Chartreuse jaune Méthode Shaker Verrerie Petite coupette glacée Décoration - garniture Aucune

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Dégustation du cocktail Le végétal est sublimé, voici un short drink original à base rhum agricole qui plaira aux amateurs de last word. C’est un cocktail qui se déguste et à la fois réveille !

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RHUM IMPROVED COLLINS Ingrédients - 50 ml rhum Trois Rivières « cannes brûlées » - 15 ml dry curaçao de Ferrand - 15 ml Porto blanc - 10 ml lime bio Complétez d’Unaju pêche-mélisse Méthode Directement au verre Verrerie Highball (long bloc de glace) Décoration - garniture Aucune

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Dégustation du cocktail Extrêmement plaisant, ce mélange improbable est facile à réaliser. Il vous suffit simplement de vous procurer l’Unaju (Manufacture Bordeaux), plusieurs parfums existent mais le pêche-mélisse avec le rhum trois rivières fonctionne très bien. Dans sa conception, je suis parti sur un Collins pour déguster le rhum blanc agricole différemment, c’est moins fort qu’on ne le pense et les notes fruitées du rhum laisse place à un long drink très accessible.

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TI PUNCH À L’HIBISCUS Ingrédients - 45 ml rhum Clément Canne Bleue - 5 ml eau-de-vie de poire Williams - 10 ml sirop d’hibiscus bio maison (une part d’infusion de fleurs d’hibiscus séchées pour une part de sucre en poudre blanc bio) - Peau de fesse lime bio Méthode Directement au verre Verrerie Ti punch ( sans glace ) Décoration - garniture Aucune, accompagné d’un verre d’eau glacée

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Dégustation du cocktail Ti punch puissant et fruité, la poire, l’hibiscus et la canne font bon mariage c’est en dégustant le rhum Clément canne bleue 2018 que j’ai eu l’idée de travailler l’eau-de-vie de poire et l’hibiscus pour déguster un Ti punch plus porté sur le fruit que le végétal.

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OLD CAPTAIN Ingrédients - 50 ml rhum Sister Isles - 20 ml ratafia de champagne - 10 m Jägermeister - 3 dash meukow XO bitters Méthode Mixing glass verrerie Pétire coupette glacée Décoration - garniture Zeste orange exprimé au dessus du verre et posé sur le bord du verre

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Dégustation du cocktail C’est le cocktail after dinner de ce sujet, la dégustation du rhum sister isles m’as inspiré la création d’un cocktail fin, doux, huileux , digestif, mais sans être trop gourmand. La ratafia de champagne va parfaitement avec le rhum sister isles, le Jagermeister apporte des subtiles notes de réglisse avec le bitters ça donne un cocktail de dégustation très plaisant. Je pense qu’il serait encore meilleure accompagné d’une mignardise à l’orange.

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THE ROYAL FISH Ingrédients - 40 ml rhum Marlin Spike - 15 ml jus de gingembre bio - 10 ml sirop d’érable - 40 ml Kystin sarrasin blé noir torréfié Méthode Incorporez les 3 premiers ingrédients dans le shaker, frappez énergiquement puis filtrez (à l’aide d’une passoire à glaçons puis d’une fine passoire) et versez délicatement le cidre, garnir et servir aussitôt Verrerie : Large coupette glacée Décoration - garniture Gingembre frais

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Dégustation du cocktail Exquis, délicieux, savoureux, c’est une des meilleures associations que j’ai trouvé avec le rhum ! Le gingembre apporte le pep’s d’un lime mais avec du goût, de l’épice, de la longueur. Mélangé au sirop d’érable, c’est l’accord parfait. Il est possible de faire The Royal Fish sans cidre, ça donne un excellent twist de Daïquiri mais avec le cidre au sarrasin blé noir torréfié, ce cocktail prend une autre dimension.

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RHUM EN TOQUE

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ŒUF GRAS-CUIT K ADAÏF CURCUMA , BANANE EN PEAU CROUS TILL ANTE

Recettes et photos de Benjamin Rousseaux

Quel plaisir enfin de pouvoir travailler des rhums de « Mon îl » !! En effet, je signe ces recettes avec les rhums Isautier de l’île de la Réunion. Dans les recettes qui vont suivre, j’ai laissé mes racines et mon expérience me guider dans une entrée et un dessert inspiré par la gastronomie de l’île. Le rhum Isautier 7 ans parfume et réhausse les chevaquines et le coulis de piments, quant au blanc agricole il agrémente parfaitement ce dessert autour de la banane et ce marie très bien avec le combava. Bon Appétit !

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ŒUF GRAS-CUIT KADAÏF CURCUMA, ROUGAIL CHEVAQUINES COULIS DE PIMENTS VÉGÉTARIENS POUR 4 PERSONNES

Pour les œufs - 4 œufs - 150 g de kadaïf - 1 c. à café de curcuma - 1 c. à soupe d’huile d’olive - 1 c. à soupe de gros sel - 1 c. à soupe de vinaigre Pour le rougail chevaquine - 100 g chevaquines séchées - 1 oignon - 2 tomates - 1 gousse d’ail - 1 petit morceau de gingembre frais - 7 cl de rhum Isautier 7 ans - 1 c. à soupe d’huile - Sel et poivre du moulin

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Pour le coulis de piment végétarien - 1 gros poivron - 100 g piment végétarien (ou doux) - 1 c. à soupe de sirop de canne - 5 cl de rhum Isautier 7 ans - 1 c. à soupe d’huile - Sel et poivre du moulin

Pour les œufs Laissez vos œufs à température ambiante et préchauffez votre four à 170 ° (th 6-7). Faites bouillir l’eau avec le sel et le vinaigre et plongez-y délicatement vos oeufs pendant 7 minute 30 et rafraîchissez-les. Emincez grossièrement le kadaïf et mélangez-le avec l’huile, le curcuma et une pincée de sel et enfournez-le sur une plaque pendant environ une quinzaine de minute tout en remuant toutes les 3/4 minutes et laissez refroidir. Pour le rougail chevaquines Faites trempez dans de l’eau tiède les chevaquines séchées. Epluchez et émincez l’oignon. Otez le pédoncule de la tomate et coupez-la en gras dés. Epluchez l’ail et le gingembre et hachez-les ensemble. Dans une casserole, faites bien chauffer l’huile et faites saisir les chevaquines une minute environ. Ajoutez l’oignon et continuez à faire saisir, puis le gingembre/ail et continuer à remuez quelques minutes sur le

feu. Flambez au rhum, ajoutez les tomates et un demi-verre d’eau et laissez mijoter à feu doux une vingtaine de minutes. Vérifier l’assaisonnement et débarrassez, réservez au frais.

Pour le coulis de piment Coupez les piments et le poivron en deux, ôtez les graines et coupez-le tout en petit dés. Dans une casserole, faites chauffer l’huile. Faites revenir vos morceaux de poivrons et de piments, flambez au rhum, ajoutez le sirop de canne, un verre d’eau, assaisonner et laisser cuire un petit quart d’heure, puis mixer le tout et réservez au frais. Dressage Au centre d’une assiette déposez à l’aide d’un cercle le rougail chevaquines. Roulez les œufs dans le kadaïf et posez-le sur le rougail. Versez autour le coulis le piment, décorez d’un brin d’herbe aromatique et servez aussitôt. Bon appétit !!!

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BANANE EN PEAU CROUSTILLANTE, QUATRE QUARTS COMBAVA, MOUSSE BOURBON PASSIONNADE ISAUTIER POUR 4 PERSONNES

Pour les bananes - 4 bananes - 4 galettes de riz diamètre 18 cm - 1 dl de rhum blanc agricole Isautier - 1 c. à s de sucre roux - 1 c. à c de curcuma - 1 dl d’huile de tournesol Pour le quatre-quarts - 100 g de sucre - 100 g de farine - 100 g de beurre fondu - 2 œufs - 1 trait de rhum blanc agricole Isautier - Zeste de combava - Beurre et farine pour le moule

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Pour la crème bourbon - 100 g de mascarpone - 1 dl de crème - 20 g de sucre glace - 1 gousse de vanille bourbon - 1 trait de rhum blanc agricole Isautier

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Pour la Passionnade - 2 fruits de la passion - 2 cl de rhum blanc agricole Isautier - 2 cl de sirop de canne - 2 cl d’eau gazeuse

Pour les bananes Dans un moule à tarte, mélangez le sucre, le rhum et le curcuma. Epluchez les bananes et faites-les mariner environ 30 minutes. Egouttez les bananes et gardez-les de côté. Ajoutez à la marinade un verre d’eau tiède. Préparez un torchon humide. Faites trempez quelques secondes les galettes de riz dans la marinade, déposez-les sur le torchon humide, attendez qu’elles ramollissent un peu et roulez les bananes dedans. Réservez. Pour la cuisson (au dernier moment), dans une poêle faites chauffez l’huile, coupez en trois vos bananes en galettes de riz et saisissez-les quelques secondes de chaque cotés et débarrassez-les sur du papier absorbant.

zaine de minutes, puis démoulez à tiède et coupez-le en quatre parts égales. Réservez à température ambiante.

