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Le Figaro du 18 mars 2021


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jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO - N° 23 817 - www.lefigaro.fr - France métropolitaine uniquement

Dernière édition

lefigaro.fr « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

ENQUÊTE

LE FIGARO LITTÉRAIRE

LE TOURISME VA RÉVOLUTIONNER LA CONQUÊTE SPATIALE PAGES 20 ET 21

Un an après, retour à la stratégie du confinement

GAUCHE

Anne Hidalgo franchit un cap en vue de la présidentielle de 2022 PAGE 7

PAYS-BAS

Ces Européens qui se rebellent contre les restrictions anti-Covid PAGE 8

Si Emmanuel Macron a exclu l’hypothèse d’un reconfinement national, Jean Castex va annoncer ce jeudi de nouvelles restrictions en Île-de-France et dans les Hauts-de-France. Retour à la case départ ? Un an après l’entrée en vigueur du premier confinement, l’exécutif s’apprête à annoncer ce jeudi de nouvelles restrictions. Lors d’un Conseil de défense sanitaire,

CORÉE DU NORD

Pyongyang menace l’Amérique de Joe Biden PAGE 9

LES ÉCRIVAINS CÉLÈBRENT LE CHARME INTEMPOREL DE LA CAPITALE NOTRE SUPPLÉMENT

mercredi, Emmanuel Macron a refusé les hypothèses du ministre de la Santé, Olivier Véran, qui proposait notamment un reconfinement national. Face à la saturation des services de réani-

mation dans les régions les plus touchées, le chef de l’État mise sur des confinements partiels et territorialisés. Ces mesures, qui entreront en vigueur dès ce week-end en Île-de-France et

dans les Hauts-de-France, seront annoncées ce jeudi à 18 heures par Jean Castex. Lors de sa conférence de presse, le premier ministre aura aussi à se prononcer sur l’avenir de la

campagne vaccinale en France, après l’avis attendu ce même jour de l’Agence européenne des médicaments, qui conditionnera la remise en circulation des doses AstraZeneca.

è CONFINER LE WEEK-END NE VIDERA PAS LES HÔPITAUX è UN FEUILLETON À SUSPENSE LASSANT ET ANXIOGÈNE è EN ÎLE-DE-FRANCE, DES « RÉAS » DÉCOURAGÉES è LES TRANSFERTS GELÉS PAR LES FAMILLES DES MALADES è UN VARIANT INTRIGANT SUSCITE L’INQUIÉTUDE EN BRETAGNE PAGES 2 À 6 ET L’ÉDITORIAL

ÉDUCATION

L’école, terreau du harcèlement des jeunes Français

La Commune de Paris : un anniversaire qui divise

PAGE 10

VOILE

Les Néo-Zélandais règnent sur une 36e Coupe de l’America révolutionnaire Les chroniques d’Éric Zemmour, de Chantal Delsol et de Luc Ferry Le tête à tête de Charles Jaigu Un entretien avec Nicolas Bouzou La tribune de Reuven Rivlin n

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© ROGER-VIOLLET

CHAMPS LIBRES

PAGE 11

Entre mars et mai 1871, Paris s’insurge contre la signature de l’armistice avec la Prusse. L’utopie d’une république sociale va rapidement sombrer dans le chaos et sera férocement réprimée. Le souvenir de ces événements continue de susciter le débat. PAGES 28 À 30

Comment le laboratoire AstraZeneca est devenu la bête noire de l’Europe Le vaccin du tandem Oxford/ AstraZeneca avait tout pour devenir la meilleure arme contre la pandémie. Mais ce tandem a connu de multiples revers et commis des erreurs qui ont peu à peu installé la défiance. Les polémiques, avivées par les politiques et les batailles diplomatiques, sont incessantes. Elles effacent ce qui reste un exploit : la production en masse et en si peu de temps d’un tel sérum. PAGES 14 ET 15

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ÉDITORIAL par Yves Thréard [email protected]

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FIGARO OUI FIGARO NON

Réponses à la question de mercredi : Approuvez-vous le choix de suspendre la vaccination par AstraZeneca ?

OUI 44 %

NON 56 %

TOTAL DE VOTANTS : 145 194

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Votez aujourd’hui sur lefigaro.fr Êtes-vous favorable à un reconfinement toute la semaine des régions les plus touchées, Île-de-France, Paca et Hauts-de-France ?

ORBITAL ASSEMBLY

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Pénurie française

n an déjà. Le premier ministre n’est plus le même. Quelques variants sont venus pimenter l’ordinaire. Pour le reste, de confinement en confinement, total ou partiel, national ou local, rien n’a vraiment changé. La France a toujours les deux pieds dans le même sabot de l’immobilisme bureaucratique. L’expérience de la pandémie aurait dû obliger le pouvoir exécutif à prendre des initiatives, à mieux se préparer aux caprices de ce satané virus. Eh bien non ! Comme son prédécesseur, et en dépit des promesses élyséennes, Jean Castex réapparaîtra, ce jeudi soir, à la télévision, en porteur de mauvaises nouvelles, dans son éternel costume de gestionnaire de la pénurie. Celle-ci restera le mot-clé de la crise, mais qui le prononcera un jour au gouvernement ? Il est des verrous que notre pays n’arrive décidément pas à faire sauter. Cette pénurie nous a d’abord privés de masques et de tests. À présent, elle ne facilite pas la campagne de vaccination. Et, depuis le début, elle contraint les autorités à nous assigner à résidence, faute de lits de réanimation. Or, si les pics épidémiques étaient imprévisibles dans le temps, il était possible d’en anticiper les effets

sur les capacités d’accueil de notre appareil de santé. Le constat est malheureusement accablant : le nombre de lits n’a pas augmenté en douze mois, le recours au privé fonctionne de façon aléatoire et l’idée d’édifier des hôpitaux éphémères ici et là n’a effleuré l’esprit de personne. Beaucoup de médecins qualifiés le répètent : la formation rapide de techniciens dédiés à la réanimation n’était pas un obstacle insurmontable. Certainement moins, en effet, que les résistances de notre machine hospitaloadministrative, engluée dans ses corporatismes et son déni de la réalité. Donc, pour quelques lits manquants, au pays de l’absurde, on boucle des villes, des régions, des millions de personnes à double tour. Ce mercredi, la Commission européenne a demandé aux pays membres de préparer la levée des restrictions de circulation pour le jour où la situation épidémiologique le permettra. On la critique souvent, cette Europe, mais, vue de France aujourd’hui, il faut avouer qu’elle ne manque pas d’humour… ■

Pour quelques lits manquants, on boucle à double tour

AND : 3,20 € - BEL : 3 € - CH : 4,20 FS - CAN : 5,70 $C - D : 3,60 € - A : 3,60 € - ESP : 3,20 € - Canaries : 3,20 € - GB : 2,90 £ - GR : 3,40 € - DOM : 3,20 € - ITA : 3,30 € LUX : 3 € - NL : 3,40 € - PORT.CONT : 3,30 € - MAR : 23 DH - TUN : 4,40 DT - ZONE CFA : 2.400 CFA ISSN 0182.5852

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jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

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L'ÉVÉNEMENT

LES RÈGLES DU CONFINEMENT LE WEEK-END Les habitants de Nice, de la zone urbaine littorale des Alpes-Maritimes et ceux de l’agglomération de Dunkerque ont passé les trois derniers weekends en confinement. Des arrêtés préfectoraux en définissent les contours. Il s’y applique de 6 heures à 18 heures « en complément du couvre-feu » qui reste en vigueur. Tous les déplacements sont interdits, à l’exception de ceux rendus possibles par la présentation d’une attestation : activité professionnelle ou étudiante, achats de première nécessité, culte ou urgence familiale font partie des motifs acceptés. Seuls les commerces dits « essentiels », dont les librairies, peuvent ouvrir les samedis et dimanches entre 6 heures et 18 heures. Les autres peuvent exercer leur activité en livraison et en « click and collect ».

101 % C’est le taux d’occupation des services de réanimation en Île-de-France

Macron mise sur des reconfi Jean Castex va annoncer ce jeudi des mesures supplémentaires en Île-de-France et dans les Hauts-de-France. ARTHUR BERDAH £@arthurberdah ET MATHILDE SIRAUD £@Mathilde_Sd

L’EXÉCUTIF prépare le terrain depuis plusieurs jours maintenant. Le premier ministre Jean Castex annoncera ce jeudi soir, lors de la traditionnelle conférence de presse, un durcissement des restrictions sanitaires en Île-de-France et dans toute ou partie des Hauts-de-France. Au cours d’un Conseil de défense sanitaire qui s’est tenu mercredi matin à l’Élysée, « il a été décidé que des mesures supplémentaires allaient (y) être prises », a confirmé le porteparole du gouvernement, Gabriel Attal. « Nous avons une période de gros temps devant nous, la situation est dure, elle va l’être pour plusieurs semaines encore », a-t-il fait savoir, relevant une augmentation du taux d’incidence « de près de 20 % ces derniers jours », et un niveau d’occupation des lits de réanimation préoccupant. Le confinement pour les deux régions de France les plus touchées par l’épidémie est donc imminent, reste à en définir les modalités. Selon nos informations, Olivier Véran aurait présenté différents scénarios en ouverture du Conseil de défense : confiner l’Île-de-France toute la semaine ; y ajouter les Hauts-deFrance et la Provence-Alpes-Côte d’Azur ; ou étendre cette mesure à l’ensemble du pays. Mais ces trois pistes ont été rejetées par la quasitotalité des intervenants qui lui ont succédé. À commencer par Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, qui

plaident tous deux pour un durcissement le week-end uniquement. « Cinq jours d’ouverture et deux jours de fermeture valent toujours mieux que sept jours de fermeture », a insisté le ministre de l’Économie, avant d’être rejoint sur cette ligne par le président de la République. « Le confinement ne doit être envisagé qu’en ultime recours », a rappelé le chef de l’État.

La santé morale des jeunes préoccupante

Pour autant, Emmanuel Macron a pris acte de la situation épidémique. « Il faut être pragmatique. Il y a une dégradation des chiffres, et il faut qu’on suive le réel », a-t-il déploré. En clair, il a demandé que l’exécutif fasse émerger la solution la plus cohérente scientifiquement et la plus acceptable socialement, en lien avec les collectivités locales concernées. « Il faut être dans un principe d’équité territoriale et politique. Nous devons prendre des décisions à données constantes », a-t-il enjoint, quelques heures avant l’ouverture des concertations avec les élus franciliens et du nord de la France, ainsi que ceux des départements limitrophes de ces régions. Au cours de ce Conseil de défense, décrit comme « studieux mais très froid », Emmanuel Macron a également demandé des comptes à son ministre de la Santé, Olivier Véran. Avant de se rendre dans un hôpital des Yvelines pour y constater luimême la saturation des services de réanimation, le chef de l’État a demandé de « mettre les bouchées dou-

Accompagné du ministre de la Santé, Olivier Véran (à droite), Emmanuel Macron s’est rendu mercredi à l’hôpital de PoissySaint-Germain-en-Laye (Yvelines) pour y constater lui-même la saturation des services de réanimation. YOAN VALAT/ POOL VIA REUTERS

bles sur la vaccination ». Puis il s’est agacé de la trop lente montée en charge hospitalière sur les lits de réanimation, et l’absence quasi-totale de recours au secteur privé (lire cidessous). « C’était cinglant. Car clairement, le boulot n’a pas été fait », confie-t-on au sein de l’exécutif. « Le président a demandé avec insistance à Olivier Véran des éléments plus précis sur la hausse du nombre de lits de réanimation, le taux d’occupa-

tion exact, et des informations sur les transferts de patients », abonde un participant. Ce dont se défend la Rue de Ségur, où l’on nie tout recadrage du ministre de la Santé. Lequel, à en croire son entourage, aurait d’ailleurs pris conscience du « manque d’acceptabilité » des mesures restrictives, et ne serait plus « sur une ligne 100 % sanitaire ». Il faut dire qu’à la veille de ce confinement partiel, l’état psychi-

blent légèrement commencer à diminuer, tendance qui devra être confirmée dans les jours à venir. « Ce que nous projetions n’a pas été démenti par les faits, analyse Mircea Sofonea. Ce confinement partiel a un effet notable, mais la baisse reste contenue. » D’après lui, le nombre de reproduction n’a diminué que de quelques dixièmes depuis l’instauration de la mesure. « Cela montre que l’épidémie est en train de régresser, mais il faudra entre un mois et demi à deux mois pour diviser par deux le nombre de nouvelles admissions hospitalières quotidiennes, toutes choses égales par ailleurs (rythme de la vaccination, météo…) », estime-t-il. Si confiner le week-end semble montrer de premiers signes d’efficacité, il est clair que l’impact attendu ne sera pas à la hauteur du confinement de novembre, encore moins de celui de mars 2020. « N’oublions pas

que l’objectif du confinement de novembre était de pouvoir rouvrir les restaurants en janvier 2021, cela n’avait même pas été possible », souffle Mircea Sofonea, qui fait partie de ceux qui, depuis des mois, martèlent le même message : agir tôt et fort permet de mettre fin plus vite aux mesures contraignantes. « Prendre des mesures tardivement implique une durée d’application plus longue puisque, mécaniquement, le pic épidémique est plus élevé. » S’y ajoute la lassitude de la population, qui peut inciter les autorités à choisir des mesures moins fortes, comme un confinement le week-end, mais aussi moins efficaces. « On se retrouve alors dans un cercle vicieux, nous allons mettre du temps à sortir de cette situation. Et nous ne serons pas en terrasse début avril, comme cela avait été évoqué il y a deux semaines par l’exécutif. » ■

Confiner le week-end ne videra pas les hôpitaux CÉCILE THIBERT £@CecileThibss

ALORS QUE la perspective d’un confinement le week-end se profile pour plusieurs départements, en particulier d’Île-de-France, une question se pose : que sait-on de l’efficacité de cette mesure ? Lorsqu’elle a été instaurée le 27 février dans les zones urbaines de Nice et de Dunkerque, il s’agissait d’une première en métropole. Il était donc bien difficile d’en prédire l’impact. Un confinement de ce type avait bien été mis en place à deux reprises l’an dernier en Guyane française, mais le contexte très différent et le chevauchement des mesures ne permettent pas d’extrapolation concernant son impact. Interrogé par Le Figaro, l’épidémiologiste Mircea Sofonea (université de Montpellier) avait en tout cas estimé fin février

que cela permettrait « au mieux une légère décroissance du nombre de reproduction (nombre de personnes infectées en moyenne par un malade, NDLR), au pire une stagnation. » Une position partagée par de nombreux spécialistes. Avec maintenant deux semaines et demie de recul, les chiffres leur donnent-ils raison ?

Lassitude de la population « De manière générale, on ne peut pas conclure puisque ces mesures ont été mises en place en période de vacances scolaires qui, on le sait, ont un impact sur l’épidémie. Les vacances ont pris fin le 8 mars à Nice et à Dunkerque, donc il faut encore attendre un peu pour voir l’effet propre du confinement le week-end », estime Pascal Crépey, épidémiologiste à l’École des hautes études en santé publique. Dans le Dunkerquois, le taux d’incidence (nombre de cas pour 100 000 habi-

tants) a toutefois diminué de 36 % depuis la mise sous cloche des habitants le week-end. Entre la semaine du 20 février et celle du 6 mars, l’incidence est ainsi passée de 1 039 cas pour 100 000 habitants à 665, alors qu’elle suit une progression ascendante dans le reste du département qui, lui, n’est pas confiné. En revanche, cette tendance n’apparaît pas dans les données hospitalières, où la pression exercée par l’épidémie ne semble pas faiblir pour le moment. « On devrait déjà voir un effet sur les hospitalisations, or ce n’est pas le cas, souligne Pascal Crépey. Donc si cette mesure a un effet, il semble insuffisant dans ce département. » Dans les Alpes-Maritimes, le taux d’incidence est également en baisse, de 641 cas pour 100 000 habitants le 24 février à 446 le 14 mars. Mais il reste, de loin, le plus élevé de la région. Les admissions à l’hôpital sem-

- 36 %

Baisse du taux d’incidence (nombre de cas pour 100 000 habitants) à Dunkerque depuis le début du confinement le week-end

« L’hôpital privé pourrait monter à 4 000 lits de réanimation s’il le fallait » PROPOS RECUEILLIS PAR

AZILIZ LE CORRE £@azilizlecorre

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LAMINE GHARBI est président de la Fédération de l’hospitalisation privée. LE FIGARO. - Les établissements de santé privés ont-ils été sollicités par les agences régionales de santé pour prendre en charge des patients en réanimation ? Lamine GHARBI. - Lors du premier confinement, les établissements privés étaient exclus des discussions. La région Grand Est, particulièrement touchée lors de cette première vague, en a malheureusement fait les frais, avec des hôpitaux asphyxiés et des établissements privés sans activité. Il a fallu deux ou trois semaines alors pour que les choses rentrent dans l’ordre. Cette troisième vague est différente. Depuis une vingtaine

de jours, lorsque le palier des 600700 malades en réanimation a été franchi, les agences régionales de santé nous ont sollicités. Nous constatons une belle complémentarité des services entre établissements privés et publics. S’il subsiste encore des difficultés sur le territoire, ce qui est rare heureusement, les établissements privés de l’Île-deFrance prennent aujourd’hui en charge 25 % des patients en réanimation. Nous montons en puissance chaque jour. Cette part d’activité pourra monter à près de 30 %, comme lors de la première vague. En Île-de-France, des interventions non urgentes sont déprogrammées depuis lundi pour libérer des lits en réanimation. Les établissements privés connaissent-ils la même tension épidémique ? Les évacuations sanitaires sont un mal nécessaire, car on ne peut pas

accueillir tous les patients. En Îlede-France, nous déprogrammons des interventions non urgentes depuis lundi pour libérer des lits en réanimation et pour que les équipes médicales puissent être mobilisées. Nous allons arriver à 40 % de déprogrammation à la demande de

« Nous allons arriver à 40 % de déprogrammation à la demande de l’ARS », explique Lamine Gharbi. PHILIPPE CHAGNON/ COCKTAIL SANTÉ

l’ARS. Nous allons accueillir 25 patients d’Île-de-France dans la région Occitanie, qui sont répartis entre établissements privés et publics. Nous avions déjà expérimenté ce fonctionnement avec la région Paca, pour l’accueil de 13 patients. Depuis un an, les établissements privés ont-ils augmenté leur capacité en réanimation ? Aujourd’hui, sur l’ensemble du territoire, la capacité d’accueil en réanimation de l’hospitalisation privée est de 2 000 lits, car nous avons obtenu à titre dérogatoire 90 services de réanimation, soit plus de 1 000 lits autorisés de manière temporaires. Nous pourrions monter à 4 000 en tout s’il le fallait. Pensez-vous que l’augmentation de cette capacité devrait être une priorité nationale ? Grâce à l’accalmie estivale, nous

avons pu trouver le matériel nécessaire aux services de réanimation. De quoi manquons-nous aujourd’hui ? De mains ! Nous nous retrouvons dans une impasse, car il manque des médecins et des infirmières spécialisés en réanimation. La situation devient éreintante pour le personnel, trop peu nombreux. Et il n’y a pas que la réanimation, il y a aussi la médecine, les soins de suite ou la prise en charge des patients en chirurgie non-Covid. Or les capacités des établissements privés pour prendre en charge des patients Covid et non-Covid sont importantes ; les 1 030 hôpitaux privés et cliniques répartis sur tout le territoire disposent, en plus des lits de réanimation, de 40 000 lits de chirurgie, de 18 000 lits de médecine et de 3 000 lits de soin continu. Cette contribution du privé doit être complémentaire de l’action de l’hôpital public. ■

LE FIGARO

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L'ÉVÉNEMENT

nements partiels

CONTRE-POINT

PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard

Un feuilleton à suspense lassant et anxiogène

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du pays « estL’étatfragile.

J’ai des inquiétudes qui remontent des services de pédopsychiatrie. Il y a des jeunes de 11 ans qui font des tentatives de suicide, et recommencent à l’hôpital

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UN PARLEMENTAIRE DE LA MAJORITÉ

fragile. J’ai des inquiétudes qui remontent des services de pédopsychiatrie. Il y a des jeunes de 11 ans qui font des tentatives de suicide, et recommencent à l’hôpital », s’alarme un parlementaire de la majorité. Une chose est sûre, en tout cas, ce nouveau tour de vis sanitaire fragilise les espoirs de retour à une vie normale à court terme. Gabriel Attal avait esquissé un desserrement des contraintes sanitaires à partir de la

mi-avril. « La règle de base en politique, c’est de ne pas annoncer de calendrier. Donner des objectifs précis, c’est être sûr qu’on ne les tient pas », fulmine un conseiller. « Ce qui peut nous permettre de revenir à la normale, c’est la vaccination », rappelle un ministre. L’avis de l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui conditionnera la remise en circulation des doses AstraZeneca, est d’ailleurs attendu ce jeudi. ■

undi, Emmanuel Macron prévient que « des nouvelles mesures » sont nécessaires. Mardi, Jean Castex confirme que « le moment est venu » de les prendre. Mercredi, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal précise que des « mesures supplémentaires » pouvant aller « jusqu’au confinement » seront mises en place « dès ce week-end » ; lesquelles mesures seront annoncées par le premier ministre ce jeudi à 18 heures. Et voilà comment on tient une semaine entière sur une même décision. En passant des hypothèses aux probabilités, puis aux annonces, puis aux commentaires ; de l’impératif, au conditionnel, puis au futur et enfin au présent. Et chaque semaine ou presque, la séquence se reproduit, le « teasing » des annonces étant encadré de supputations, de démentis et de confirmations ; d’injonctions sur ce que le gouvernement devrait faire, de contestations de ce qu’il a fait, d’indignation face à ce qu’il aurait dû faire et n’a pas fait. Bref, à force d’anticipation, l’opinion est prise dans un maelstrom permanent de commentaires. Ce mélange de préparation des esprits et de validation de dernière minute est une des caractéristiques de la communication durant cette crise. L’exécutif, par ses expressions successives, entretient ce mouvement autant qu’il en est victime. La circulation des informations en temps réel (lits de réanimation, doses de vaccin…) entretient l’illusion de la transparence. Le choix de Macron d’arbitrer au dernier moment, sur la base des toutes dernières informations crée un sentiment

de dissimulation. Le choc de ces deux phénomènes provoque de la confusion, de l’impatience et de l’incompréhension. Le côté feuilleton à suspense sur les restrictions est à la fois lassant et anxiogène. Il contribue à cette impression de « jour sans fin » qui sape le moral des Français. Certes, le virus reste « le maître du temps », comme l’a admis le chef de l’État. Et personne ne peut empêcher le flux continu des conseils et des injonctions contradictoires. Mais l’exécutif peut à tout le moins resserrer sa propre expression. Que pouvait dire Jean Castex mardi soir sur BFM alors que les scénarios n’étaient arbitrés que le lendemain matin en Conseil de défense ? Quant au président de la République, il est identifié comme l’unique détenteur de la décision. C’est donc vers lui que remonte la déception, voire la colère, d’un nouveau confinement, quelles qu’en soient les modalités ; ainsi que l’imbroglio, également anxiogène, autour d’AstraZeneca. Il gagnerait donc lui aussi à concentrer ses prises de parole qu’apporte de dire : « On prendra les décisions qu’on doit prendre » ? et à privilégier une expression rare et solennelle. Depuis un an, ce sont celles-là qui lui ont le mieux réussi et qui, surtout, ont le plus contribué à préserver la confiance des Français au cœur de cette crise. ■

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que des jeunes préoccupe particulièrement le gouvernement. « Il y a une réflexion sur comment concilier des mesures plus dures avec le besoin de se défouler, avec l’absence de pratique du sport ou d’activités en extérieur », glisse un conseiller. Alerté par de nombreux élus sur la dégradation de la santé morale des jeunes, le président de la République a demandé à ses ministres des propositions sur le sujet. « L’état du pays est

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L'ÉVÉNEMENT

En Île-de-France, des « réas » découragées Dans les services de réanimation franciliens, le pic de novembre a été dépassé. ANNE-LAURE FRÉMONT £@alaurefremont

TANDIS que les Franciliens « en sursis » attendent de savoir à quelle sauce ils vont être confinés, la pression s’accentue sur les hôpitaux de la région déjà saturés. Le nombre de personnes admises en réanimation y a dépassé le pic de l’automne (1 157 patients contre 1 136 en novembre), et le taux d’occupation de ces services atteint 101 %. « L’augmentation a été amorcée il y a neuf semaines, avec une accélération depuis trois semaines », indique l’agence régionale de santé qui recense en moyenne 100 entrées par jour en soins critiques, contre 70 mifévrier. Et dans les hôpitaux, le reflux de cette troisième vague n’est pas prévu de sitôt vu le niveau de circulation du virus en Île-de-France. En Seine-Saint-Denis ou dans le Val-d’Oise, le taux d’incidence frôle en effet les 500 cas par semaine pour 100 000 habitants, soit le double du seuil d’alerte maximale. À Paris, il approche des 400 cas. Les variants, prépondérants et plus contagieux, aggravent la situation dans une région où le taux de couverture vaccinale est le plus faible de France (seuls 6,56 % des habitants ont reçu au moins une dose). Résultat, si l’on reste dans la même dynamique, fin mars, « on aura entre 1 700 et 2 100 patients. Et si je mets une semaine de plus, on passe entre 2 000 et 2 800 patients en réanimation », a calculé mercredi le directeur général de l’AP-HP, Martin Hirsch.

À l’hôpital Avicenne de Bobigny, « nous sommes passés de 16 à 40 lits de soins critiques/réanimation, dont 24 sont occupés par des patients Covid+, indique Yves Cohen, chef du service de réanimation. Nous avons tout de même voulu garder des lits non-Covid pour ne pas réitérer l’erreur de la première vague et ses conséquences délétères. » À l’hôpital Tenon, à Paris, la totalité des 20 lits de « réa » sont occupés par des patients atteints du coronavirus. « On a poussé les murs pour ajouter 8 lits pour les non-Covid. On a l’impression de revenir à la case départ », déplore Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses.

Les soignants de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Melun-Sénart (Seine-et-Marne) au chevet d’un patient atteint du coronavirus. BENOIT TESSIER/REUTERS

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« Critères très stricts » À l’AP-HP, où il n’y a eu que trois transferts en dix jours, le directeur général, Martin Hirsch, insiste sur la difficulté de transporter des patients fragiles. « Les transports sanitaires, ce n’est pas du tourisme. On prend des patients et on veut que quand ils arrivent à plusieurs centaines de kilomètres ils ne se soient pas dégradés par rapport au lit d’hôpital parisien

Deuxième confinement

Premier confinement

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Sources : Guillaume Rozier, covidtracker.fr

cancérologie ». En fin de semaine dernière, les 30 % de déprogrammation étaient atteints, selon l’Agence régionale qui indique que « les cellules de régulation de l’offre de soin ont été réactivées mi-février afin d’accompagner les établissements » dans cette stratégie. Tous les hôpitaux ne vont pas au même

Des patients plus jeunes La semaine dernière, l’ARS a donné « l’ordre ferme » de déprogrammer 40 % des activités médicales et chirurgicales pour augmenter les capacités à 1 577 lits de soins critiques, tout en « sanctuarisant les activités de

dans lequel ils étaient, donc on a des critères très stricts », a-t-il déclaré mercredi sur RTL. Selon ces critères, à peine 10 % des patients supporteraient un transfert. Pour autant, « sur ces 10 %, il y a un taux de refus de familles plus élevé qu’au printemps, a reconnu Martin Hirsch. Parce que la pression est moins forte et que les familles peuvent rendre visite à leur malade à Paris ». Cherchant à convaincre les récalcitrants, le directeur de l’AP-HP s’est engagé à prendre en charge le train et l’hébergement des familles qui acceptent, afin de leur permettre de suivre leur proche. Mais « clairement c’est un fiasco, conclut Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Tenon. Ce qui me dérange, c’est l’absence totale d’étude de faisabilité avant les annonces. Les familles nous disent : “Vous vous moquez de nous. On a notre frère ou notre père en réanimation, vous n’allez pas en plus l’envoyer à 600 km, alors que les visites ici sont déjà limitées.” Tout ça, c’était prévisible. » Sans compter qu’aujourd’hui, les autres régions s’inquiètent aussi du remplissage de leurs propres services de réa. ■ M.-C. R. ET A.-L. F.

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Les transferts gelés par les familles des malades FAUTE de candidats, il n’y aura pas d’évacuation de patients par TGV d’Île-de-France vers d’autres régions cette semaine. « En Île-deFrance, lundi, mardi et mercredi six patients par jour devaient être transférés, et jeudi un TGV devait être armé avec vingt-quatre patients. Or ces transferts sont largement freinés et le départ du train jeudi fortement compromis. De même, le week-end dernier, en Bretagne, des patients attendus ne sont pas arrivés », indique Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération des hôpitaux de France. Seulement dix transferts de patients ont eu lieu depuis l’annonce du ministre de la Santé jeudi soir dernier, confirme l’agence régionale de santé. En cause : le refus des familles de voir s’éloigner leur proche. Car si on ne leur demandait pas leur avis au printemps dernier, leur consentement est désormais requis. « Un changement de doctrine, décidé par les pouvoirs publics, qui autorise aussi désormais la visite des proches à l’hôpital dans le respect des gestes barrières », explique Zaynab Riet. « Dans 99 % des cas les familles refusent, conforte le Pr Yves Cohen, chef du service de réanimation de l’hôpital Avicenne à Bobigny. On n’a eu qu’un seul transfert le week-end dernier, contre cinq entrées en réa. C’est une goutte d’eau, de la com. »

Nombre de personnes en réanimation pour Covid-19 en Île-de-France

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Infographie

rythme : à Avicenne par exemple, 20 % des chirurgies ont été reportées. « On se prépare à atteindre les 40 %, mais nos chirurgiens ont peu d’allant à le faire car ils suivent aussi des malades graves », explique Yves Cohen. L’autre levier pour limiter la saturation, ce sont les transferts de patients vers d’autres régions.