Pour le quatre-quarts Préchauffer votre four à 180° (th 6). Beurrez et farinez un moule à cake. Faites fondre le beurre avec le rhum et les zestes de combava. Mélangez le sucre et les œufs vigoureusement afin que le mélange blanchisse, ajoutez la farine, puis le beurre fondu. Enfournez une di-

Dressage Au milieu de l’assiette, déposez 3 tronçons de bananes, puis par-dessus déposez un morceau de 4 quarts, réalisez une quenelle de mousse que vous déposez sur le biscuit, déposez autour de la Passionnade, décorez de brin de menthe et servez aussitôt. Bonne continuation !!!

Pour la mousse bourbon Mettre la crème et le mascarpone dans un saladier, ajoutez le sucre, le rhum et la vanille. Fouettez jusqu’à l’obtention d’une mousse onctueuse. Réservez au frais. Pour la Passionnade Coupez les fruits de la passion en deux, récupérez les graines dans un bol, ajoutez le rhum, le sirop, et l’eau gazeuse et bien mélangez.

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OFFICINE A RHUM

L A SCÈNE PARISIENNE LE NOUVEAU BERCEAU D E S E X P E R T S E T PA S S I O N N É S DE RHUM Par Laurence Marot

Bars à cocktails, bars d’hôtels spécialisés, restaurants exotiques, le rhum est devenu aujourd’hui un vrai phénomène sur Paname. Pendant de longues années, la mythique Rhumerie basée à Saint-Germain-des-Prés est restée l’unique QG des épris de la culture des Antilles. Jacques Chirac y avait sa place réservée et se délectait d’une bonne Piña colada ou d’un Ti Punch. Depuis les choses ont bien changé, et si la Rhumerie reste un des spots préférés de Rumporter, le renouveau du cocktail des années 2000 a changé la donne. Il a d’abord remis au goût du jour certaines légendes américaines du rhum comme Victor J. Bergeron et Ernest Raymond Beaumont Gantt alias Donn Beach, les deux pères du tiki. Une famille du cocktail réintroduit à Paris grâce aux talents des barmen Scott Schuder et Guillaume C Leblanc du Dirty Dick, bar à tiki bouillonnant de la rue Frochot. Un succès ébouriffant ! Et alors que le cocktail renaissait, le marché du rhum explosait et son explosion a vu naître une nouvelle génération de barmen parisiens s’enticher de ce spiritueux empreint d’histoire, de techniques de distillation et de vieillissement, et versatile comme aucune autre catégorie.. (Re)Découvrez cinq adresses cocktail avec des personnalités qui font bouger aujourd’hui la planète rhum pour le plus grand bonheur des gosiers parisiens.

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BA R 18 0 2 D E L’ H Ô T E L MON T E-CRIS T O

Sur le papier, le challenge s’affichait audacieux : monter le plus grand bar à rhums de France, voire d’Europe dans les murs d’un hôtel 4 étoiles, planqué dans le 5ème arrondissement. Un pari réussi, un an après la concrétisation de ce projet fou mené par le groupe hôtelier indépendant, Les Hôteliers Impertinents. Baptisé Bar 1802, ce royaume de la canne à sucre fait référence à l’année de naissance de l’écrivain Alexandre Dumas. Son lien avec le rhum ? L’un de ses grands-pères, propriétaire d’une plantation de canne à sucre sur l’île de Saint-Domingue. Sis dans le nouvel et classieux hôtel Monte-Cristo, le bar 1802 attire aujourd’hui des aficionados, prêts à traverser la Seine pour tremper leurs lèvres dans une mixture hautement dépaysante ou un bon vieux millésime. Pas de doute, l’univers fantasmagorique de l’auteur aventurier plane dans ce lieu, entre de chics chinoiseries, des faïences au style azulejo et des oiseaux empaillés et bigarrés. Depuis mars, Adrian Nino a repris le gouvernail des shakers et des 500 références de rhum. Ce péruvien, né à Paris, a fait ses gammes dans de belles maisons dont le groupe Experimental Cocktail Club, en tant que bar manager au Ballroom. Sa première carte est une dédicace aux cocktails classiques, du Old Fashioned au Negroni, exclusivement travaillés avec du rhum, « J’ai utilisé toutes les catégories avec des accords qui matchaient bien. Bien sûr le Zombie reste un Zombie avec un blend de rhums (Bacardi Añejo Cuatro, Chairman’s Reserve Spiced, Smith & Cross) modernisé avec une eau d’hibiscus et le Maï Taï a un goût de pomme car je le mixe avec l’apéritif 30 & 40 et un sirop d’orgeat toasté avec de l’acide malique, » précise Adrian Nino. Avec quelques bonus : des garnishs écolos et un jus de canne fait maison. Son dernier opus exprime tout son savoir-faire cocktail et son amour pour le rhum. « Nous avons travaillé sur la thématique Sugar Canne Experience autour de quatre chapitres, fermentation, distillation, vieillissement et un clin d’œil au Daïquiri. Pour certains cocktails, nous avons travaillé avec des rhums issus de fermentations spécifiques et d’autres produits fermentés par nous-mêmes, cherché des distillats en vrac en direct des distilleries et vieilli certaines préparations dans trois micro-barriques différentes. » Des breuvages avant-gardistes qui méritent le détour ! Pour les puristes, différents types de plateaux de dégustation sont à disposition. Les palais experts opteront pour « À goûter avant de mourir » réunissant des rhums rares (250 €) comme Samaroli Demerara 1989 et S.B.S Nicaragua 2004. Autre point fort : une collection d’embouteillages maison : un Clairin vieilli en fût de Caroni pendant 21 mois, un Compagnie des Indes Jamaïca 11 ans et une troisième pépite sourcée par Adrian himself, un brut de colonne 100% canne grise de Marie-Galante. Depuis cet été, l’hôtel Monte-Cristo

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L A NOUVELLE EXPÉRIENCE RHUM RIVE GAUCHE

a ouvert, en face du bar 1802, son restaurant « Le Grand Dictionnaire » avec des assiettes de saison et une offre caviste dans une ambiance aussi feutrée que celui du bar pour une expérience 100 % rhum. Un nouveau projet « encore en forte période rodage ». Patientons pour le fumoir à cigare en plein aménagement.

➔ Bar 1802 à l’Hôtel Monte Cristo - 20-22 rue Pascal 75005 Paris - Tél : 01 40 09 09 09 www.hotelmontecristoparis.com/restauration

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GLOSTER

Rendez-vous à quelques encablures de l’Ecole Militaire dans une avenue qui rend hommage à une personnalité du XVIIIème siècle, le comte Bertrand-François Mahé de la Bourdonnais, marin français et gouverneur général des îles de France (île Maurice) et de Bourbon (La Réunion). C’est une évidence, ce coin chic du 7ème arrondissement se prédestinait à célébrer le rhum et ses cocktails. Il a fallu patienter 3 siècles pour voir accoster au numéro 111, Gloster et ses bouteilles d’eaux-de-vie de canne à sucre. Ouvert en 2017, cette adresse, jouxtant l’hôtel 4 étoiles Le Bourdonnais se veut très discret. A l’extérieur, la façade se cache derrière une douce peinture « vert d’eau ». A l’intérieur, le lieu dévoile un salon de thé très sage : tables rondes, fauteuils moelleux et quelques clients planqués derrière leur ordinateur portable buvant un café bouillant puisque l’espace fait office de co-working l’aprèsmidi. Dès 18 heures pétantes, les théières s’éclipsent pour laisser la place aux shakers, l’atmosphère studieuse passe à des températures plus caliente et le Gloster s’ouvre sur un décor sous influence antillaise entre mobilier et suspension en rotin, affiches publicitaires vintage de rhum et plantes tropicales. Depuis plus d’un an, le jeune chef barman Kevin Compere mène la danse dans cette rhumerie nouveau genre entre des cocktails pimpés au rhum de tous les styles et une belle sélection des flacons … à des

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UN BAR À RHUM QUI CACHE BIEN SON JEU

prix compétitifs. « Je fonctionne selon des coups de cœur comme pour ce Danois A.H Riise Rhum vieux « Golden Medal » finish cask en Sauternes aux saveurs rondes ou ce Mauricien New Grove 8 ans d’âge marqué par une belle fraîcheur. Chez Gloster, nous ne dépassons pas les 20 € pour un verre de 4 cl de dégustation et nous avons fixé un tarif à 12 € pour les cocktails, » explique le chef barman. Côté drinks, belle surprise, équilibre, goût, créativité sont au rendez-vous. « J’aime les cocktails avec une longueur en bouche. La première gorgée doit tendre vers d’autres goûts. » On est tout à fait d’accord ! Le menu de fin d’année s’adapte à la saison et aux envies de gourmandise de la clientèle. L’un des cocktail vedettes : l’Emeraude, une tarte au citron version liquide à base de rhum Plantation 3 Stars infusé à la baie de poivre de sichuan, du Limoncello travaillé avec du Kombu (algue japonaise), du jus de citron et sirop d’orgeat à la pistache et l’estragon. A tomber ! Une nouvelle adresse valeur sûre !

➔ 111 avenue de la Bourdonnais - 75007 Paris Tél : 01 47 05 45 42 - www.glosterbar.com

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L’annonce est claire : Bô, bar à manger caribéen. Pourtant, on reste un peu sceptique face au décor un rien aseptisé : mur blanc, tables en bois clair sans fioriture, chaises hautes parées d’assise en cuir noir pour un minimum de confort, un néon minimaliste en zig-zag au plafond … Pas le moindre signe de madras, de mobilier en bambou, ou de peintures aux couleurs des îles antillaises. Un peu de patience, tendez l’oreille vers les enceintes livrant une playlist aux rythmes créoles, humez les effluves épicées de la cuisine ouverte, levez le bout du nez pour découvrir quelques micro-fûts ornant le mur, vous comprendrez que Bô est un hymne à la culture des Caraïbes version parisienne. Ses trois fondateurs sont avant tout des bêtes de cuisine : Julia Sedefdjian, la plus jeune chef étoilée de France, et les deux Martiniquais, Sébastien Jean-Joseph formé à l’école Paul Bocuse et second en cuisine, et Gregory Anelka diplômé de Ferrandi, en charge de la salle. Le trio s’est rencontré il y a 7 ans, a grandi et évolué ensemble toutes ces années, avant de monter son premier établissement aux accents niçois, Baieta (petit bisou en patois niçois), récompensé d’une première étoile au Guide Michelin en 2019. Le goût de l’entreprenariat anime la joyeuse bande et le pousse à ouvrir à trois numéros près, un bar à tapas moderne dédiée à la Martinique et aux Caraïbes, du nom de Bô (bisou en créole). Ouvert il y a un an, l’adresse est déjà applaudie par une clientèle originaire des îles et une population en quête d’un voyage gustatif qui fleure bon le soleil, la mer et le sable chaud. L’équipe a planché sec pour offrir une carte colorée et exotique, à en faire oublier la grisaille pa-

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L E R O YA U M E F O O D & DRINK DES CARAÏBES

risienne. D’un côté, des cocktails bien ciselées servis dans des verres à bodega et mixés avec des rhums de premier choix. A tester pour l’apéritif, le bobo, chouchou des amateurs de ti’punch à base de rhum vieux HSE, de miel, de jus de citron vert et de piment et le Old Cuban composé de rhum Trois Rivières VSOP, de jus de citron jaune, de sucre de canne et de Champagne (on connait l’appétence des Martiniquais pour l’alcool pétillant). De l’autre, des assiettes croustillantes à partager entre l’incontournable féroce avocat morue et les étonnants haricots cuisinés dans la graisse de groin. Petite pause indispensable pour se réchauffer le gosier avant de rentrer chez soi. On se laisse guider par les conseils experts de la maison pour un « p’tit » verre parmi une collection de rhums déjà bien étoffée, passant de la Martinique à la Barbade. Pourquoi pas un Bio par Neisson 52,5 %, la dernière trouvaille de Bô. Ça mérite bien un bisou !

➔ 8, rue de Poissy - 75005 Paris - Tél : 06 35 40 12 25

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MABEL

Le 25 septembre dernier, le bar à cocktail de la rue d’Aboukir a appris une heureuse nouvelle : une nouvelle reconnaissance avec son entrée au sein du classement élargi du prestigieux The 50’s World Best Bars avec une enviée 98ème place. Une récompense largement méritée pour ce lieu où règnent cocktails de haute précision et rhums rares depuis maintenant 5 ans. En 2009, on en avait découvert le propriétaire, Joseph Akhavan et ses doigts d’or derrière le comptoir disco du Mama Shelter Bagnolet. Puis on avait suivi sa route au regretté bar la Conserverie, avant qu’il ne se lance avec sa compagne Samantha Sanford, dans ce projet audacieux : le Mabel. Petit budget oblige, le couple a dessiné et élaboré lui-même ses éléments de décoration, chiné le mobilier, et sciemment banni toute plante tropicale ou vestige en bambou pour éviter toute équivoque avec un bar à tiki. Le bar se planque derrière un resto-snack dédié à des grilled cheese addictifs. « Nous proposons quelque chose de différent dans le monde du bar qui n’a jamais été encore copié et nous avons réussi à garder notre ligne directrice. » expliqueaujourd’hui Joseph Akhavan. Depuis 5 ans, Mabel ne se désemplit pas et l’annonce à The 50’s World Best Bar a fait son effet, puisque le bar attire un nombre croissant d’amateurs de cocktails. Ce succès flamboyant s’explique par les nombeux talents de ce passionné de rhum : une façon intellectuelle et unique de construire un cocktail, un flair pour les ingrédients de demain, un engagement solide pour l’éco-responsabilité et des créations au rhum qui claquent ! « 75 % de nos cocktails sont à base de rhum dont 4 de nos best-sellers. Depuis l’ouverture, nous avons conservé sur la carte nos classiques qui ont gardé une forme de modernité au niveau style et mariage de saveurs. ». Joseph Akhavan a été l’un des premiers barmen à Paris à oser le Clear Milk Punch, un cocktail au goût explosif élaboré à partir d’une technique de clarification. Son cocktail Nutty By Nature est aujourd’hui hissé presque au rang de mythe : ron de Caraïbes, rhum de Martinique, cacahuète, eau de coco bio, sirop d’érable bio, épices, genmaicha, togarashi et petit lait bio. Quant au pandan, feuilles de figuier, sumac,

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L’ I N S T I T U T I O N D U CO CK TA IL E T D U RH UM

sarrasin (…) ces ingrédients inconnus au bataillon dans le monde de la mixologie réhaussent les saveurs de ses différentes créations. Les amoureux du rhum fréquentent l’établissement aussi bien pour sa bluffante sélection (plus de 120 références) majoritairement anglo-saxonnes que pour ses cocktails mariés à des blends savants d’eaux-de-vie de canne à sucre. « On peut jouer avec tous les styles de rhum dans un même cocktail. Dans un blend, chaque rhum apporte son profil aromatique et complète parfaitement ses voisins. ». Le classsique maison (Trader Who ?) en est un parfait exemple : une alliance de rhums d’Ile Maurice, de Barbade et de Marie-Galante boostée avec du dry curaçao, de la noix de cajou bio, du pignon, du citron vert et du thé de ceylan. Divin ! Longue vie au Mabel !