Mais alors que le gouvernement en espérait « des dizaines, voire des centaines », seuls dix ont été transférés en trois jours (lire cidessous). Martin Hirsch met en avant l’état des patients - « à peine plus de 10 % » seraient « suffisamment stables » pour être déplacés mais les médecins doivent surtout composer avec les réticences des familles qui refusent de voir leurs proches se faire soigner à des centaines de kilomètres. Dans les « réas », le profil des patients a évolué. Le Pr Cohen note une baisse de l’âge moyen, passé de 63 à 57 ans. « Habituellement les plus jeunes faisaient aussi de l’hypertension ou du diabète ; aujourd’hui des personnes arrivent dans notre service avec du surpoids ou de l’obésité sans autres comorbidités, ce qui est étonnant. » Une diminution des comorbidités que constate aussi Gilles Pialoux à Tenon. En outre, la part des femmes a tendance à augmenter. Enfin selon l’ARS, les patients ont tendance à rester plus longtemps en réanimation. L’effet variant ? À confirmer, selon l’agence. Quoi qu’il en soit, cela n’aide pas à l’organisation des services. Mais combien de temps les hôpitaux franciliens vont-ils tenir ? « Je ne vous cache pas mon amertume, cela fait un an que ça dure, les services Covid sont fatigués, cela ne peut pas durer éternellement. Il faut réduire la pression sur les hôpitaux », nous dit Gilles Pialoux. Sans compter que l’impact de mesures prises aujourd’hui ne se verra que dans plusieurs semaines. « On est sur le pont depuis octobre, les infirmières sont à bout, le découragement est extrêmement fort au sein des équipes soignantes. Et contrairement à la première vague, on ne peut compter sur aucune aide », abonde Yves Cohen. Car ailleurs en France, les services de réanimation se remplissent aussi : dans les Hauts-de-France, ils sont déjà occupés à 117 % de leurs capacités « normales », en Paca, à 112 %. ■

L’Allemagne n’a pas connu de saturation de sa capacité hospitalière DAVID PHILIPPOT BERLIN

Seulement dix transferts de patients ont eu lieu depuis l’annonce du ministre de la Santé, jeudi dernier. POOL/REUTERS

TREIZE MILLIONS D’EUROS pour rien ? Au printemps dernier, en cinquante-cinq jours exactement, la capitale allemande s’est dotée d’un hôpital de réserve, avec 488 lits supplémentaires. Installé dans un hall du parc des expositions, il aurait permis d’intuber jusqu’à 111 patients ; 300 soignants venus des divers hôpitaux berlinois ont été formés spécialement et se sont tenus prêts pendant des mois à basculer sur la structure d’urgence, si l’épidémie l’exigeait. Mais Berlin n’a jamais eu besoin d’activer cette armée en blouse blanche. En sommeil, la coronaklinik devrait être démontée au plus tard en mai. Pour l’instant, l’Allemagne n’a jamais connu de saturation de ses structures hospitalières. Au début de l’épidémie, la société allemande des hôpitaux chiffrait à 28 000 le nombre de lits en soins intensifs, dont 22 000 avec équipement pour l’oxygénation des patients. Des capacités élevées, qui ne peuvent toutefois pas être directement comparées aux 5 400 lits de réanimation disponibles en France avant la crise, car les chiffres allemands comptabilisent aussi de nombreux lits de soins intermédiaires, pour des patients dans un état moins grave. Hier, le rapport quotidien de l’alliance interdisciplinaire de médecine intensive et d’urgence (Divi) indiquait que 20 442 lits étaient occupés et 3 692 étaient disponibles, c’est-à-dire mobilisables immédiatement (auxquels il faut rajouter les places en pé-

diatrie intensive, soit 2 776 lits en plus). L’Allemagne possède aussi 701 places d’oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO) installées en unité de soins intensifs mais qui sont dénombrées comme des lits à part. « Le plus gros défi quand le nombre de patients augmente n’est pas le nombre de place mais le manque de personnel », pointe Gerald Gass, président de la société allemande des hôpitaux. Or un lit sans soignant sort des statistiques. Il est considéré comme « de réserve » (10 876 lits hier). À cause des nombreux arrêts de travail des soignants liés au Covid et aux quarantaines, l’Allemagne a donc perdu des lits en un an ! Au total, on estime que le pays aurait besoin de 3 500 à 4 000 infirmiers spécialisés supplémentaires rien que pour les soins intensifs.

32 %

des soignants réfléchissent à changer de métier en Allemagne

Toutefois, grâce à une meilleure coordination interrégionale, mise en place en avril 2020 sous la houlette de Divi, « nous n’avons jamais été obligés de trier les patients », insiste sa porte-parole Nina Meckel. Elle concède qu’il y a eu un certain émoi quand, début décembre, des hôpitaux de Saxe ont transféré quelques patients. Mais « il y a toujours eu assez de lits dans la région et nous avons toujours pu répondre aux besoins en médecine de pointe ». L’Alle-

magne a été découpée en cinq grandes zones, dotée chacune d’un coordinateur en échange permanent avec ces collègues pour répartir au mieux les malades. Les hôpitaux font remonter leurs chiffres et l’alliance Divi tient un registre national quotidien. Cette organisation en « feuille de trèfle » a permis d’éviter les situations d’engorgement.

Renfort venu de l’étranger

Mais le système est fragile. « Une étude actuelle réalisée auprès des soignants indique que 32 % d’entre eux réfléchissent à changer de métier », alerte le professeur Gernot Marx, qui préside l’alliance Divi. Il s’associe à la demande publiée la semaine dernière par plusieurs syndicats de soignants et qui souhaite un salaire plancher de 4 000 euros brut, pour rendre la profession plus attractive mais aussi « la rémunérer à hauteur de ses efforts et de son stress » et lui offrir une meilleure reconnaissance sociale. Le gouvernement préfère pour l’instant parier sur un renfort venu de l’étranger. Une loi pour faciliter l’immigration de maind’œuvre spécialisée est entrée en vigueur juste avant l’épidémie il y a un an. Grâce à des accords bilatéraux, des centaines de soignants venus du Maghreb, du Mexique ou des Philippines étaient attendus courant 2020. La crise sanitaire a retardé leurs arrivées, et à peine une cinquantaine a pu finalement commencer à travailler. Fin février, les Philippines ont exigé que l’Allemagne, en échange, leur envoie des doses de vaccins. ■

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L'ÉVÉNEMENT

Un variant intrigant suscite l’inquiétude en Bretagne

4 219 malades

du Covid-19 en réanimation en France mercredi

MARC CHERKI £@mcherki

CE N’EST PAS encore un « variant d’inquiétude », contrairement aux variants anglais (B.1.1.7), sud-africain (B.1.351) ou brésilien (P.1). Mais une souche du Sars-CoV-2 porteuse de plusieurs mutations nouvelles est apparue en France et fait partie de la catégorie « variant à surveiller » de l’OMS. Ce variant « breton » a été repéré au centre hospitalier de Lannion (Côtes-d’Armor) il y a trois semaines. Sa surveillance risque d’être complexe, car il a échappé aux tests PCR classiques. Le Télégramme de Brest avait révélé la semaine dernière des cas de malades ayant toutes les caractéristiques d’une infection au Covid-19, mais dont les tests étaient revenus négatifs. Après des études préliminaires, la Direction générale de la santé (DGS) a déclaré le 15 mars qu’un cluster est « suivi depuis plusieurs semaines par l’ARS (agence régionale de santé) en Bretagne avec des cas également détectés en milieu communautaire ». Des gens du voyage étaient aussi porteurs du variant ; scanners des poumons et tests sérologiques ont fait penser à un variant du Sars-CoV-2. La confirmation de l’existence de ce nouveau variant a été obtenue le 15 mars après le séquençage de dizaines d’échantillons récupérés grâce à des « prélèvements profonds », c’està-dire dans les poumons. Sur 79 cas de Covid-19 identifiés à Lannion, 8 étaient dus au nouveau variant. « Trois hypothèses peuvent expli-

quer la non-détection d’un variant. La première, c’est que les mutations sont tellement importantes qu’elles trompent le test PCR, explique Stéphanie Haïm Boukobza, biologiste et virologue chez Cerba Healthcare. C’est assez peu probable, car les tests PCR utilisés en France ont deux à trois cibles pour identifier un virus. » Il faudrait donc que les mutations les affectent toutes en même temps. Une autre hypothèse « est que le test aurait été effectué trop tardivement », ajoute la biologiste. Mais l’ARS a exclu cette possibilité. Troisième hypothèse, vraisemblablement la bonne : descendu directement dans les poumons, le virus ne serait pas assez présent dans le nez ni dans le pharynx pour y être détectable. La question reste alors de connaître « le mode de transmission du variant breton, si les personnes contaminées ne peuvent pas le transmettre en expirant ou en émettant des microgouttelettes », s’interroge Stéphanie Haïm Boukobza.

« Enquête flash »

Sur 79 cas de Covid-19 identifiés à l’hôpital de Lannion (ci-dessus), 8 étaient dus au nouveau variant. DAMIEN MEYER/AFP

Sans publier toutes les caractéristiques du variant, la DGS a précisé qu’il a neuf mutations sur la protéine Spike mais également dans d’autres régions virales. En revanche, il ne porte pas les deux mutations qui caractérisent les trois variants anglais, sud-africain et brésilien (501Y ou E484K). Le 16 mars, Stéphane Mulliez, directeur général de l’ARS Bretagne, a ajouté que les huit malades hospitalisés porteurs de ce variant sont

morts des suites de l’infection au Covid. Cela ne signifie pas que le variant est plus dangereux : il s’agissait de personnes âgées ayant des comorbidités. Pour le moment, il n’est pas encore possible de préciser « la contagiosité ni la sévérité » du variant français. Le nombre de cas sera difficile à déterminer, compte tenu de la nature des prélèvements à réaliser : les échantillons doivent être obtenus par un « crachat profond », bien plus douloureux qu’un prélèvement naso-pharyngé (il ne s’agit pas de salive, mais d’une expectoration venue de la poitrine). II est prévu de sensibiliser les populations dans l’agglomération du Trégor-Lannion aux gestes barriè-

res, a annoncé le préfet du département. Dans la zone, le taux d’incidence au Covid-19 est faible : 73 cas pour 100 000 habitants contre 132 dans le département. Enfin, une « enquête flash » va tenter d’évaluer la circulation du variant en Bretagne. Elle sera conduite par Santé publique France et le centre national de référence à Paris. Tous les tests PCR positifs en Bretagne devraient être séquencés. Cependant, les premiers cas suspects sont apparus il y a déjà trois semaines et les infections repérées à Lannion remontent à plus d’un mois. Des personnes contaminées ont donc déjà pu sortir de la région. Une surveillance accrue a été demandée à tous les hôpitaux en France. ■

Le variant anglais entraîne bien une hausse de la mortalité VINCENT BORDENAVE £@bordenavev

LE VARIANT ANGLAIS concerne désormais près des trois quarts des nouveaux cas de Covid-19 dans le pays. Les dernières études confirment que sa contagiosité est bien 50 % plus forte que la souche historique, ce qui rend les mesures actuelles insuffisantes pour juguler l’épidémie. Le 11 mars dernier, le ministre de la Santé, Olivier Véran, expliquait qu’en plus d’être plus contagieux, ce variant serait aussi plus dangereux. Pour étayer son propos, il a superposé les courbes d’incidence et d’admission en réanimation. Lors de la deuxième vague, ces deux courbes étaient parallèles, et juste décalées de quelques jours. Mais depuis quelques semaines, ces courbes obéissent à des logiques différentes. Les admissions en réanimation ont augmenté drasti-

quement sans que l’on observe de tendance similaire en nombre de cas. Pour le même nombre de malade, on constate plus de cas graves.

Deux études Mais les épidémiologistes mettent en garde sur la simple explication d’une plus forte virulence du variant anglais. L’incidence est un indicateur assez variable car il dépend du nombre de tests effectués et de leur qualité. Depuis le mois de février, le taux de positivité augmente, ce qui pourrait signifier que le virus circule plus et que l’on rate aussi plus de contaminations. De plus, les tests ont changé depuis novembre. Nous disposons désormais, en plus des tests PCR, très fiables, des tests antigéniques qui ne détectent pas les formes asymptomatiques. Mais malgré ces précautions sur la lecture des courbes, plusieurs travaux scientifiques évoquent bien une

« ilComme est plus

contagieux, il est fort probable qu’il provoquera plus de morts dans une population donnée

»

SAMUEL ALIZON, DIRECTEUR DE RECHERCHE AU CNRS

mortalité plus importante avec le variant anglais, qui pourrait ainsi passer de 0,6 % à 0,9 % des cas. Ces travaux publiés notamment dans la revue Nature et dans le British Medical Journal, sont à prendre avec prudence. De l’avis même de leurs auteurs, beaucoup de biais entrent en compte dans les calculs et empêchent de tirer des conclusions définitives. « Dans ces deux études, il y a une analyse statistique très robuste des cas positifs qui mesure le risque d’être hospitalisé et celui de mourir, analyse Mylène Ogliastro virologue à l’Inra-université de Montpellier. Toutefois, on ne sait pas si la hausse de la mortalité est associée à une hausse des personnes contaminées. Pour avoir une réponse, il faudra comparer le nombre de personne symptomatiques dans des tests randomisés, ce qui n’est pas fait. » Les deux études analysent en fait la mortalité par rapport au nombre de cas détecté. Or on esti-

me que depuis la fin de la première vague moins de 50 % des cas ont été repérés, un grand nombre étant lié à des personnes asymptomatiques. Le taux de mortalité est donc très difficile à calculer. « En France, la létalité par infection dépend énormément de l’âge, explique Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS et membre de l’équipe de modélisation de l’épidémiologie et de l’évolution des maladies infectieuses de Montpellier. On est toujours entre 0,4 % et 0,8 %. Mais quelle que soit la virulence de ce variant, comme il est plus contagieux, il est fort probable qu’il provoquera plus de morts dans une population donnée. » En d’autres termes, comme le nombre de cas augmente plus vite, le nombre de formes graves et de morts suit la même accélération. La campagne de vaccination permet de limiter encore cet effet en France. Mais on ne sait pas pour combien de temps. ■

UNAIDS

Cette souche semble échapper à la détection par PCR réalisée après un prélèvement habituel.

Pour le moment, l’OMS estime que la balance risquesbénéfices penche en faveur du vaccin AstraZeneca et recommande que les vaccinations se poursuivent MARIANGELA SIMAO, DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE DE L’OMS

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L’UE menace d’interdire les exportations de vaccins vers certains pays ANNE ROVAN £@AnneRovan

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CORRESPONDANTE À BRUXELLES

ALORS QUE les doses de vaccins font toujours défaut dans l’UE (100 millions d’unités seulement devraient être livrées à fin mars) et que les campagnes des États membres patinent, la Commission européenne a durci le ton mercredi. Elle menace de bloquer les exportations de vaccins vers certains pays tiers. « Nous voulons voir la réciprocité et la proportionnalité dans les exportations, et nous sommes prêts à utiliser tout outil dont nous avons besoin pour y parvenir », a prévenu la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. L’exécutif européen a mis en place fin janvier un mécanisme d’autorisation préalable des exportations de vaccins hors UE, lui permettant

d’avoir accès à des informations circonstanciées sur les volumes de vaccins expédiés au-delà des frontières. Depuis, 41 millions de doses ont été exportées vers 33 pays. Les trois premiers pays bénéficiaires sont le Royaume-Uni, le Canada et le Mexique. Les menaces d’Ursula von der Leyen visent en premier lieu le Royaume-Uni, qui a pu importer 9 millions de doses produites par l’UE. Mais alors que deux unités de fabrication AstraZeneca basées au Royaume-Uni devaient produire des vaccins pour les Européens, pas une dose n’a franchi la Manche. « Nous attendons toujours que les doses viennent du Royaume-Uni », a insisté von der Leyen. D’autres pays pourraient faire les frais de ce tour de vis, notamment quand ils affichent des taux de vaccination supérieurs à ceux de l’Union. « Nous réfléchirons à la

question de savoir si les exportations [vers ces pays] sont toujours proportionnées », a prévenu la présidente de la Commission.