➔ 58, rue d’Aboukir - 75003 Paris

Tél : 01 42 33 24 33. www.mabelparis.com

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Ile de Negros (Philippines) conn e po r sa prod ction s crière * Bien en e à S garlandia © DR

MARIA LOCA

LE PIONNER DES BARS À RHUM DE TOUTES ORIGINES “Maria Loca is vodka free, but we have some rums for you”. Bienvenue dans l’univers chaleureux du Maria Loca ! Depuis 7 ans, la figure pêchue du cocktail parisien, Michael Landart, et ses associés ont déposé leur collection de bouteilles d’eaux-de-vie de canne à sucre et amené un sacré rayon soleil dans ce coin paisible de Bastille. Pour la communauté du bar et les accros aux mélanges ensoleillés, Maria Loca symbolise le premier vrai bar à rhums (avec la cachaça) et cocktails sur la scène parisienne et a imposé sa griffe avec bonne humeur et créations haute en couleur. Cet été, cette institution a fermé ses portes quelques jours, pas pour se dorer la pilule, mais pour redonner un coup de fraîcheur à la maison. Pas de panique amis du Maria Loca, le lieu n’a pas changé de look : les étagères ont gardé l’esprit vieilles cagettes en bois, le comptoir n’a pas grandi d’un pouce, les ventilateurs à palme fonctionnent toujours, les banquettes sont toujours aussi moelleuses et la nouvelle équipe du bar reste efficace et pipelette. La big nouveauté : les vitrines taguées harmonieusement par la patte d’Ernesto Novo et d’autres street artistes. Côté cocktail,

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la carte garde la même logique, des boissons signature et des classiques maison (le fameux Golden Parachute répond toujours à l’appel) boostés avec toute une panoplie de rhums triés sur le volet et des produits excentriques made at home. Au shaker : quatre nouveaux bras agiles et motivés, Noé Laurent, un français globe-trotteur qui s’est frotté 5 ans aux bars australiens et Emmanuel Doré, un Italien tout droit venu du bar aux allures de bibliothèque vintage, Gocce. Le premier est un grand fan des classiques, le second, bec sucré, est un adepte des techniques cocktails. Deux talents complémentaires ! Question rhum, Maria Loca réunit aujourd’hui une centaine de références, classées sans chichi à la vue des clients : purs jus blancs, West Indies, rones latinos ou rhums des amis. Derniers rhums qui ont rejoint la cave aux trésors du Maria Loca : le HSE Cuvée Parcellaire N°1 2016 et le Cambodgien Samai Gold Rum. Aujourd’hui Michael Landart gouverne toujours le navire mais ce touche-àtout du rhum a élargi ses activités entre la production de son rhum épicé Maca et la création de sa ‘Distillerie d’Isle de France’ montée avec deux associés et installé à Fresnes sur Marne. Whisky, gin et bien sûr rhum seront bientôt à découvrir au bar du Maria Loca !

➔ 31 boulevard Henri IV 75004 - Paris

Tél : 01 42 77 51 95. www.marialoca.com

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* Bienvenue à « Sugarlandia » : Ile de Negros (Philippines), connue pour sa production sucrière.

L’A B U S D ’A LCO O L E S T DA N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À CO N S O M M E R AV E C M O D É R AT I O N Rumporter 15-Novembre 2019_BAT.indd 107

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HISTOIRE

L’ O D Y S S É E DE LA CANNE PAR T IE 2 L’ A C T U A L I T É D E L A C A N N E À S U C R E

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Par Matthieu Lange

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LA GÉNÉTIQUE Depuis plusieurs décennies, les chercheurs savent que c’est par la recherche génétique que les rendements de la Canne peuvent évoluer. M. Gouy qui travaille sur la génétique de la Canne à sucre à la Réunion rappelle qu’entre 1961 et 2009, les rendements de la canne à sucre ont bondi de 41% à l’échelle mondiale. Cette hausse n’est pas seulement due à l’augmentation de la richesse saccharine mais aussi, selon le chercheur Jackson, à l’augmentation de la biomasse, c’est-à-dire de la matière végétale récoltée. Aujourd’hui, la génétique serait responsable à hauteur de 50% de l’augmentation des rendements. M. Gouy, a présenté au Congrès Sucrier qui s’est tenu à la Réunion en 2012, une contribution intitulée : « Historique de l’amélioration de la canne à sucre et état de l’art des recherches en génétique d’association pour le rendement ». Il y décrit quatre méthodes de recherche génétique applicable à la canne à sucre. - La recherche génétique, jusqu’aux années 2000, se concentrait sur ce qu’on appelle l’héritabilité des caractères phénotypiques, des variétés de Canne. Derrière ces mots barbares se cachent par exemple le taux de sucre, la hauteur de tiges, la biomasse etc… Le problème de cette méthode c’est que les résultats sont variables voire contradictoires selon les variétés. Parfois la richesse saccharine se transmet bien, parfois non. - Ensuite la recherche a utilisé la méthode « d’association génétique », visant à comparer les gènes et le phénotype, c’est-à-dire les caractéristiques de la canne (taux de saccharose, taille, etc…). Cette méthode donne des résultats contestables puisque des gènes peuvent apparaître comme surreprésentés. - La troisième méthode est celle que l’on appelle la « sélection génomique ». Elle ne cherche pas à savoir quel gène correspond telle caractéristique, mais à étudier un groupe de gènes, appelés « marqueurs », et d’établir des prédictions phénotypiques. Cette méthode s’appuie sur des statistiques de caractéristiques. - Enfin, une dernière méthode consiste à étudier des « modèles écophysiologiques ». L’écophysiologie est

l’étude du comportement d’organisme vivant, dans un environnement particulier. Concrètement, des caractéristiques de la Canne sont décomposées en processus pour faire apparaître des paramètres liés aux gènes. Ces paramètres sont ensuite étudiés dans un environnement particulier pour pouvoir établir des prédictions. Il y a moins d’un an, une étape importante a été franchie en matière de génétique. A l’été 2018, une équipe internationale coordonnée par le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) basé à Montpellier, a réussi une première mondiale : séquencer le génome d’une Canne à sucre. Le séquençage permet de connaître l’ordre linéaire des gènes et des chromosomes dans le cas du génome ; génome étant la contraction de gène et de chromosome. Pourquoi cette opération n’a-t-elle pas pu être réalisée auparavant ? Tout simplement parce que la Canne à sucre contient entre 100 et 120 chromosomes, rangés dans des groupes allant de 10 à 12 chromosomes. A titre de comparaison, l’être humain n’en possède, lui, que 46 rangés dans 23 paires… Cette découverte va permettre de travailler à l’échelle moléculaire. Outre la recherche, le CIRAD a également pour rôle de fournir des Cannes pour les régions sucrières et rhumières. Dans les années 1970, le CIRAD crée ce qu’on appelle une quarantaine pour les cannes à sucre. Dans la pratique, un centre de recherche de Canne, n’importe où dans le monde, crée une canne puis l’envoie CIRAD. Celui-ci la place en quarantaine pendant deux ans et effectue une surveillance phytosanitaire, afin de détecter d’éventuelles maladies. Une batterie de tests est réalisée sur la canne et un diagnostic est rendu. Ce service est proposé à tous les Centres de sélections de la Canne qui n’ont pas de département de mise en quarantaine. Cette procédure est une certification sanitaire de la canne à sucre. Celle-ci peut alors être vendue sans aucun risque de maladie. Par exemple, si la Martinique souhaite importer une canne, cette dernière doit avoir séjourné deux ans au CIRAD, avant d’arriver sur l’île. Le CIRAD joue alors le rôle de distributeur de canne à sucre pour des pays acheteurs.

ETAT DES LIEUX DE LA CANNE L’application concrète de cette recherche génétique menée depuis de nombreuses années se retrouve dans plusieurs centres techniques de canne à sucre. A à la Barbade, la West Indies Central Sugar Canne Breeding Station revendique 3000 variétés, élevées sur 16 hectares. La Barbade tente de travailler sur des gènes qui jusqu’ici avait été laissés de côté, issus de Saccharum Spontaneum sauvages et Saccharum officinarum. La Barbade développe des cannes à sucre à très haute teneur saccharine. Normalement une canne possède environ 14% de sucre. La Barbade crée des espèces pouvant contenir 25,3% de saccharose… Pendant très longtemps, cette île a fourni la Martinique en canne. En 2016, Eric Eugénie estimait que 70% des cannes plantées en Martinique étaient issues de la Barbade. Un peu plus d’une vingtaine de variétés sont utilisées à la Martinique, et un peu moins de vingt rentrent

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dans le cahier des charges du rhum AOC. La Martinique ne produit pas de variétés de canne à sucre, elle en importe via le CIRAD. Jusqu’à présent le rhum n’a pas été retenu comme critère de sélection, on reste sur l’idée du rendement. Depuis quelques années maintenant, les cannes de la Réunion sont plébiscitées. Auparavant, la Martinique recevait des nouvelles variétés de cannes, les testait, les observait pendant 10 ans et à l’issue du processus, une canne pouvait être éventuellement sélectionnée. Aujourd’hui, les cannes de la Réunion sont déjà sélectionnées et ont déjà été éprouvées. Le basculement de la Barbade à la Réunion pour l'approvisionnement en cannes a donc été opéré. La richesse saccharine de la canne est déjà connue avant que celle-ci n’arrive en Martinique. Une fois dans l’île, la canne est acclimatée pendant deux ans, avant d’être mise en culture. Le Centre de Recherche de la Canne à la Réunion, qui s’appelle eRcane depuis 2009, est aujourd’hui certainement un des centres les plus performants dans le monde. D’après son site internet, eRcane possède 900 variétés de Canne à sucre, dont 400 sélectionnées à la Réunion. Ce centre a deux objectifs : améliorer la productivité de la canne à sucre et diversifier son utilisation. Les critères principaux de sélection sont les suivants : la richesse en sucre, la repousse, la résistance aux maladies, et la production de la biomasse utilisable pour la production énergétique. Le eRcane est en très étroite collaboration avec le CIRAD puisque la Canne à sucre dont le génome a été séquencé est une canne réunionnaise, la R570. Pour finir ce tour d’horizon qui est loin d'être exhaustif, nous partons en Polynésie Française. Là-bas, le directeur d’exploitation de la distillerie d’Avatea, dans laquelle est produit le rhum Mana’o, Marotea Vitrac, rédige une thèse sur la Canne à sucre Polynésienne. Cette étude a pour but de savoir si la Canne polynésienne est unique ou non ; il souhaite en connaître la génétique. Sur sa plantation, il teste aujourd’hui différentes cannes, en essayant de croiser des cannes nobles et des hybridations, pour améliorer les rendements. Pour cela, il a travaillé sur des échantillons de Canne à sucre, dont il a extrait l’ADN. Sa thèse sera présentée en Polynésie en 2020. Affaire à suivre…

LA CANNE À SUCRE, UN GÉNOME COMPLEXE En comparaison, le génome du sorgho (en vert) est beaucoup plus simple. Chaque barre représente un chromosome de la canne à sucre, en orange ceux qui proviennent d’une variété domestiquée Saccharum officinarum et en rouge ceux issus de la variété sauvage 5. Spontaneum. Le génome de la canne est complexe pour plusieurs raisons : - le haut niveau de polyploïdie (important nombre de copies pour chaque catégorie de chromosomes) - l’aneuploïde (nombre de copies variable selon les catégories de chromosomes) - la double origine des chromosomes - des différences structurales et des recombinaisons entre les chromosomes des deux espèces.

Champs à Tahiti, un des berceaux de la canne.

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«UNE NOUVELLE CONSOMMATION DU RHUM A VU LE JOUR»

En septembre, Dugas, le spécialiste du rhum, qui, il y a 20 ans, a anticipé l’explosion de la catégorie, s’ouvrait au grand public via son Salon Club Expert. Dans la foulée, il lançait un site internet de vente en ligne d’un genre nouveau. Il est probable que sans l’apport majeur du rhum dans son portefeuille de produits, la Maison Dugas n’ait jamais franchi le pas de s’adresser au grand public directement. Interview avec un personnage clé de la distribution en France.

Entretien conduit par Cyrille Hugon 112

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Rumporter : En septembre 2019, vous avez ouvert votre salon profesionnel Club Expert au public, qu’est-ce qui a motivé cette décision qui est une petite révolution chez vous ? F.X. Dugas : Ma motivation va de pair avec nos nouvelles ambitions. En septembre, nous avons lancé un nouveau site de vente en ligne avec un concept innovant mettant nos clients cavistes au cœur de notre activité. Il est important pour la société Dugas d’établir un lien avec le consommateur, au travers de nos clients certes, mais également de donner la parole à nos producteurs qui ont soif de partager leurs expériences et leurs innovations directement avec le grand public. C’est une opportunité de nous faire connaitre en tant qu’importateur exclusif et de nous imposer comme dénicheur de marques. Le site est le reflet de notre identité et donne accès à tous nos produits des plus connus au plus rares.

produits plus accessibles, une consommation plus conviviale, dans l’échange. La perception de cette montée en puissance, début 2000, a été remarquée lors de l’entrée des marques Barbancourt, Matusalem et Angostura dans notre portefeuille. Il y a eu aussi de belles rencontres avec des personnes comme Dominique Thierry (distillerie Bielle), Thierry Gardère (Barbancourt), Hervé Damoiseau (Rhum Damoiseau), Yves et José Hayot (Habitation Saint Etienne) et José Ballesteros (Diplomático) entre autres. Ce sont eux qui ont forgé notre vision et notre intérêt pour le monde du rhum.

Rumporter : De Don Papa, à Nine Leaves, votre portefeuille de rhum est très large et très éclectique, comment opérez-vous vos choix en matière de référencement ? FXD : Nous sommes attachés à l’origine des produits. Nous nous appuyons et privilégions des produits authenRumporter : Vous placez les cavistes au cœur de ce tiques avec une histoire, une maison, une distillerie, des projet, mais nous avons ouïe dire que le projet n’est pas hommes et un vrai savoir-faire. Notre position de leader nous donne accès à des marques avec ces qualités. Nous forcément bien passé auprès de tous. Est-ce un prone souhaitons pas multiplier les marques de rhums mais blème de communication ? Pensez-vous être capable davantage affiner le potentiel notamment de maitriser la quesque nous offre chaque distilletion des positionnement prix face rie, avec des éditions limitées à une concurrence (de la vente « En l’état actuel de mes par exemple. Notre rôle de en ligne) qui n’a pas forcément connaissances seulement 3% distributeur n’est plus seulecomme vous cette préoccupation ? ment d’importer tous types de FXD : Notre ambition est d’appordes internautes vont acheter production mais également de ter une réponse nouvelle au market des vins ou des spiritueux contribuer à l’élevage de nos place ou au pure players dont la dans les caves » logique de prix agressifs ne permet rhums en accompagnant les marques dans les étapes succesplus aux cavistes d’offrir une alternative au prix bas… La constitution sives de vieillissement. de ce réseau de cavistes qui est appelé à s’amplifier dès 2020 autour du click and collect pour une large sélection Rumporter : A chaque saison, vous sortez de nouvelles de nos marques mais aussi avec la possibilité de se voir références dans votre collection Maison du Rhum envoyer gratuitement une bouteille parmi une gamme avec souvent dans l’idée de surprendre notamment au partenaire, favorisera le déplacement chez le caviste niveau des origines, quelles ont été vos grandes noud’une nouvelle clientèle en ligne. En l’état actuel de mes veautés en cette rentrée 2020 ? connaissances seulement 3% des internautes vont acheter FXD : Pour cette rentrée 2020, La Maison du rhum dédes vins ou des spiritueux dans les caves. Le site dugascluvoilait sa saison numéro 3 composée de 12 origines dont bexpert.fr permettra des échanges et son architecture priquelques-unes en exclusivité. La Maison du Rhum, c’est vilégiera l’information et la connaissance produit. C’est avant tout l’histoire d’hommes, de distilleries, d’origines notre ambition principale. et de savoir-faire qui s’expriment à travers des batchs en Enfin, pour répondre à votre question nous entendons édition limitée. C’est une sélection rigoureuse qui extrait maîtriser nos positionnements prix et ne rien sacrifier à le meilleur de chaque production avec un accompagnecette démarche et au respect de prix constatés. ment dans son élevage. Nous lancerons également une gamme spécialement pensée pour le milieu du bar. Rumporter : Parlons désormais de rhum. Que de chemin parcouru depuis l’époque où votre portefeuille de Rumporter : Et au niveau des officiels ? produits était surtout composé de whiskies et de vins FXD : Une nouveauté Diplomático, Selección de Familia, mutés (qui sont à l’origine de votre société). Pouveza été lancé sur le salon Club Expert avec un bel accueil. vous raconter ce qui vous a attiré au départ dans le Ce rhum est exclusif pour le marché français, premier monde du rhum ? marché de Diplomático dans le monde, et la cuvée sera FXD : Ayant connu le développement important des vendue dans notre réseau prescripteur caviste. La distillerie Diplomático a conçu Selección de Familia pour réwhiskies single malt dans les années 80, j’ai compris pondre à la demande des amateurs de rhum en recherche qu’il existerait nécessairement de nouveaux cycles et de complexité. C’est le fruit d’un travail collaboratif des tendances de consommation. Le rhum répondait à cette deux maestro-roneros de la distillerie ; Selección de Famiévolution des nouvelles générations, qui veulent se délia a été amorcé par Tito Cordero puis finalisé par Nelson marquer de leurs parents et sont d’abord attirées par des