Rétablir la liberté de circulation

Nous « attendons

toujours que les doses viennent du Royaume-Uni URSULA VON DER LEYEN, PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

»

Depuis plusieurs semaines, Bruxelles ne ménage pas sa peine pour augmenter la disponibilité des vaccins. Des pourparlers ont été engagés récemment avec les États-Unis qui disposent d’un stock de 30 millions de doses AstraZeneca non utilisées, ce vaccin n’y étant pas encore autorisé. Sans résultat à ce stade, alors qu’un million de doses Pfizer ont été importées de l’UE. « Les Américains sous-estiment l’effet d’interdépendance. Sur la production de vaccins, ils ont besoin de nous et nous avons besoin d’eux », souffle un diplomate. Les interdictions d’exportation seront à l’ordre du jour de la réu-

nion des Vingt-Sept prévue en fin de semaine prochaine à Bruxelles. Elles avaient été suggérées fin février par le président du Conseil italien, Mario Draghi, et ont la bénédiction de Paris. « Je soutiens les annonces faites par le président de la Commission, en particulier pour exiger la réciprocité », a déclaré mercredi Emmanuel Macron. Lors de ce sommet, les dirigeants européens discuteront aussi du passeport sanitaire proposé mercredi par la Commission. L’objectif de ce document (numérique ou non) est de rétablir la liberté de circulation au sein de l’UE, dans la perspective des congés d’été. C’était une demande des pays du sud de l’Europe dont les économies dépendent fortement du tourisme. Grâce à cet outil, les autorités seraient en mesure de vérifier si un voyageur souhaitant entrer dans un pays de l’UE

a été vacciné, a effectué récemment un test, ou est immunisé suite à une infection au Covid-19. Selon la proposition de la Commission, les États membres bénéficieraient d’une certaine latitude dans les usages de ce certificat (dans les restaurants, cinémas…) et pourraient accepter des personnes ayant reçu des vaccins non autorisés dans l’UE. Lassée de voir ses recommandations non suivies par les Vingt-Sept, la Commission a choisi de passer par un règlement. Il nécessitera donc l’aval du Conseil, à la majorité qualifiée, et celui du Parlement européen. Mais au regard des questions techniques et politiques à traiter, il sera compliqué d’aboutir pour juin. « Une législation simple demande normalement entre 12 et 15 mois. Et il faut en général six mois pour parvenir à prolonger ce type de législation », souligne, inquiet, un diplomate. ■

LE FIGARO

POLITIQUE

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Hidalgo franchit un cap en vue de 2022 En déplacement à Douai, la maire de Paris a dit vouloir « être celle qui apporte l’énergie pour se réunir ».

GAUCHE « Mon rôle est d’être celle qui apporte l’énergie pour se réunir. En toute humilité. Je ne crois pas que la France attende une femme providentielle. » Sans aller jusqu’à se dire officiellement candidate, Anne Hidalgo a franchi mercredi un cap sur sa route vers la présidentielle de 2022. Dans un entretien à La Voix du Nord à l’occasion d’un déplacement à Douai (Nord), elle indique que « beaucoup d’amis socialistes, des intellectuels et artistes » l’ont poussée, avec ce message : « Tu ne peux pas rester spectatrice, tu as une voix qui porte dans un paysage marqué par l’éclatement de la gauche. Il faut que tu nous aides à faire émerger une autre proposition. » Cette « sociale-démocrate » qui croit « en la radicalité de la réforme » se donne pour objectif de construire « des ponts entre les gens, pour définir comment réussir la transition écologique, réindustrialiser le pays avec une économie décarbonée ». Elle pointe une société « hyperconflictuelle » à la fin d’un quinquennat « où les questions d’égalité, de démocratie, d’écologie ont été maltraitées ». Emmanuel Macron - dont les sociaux-démocrates se sont « éloignés » - « n’apparaît plus comme un rempart face au Rassemblement national », assure-t-elle, pour avoir négligé « la question sociale et le dialogue dans la société ». Le jour même de la publication de cet entretien, cependant, un sondage Ifop pour Marianne auprès de 2 554 Français indique que la maire de Paris ne suscite pas au deuxième tour, face à Marine Le Pen, le même réflexe républicain que Xavier Bertrand ou même Emmanuel Macron.

Elle perdrait le second tour de peu, avec 49 % des voix. Face à la présidente du Rassemblement national, le président de la région Hauts-deFrance l’emporterait avec 57 % des suffrages, 4 points de mieux que le chef de l’État. Au premier tour, Anne Hidalgo est donnée à 8 %, l’écologiste Yannick Jadot à 6 % et Jean-Luc Mélenchon est à 10 %. Son entourage, cependant, affirme ne pas être troublé par ce score médiocre pour un début de précampagne, confirmé par plusieurs enquêtes : « Le premier tour ne nous inquiète pas, et, 49 % au deuxième, c’est une performance alors même qu’elle ne s’est pas encore exprimée sur les sujets qui permettraient de choisir entre elle et Marine Le Pen. »

« Incontournable » Présent à Douai, ville PS dirigée par Frédéric Chéreau, le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, reconnaît qu’en l’absence de candidature de Bernard Cazeneuve - l’ex-ministre de l’Intérieur tenté un temps de se présenter Anne Hidalgo est « incontournable ». « Il nous faut un candidat socialiste. Ce n’est peut-être pas une évidence, mais c’est une nécessité. » Or la maire de la capitale « se situe au croisement de plusieurs points essentiels : une grande élue locale à la forte expérience internationale qui défend le social et l’écologie sans opposer la fin du monde à la fin du mois. » À La Voix du Nord, Anne Hidalgo se présente par ailleurs comme la meilleure garante d’unité à gauche, appelant « à agir ensemble, pacifiquement ». « Les gens ne font pas confiance à ceux qui s’invectivent », ajoute la quasi-candidate, brandis-

Anne Hidalgo, mercredi lors d’un déplacement à Douai (Nord), à l’occasion du lancement de sa plateforme « Idées en commun » pour rassembler la gauche. FRANCOIS GREUEZ/SIPA

sant « un double risque : celui de l’extrême droite et celui de l’urgence climatique ». Hidalgo, cependant, ne semble pas être parti pour obtenir un grand succès en matière d’unité avec des appareils écologistes et Insoumis. Au moins à court terme. Bras droit de Jean-Luc Mélenchon, le député Adrien Quatennens a réagi mercredi auprès du Figaro, jugeant « normal » que « les sociaux-libéraux, le camp de François Hollande, pour dire vite », souhaitent avoir leur candidature. « Nous sommes disponibles pour discuter de tout, mais que ferions-nous des sujets dont on sait qu’ils sont très sensibles entre nous : l’Europe, les institutions ? », a-t-il interrogé. « Les Français n’ont pas oublié le bilan du PS au pouvoir. Ils avaient tout. Qu’en

ont-ils fait ? Depuis, pas l’ombre d’une idée nouvelle », tacle l’élu du Nord. Lui place les Insoumis « sur une ligne de rupture ». De son côté, sur Franceinfo, Yannick Jadot a pris de nouvelles distances avec la primaire de son parti, EELV, souhaitant mercredi un « processus de désignation » commun à tous les partis de « l’espace politique » allant des Insoumis aux Marcheurs. Le député européen ne manifeste aucune intention de laisser la main à la maire de Paris. Pas plus que le secrétaire national d’EELV, Julien Bayou, candidat en Île-de-France et qui vient de proposer à toute la gauche de se regrouper autour de lui pour cette échéance. Socialistes et Insoumis ont chacun répondu qu’ils étaient favorables à l’unité… mais derrière eux. ■

Chesnais-Girard : « Ma majorité va des communistes aux Marcheurs » Le président de la région Bretagne propose que celle-ci soit un « laboratoire pour préparer le déconfinement ». VIRGINIE LE TRIONNAIRE £@vletrionnaire

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OPPOSITION « Je souhaite que les sociaux-démocrates trouvent une manière de se régénérer », a appelé de ses vœux Loïg Chesnais-Girard mercredi, sur le plateau du « Talk Le Figaro ». Issu des rangs socialistes, il succède depuis juin 2017 à Jean-Yves Le Drian, à la tête du conseil régional de Bretagne, ce dernier ayant démissionné pour rejoindre le gouvernement. Loïg Chesnais-Girard ne se prononce pas à ce stade sur le candidat qu’il soutiendra en 2022. Il attend de voir émerger un projet et une ligne claire pour le pays : « Il faut que les sociaux-démocrates s’expriment clairement sur ce que nous voulons faire pour la production, la transition écologique, pour l’énergie et pour l’agriculture », pointe-t-il. Sa ligne à lui est on ne peut plus claire, « on doit produire en assumant en même temps la transition écologique ». Politiquement, « on est dans un moment où il y a des recompositions en cours, ce pays en a besoin », lâche-t-il, « la démocratie, c’est l’alternance ». Convaincu qu’en 2022, il ne faudra pas jouer « les gentils contre le méchant RN, car ça ne marche pas », il y aura vraisemblablement « des progressistes contre des conservateurs, des sociodémocrates contre des libéraux », juge-t-il. Pour lui, l’opposition droite gauche n’a pas disparu. « Si on fait croire aux Français qu’on va être tous les raisonnables ensemble, contre les extrêmes, on va les perdre », soutient encore le Breton. À la question « Emmanuel Macron est-il selon lui un pré-

sident de droite ? », l’intéressé est assez clair : « Il est un président qui a pris deux premiers ministres de droite successifs et qui a des marqueurs de droite dans son gouvernement, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin ». Pour autant, il se dit ravi « de voir JeanYves Le Drian au Quai d’Orsay ».

« Pas ma manière de faire » Début avril, « nous saurons si les élections régionales auront lieu ou pas », trépigne le socialiste, candidat à sa réélection. Fier d’être au service d’une Bretagne « qui se sent à l’aise dans ses baskets, qui a une vraie ambition pour l’avenir, une vraie identité, des hommes et des femmes courageux, qui bossent », il se représente sous l’étiquette PS. Subtilité ou complexité du scrutin breton, Jean-Yves Le Drian, ministre de la majorité présidentielle, est aussi dans la majorité PS du conseil régional de Bretagne. Soutient-il son successeur à la région ? « J’ai une majorité qui va des communistes aux Marcheurs », défend Loïg Chesnais-Girard, aux manettes depuis quatre ans. Si le socialiste n’a pas souhaité rejoindre la majorité présidentielle, c’est par conviction, assure-t-il. « Je pense qu’on peut assumer de vouloir dans ce pays une droite et une gauche, (…) changer de camp, d’étiquette, de dossard, pour pouvoir gagner une élection, n’est pas ma manière de faire », insiste-t-il. Le président sortant affrontera Isabelle Le Callennec (LR), Gilles Pennelle (RN) et probablement son actuel vice-président Thierry Burlot qui pourrait représenter (LREM). En attendant, « tout le monde est concentré sur la situation sanitaire »,

assure-t-il, même si la Bretagne est plutôt moins touchée que les autres régions. À ce titre, « nous pouvons être un laboratoire pour préparer le déconfinement », propose-t-il. Un « variant Breton » a fait son apparition dans les Côtes-d’Armor : « Nous ne sommes pas inquiets, les choses sont sous contrôle, nous attendons de savoir ce qu’il représente exactement », rassure le patron de la région Bretagne. ■

Loïg Chesnais-Girard, mercredi dans le studio du Figaro. FRANÇOIS BOUCHON / LE FIGARO

EN BREF Proportionnelle : la voie parlementaire ne sera pas explorée

Les députés n’examineront pas une proposition de loi visant à introduire la proportionnelle dès les prochaines élections législatives de 2022. « Les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien cette réforme par la voie parlementaire dans un calendrier à la fois particulièrement serré à l’approche des élections de 2022 et contraint par la crise sanitaire, qui, comme chacun le sait, a un fort impact sur les priorités politiques que nous nous sommes fixées », écrivent dans un communiqué commun Christophe Castaner - le patron des députés LREM -, Olivier Becht - son homologue du groupe Agir - et Patrick Mignola - le président du groupe MoDem qui avait déposé deux propositions de loi sur le sujet. Malgré l’insistance du MoDem, de nombreux ténors de la majorité renvoient cette réforme à un éventuel second quinquennat d’Emmanuel Macron. Les trois hommes lancent « une réflexion » sur la « démocratie représentative ». Le communiqué ne précise pas à quelle échéance la réflexion prendra fin. Le président du MoDem, François Bayrou, qui bataille ardemment pour cette réforme, ne croyait pas lui-même à la voie parlementaire. Il espère toujours obtenir d’Emmanuel Macron l’organisation d’un référendum sur le sujet.

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INTERNATIONAL

Ces Néerlandais qui se rebellent contre les restrictions anti-Covid Les « antisystème » espéraient tirer profit de la fronde aux législatives mercredi. LAURE MANDEVILLE £@lauremandeville ENVOYÉE SPÉCIALE À ROTTERDAM

PAYS-BAS Depuis quinze ans, Willem Engel se consacrait à la danse, comme en témoigne la magnifique photo qui trône au mur de son salon, où on le voit faire un grand écart parfait, dreadlocks au vent, au-dessus de vagues en bord de mer. « Je continue. Mon école de danse, au rez-de-chaussée, est ouverte », explique cet artiste à la longue silhouette souple et élancée qui nous reçoit à Rotterdam, dans sa petite maison à laquelle on accède par un escalier en pente raide comme dans tant de maisons hollandaises. Mais avec le Covid-19, sa vie a basculé, et voilà que Willem est devenu un activiste, militant désormais contre les restrictions antivirus. Il a même créé un parti, la Liste 30, présent dans plusieurs circonscriptions au milieu des 37 partis en lice ce mercredi pour les législatives, remportées par le camp libéral du premier ministre sortant Mark Rutte, selon des sondages réalisés à la sortie des urnes. « Au début, j’ai été comme tout le monde, très inquiet de l’apparition de ce virus. » Willem Engel a ainsi immédiatement fermé son école, par peur des contaminations. Puis peu à peu, en cherchant des informations sur le Covid-19, cet ancien diplômé d’études pharmaceutiques, qui avait aussi commencé un doctorat de biologie avant de changer de vie, dit avoir été frappé par les « nombreuses

fausses informations que les gouvernements propage(ai)ent ». La théorie selon laquelle le virus aurait été propagé par un animal lui est apparue très vite peu convaincante. « Les scientifiques indépendants pensent tous maintenant que le virus est originaire d’un laboratoire », note-t-il, affirmant avoir créé son propre labo. Engel dit aussi que la létalité du virus est « un conte » car « il n’est pas plus dangereux qu’une simple grippe », excepté pour ceux qui ont un système immunitaire affaibli, c’està-dire les personnes âgées et celles souffrant d’autres pathologies. « La question de l’immunité doit être traitée comme un problème de santé publique, pas comme un virus dévastateur qui exige de confiner tout un pays », affirme-t-il. Bref, pour lui, toutes les mesures de confine-

ment, de port du masque et de distanciation sociale – « une vraie catastrophe qui détruit le tissu de la société et les êtres humains, qui ont besoin de contact physique » - ne visent nullement à répondre à une crise sanitaire puisque cette dernière n’existe pas.

Un projet très sombre de surveillance totale

« La crise du Covid a été kidnappée par un certain nombre d’organisations qui guettaient le moment de mettre en œuvre leur plan secret de restructuration de nos sociétés », pense dur comme fer Willem Engel, persuadé qu’un projet très sombre d’établissement d’un État de surveillance totale est à l’œuvre. « Le Forum économique mondial, l’OMS, le FMI et d’autres organisations ont vu dans le Covid

la tourmente parfaite pour mettre les pays sous contrôle », martèle-til, convaincu. Pour lui et les membres de son groupe, « Angela Merkel est une communiste décidée à orchestrer un coup d’État » et Macron et Rutte des « pions » utilisés par de puissants stratèges occultes comme Bill Gates ou George Soros. Bref, le danseur, dont certaines critiques ou questions sur tel ou tel aspect de la politique de lutte contre le virus pourraient être pertinentes, a carrément embrassé une vision complotiste du dossier, aussi inquiétante qu’elle est révélatrice de la méfiance de plus en plus grande que suscitent les élites, politiques, médiatiques comme scientifiques. « On nous traite de complotistes mais tout cela est basé sur des faits », se défend Willem, persuadé que le mouvement qu’il

Aux élections, Bibi mise sur sa gestion du Covid

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CORRESPONDANT À JÉRUSALEM

PROCHE-ORIENT En Israël, une campagne peut en cacher une autre. Celle de la vaccination place le pays au premier rang mondial. Benyamin Netanyahou exploite cette réussite pour tenter de décrocher son Graal, une majorité parlementaire à l’issue des législatives du 23 mars. C’est le thème central de ses discours de campagne électorale sans lésiner sur l’autopromotion. En fonction sans interruption depuis douze années, le premier ministre joue sa survie politique après trois élections non concluantes en moins de deux ans. Il compte sur les résultats fructueux de la lutte contre le Covid-19 pour se prémunir. « Les deux campagnes sont évidemment liées. Benyamin Netanyahou qui centralise tout autour de sa personne présente le succès de la vaccination comme une victoire personnelle », commente le politologue classé à droite Emmanuel Navon. Benyamin Netanyahou a compris très vite les bénéfices personnels qu’il pouvait tirer d’un traitement énergique du dossier sanitaire après

des mois de hauts et de bas épidémiques et de décisions contestées. « Son plan initial était d’organiser le scrutin en mai ou en juin une fois l’immunité collective atteinte mais les péripéties politiques en ont décidé autrement », avance Emmanuel Navon. Adepte d’un exercice solitaire du pouvoir, le chef du gouvernement a ordonné au Mossad dès le début de pandémie voici un an de fournir l’État hébreu en masques de protection et en respirateurs artificiels à une période où le monde occidental en manquait cruellement. Les hôpitaux et les centres de santé ont été équipés en tests de dépistage malgré la pénurie internationale. Son opportunisme a ensuite fait le reste. Une conjonction d’intérêt l’a relié à Albert Bourla, le patron du laboratoire pharmaceutique américain Pfizer. D’origine grecque, ce fils de survivants de l’Holocauste était en quête d’une vitrine pour démontrer l’efficacité de son produit. Israël est apparu comme un candidat idéal. Son système médical s’appuie sur des caisses de santé interconnectées et ultra-informatisées permettant une remontée rapide et efficace des données. Pfizer a pu prouver de

P. VAN DE WOUW/REUTERS

« Savez-vous combien de présidents et de premiers ministres appellent Pfizer et Moderna ? Ils ne répondent pas. Mais quand c’est moi, ils prennent l’appel », dit-il. Il espérait une visite d’Albert Bourla à Jérusalem moins de trois semaines avant les échéances électorales. Ses opposants l’ont accusé de vouloir tirer la couverture à lui, ont dénoncé une « opération de propagande » et menacé de déposer un recours devant la Cour suprême. Finalement, Albert Bourla n’est pas venu.

Les sondages ne prédisent pas de majorité au premier ministre sortant le 23 mars en dépit des succès de la vaccination en Israël. THIERRY OBERLÉ £@ThierryOBERLE

Un manifestant affronte des policiers, lors d’un rassemblement antirestrictions sanitaires, dimanche, à La Haye, aux Pays-Bas.

Reprise de la vie quotidienne

Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, mardi, à Jérusalem, sur le plateau d’une chaîne de télévision pour une interview. MENAHEM KAHANA/AFP

660 millions d’euros

Somme dépensée par Israël pour l’achat des vaccins Pfizer

manière spectaculaire que ses inoculations sont sûres et efficaces. L’État hébreu a, en contrepartie, obtenu très tôt un stock de vaccins qui permet en principe d’immuniser l’ensemble de la population de ce petit pays mais aussi de constituer des réserves et même de se lancer dans une hasardeuse « diplomatie vaccinale ». Il a réglé une facture de 660 millions d’euros, soit un tarif qui n’a rien d’excessif. Féru de com, Benyamin Netanyahou vante la « Vaccine Nation », un jeu de mots anglais sur la réputation de « start-up nation » d’Israël acquise grâce à un secteur du high-tech en plein essor. Le chef du gouvernement assure avoir « passé 17 appels téléphoniques » à Albert Bourla pour finaliser le deal.

Lors des trois précédents scrutins, le premier ministre avait insisté sur sa capacité à négocier avec les grands de ce monde. Elle était, selon lui, la preuve de sa supériorité sur ses rivaux. Il jouait de sa proximité avec Donald Trump en couvrant les panneaux d’affichage de portraits des deux dirigeants côte à côte. L’ancien pensionnaire de la Maison-Blanche n’était pas avare de cadeaux. Il lui a offert le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, la reconnaissance de l’annexion du plateau du Golan et le soutien à la colonisation de la Cisjordanie occupée. Benyamin Netanyahou continue de se présenter comme au-dessus du lot. À la différence près que les vaccins ont remplacé l’ex-président américain dans son argumentaire. La vaccination a débuté sur les chapeaux de roues en janvier et n’a pas depuis fléchi. Près de la moitié des Israéliens auront reçu leurs deux doses de sérum le jour du scrutin. Après un confinement et un bouclage presque total des frontières, la vie quotidienne a repris avec prudence son cours et l’immunité collective pourrait être acquise avant la fin du printemps.

incarne – « des centaines de milliers de personnes » - fait peur au gouvernement. « C’est pour cela que les autorités répriment les manifestations anti-restrictions aussi violemment », assure-t-il, évoquant la manifestation de dimanche dernier, jour de son anniversaire, au cours de laquelle la police à cheval a chargé et brutalement dispersé deux milliers de manifestants. Le parti Forum pour la démocratie de Thierry Baudet, un jeune et flamboyant politicien antisystème, anti-immigration et anti-UE, qui joue d’un agenda très trumpien (l’intellectualisme en plus), a passé toute la campagne à tenter de récupérer le mécontentement suscité par les restrictions anti-Covid et la fermeture du pays. Coiffé d’une casquette « à la Trump », cet intellectuel provocateur, qui avait perdu du terrain dans l’opinion à la suite de soupçons d’antisémitisme qu’il a démentis, a sillonné les provinces profondes à bord d’un « bus de la liberté » pendant des semaines, tonnant contre la politique frileuse du premier ministre Mark Rutte, et plaidant pour en finir avec les masques, les confinements et la peur d’être malade. Même si cet intérêt médiatique ne s’est pas traduit par un mouvement à la hausse dans les sondages, des milliers de personnes se sont jointes à ses manifestations, et Baudet a fait le « buzz » sur les réseaux sociaux sans discontinuer. Une raison qui faisait dire au journaliste du Telegraaf, Wierd Duk, qu’il pourrait « créer une surprise » lors du scrutin, et gagner plus de sièges que prévu. En 2018, Baudet avait déjà fait un coup d’éclat en remportant sans crier gare les élections sénatoriales, mais beaucoup pensent qu’il a dilapidé ses chances. Pas Willem. Ce mercredi, il se disait persuadé que Baudet aurait au moins quinze sièges ! « Son parti ne cesse de grandir et est aujourd’hui en tête pour le nombre d’adhérents », notait-il. ■

Des critiques fusent cependant sur la gestion de la crise sanitaire du chef du gouvernement. Ses adversaires ainsi que les médias lui reprochent d’avoir mal confiné et déconfiné et d’avoir fermé les yeux sur l’absence de respect des consignes sanitaires par une partie de la communauté ultraorthodoxe dont les représentants à la Knesset sont ses alliés. Ils l’accusent d’avoir laissé l’aéroport Ben-Gourion ouvert sans dépistage épidémiologique à l’arrivée des voyageurs ou encore d’avoir détruit par négligence des pans de l’économie. Reste qu’une partie importante de l’électorat adhère avec enthousiasme à son narratif. Pour eux, Benyamin Netanyahou est celui qui a sauvé la nation de la pandémie. Cet engouement sera-t-il suffisant le 23 mars ? Rien n’est moins sûr. Les sondages montrent que les lignes n’ont pas bougé. Ils laissent présager un résultat à nouveau indécis. Le premier ministre ne disposerait pas d’une majorité claire pour former un gouvernement. « À quelques jours du scrutin, il n’a pas obtenu de gain. Le Likoud risque d’obtenir moins de 30 sièges alors que dans la Knesset sortante il en a 36. C’est une perte substantielle », note Emmanuel Navon. Les enquêtes d’opinion donnent le Likoud largement en tête, suivi du parti de centre gauche Yesh Atid de Yair Lapid. Derrière eux, Yamina de Naftali Bennett, le chef de file de la droite religieuse et Tikva Hadasha de Gideon Saar, un dissident du Likoud, sont au coude-à-coude. Vaccins ou pas, aucun de ces trois prétendants à la succession ne souhaite gouverner avec Benyamin Netanyahou. Ils pourraient même s’allier pour détrôner le roi de la « Vaccine Nation ». ■

LE FIGARO

jeudi 18 mars 2021

INTERNATIONAL

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Pyongyang menace l’Amérique de Joe Biden

La sœur du dictateur nord-coréen a mis en garde l’Administration Biden, qui prend ses marques en Asie. SÉBASTIEN FALLETTI £@fallettiseb CORRESPONDANT À SÉOUL

NUCLÉAIRE Kim Yo-jong a finalement brisé le silence assourdissant de la Corée du Nord. La sœur cadette du « Leader suprême », Kim Jong-un, a décoché, mardi, la première flèche à l’Administration de Joe Biden, en ressortant la rhétorique dont le régime est friand. « Si vous voulez dormir tranquille pendant les quatre ans à venir, vous feriez bien de ne rien entreprendre qui vous fasse perdre le sommeil », a grondé Kim Yo-jong à l’adresse de la première puissance mondiale. Le message a été transmis par le Rodong Sinmun, le quotidien du Parti des travailleurs qui règne sans partage sur le pays, plus que jamais reclus à l’heure de la pandémie. Cet avertissement a été délivré alors que le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, atterrissait à Séoul pour sa première visite au sud des barbelés de la DMZ séparant les deux Corées. Le chef de la diplomatie américaine est venu réaffirmer l’alliance militaire avec la Corée du Sud et le Japon, accompagné du nouveau chef du Pentagone, Lloyd Austin.

La jeune trentenaire, proche conseillère du « Maréchal » Kim Jong-un, a accusé Washington de déstabiliser l’Asie du Nord-Est et de « répandre une odeur de poudre sur notre pays ». Il s’agit de la première déclaration officielle de Pyongyang à l’encontre des États-Unis depuis l’investiture de Joe Biden, le 20 janvier dernier. Elle augure un nouveau chapitre de tensions avec Washington, tournant la page de l’ère Donald Trump, lequel avait tendu la main au dictateur et lancé des négociations sur le nucléaire aujourd’hui au point mort. « C’est une tactique classique de Pyongyang à l’arrivée d’une nouvelle Administration. Ils amorcent un nouveau cycle de tensions, pour attirer l’attention de Washington », explique Go Myong Hyun, chercheur au Asan Institute, à Séoul. Une méthode déjà employée à l’orée du mandat de Donald Trump, marqué par de multiples essais de missiles balistiques, ce qui avait conduit le président d’alors à menacer de déclencher « le feu et la fureur » sur le « royaume ermite », avant de s’asseoir à la table avec le dictateur à Singapour, quelques mois plus tard. Depuis plusieurs mois, Pyongyang, rattrapé par des difficultés

Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, en compagnie de son homologue de Corée du Sud, Chung Eui-yong, mercredi, à Séoul. REUTERS

économiques, fait profil bas derrière des frontières plus closes que jamais à l’heure de la pandémie. Kim Yo-jong, mise en avant par son frère sur le front diplomatique, par cette saillie teste pour la première fois la nouvelle équipe à Washington, qui mène actuellement une remise à plat de sa stratégie nordcoréenne, dont les résultats sont attendus en avril. Le gel de facto des négociations atomiques se poursuit depuis l’échec du sommet d’Hanoï, en février 2019, encore accentué depuis le début de la pandémie. Le régime ne répond plus aux appels de Washington depuis un an, a indiqué la diplomatie américaine ces derniers jours. « Kim Jong-un espérait que Trump serait réélu, il doit donc ajuster sa stratégie », juge Cheong Seong Chang, de l’Institut Sejong, à Séoul.