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Les chais de Dusa à La Miel Venezuela, berceau de Diplomatico

vieux à nos débuts était réservée à un cercle d’amateurs Hernandez. C’est un assemblage de 90% de rhum issu de éclairés tandis que le marché français se limitait presque miel de canne, forme la plus pure de mélasse qui donne qu’au rhum blanc. Puis, progressivement l’intégration des des notes aromatiques plus pointues, et de 10% de rhum rhums de mélasse de qualité à ouvert cette catégorie à de issu mélasse. Ce rhum est vieilli intégralement dans des nouveaux consommateurs. Ces rhums vieux, de mélasse fûts de Sherry et de Bourbon soulignant l’élégance, la et de miel de canne ont bousculé le marché et ont contricomplexité et le savoir-faire de la distillerie Diplomático. bué à l’intérêt à plus grande échelle Nous lancerons également courant pour les rhums vieux agricoles. Une septembre une nouvelle marque d’orinouvelle consommation du rhum a vu gine panaméenne, Demon’s Share, « Une nouvelle le jour. avec une forte identité à la fois viconsommation du rhum suelle et gustative destiné à une clienRumporter : Dans la ligne de la prétèle en recherche de produits plus a vu le jour » cédente question, on a eu vent de gourmands sur des notes agrumes. projets d’achat de distilleries, notamment en Colombie, qu’en est-il ? Rumporter : En effet, vous avez une FXD : Aujourd’hui, la société Dugas est dans une logique relationnel fort avec les producteurs tant votre distride renforcer ses liens avec ses partenaires en s’investisbution est importante pour eux, et nous croyons savoir sant humainement dans la maîtrise de la production souque vous avez votre mot à dire au niveau des politiques tenant financièrement ses développements. Des projets d’innovation. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a le verront le jour avant la fin de l’année principalement situé plus marqué dans l’évolution des rhums au cours de en Amérique du Sud. ces deux décennies ? FXD : Le succès ininterrompu de ces 15 dernières années, Rumporter : Toujours sur le même thème, vous avez ont permis de consolider des relations fortes avec nos partenaires ayant permis leur développement en Europe voire acquis les rhums de Ced en 2018, comment se passe la cohabitation ? Quelles sont vos ambitions, notamment au-delà grâce aux expériences partagées sur l’évolution à l’international pour ce fleuron de notre industrie ? des gammes, sur le vieillissement, sur les finitions et les FXD : L’évolution du marché a démontré l’intérêt que le assemblages. Nous entretenons des relations professionconsommateur porte à la catégorie des rhums arrangés. nelles de confiance et nous les guidons quotidiennement L’opportunité de faire l’acquisition des Rhums de Ced s’est dans leurs choix stratégiques. La consommation de rhums

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Tito Cordero, Diplomático

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Rumporter : La question qui fâche. Les plus gros succès (commerciaux) de votre portefeuille de marques sont Diplomático et Don Papa, deux produits souvent attaqués sur les réseaux sociaux notamment en raison de taux de sucre important (choses que bizarrement les internautes ne reprochent pas à un rhum arrangé par exemple). La nouvelle réglementation européenne ayant limité ce taux à 20 g (comme dans le cognac), comment ont évolué les recettes de ces deux produits ? On connaît le talent et l’éclectisme de la distillerie Dusa (Diplomático) mais quid de Don Papa qui est un peu une inconnue pour nos lecteurs ? FXD : « Il n’y a pas de questions qui fâchent » car nous attachons beaucoup d’importance à la cohérence de nos valeurs. Nos deux marques Diplomático et Don Papa sont un peu à l’origine du succès et du renouveau du rhum, pas seulement en France mais en Europe aussi. De très nombreux consommateurs sont venus au rhum ces dernières années grâce au profil aromatique de ces deux marques propre à satisfaire les femmes et les hommes mais aussi les jeunes et

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alors présentée renforçant ainsi notre position dans le monde du rhum. C’est aussi la volonté de diversifier notre offre avec une gamme de produit innovante, moderne, gourmande mais également répondant à une évolution de la consommation qui tend vers des saveurs fruitées, authentiques et naturelles. Le succès de ce rapprochement avec Cédric Brément, c’est aussi la rencontre de deux personnalités partageant cette passion du produit, du travail artisanal, et la créativité. Le prochain challenge des Rhums de Ced sera de sensibiliser de nouveaux marchés et d’éduquer sur la catégorie encore méconnue en dehors de notre hexagone.

les moins jeunes, qui cherchent des produits faciles d’accès et identifiables. Nous sommes régulièrement attaqués sur les réseaux sociaux parfois de façon très agressive, aussi nous avons fait le choix de ne pas répondre systématiquement pour ne pas alimenter la passion peu constructive de certains…. Concernant la législation sur le taux de sucre, nous nous préparons à nous adapter à la nouvelle règlementation à partir de mai 2021. Nos principales marques respecteront cette limite de 20 grammes par litre, pour les autres elles disparaitront de la catégorie Rhum pour réapparaitre en Boisson spiritueuse a base de rhum. Certaines marques pourraient d’ailleurs se retrouver dans les deux catégories avec des références différentes.

Yoshiharu Takeuchi, Nine Leaves

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« Peut-on imaginer Brown Forman, acteur majeur, ne pas avoir une marque de rhum importante ? »

Cyrille Lawson, HSE

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Une vue rare de la distillerie qui produit le Don Papa aux Philippines

Rumporter : Alors qu’on a connu l’industrie du rhum agricole déclinante sur la défensive, que vous inspire le rachat par Campari du groupe BBS (La MAuny, Trois Rivières) ? FXD : Nous assistons depuis quelques années à la montée en puissance de grands groupes internationaux dont la stratégie de renforcement de portefeuille de marques reste prioritaire et un point clé de leur développement. Nous n’avons pas constaté une activité déclinante des rhums vieux agricoles bien au contraire. Par conséquent il nous semble logique que Campari puisse s’intéresser à l’acquisition d’une distillerie de Martinique comme La Mauny/Trois Rivières après le rachat d’Appleton il y a quelques années complétant magnifiquement son offre de rhums. Rumporter : Pensez-vous que nous allons assister dans les prochaines années à d’autres mouvements de ce genre. On pense par exemple à Brown Forman (Jack Daniels), le seul géant qui n’ait pas de rhum dans son portefeuille… FXD:Maréponseàvotrequestiondécouledecequiprécède: tout distributeur qui entend peser sur son marché, se doit

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d’avoir toutes les catégories présentes au sein de son portefeuille. Peut-on imaginer Brown Forman, propriétaire de Jack Daniel’s, acteur majeur de la distribution de spiritueux dans le monde, ne pas avoir une marque de rhum importante ? Mais je ne peux parler à leur place ! Rumporter : Pour finir un peu de name dropping pour donner envie au public du rhum de venir faire un tour sur votre site de vente en ligne ? FXD : La grande force de Dugas c’est d’avoir dans son portefeuille parmi les distilleries et marques les plus prestigieuses. Dugas est devenu un carrefour de ces rencontres internationales. Vous pourrez y rencontrer et (re) découvrir les marques HSE & Cyril Lawson, La Favorite & Franck Dormoy, Damoiseau & Hervé Damoiseau, Trois Rivières & Daniel Baudin, Saint James & Marc Sassier, Depaz & Benoit Bail, La gamme Maison du Rhum & Jerome Ardes, Les Rhums de Ced avec Cédric Brément, Diplomático avec Nelson Hernandez et Tito Cordero, Angostura avec Pedro Martinez, Botran, Coloma avec Alberto Constain, Nine leaves avec Yoshiharu Takeuchi, Millonario et les frères Rossi, Toucan & Catherine Arnold, et plein d’autres encore !