Offensive de charme Durant la campagne présidentielle, Joe Biden a critiqué la politique d’ouverture de son prédécesseur, dénonçant même le jeune Kim comme un « voyou », ce qui annonçait une stratégie de fermeté et d’isolement, conforme à la « patience stratégique » menée par Barack

Obama. Mais Biden n’a pas fermé la porte à une rencontre avec le « Leader suprême » en cas de percée sur la dénucléarisation. « Nous sommes en train d’évaluer si différentes mesures de pression additionnelles ou des chemins diplomatiques ont du sens », a déclaré Blinken. En pleine offensive de charme en direction de ses alliés, la nouvelle équipe compte écouter les recommandations de l’administration du président sud-coréen Moon Jae-in, lequel prône le dialogue intercoréen, bien que celui-ci soit aujourd’hui dans l’impasse. Mais la priorité de Washington, qui est de contenir l’ascendance autoritaire de la Chine en Asie, risque de reléguer le dossier nord-coréen au second rang, marginalisant Kim. Blinken a souligné la nécessité pour le Japon et la Corée du Sud de relancer leur coopération, mise à mal par des contentieux hérités de l’ère coloniale. Pour revenir au cœur du jeu, Kim Jong-un pourrait recourir à des coups d’éclat, notamment des tests de missiles balistiques. « C’est le calme avant l’escalade. Ils vont progressivement accentuer la pression cette année, d’abord contre la Corée du Sud, puis les États-Unis, en condui-

sant des essais de missiles de courte et moyenne portée, puis éventuellement un possible test de missile intercontinental (ICBM) », juge Go. En 2017, le régime avait testé des ICBM capables de menacer en théorie le territoire américain, défiant Trump, avant de lui tendre la main l’année suivante, en annonçant une suspension des essais. Cette ouverture diplomatique fut marquée par une poignée de main historique avec un président américain à Singapour, avec à la clé une vague promesse de « dénucléarisation », brandie par la Maison-Blanche comme un trophée. Mais Kim n’avait pas réussi à arracher en retour à Hanoï, son Graal : la levée des sanctions qui enserrent sa fragile économie. Quatre ans plus tard, Pyongyang amorce un nouveau bras de fer avec l’Amérique, avec l’ambition de négocier en position de force, face à un président partisan de la fermeté. Cette fois, il ne s’agit plus de « dénucléariser », mais d’obtenir le statut de « puissance atomique », avec comme carte de négociation une simple réduction de son arsenal, que le régime a encore renforcé durant son pas de deux avec Trump. Un défi ardu de plus pour Joe Biden. ■

La Bolivie est à nouveau en ébullition

LA PAZ

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AMÉRIQUE LATINE Jeanine Anez, qui a dirigé la Bolivie de novembre 2019 à novembre 2020, a été arrêtée ce week-end et placée en détention lundi pour « sédition et terrorisme ». « J’ai assumé le pouvoir face aux démissions en chaîne. Un coup d’état ? Ça n’a ni queue ni tête »… Ce sont les seuls mots que l’ex-dirigeante a pu adresser à la presse samedi, l’air hagard, avant d’entrer dans les locaux du commissariat central de La Paz. Les arrestations de ministres et celles d’anciens hauts gradés s’étaient enchaînées vendredi après-midi. Les mandats d’arrêt parlent de « sédition », « terrorisme » et de « conspiration », pour avoir fomenté un « coup d’État » contre Evo Morales en novembre 2019, en forçant le départ de ce président démocratiquement élu. Le pays s’est une nouvelle fois divisé, entre ceux qui parlent d’un fonctionnement normal de la justice, et ceux qui dénoncent une persécution politique maintenant que le Mouvement vers le socialisme (le parti d’Evo Morales) est revenu au pouvoir. Parmi ces derniers, Fernando Camacho, l’entrepreneur conservateur qui avait pris la tête des manifestations anti-Morales en 2019, et qui vient d’être élu gouverneur de la région de Santa Cruz, appelle à la « résistance civile » et à défendre les « prisonniers politiques », lundi soir à Santa Cruz, il a lancé : « La prochaine fois que nous nous rendrons à La Paz ce sera pour faire tomber ce gouvernement tyrannique. » Depuis un an et demi, la Bolivie se déchire sur l’analyse des 21 jours de manifestations qui, en novembre 2019, succédèrent à l’élection présidentielle. Ce

soulèvement populaire, contre une possible fraude électorale, a-t-il eu raison du mandat d’Evo Morales, ou est-ce une conspiration organisée par une droite avide de revanche et soutenue par l’armée ? Pour José Miguel Vivanco, de Human Rights Watch, la question n’est pas là : « Lors du gouvernement d’Anez, il y a eu de graves violations des droits humains, y compris de terribles massacres. Il faut qu’il y ait des enquêtes à ce propos (…). Pourtant, ce mandat d’arrêt ne se réfère pas à ces massacres mais évoque du terrorisme sans apporter aucune preuve. » Le ministère de la justice a toutefois rectifié le tir, ajoutant à l’accusation de « sédition et terrorisme » envers Anez, celles de corruption, de restriction de la liberté d’expression et de manquements à ses obligations constitutionnelles.

De sérieux doutes Concernant la répression sanglante des manifestations à son arrivée au pouvoir, l’enquête est toujours en cours. Amnesty International a exprimé de sérieux doutes sur l’indépendance de la justice, soulignant que « la détention de Jeanine Anez et d’autres ex-fonctionnaires (…) semble suivre un patron habituel : un usage partial de la justice qui permet de perpétuer l’impunité quand les droits humains sont bafoués ». Ce à quoi le ministre de la Justice a répliqué : « On s’est trop habitué à ce que les puissants soient au-dessus des lois. Mais je vous assure que la procédure est régulière. Un procureur, une juge et des organismes internationaux étaient présents auprès de Jeanine Anez. » Derrière lui, des citoyens, sur les réseaux sociaux notamment, et tous les fonctionnaires actuels du gouvernement suivent ce mot d’ordre : « Ce n’est pas de la vengeance, c’est la justice. » Mais le ton monte et la Bolivie pourrait à nouveau s’embraser. ■

* Sur modèles spécialement signalés.

PARIS 3e • PARIS 7e • PARIS 12e • PARIS 14e • PARIS 17e • ATHIS-MONS • COIGNIÈRES • HERBLAY/ MONTIGNY-LÈS-C.(1) • ORGEVAL • SAINTEGENEVIÈVE-DES-BOIS • SAINT-MAXIMIN • SURESNES • VAL D’EUROPE C. CIAL /SERRIS • VERSAILLES. (1) Magasin franchisé indépendant.

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A

ALICE CAMPAIGNOLLE £@AL_Campaignolle

Photo : Flavien Carlod, Baptiste Le Quiniou, non contractuelle.

L’arrestation de l’ex-présidente Jeanine Anez, accusée de « coup d’État » contre son prédécesseur, Evo Morales, a ravivé les tensions.

jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

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SOCIÉTÉ

L’école, terreau du harcèlement des jeunes Français ÉDUCATION Ce sont des chiffres accablants qui, dix jours après la mort d’Alisha, 14 ans, harcelée, puis frappée et poussée dans la Seine le 8 mars par deux élèves de sa classe, prennent tout leur sens. Et appellent les pouvoirs publics à réagir. Pas moins de 56 % des Français déclarent avoir été harcelés au cours de leur vie. S’il n’est pas seul concerné, l’univers scolaire est l’environnement le plus propice à ces violences : 73 % des victimes expliquent que les actes se sont déroulés dans l’établissement, sur le chemin de l’école et sur les réseaux sociaux, selon une enquête réalisée en janvier par l’Ifop pour la région Île-deFrance et l’association Marion Fraisse La main tendue*. Inédite, l’étude a interrogé en miroir les Français et les enseignants. Si elle se focalise sur le monde scolaire, elle n’oublie pas les situations de harcèlement au travail, en famille, dans le couple, dans la rue. Une manière de signifier que le harcèlement à l’école, trop longtemps assimilé aux violences scolaires, est un phénomène social. D’autant plus à l’heure des réseaux

sociaux. « C’est le sujet central, sur lequel doit être bâti un vrai projet de société. Pour ne plus jamais entendre dire que la Ligue du LOL, c’était pour rire », répète Nora Fraisse, fondatrice de l’association La main tendue et mère de la petite Marion, retrouvée pendue dans sa chambre en 2013, son téléphone portable suspendu à ses côtés. Depuis, telle une guerrière, Nora Fraisse a voué sa vie à ce combat, en alertant les pouvoirs publics, en publiant le livre Marion, 13 ans pour toujours, en ouvrant, en novembre dernier, avec le soutien de la région Île-de-France, une structure dans l’Essonne pour recevoir les victimes de harcèlement et leurs parents. Depuis trois mois, 82 enfants, y sont accompagnés. « Depuis le confinement, beaucoup de jeunes enfants sont revenus à l’école avec un téléphone portable, un amplificateur du phénomène de harcèlement », explique-t-elle.

Grand public

Enseignants

Renforcer la dureté des sanctions à l’égard des élèves coupables de harcèlement

49% 49% Former davantage les membres de la communauté éducative (professeurs, assistant d’éducation, professionnels de santé, parents, éducateurs, personnels périscolaires), au repérage des cas de harcèlement entre pairs

49% 43% Introduire des modules d’enseignement sur le harcèlement en direction des élèves dès le plus jeune âge

Trois victimes sur quatre sont harcelées dans l’univers scolaire ou sur les réseaux sociaux. CAROLINE BEYER £@BeyerCaroline

QUESTION : Parmi les mesures suivantes, quelles sont celles qui devraient selon vous être mises en œuvre en priorité pour lutter contre le harcèlement entre pairs en milieu scolaire ? (deux réponses possible)

La responsabilité des Gafam

28% 29% Communiquer plus largement autour du harcèlement scolaire que ce soit dans un cadre scolaire ou professionnel mais aussi à travers des campagnes sur les réseaux sociaux et dans les lieux publics

27% 30% Veiller à mieux appliquer la loi et les règles relatives au harcèlement entre élèves

30%

«

Inutile de créer un nouveau délit. Le cadre pénal existant est suffisant. (...) Il faut fixer un « violentomètre » pour graduer les sanctions

VALÉRIE PÉCRESSE, PRÉSIDENTE (LR) DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE

26%

»

« Les bandes sont très présentes »

« Il est important qu’une telle structure ait ouvert dans l’Essonne, un territoire où les bandes sont très présentes, s’invectivent sur les réseaux sociaux et se retrouvent ensuite dans le même

Mettre en place un outil numérique d’alertes, de prise en charge et de suivi automatisé selon les profils de demandeurs (parents, enfants, enseignants, service de police autres)

56 %

des Français indiquent avoir été exposés de manière répétée à au moins une forme de violence verbale, physique ou psychologique au cours de leur vie

21% 17% Autre

2%

Infographie

Source : Étude-baromètre Ifop pour l’association Marion Fraisse, La main tendue et la région Île-de-France

établissement scolaire », précise Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Île-de-France. Si des projets similaires émergent, je serai ravie de les financer », ajoute-t-elle. Car le harcèlement « touche tout le monde, les femmes comme les hommes, les territoires urbains comme ruraux », répètent les deux femmes qui se sont rencontrées en 2013. Même si le phénomène se concentre davantage sur les jeunes (59 % chez les 1517 ans), les populations précaires (49 % parmi les catégories « pau-

Mais, dans le même temps, 88 % d’entre eux avouent des difficultés à agir, par manque de formation, absence de soutien de leur hiérarchie, ou tout simplement parce qu’ils ne savent pas quoi faire. « Certains professeurs ne connaissent pas TikTok ! », le dernier réseau social à la mode, résume Nora Fraisse. Elle plaide aussi pour la mise en place d’un « guichet unique » dédié aux victimes de harcèlement, car « trop d’interlocuteurs se renvoient la balle », et pourquoi pas d’un « secrétaire d’État, comme au Québec ».

vres », contre 32 % pour les hauts revenus) et les minorités sexuelles. Un quart des Français explique que l’un de ses enfants en a été victime. Dans près de 90 % des cas, ce harcèlement est le fait d’un ou plusieurs élèves de l’établissement fréquenté. Une dynamique de groupe, le school mobbing, selon le terme anglosaxon. Près de la moitié des victimes n’en ont jamais parlé. De tristes invariants. Les enseignants, eux, expliquent à 62 % avoir été amenés à gérer des situations de harcèlement.

Pour les Français, deux mesures s’imposent comme prioritaires : la formation des enseignants, mais aussi le renforcement de la dureté des sanctions à l’égard des coupables. « Il faudrait tout simplement appliquer la loi », lâche Nora Fraisse. « Inutile de créer un nouveau délit. Le cadre pénal existant est suffisant », estime Valérie Pécresse. Moqueries, insultes, coups, racket, jeux dégradants, revenge porn… « Il faut fixer un “violentomètre” pour graduer les sanctions », ajoute-t-elle. Massivement (à 92 %), les Français jugent que le harcèlement n’est pas appréhendé à sa juste mesure par les pouvoirs publics. Ils s’inquiètent, massivement aussi, de la montée du cyberharcèlement. « Le cyberharcèlement n’est qu’un lieu de plus, mais un lieu pas comme les autres », observe Nora Fraisse, qui a été agacée par la récente « sortie de Marlène Schiappa », cette dernière expliquant qu’elle avait publiquement interpellé Twitter sur ses méthodes de modération. « Je ne veux pas que l’on retire des contenus. Je veux que certains contenus n’existent pas. Mais il faut un courage politique pour s’attaquer aux Gafam », conclut-elle. ■ *Enquête menée auprès de 2003 répondants et 500 enseignants, du 5 au 19 janvier 2021.

Incendies, pillages : nuit d’émeutes urbaines à Blois Les violences, qui ont réuni jusqu’à 300 émeutiers, sont liées à un accident de la route après un refus d’obtempérer. CHRISTOPHE CORNEVIN £@ccornevin ET LUC-ANTOINE LENOIR £@Luc_Lenoir

SÉCURITÉ Les émeutes urbaines ne sont pas réservées aux grandes agglomérations. Les violents incidents qui ont secoué les quartiers nord de la ville de Blois (Loir-et-Cher) et ses 46 000 habitants, dans la nuit de mardi à mercredi, le prouvent. Le départ de ces révoltes est lié à un grave accident de la circulation, intervenu en début de soirée dans la ville royale. Une collision entre trois véhicules a fait quatre blessés, après qu’une voiture a été poursuivie par la

police après un refus d’obtempérer. Le conducteur a pris la fuite, laissant ses deux passagers, grièvement blessés. Ils sont très défavorablement connus des services de police : l’un a 18 ans et est l’auteur de vingt faits de droit commun, l’autre a 15 ans et est connu pour sept faits différents. Le fuyard n’a pas encore été interpellé. La situation s’est ensuite envenimée. Selon les éléments communiqués en conférence de presse par le préfet du Loir-et-Cher, François Pesneau, et le procureur de la République de Blois, Frédéric Chevallier, pendant que les secours (SDIS et Smur) s’occupaient des blessés, les forces de l’ordre qui sécurisaient la

zone ont été progressivement prises à partie. Dans la soirée, plusieurs voitures ont été incendiées, ainsi qu’un supermarché discount qui venait d’ouvrir ses portes dans le quartier, et qui a aussi été pillé. Plusieurs explosions de mortier d’artifice ont été entendues. Une crèche a également été dégradée et, à 23 heures environ, une station-service a subi un début d’incendie. Les émeutiers se sont également emparés d’un camion de livraison, qui a été dirigé vers les policiers. Au fil de la soirée, de nombreux renforts sont arrivés pour contenir les violences : effectifs des brigades anticriminalité (BAC) voisines, gendarmes mobiles, héli-

300 agents

devaient être redéployés mercredi pour pour éviter tout regain dans la nuit de mercredi à jeudi

coptère, et membres du GIGN. La préfecture évoque environ 300 individus sur place « au plus fort des événements de violence », et une centaine en moyenne pendant la soirée. Le calme est revenu vers 2 h 30. Il n’y a pas eu d’interpellation pendant la nuit. « L’heure était au maintien de l’ordre, tout en préservant les éléments utiles à l’enquête, immédiatement confiée à la police judiciaire », a expliqué le procureur de Blois, Frédéric Chevallier. Les effectifs de maintien de l’ordre vont rester conséquents : quelque 300 agents devaient être redéployés pour éviter tout regain dans la nuit de mercredi à jeudi. Une enquête a été ouverte.