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CUBA Made * ME

*Havana Club – Cuba m'a fait

YOESLANDY, BARMAN À LA HAVANE

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION. Rumporter 15-Novembre 2019_BAT.indd 117

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RHUM E T PLUME

ACCORD MAJEUR Par Nicolas Bourdais

Deux unités distinctes peuvent-elles être rapprochées jusqu’en ne plus faire qu’une ? Et le projet, sous couleur de la langue, d’un pont entre la France et l’équateur serait-il autre chose qu’un songe au destin de rêverie ? Les éléments d’une division se pourraient-ils additionner ? C’est à cet en tout cas rapprochement de l’écart que s’efforce, agenceur de passerelles par-dessus l’intervalle, un écrivain nouveau venant aussitôt remarqué.

Miguel Bonnefoy L’œuvre de Miguel Bonnefoy, auteur pourtant hispanophone, est écrite en français. L’une de ses nouvelles publiées en France, Icare (2013), lui a d’ailleurs valu de recevoir le prix du jeune écrivain de langue française dans la catégorie «auteurs francophones» où le Venezuela, pays non francophone, n’avait auparavant jamais concouru. Car né de parents sud-américains — à Paris, où ceux-ci ont un temps résidé —, il a, avec sa famille, suivi sa mère diplomate au gré des affectations de celle-ci. Et sa scolarité, aux différentes étapes de ce parcours, a systématiquement été poursuivie dans des lycées français, lui permettant d’acquérir une parfaite maîtrise de cette

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langue. Il a donc appris l’espagnol dans un cadre courant et quotidien, et le français dans celui d’un enseignement institutionnel, via principalement la haute littérature. Le français est ainsi devenu pour lui une langue d’art, celle de la littérature et des professeurs, une langue sur piédestal impliquant la réserve et incitant à l’exigence. D’où le choix de l’auteur de la consacrer à son œuvre, où il se sert de « la musique de Racine pour parler du cri d’un perroquet ». Manière pour l’auteur, en reliant dans un même projet littéraire deux continents, de conjoindre deux parties essentielles de lui-même et de son histoire.

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Nicolas Bourdais : M. Bonnefoy, l’action de vos deux romans se déroule au Venezuela. Vous qui semblez entretenir des rapports étroits avec ce pays, votre travail d’écrivain en est-il dissociable ? Miguel Bonnefoy : Je porte mon pays dans mon cœur comme on porte un héritage. Mon travail littéraire est donc entretenu par des atavismes et des mémoires collectives, des lieux secrets et des rhizomes invisibles, mais il est également un voyage à travers les géographies de la langue et ses ramifications romanesques. Je parle du Venezuela dans mes livres pour rendre hommage à la grandeur et à la douleur d’un peuple courageux, une nation de géants et de sirènes. J’ai la faiblesse de croire qu’avec un travail artistique, littéraire ou pas, on peut exprimer le monde, au lieu de simplement le copier, et ainsi exhumer de l’oubli ceux qui élèvent une parole différente. Ainsi, mon écriture est un humble labour, une patience de semailles, une botanique de la langue et de sa structure narrative, de la fluidité du style et de l’épaisseur des personnages. Je tente, humblement, de donner une voix au silence délicat du Venezuela, mais surtout de me mettre de côté pour laisser passer, comme un torrent muet, la foule de fantômes qui peuplent son histoire. NB : Hispanophone de culture hispanique, vous écrivez cependant en français. Quels sont les statuts de ces deux langues pour vous, et en quoi devaientils conduire à ce choix ? MB : Je suis fils d’un réfugié politique chilien et d’une vénézuélienne. Après la dictature, pendant le coup d’état au Chili en 1973, mon père dut fuir Santiago pour la France. Il connut ma mère, en poste à Paris, et je naquis sur une terre qui n’appartient ni à l’un, ni à l’autre. Par un accident de l’histoire, cette langue est devenue ma langue d’écriture, ma musique et mon parlement de papier, comme si je ne voulais pas perdre ce trophée de l’exil, ce refuge secret, cette langue sauvée de nos migrations familiales, à la fois triomphe et vestige. L’espagnol, en revanche, est ma langue du cœur. C’est la langue de mes rêves et de mes colères, de mes pensées muettes et de mes jurements. J’ai bon espoir, un jour, de pouvoir les inverser. J’aspire réussir à publier plus tard en espagnol afin de réapprendre à écrire, en quelque sorte, recommencer à zéro, et me risquer à avoir deux vies d’écrivains dans une même existence. NB : Vous avez aussi une solide culture de la littéra-

ture française. C’est néanmoins à Flaubert que vous faites référence le plus ouvertement avec une évocation de Madame Bovary p. 94 de Sucre noir et la reprise, adaptée au prologue du Voyage d’Octavio (« Voici l’histoire du citronnier du Seigneur telle qu’on la trouve à peu près sous la plume du poète Andrès Eloy Blanco, dans les livres de mon pays », p. 9), de la célèbre dernière phrase d’un des Trois contes : Saint Julien l’Hospitalier (« Et voilà l’histoire de saint Julien l’Hospitalier, telle à peu près qu’on la trouve, sur un vitrail d’église, dans mon pays »). Que représente Flaubert pour vous ? MB : J’ai étudié à l’université à Paris les lettres modernes françaises. Naturellement, après cinq ans de Sorbonne, sous la coupole dorée de l’académie et de l’école doctorale, les écrivains français, que ce soit avec le romantisme du XIXème ou le naturalisme, ont fini par déteindre sur mon imaginaire latino-américain. Mais je suis aussi un grand lecteur des russes et des africains, des étasuniens et des antillais. Je veux croire que mon travail est un métissage, un syncrétisme, un mariage de couleurs et de parfums, une fresque aux nombreuses influences, un creuset où viennent se fondre autant de latitudes que d’accents. Il n’y aurait aucun intérêt à faire un clin d’œil à Flaubert, comme vous le dites si bien, sans l’épauler sur la poésie d’Andres Eloy Blanco ou celle de Gustavo Pereira. A quoi bon s’inspirer de Zola si, en complément, on ne le croise pas avec Ramos Sucre ou Uslar Pietri ? Pourquoi faire référence à Tournier, par exemple, sans le jumeler avec Nicanor Parra ? J’ai souhaité être cohérent avec moi-même, rester sincère avec mes origines, embrasser l’étrange embouchure de mon sang, et faire des livres qui puissent être à l’image du carrefour et des deltas bigarrés de mes lectures. NB : Au-delà de l’écriture, il y a l’imaginaire dans lequel vous évoluez, riche de nombreux apports comme le réalisme magique et, principalement dans vos nouvelles, les mythes antiques. En quoi ces univers vous touchent-ils particulièrement ? MB : Que ce soit dans le réalisme magique, ou dans la mythologie, tout est une affaire de cercles. J’aime que mes personnages soient enfermés comme une mouche dans une bouteille, les limites poreuses mais indépassables, bloqué dans une destinée faites de boucles concentriques, à la façon de Sisyphe ou d’Aureliano Buendia. Ils ne peuvent échapper à un parcours tracé. Tout est un système circulaire et oraculeux. Ceci les oblige à revenir sans cesse

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au point d’où ils sont partis. Incapables de rester immobiles, ils demeurent cependant au centre du territoire qui leur est assigné. On les croit condamnés, sans être condamnables. Ils sont voués à mourir avant de naître. Et cette « existence oxymorique » est à la fois leur fortune et leur malheur. Georges Santayana écrit : « Ceux qui ne peuvent se rappeler de leur passé sont condamnés à le répéter ». Cette idée m’inspire pour créer un circuit clos, un patrimoine propre à chaque livre, qui se referme sur lui-même. C’est sans doute l’héritage le plus direct que je porte de la mythologie : celui de créer des personnages qui usent du glaive et périssent par le glaive. Cette démarche faite d’analepses et de prolepses, de promesses tenues au lecteur, de projections dans le futur narratif de la chronologie intérieure, me permet d’encadrer le récit dans un cercle fécond qui ouvre sur d’autres univers. Ainsi, la mythologie étant une galaxie de personnages qui s’entrecroisent, je cherche à faire des traboules de livre en livre, un jeu de ponts et de traverses, de passerelles cachées, pour composer une fresque collective, tout en gardant l’individualité de chaque roman. NB : Par ailleurs, une des particularités de votre travail est de proposer à travers les histoires racontées une lecture métaphorique éclairant l’actualité du Venezuela. Pourquoi ce procédé ? Et en quoi ce souci de marier entre elles différentes strates participe-t-il de votre projet littéraire ? MB : L’allégorie me semble une des formes les plus transparentes de l’expression de la réalité. Paradoxalement, le fait de passer par une fable, un conte, un récit, permet de dire parfois les choses avec davantage de clarté. Ce procédé est, de toute façon, qu’on le veuille ou non, à l’image du monde dans lequel on vit. Toutes les construc-