Le Covid pousse les Français à s’engager La plateforme publique du bénévolat connaît un succès continu depuis l’annonce du premier confinement.

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ANGÉLIQUE NÉGRONI [email protected]

SOLIDARITÉ « C’est devenu “leboncoin” du bénévolat », se félicite Yannick Prost, le chef de mission de la réserve civique, ce dispositif national destiné à répondre au désir d’engagement de toute personne quel que soit son âge. L’un de ses outils clés, JeVeuxAider.gouv.fr, est devenu aujourd’hui la plateforme publique du bénévolat la plus importante d’Europe. Un succès qui s’est écrit en un an. Créée en 2017 pour répondre au désir d’engagement témoigné après les attentats de 2015 et après avoir quelque peu végété, cette structure a trouvé sa raison d’être en canalisant la vague de solidarité qui s’est manifestée juste après l’annonce du premier confinement, le 16 mars 2020. Dans les heures qui ont suivi l’allocution d’Emmanuel Macron, 25 000 personnes, voulant offrir leur aide, se sont en effet inscrites sur cette plateforme réactivée quelques jours plus tôt. Les semaines

suivantes, le nombre d’inscriptions a dépassé la barre des 300 000, avec des personnes voulant s’engager dans des missions diverses comme confectionner des masques ou aider des personnes âgées cloîtrées chez elles. À la recherche de bonnes volontés, les associations ont elles aussi poussé la porte de cette structure pour faire connaître, en urgence, leurs nouveaux besoins. Comme les retraités cessaient d’un coup leurs activités de bénévoles pour s’isoler et se protéger du virus, elles perdaient des milliers de bras. Il leur fallait trouver des remplaçants.

Un vaste catalogue de missions

« Les jours précédant l’annonce du confinement, nous avions été alertés par ces associations de la perte de ces bénévoles. L’action sociale allait être, selon elles, mise en danger si elles ne trouvaient pas rapidement des volontaires », se souvient Yannick Prost. En toute hâte, JeVeuxAider.gouv.fr avait alors été réactivée et prenait cette fois sa pleine mesure. Un an plus tard, elle est toujours aussi

Les collectes des banques alimentaires (ici, à Paris) ont recours aux volontaires de JeVeuxAider, qui est devenu la plateforme publique du bénévolat la plus importante d’Europe. CÉDRIC DOUX/ BANQUES ALIMENTAIRES

active et le niveau d’inscriptions atteint lors du premier confinement n’est pas retombé. Ce sont toujours 300 000 personnes qui balaient les offres désormais proposées par 5 200 structures. En parallèle des associations qui continuent à recruter, cette plateforme jette ainsi ses vastes filets pour trouver des bénévoles qui ne savent pas toujours à quelle porte frapper. Pour ceux-là, le site déroule un vaste catalogue de missions à durée variable, allant de quelques heures à plusieurs jours. En un clic et en tapant leur

code postal, ils peuvent trouver une activité près de chez eux. « Il appartient à chacun de maintenir le lien dans tous les territoires de France jusqu’au dernier kilomètre des coins les plus reculés », estime Sarah El Haïry, la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de l’Engagement. C’est pourquoi le site accueille les offres de plusieurs centaines de collectivités locales. En un an d’existence, ce dernier a ainsi permis 47 000 participations en soutien aux personnes isolées, 14 000 autres dans le domaine de l’aide alimentaire. L’afflux d’inscriptions permet d’extraire, pour la première fois, des données intéressantes. C’est à Paris que l’on compte le plus grand taux d’inscriptions, suivi des Hautsde-Seine, du Rhône et de la HauteGaronne. La mission le plus rapidement pourvue fut celle dans les Alpes-Maritimes : après la tempête Alex, 50 bénévoles ont été recrutés en cinq minutes pour distribuer des vêtements avec le Secours populaire. Enfin, elle relève que le doyen de cet élan d’engagement, Guy, est un bénévole de 81 ans engagé auprès de la Protection civile de Paris. ■

Ce mercredi, Stéphane Baudu, député (MoDem) du Loir-et-Cher a réagi sur CNews en évoquant « un phénomène tristement classique, qui concerne malheureusement aujourd’hui Blois ». Si la zone d’où sont parties les émeutes « concentre un certain nombre de difficultés sociales », cette dernière « avait fait l’objet d’interventions importantes de la part de l’État et de la ville. […] En dix ans, près de 250 millions d’euros ont été investis dans le logement, et ça a changé l’image et l’ambiance de ce quartier, mais les difficultés sociales d’insertion et d’emploi sont toujours là », a raconté le député. ■

EN BREF Le metteur en scène Alain Françon grièvement blessé à l’arme blanche Le metteur en scène de théâtre Alain Françon, 76 ans, a été agressé et grièvement blessé à l’arme blanche à la gorge mercredi à Montpellier, dans des circonstances floues. Évacué à l’hôpital, ses jours n’étaient plus en danger en fin de journée.

Rennes : deux hommes blessés par arme à feu Deux hommes ont été blessés par arme à feu, dont l’un était en urgence absolue, mercredi en début d’après-midi à Rennes. La police judiciaire est saisie de l’enquête.

Yvelines : des étudiants bloquent un site d’AgroParistech pour empêcher sa privatisation Une soixantaine d’étudiants de l’école d’ingénieurs agronomes AgroParisTech occupent depuis mardi le campus de ThivervalGrignon, « dans le calme », pour se mobiliser « contre sa vente » et sa « privatisation par des entités immobilières ».

LE FIGARO

SPORT

jeudi 18 mars 2021

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Les Néo-Zélandais règnent sur une 36e Coupe de l’America révolutionnaire Les All Blacks des mers sont encore un peu plus entrés dans la légende avec un quatrième triomphe.

Autour du skipper, Peter Burling (au centre), les Kiwis célèbrent la victoire de Team New Zeland, mercredi à Auckland. GILLES MARTIN-RAGET/AFP

avenir incertain u Un Comme toujours depuis 1851, le

u «deLalaCoupe Nouvelle-Zélande »

« Team New Zealand nous rend à nouveau tellement fiers en faisant de la Coupe de l’America la coupe de la Nouvelle-Zélande ! », a déclaré Jacinda Ardern, premier ministre, après l’ultime régate victorieuse contre les Italiens de Luna Rossa. Avec ce nouveau sacre succédant à ceux de 1995, 2000 et 2017, les Kiwis ont effectivement confirmé leur domination et leur emprise sur une compétition qu’ils maîtrisent malgré des moyens financiers bien inférieurs à ceux de leurs rivaux. Alors que des milliardaires s’échinent à monter des projets gagnants à coups de centaines de millions de dollars (avec réussite

PALMARÈS États-Unis (30 victoires) De 1851 à 1980, 1987, 1988, 1992, 2010, 2013 Nouvelle-Zélande (4 victoires) 1995, 2000, 2017, 2021 Suisse (2 victoires) 2003, 2007 Australie (1 victoire) 1983

auparavant pour l’Américain Larry Ellison et le Suisse Ernesto Bertarelli, mais pas cette année pour le Britannique Jim Ratcliffe et l’Italien Patrizio Bertelli), les Néo-zélandais la jouent différent, plus « national » et « raisonnable » financièrement. Le Financial Times a ainsi estimé que TNZ disposait de moitié moins de moyens que ses adversaires. « On ne peut pas rivaliser avec certains des grands noms. Alors nous avons l’exigence d’être malins, innovants, de les battre sur le terrain des idées », a ainsi affirmé Kevin Shoebridge, le directeur financier du défi kiwi. Qui a multiplié depuis son arrivée dans la Coupe les innovations et autres adaptations pour sortir du « l’eau ». Au contraire des Italiens, qui ont échoué dans leur quête pour la sixième fois, les Néo-Zélandais sont bien

devenus les marins référents (dans leur équipe ou dans une autre en tant que mercenaires) et indispensables pour espérer soulever la légendaire (et assez laide) aiguière d’argent et régner sur le plus vieux trophée sportif du monde.

u Une édition innovante, mais…

Vainqueurs en 2017 aux Bermudes à bord de petits multicoques, après avoir subi en 2013 sur des catamarans imposants la plus humiliante des remontadas (ils avaient été battus 8-9 après avoir mené 8-1), les tenants du titre avaient décidé de défendre leur couronne sur des monocoques révolutionnaires, car dépourvus de quille et seulement équipés de foils pour les sortir de l’eau et les maintenir en équilibre. De drôles d’engins de 23 mètres

Après « Poupou », Van der Poel veut marquer l’histoire Le Néerlandais rêve de s’imposer sur MilanSan-Remo soixante ans après son grand-père. dor), le Néerlandais installé en Belgique, à Kapellen, au nord d’Anvers a posé ses fils sur un vélo. David l’aîné, puis Mathieu. Ils portent CYCLISME Au nom de tous les siens. aujourd’hui les couleurs de l’équipe belge Alpecin-Fenix. Une formaL’hérédité peut, sous le poids des tion de 2e division propulsée sur le comparaisons, être portée comme un fardeau. Le Néerlandais Mathieu devant de la scène par les victoires Van der Poel (26 ans), figure monretentissantes de Mathieu Van der tante du peloton, transforme le défi Poel. Après l’Amstel Gold Race en intime en folle histoire à succès. Son 2019 et le Tour des Flandres en grand-père, Raymond Poulidor, 2020, le champion des Pays-Bas décédé en novembre 2019, a procollectionne les succès de prestige. fondément marqué le cyclisme Avec une capacité rare à prendre mondial avec sa personnalité dédes risques. Sur tous les terrains. bonnaire et la légenChampion du monde de de de « l’éternel secyclo-cross sur la plage cond ». Son père d’Ostende en janvier, il a Adrie Van der Poel, ensuite, dans les Strade lauréat, dans les anBianche, été catapulté nées 1980 du Tour dans le final théâtral tra1995 des Flandres, Liègecé le long des rues paNaissance à Kappellen vées de Sienne pour déBastogne-Liège ou (Belgique). Paris-Tours, a porté cramponner Julian 2014 le maillot jaune une Alaphilippe. Avant de Débuts professionnels. briller sur Tirrenojournée et terminé 2019 médaillé d’argent des Adriatico avec deux vicVainqueur de Mondiaux 1983. Matoires d’étape, célébrant l’Amstel Gold Race. rié à Corinne (« Je l’ai la première les bras 2020 rencontré lors d’un croisés dans une posture Lauréat du Tour événement sportif, empruntée à Fabio des Flandres. mais je ne savais pas Quartararo et Kylian 2021 qu’il était coureur », a Mbappé, avant de signer Champion du monde raconté à La Dernière la deuxième, magistrale, de cyclo-cross pour Heure l’une des filles après une échappée solila quatrième fois. de Raymond Poulitaire de 51 km, lancée JEAN-JULIEN EZVAN £@JeanJulienEzvan

2021-03-18T09:33:00+01:00

2021-03-18T03:12:15c:Figaro;u:rrubler;

Jour:

Autre

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Demain

Bio EXPRESS

« parce qu’il avait froid ». Un raid victorieux terminé exsangue après avoir sauvé une poignée de secondes. Audacieux, spectaculaire, solide, Mathieu Van der Poel (1,84 m, 75 kg) surprend, séduit en faisant sauter des courses hier cadenassées. Pour le plaisir des yeux. Le goût du jeu, de l’effort. Il étonne par ses facultés d’équilibriste, comme lorsqu’il termine avec le guidon cassé (Grand Prix de Samyn), son endurance, sa vaillance, sa faculté de rebondir.

Un second souffle Raymond Poulidor aimait, voix rocailleuse et regard pétillant, raconter ses petits-fils : « Ils sont surpris quand je vais en Belgique ou aux

Mathieu Van der Poel (ici, lors de la course Kuurne-BruxellesKuurne, le 28 février dernier) va découvrir le Tour de France cet été. DAVID STOCKMAN/AFP

qui se sont transformés en avions de chasse, atteignant 53 nœuds (près de 100 km/h). De quoi attirer les regards mais aussi les critiques de certains observateurs, comme Loïck Peyron (3 Coupes à son actif), qui a estimé dans Le Figaro que la vitesse réduisait les phases de duel rapproché et tuait le suspense, le bateau en tête sur la ligne de départ étant souvent le premier sur celle d’arrivée. Vrai jusqu’à ce début de semaine où un vent plus capricieux et quelques erreurs italiennes ont permis aux Kiwis d’enchaîner cinq victoires pour revenir de 2-3 à 7-3 et triompher aux termes de régates parfois complètement folles. Une Coupe de l’America à deux visages, donc, l’esthétisme des bateaux n’étant lui pas remis en cause. Le charme de la Cup, ce sont bien ces face-à-face

Pays-Bas et que les gens me saluent. Lorsque Mathieu a été champion du monde juniors sur route, j’ai eu David au téléphone qui m’a dit : ‘‘Il n’est pas normal.’’ C’est extraordinaire. Il est bien plus talentueux qu’Adrie et moi. » Samedi, Mathieu Van der Poel s’attaquera à l’une des classiques les plus emblématiques du calendrier, Milan-San Remo. Prêt une nouvelle fois à dépoussiérer l’histoire. Il y a soixante ans, Raymond Poulidor remportait la « Primavera ». Sa première grande victoire. Après avoir failli tout perdre sur une crevaison à 60 kilomètres de l’arrivée et envisager d’abandonner. « Remontez en selle immédiatement, rien n’est perdu, ça va ralentir après avec le vent de face », avait intimé au jeune Limousin Antonin Magne, son directeur sportif. Relancé, « Poupou » avait trouvé un second souffle, profité d’un regroupement pour prendre son élan dans le Poggio fraîchement installé sur le parcours et conserver trois secondes d’avance sur la ligne coupée. À bout de souffle. Ce jour le plus long (299 km), Mathieu Van der Poel l’attaquera avec une pancarte de favori portée avec le Belge Wout Van Aert et Julien Alaphilippe. Show devant. La classique italienne n’est pas la plus exigeante du calendrier au niveau athlétique, mais une éprouvante guerre des nerfs. Une épreuve au long cours dont il faut apprivoiser le rythme, celui d’une lente procession durant sa longue première partie, avant une accélération progressive sur les « capi » (collines qui hérissent la fin de l’épreuve) conduisant au final électrique dans le Poggio, tremplin et toboggan de tous les espoirs. « La forme est bonne mais Milan-San Remo est une course différente, très longue et il y a les deux montées à la fin. Je dois la considérer

vainqueur aura toute latitude (ou presque) pour organiser la 37e édition, prévue en 2024, en choisissant le plan d’eau, les bateaux, le format des régates. Dans l’histoire, le petit règlement existant (deed of gift) a pu conduire quelques defenders et leur challenger of record (officiel) en guerre devant le tribunal de New York, souverain pour la Coupe. Mais les Néo-Zélandais, qui poussent le bouchon moins loin que certains Américains, se doivent de trouver la bonne formule pour tenter d’attirer de nouveaux concurrents étrangers à la grande table de la Cup. En 1995, lors de leur premier sacre, ils avaient dû affronter six challengers dans la Coupe Louis Vuitton pour obtenir le droit de défier l’américain Stars & Stripes. Cette année, les challengers n’étaient que trois lors la Coupe Prada… Autant dire que certains observateurs ont regretté que la Coupe demeure à l’autre bout du monde, dans un pays avec un énorme décalage horaire et pas de marché intéressant économiquement pour d’éventuels partenaires. Conscients de la difficulté, les Kiwis ont évoqué la possibilité d’étudier la candidature de villes étrangères pour organiser la prochaine édition. Assurément de quoi se mettre à dos tout un pays qui les soutient (et les finance). Concernant les bateaux, difficile d’imaginer qu’ils mettent au rebut ces fusées volantes, leur expérience et leur avance dans le domaine… Glenn Ashby, le skipper de Team New Zealand, a parlé de bateaux « absolument phénoménaux, beaux à voir au repos et beaux à voir quand ils se déchaînent ». De là à réussir à attirer un défi français… ■

comme une nouvelle course », a résumé au sortir de Tirreno-Adriatico celui qui figure déjà dans le top 5 des plus gros salaires du peloton (2 millions d’euros annuels, selon La Gazzetta dello Sport). Le printemps de Mathieu Van der Poel sera copieux, hérissé de classiques, avec notamment Paris-Roubaix. Son été sera également truffé de temps forts. À Tokyo, lors des Jeux olympiques, il visera l’or en… VTT. Avant cela, il devrait découvrir le Tour de France. À 26 ans, l’âge de Raymond Poulidor lors de sa première apparition sur la Grande Boucle. Une course que « Poupou » a accompagnée tout au long de sa vie. Christian Prudhomme, le directeur du Tour, confiait il y a quelques mois : « Raymond Poulidor, les gens l’aimaient. De toute génération. Son nom résonnait. Et va encore résonner. Quand on entendra l’année prochaine, dans deux ans, dans cinq ans, les victoires de son petit-fils, beaucoup penseront Mathieu ‘‘Van der Poulidor’’, sans aucun doute… » ■