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tions sociales sont des récits. La religion, l’argent, la démocratie, la famille, le capitalisme, l’art : rien n’est plus puissant, plus contagieux, plus résistant qu’un récit. Il nous permet d’infecter une idée, d’en semer une autre, de modifier des comportements, de guider des masses. Une bonne histoire est plus dangereuse qu’une armée. Tout récit est opium. Ceux qui décrètent ces histoires, ceux qui les ordonnent, gouvernent les peuples. A l’heure où nous vivons dans une époque de surconsommation, de roi-pétrole, de grandes démesures humaines, j’ai voulu raconter des histoires pour transformer l’argile de la réalité en sculpture de la fiction. Peut-être qu’en racontant différemment le monde qui nous entoure, on peut créer de nouveaux récits. Et peut-être que ces fictions orphelines, ces architectures chimériques, bâties sur le limon de la réalité, peuvent devenir un levier plus puissant et proposer une trajectoire plus féconde. Avec l’allégorie littéraire, je ne propose pas de solution. Je ne fais qu’exécuter la tâche qu’on réclame à l’écrivain, celle d’exprimer le monde, au lieu de le copier. Je fais ce qu’on me demande de faire : mentir pour mieux raconter la vérité. Je ne suis qu’un artisan du réel, ivre de fiction, comme un musicien est ivre de silence. NB : Enfin, une partie du récit de Sucre noir tourne autour des efforts de Severo Bracamonte de monter une distillerie de rhum, source de prospérité. Vous-même, en consommez-vous ? Et auriez-vous un rhum ou un style de rhum préféré ? MB : A mon sens, un des plus grands rhums du monde est le Santa Teresa Gran Reserva 1796. Par élégance, je ne dirai pas que je suis un grand buveur. Cependant, au cœur de cette bouteille, j’ai fait un jour une randonnée mystique.

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SANTA TERESA 1796 MAGNIFICENCE DE L’EXCELLENCE PAR NICOLAS BOURDAIS D’APRÈS ALEXANDRE VINGTIER ET À LA FAÇON DE MIGUEL BONNEFOY

C

’est à une centaine de kilomètres de Caracas, dans la Vallée d’Aragua, connue pour l’abondance et la qualité de ses cannes, qu’a été bâtie en 1796, à 535 mètres d’altitude, l’Hacienda Santa Teresa.

Tout autour de l’Hacienda, les palmiers d’abord, puis les montagnes derrière, ferment l’horizon. L’illimité des paysages de la région ne se retrouve dès lors que vers le haut, dans ce ciel clair et bleu le plus souvent exempt du tamis des nuages, qui ne s’amoncellent guère qu’à l’occasion de pluies dont la fureur peut faire croire arrivé le Déluge. Ce site confiné à un vaste cirque, à la fois fermé et isolé, aurait pu devenir lieu de naufrage et de désespérance. Mais la production de rhum lancée en 1896, un an après le rachat de l’Hacienda par Gustav Julius Vollmer Ribas, dont les descendants sont toujours propriétaires, en fit un lieu de vie et d’excellence. Car l’Hacienda, profitant de l’extrême qualité des cannes, de l’eau pure des montagnes, de tout ce qui la précédait sut faire un commencement — créant ainsi un rhum de vérité : expression si fidèle de sa terre native, qu’il acquiert par là même l’éloquence d’un poème.

SANTA TERESA 1796 SOLERA RUM - 40%

Nez : fin et d’une rare complexité, il vous emporte dans un désordre de senteurs, commençant par les douceurs de miel d’un premier baiser, pour ensuite égrener, du caramel toffee au cacao, le catalogue des plus fines gourmandises. À cette structure s’ajoutent alors les orfèvreries de la banane séchée et de la noix, aux émanations plus excitantes encore que des caresses ; tandis qu’une lumière vanillée d’avant-nuit, déclinante, peu à peu s’estompe dans les rêveuses senteurs d’un tabac blond anglais. Bouche : onctueuse, elle est si riche qu’elle en devient sans parole, déposant sur la langue un paysage liquide où la suavité du miel et du sirop de canne précède le panorama ensoleillé et torréfié du biscuit au chocolat et du café moka. Puis vient le surgissement, semblable à un envol de colibris, de la vanille, voltigeante parmi l’aromatique boisé des chênes... aux pieds desquels le courant apaisé de la noix de coco déborde soudain d’une crue de fruits tropicaux. Finale : En dépit du faible degré d’alcool, la finale se prolonge, inaltérable et sèche comme un marbre indifférent au Temps, pour revenir sur ses pas de fruits secs, de vanille et de chêne avec cette nostalgie d’ordinaire réservée aux grandes passions amoureuses.

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REVISITEZ VOS CLASSIQUES

LE ROI DAÏQUIRI

Ingrédients - 50 ml ron Havana club 3 ans - 1/2 lime pressé (petit citron vert) - 2 bar spoon sucre en poudre blanc (2 cuillères à café). Décorations garniture Aucune.

ORIGINE

Il est le plus ancien cocktail classique cubain, le Daïquiri aurait été inventé par Jennings Cox (un ingénieur américain). Son nom fait référence à une mine de fer située près de Santiago de Cuba au sud-est de l’île où travaillait Jennings Cox. C’est le célèbre bar de La Havane El Floridita qui va en devenir le temple dès les années 1920 où il sera perfectionné. De multiples variations y seront créés comme le Daïquiri frozen et le fameux Hemingway Daïquiri. On raconte que plusieurs millions de Daïquiris ont été servis au bar pendant la prohibition.

Méthode 1 : à l’aide d’un presse agrumes, presser le lime dans la partie inférieur du shaker (la grande timbale doit être remplie de glace en cube) 2 : verser le sucre en poudre et remuez l’ensemble à l’aide d’une bar spoon jusqu’à parfaite dissolution puis ajoutez le ron cubain. 3 : frappez, c’est-à-dire secouez le shaker de toute vos forces jusqu’à ce que vos doigts restent collés au shaker (le shaker est givré) 4 : filtrez le contenu du shaker à l’aide d’une passoire à glaçons et d’une petite passoire à pulpe (servir aussitôt). Verrerie Une petite coupe à cocktail glacée (laissez la 15 minutes au freezer avant le service ). Une petite flûte fera l’affaire si vous n’avez pas la verrerie spécifique.

Matériels Jigger, bar spoon, shaker, presse agrume, passoire à glaçons, passoire à pulpe. Dégustation du Cocktail Le Daïquiri est plus connu du grand public avec de la fraise ou de la banane, mais avezvous gouté le Daïquiri orignal ? La recette est une des plus simples à réaliser au niveau des ingrédients il est accessible à tous (rhum cubain, sucre, citron vert). C’est le cocktail classique idéal pour accueillir ses amis. Il est porté sur la fraîcheur et lorsqu’il est bien frappé il exprime toute la noblesse du rhum cubain.

L’ASTUCE DU BARMAN

Placez vos verres à cocktails au freezer 15 minutes avant le service et sortez vos verres uniquement au moment de servir car le cocktail doit être givré. La température de service est très importante car c’est un cocktail porté sur la fraîcheur. Enfin, choisissez un citron vert de petite taille. Pensez à bien dissoudre le sucre et au moment de shaker et mettez-y tout votre amour. Ce sont les conseils simples que m’ont prodigué les barmen actuels de la Floridita lorsque je leur ai demandé la recette ultime !

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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION Rumporter 15-Novembre 2019_BAT.indd 123

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PERNOD SAS au Capital de 40 000 000 euros – 51, chemin des Mèches – 94015 Créteil Cedex – 302 208 301 RCS Créteil

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION. Rumporter 15-Novembre 2019_BAT.indd 124 PACTO_MAF_210X297_EXE indd 1

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