EN BREF Football : le PSG en quarts de la Coupe de France

Battu dimanche par Nantes au Parc, le PSG a bien réagi en battant Lille, leader de L1, en 8e de finale de la Coupe de France. Avec deux buts en première mi-temps de Icardi (9e) et Mbappé (41e), un nouvel arrêt d’un penalty de Navas (78e ) et un doublé de Mbappé (90e + 3) après le repos, les Parisiens ont assuré les premiers leur place pour les quarts de la Coupe. La suite des 8es de finale est prévue les 6 et 7 avril, dates des quarts de la Ligue des champions, avec le PSG.

A

MARTIN COUTURIÉ £@martincouturie

VOILE L’histoire est connue, ou pas… 22 août 1851, une régate autour de l’île de Wight au pied de l’Angleterre et la goélette America bat 14 bateaux britanniques. « Votre Majesté, il n’y a pas de second », lance un officier à la reine Victoria… Une légende, sportive, politique, économique, technologique, est née. Les revanches organisées aux États-Unis se succéderont, toujours remportées par les defenders américains. Jusqu’à une première victoire australienne en 1983 puis une deuxième, néozélandaise, en 1995. Vingt-six ans plus tard, les All Blacks des flots ont signé, ce mercredi, leur quatrième triomphe en huit éditions. Phénoménale réussite…

sauvages entre des bateaux de très haute technologie et des équipages pointus. Et la vitesse peut ne pas en être le point central, même si la Coupe de l’America, cette vieille dame qui aime plus que tout se donner des allures de jeunette, se doit d’être la vitrine technologique de son sport.

jeudi 18 mars 2021

LE CARNET DU JOUR

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Les annonces sont reçues avec justification d’identité

par courriel : [email protected] sur notre site : carnetdujour.lefigaro.fr par téléphone : 01 56 52 27 27 Le Carnet du Jour vous accueille du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 18h (excepté les jours fériés) et tous les dimanches de 9h à 13h. Tarifs : du lundi au jeudi : 25 € TTC la ligne, jusqu’à 25 lignes 23 € TTC la ligne, à partir de 26 lignes vendredi ou samedi : 28 € TTC la ligne, jusqu’à 25 lignes 26 € TTC la ligne, à partir de 26 lignes Naissances, Adoptions, Baptêmes, Fiançailles, Mariages, Anniversaires, Centenaires, FêtedesMères, FêtedesPères,

Saint-Valentin, Noces, Communications diverses, Conférences, Thèses, Portesouvertes, Distinctions, Nominations,

Commémoration, Signatures, Départsenretraite, Vœux, Deuils, Condoléances, Remerciements, Messeset anniversaires,

Souvenirs,

Jubilé, Jubilésacerdotal, Ordination, Vœux monastiques.

carnetdujour.lefigaro.fr www.dansnoscoeurs.fr Marie Claire Defline, née Pradie,

ont la tristesse de vous faire part du rappel à Dieu de

Edith BARBOU née Martin,

Marie et Luc, Mathieu et Valérie, Martin et Delphine, sa fille, ses fils, son gendre et ses belles-filles, Hélène, Jean, Hélie, Gaspard, Victor, Alban, Lucie et Capucine, ses petits-enfants, ont la tristesse de faire part du décès de

Marc DEFLINE

décédée brutalement le 14 mars 2021. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-Porchaire, à Poitiers, le vendredi 19 mars, à 10 h 30. Eric Dalsace, son époux, ses enfants et petits-enfants ont la tristesse de vous annoncer le décès du

docteur Christiane DALSACE chevalier de la Légion d'honneur,

qui s'est éteinte paisiblement dans son sommeil, le 15 mars 2021. Le culte d'action de grâce aura lieu au temple de Mâcon, le vendredi 19 mars, à 15 h 45. Suzanne Edwards, son épouse, Hayley, Charley, Christy, Bradley et Brittany, ses enfants, et ses gendres ont l'immense tristesse de vous faire part du décès de

Maurice DUJARDIN

Béatrice, Félicité, Martin, Rose, Mahaut, Héloïse, Arthur, ses petits-enfants, ont l'infinie tristesse de vous faire part du décès de

Philippe DELCOURT survenu le 14 mars 2021, à Paris, à l'âge de 78 ans. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-Augustin d'Hardelot, à Neufchâtel-Hardelot (Pas-de-Calais), le vendredi 19 mars 2021, à 15 heures.

Prised’habit,

Les annonces sont reprises sur

Franck et Estelle Barbou, Cécile Barbou et Jacques Caillou, ses enfants, Arthur (†), Victor, Amicie, Uhaïna, Fidji et Octave, ses petits-enfants,

Mathieu Delcourt, Priscilla et Gregory Détraz, Clémence et Stéphane Tallien de Cabarrus, ses enfants,

Officesreligieux,

Les lignes comportant des caractères gras sont facturées sur la base de deux lignes ; les effets de composition sont payants ; chaque texte doit comporter un minimum de 10 lignes.

deuils

Dominique Delcourt, son épouse,

survenu le 13 mars 2021, à l'âge de 88 ans, à Villefranche-sur-Mer. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-Michel, à Villefranche-sur-Mer, ce jeudi 18 mars, à 10 heures.

Marie-Odile et Jean-Marie Sonet, Benoît Fleury, Christian Fleury, Arnaud et Emmanuelle Fleury, ses enfants,

Elisabeth de France, sa sœur, et toute sa famille font part de l'entrée dans la Lumière de Dieu de

Mme Bernard FLEURY

née Marie-Christine de France, le 14 mars 2021, munie des sacrements de l'Église. La cérémonie religieuse sera célébrée le samedi 20 mars, à 10 h 30, en l'église Notre-Dame de Versailles.

La cérémonie religieuse sera célébrée le lundi 22 mars, à 10 h 30, en l'église Notre-Dame-d'Auteuil, Paris (16e). L'inhumation aura lieu dans l'intimité familiale, au cimetière du Montparnasse, à Paris.

Michel et Sophie, Claire et Arnaud, Anne-Laure et Hubert, ses enfants,

ont la grande tristesse de faire part du rappel à Dieu de

Monique GUIEYSSE

née Le Grand de Mercey. Elle s'est éteinte paisiblement le 15 mars 2021, dans sa 98e année. La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-Sulpice, à Paris (6e), le vendredi 19 mars 2021, à 10 heures. L'inhumation aura lieu le même jour, à 16 h 30, au cimetière de Montbellet (Saône-et-Loire).

Sa famille et ses amis Françoise Foulon, née Fromentin, son épouse, Agnès Foulon (†), Laurence Lorin, Pascale Roque, Catherine, Thierry et Olivier Foulon, ses enfants, et leurs familles, Dominique et Danielle Foulon, Danielle et Jean-Jacques Brunet, Elisabeth et Jean-Louis Matharan, ses frère, sœurs, belle-sœur et beaux-frères, et leurs familles ont la tristesse de faire part du décès de

Claude Jean Henri FOULON pianiste et compositeur,

à Paris, le 11 mars 2021.

survenu le 15 mars 2021, à l'âge de 88 ans.

Un dernier hommage lui sera rendu le vendredi 19 mars, à 10 h 30, en l'église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, à Paris (7e).

La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-Pierre, 90, avenue du Roule, à Neuilly-sur-Seine, le lundi 22 mars, à 11 heures.

Béatrice Girard, sa sœur, Christian Girard, Jean-Pierre Stremler, Christiane Gilbert, ses beaux-frères et belle-sœur, ses 16 neveux et ses petits-neveux ont la tristesse de vous faire part du rappel à Dieu du

père Daniel GILBERT, o.p. , le 13 mars 2021, dans sa 90e année. La cérémonie religieuse aura lieu ce jeudi 18 mars, à 9 h 30, en la chapelle des Dominicains, 35, rue Edmond-Rostand, Marseille (6e), suivie de l'inhumation au cimetière Saint-Pierre. Famille Girard, 103, boulevard de la Reine, 78000 Versailles.

le 15 mars 2021, à l'âge de 81 ans.

   

            

2021-03-18T09:33:00+01:00

survenu le 15 mars 2021, dans sa 89e année.

L'inhumation aura lieu dans l'intimité familiale.

Danielle GILODI-GOURDJI

2021-03-18T03:12:15c:Figaro;u:rrubler;

Mme Jacques le GROIGNEC

née Marie-Françoise Bataille,

Pauline, Charlotte et Aurélien, Matthieu, Ulysse, Félix, Adèle, Louise, Simon, ses petits-enfants,

ont la tristesse de vous faire part du décès de

Jour:

et ses neveux et nièces ont la tristesse de vous faire part du décès de

Cyprien et Aliénor, Marine, Camille, Venceslas, Airy, Arthur, Esteban, Chloé, Joséphine, Eugène, Norah, Melvyn, Lia, ses arrière-petits-enfants,

la famille Péan de Ponfilly, toute sa famille et ses amis

Autre

Manon, Léa, Abel, Aliénor, Thomas, Faustine, Ismérie, Melchior, Maïlo, Castille, ses arrière-petits-enfants,

Louis Guieysse, son époux,

Georges et Nena Lévi, Claudie et Jean-Claude Plé, Sylvie et Jean-Claude Bensa, Jean-François et Geneviève Lévi, Hélène Lévi, Nathalie et Jean-Louis Hébert, ses cousins germains,

un

Emmanuelle, Arnaud et Lise, Tristan et Marie-Liesse, Marine et Gaëtan, Alix, Jacques, Maxime, ses petits-enfants,

Amaury et Bénédicte, Aurélien et Alexandrine, Clémence et Foulques, Ombeline et Thibault, Timothée et Juliette, Clotilde, Edith et Michel, Noémie, Grégory, Véronique et Julien, Claire, Antoine, ses petits-enfants,

Serge et Anne-Vefa Gilodi, Pascale et Thierry de Bosson, Thomas, Raphaël et Roxane Gilodi, Lucas, Eliot et Violette Devergies,

Demain

Isabelle et Edmond Bodin, Patricia le Groignec, Maud et Eric Vassor, ses enfants,

L'inhumation aura lieu au cimetière parisien de Bagneux, le vendredi 19 mars, à 11 heures. 18 bis, rue Henri-Barbusse, 75005 Paris. 18, rue Louis-David, 75116 Paris.

ont la tristesse de faire part du décès dans sa centième année, de

Mme Yvette MÉNISSEZ

directrice honoraire de l'école HECJF, commandeur de l'ordre national du Mérite. L'inhumation a eu lieu dans l'intimité.

« Je ne meurs pas, j'entre dans la Vie. » Sainte Thérèse de Lisieux. Marie-Noëlle Podvin-Bécu, son épouse, Thierry Podvin, Laurence et Patrice Bécu-Podvin, Geneviève et Guillaume de Wavrechin-Podvin, Arnaud Podvin, ses enfants,

Véronique du Hamel de Fougeroux, Bertrand de Miribel (†), Xavier de Miribel, Marie Dubois, Catherine de Miribel, ses enfants, ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants font part du retour à Dieu de

les familles Podvin-Abry et Bécu-Garry ont la douleur de vous faire part du rappel à Dieu de

François-Xavier PODVIN

président d'honneur de la Société des Sucreries du Marquenterre, officier du Mérite agricole, ancien combattant, pieusement décédé le 16 mars 2021, dans sa 88e année, muni des sacrements de l'Église. La cérémonie religieuse aura lieu le vendredi 19 mars, à 14 heures, en l'église Saint-Wulphy de Rue (Somme), suivie de l'inhumation au cimetière de la commune dans le caveau de famille. Cet avis tient lieu de faire-part. Le conseil d'administration et l'ensemble des collaborateurs du groupe de

la Société des Sucreries du Marquenterre

ont la grande tristesse de vous faire part du décès de

François-Xavier PODVIN

président d'honneur, officier du Mérite agricole, président-directeur général pendant plusieurs décennies, survenu le 16 mars 2021. Ils adressent leurs plus sincères condoléances à la famille et à ses proches. Route Nationale, 62140 Marconnelle. Catherine et Philippe Bodin, Claudine (†) et Philippe Carlier, ses filles et gendres, Bertrand (†) et Armelle Richard, Hervé et Brigitte Richard, ses fils et belles-filles, Thomas, Stéphane, Caroline, Nicolas, Marie, Laura, Antoine, Hugo, Thibaud (†), Séverine, ses petits-enfants, Léo, Estéban, Louna, Victor, Eliza, ses arrière-petits-enfants, sa nièce, ses neveux, sa cousine et toute la famille

M. Pierre RICHARD survenu à Eaubonne, le samedi 13 mars 2021, dans sa 89e année. La cérémonie religieuse sera célébrée le vendredi 19 mars, à 14 h 30, en l'église Saint-Vincent-de-Paul, Paris (10e), suivie de l'inhumation au cimetière de Montmartre, 20, avenue Rachel, Paris (18e).

Gérard de MIRIBEL

chevalier de la Légion d'honneur, croix de guerre des TOE, le 16 mars 2021, dans sa 100e année. La célébration d'À-Dieu aura lieu le mardi 23 mars, à 11 heures, en l'église Saint-Pierre de Neuilly-sur-Seine.

Ses enfants et leurs conjoints, Jacques et Marianne, Bernard et Pascale, Laurence et Fabien, ses petits-enfants, Alix et Guillaume, Olivier, Béatrice, Quitterie, Ombeline, Clémence, Lucile, Dorian, ont la tristesse de faire part du décès de

messes En hommage aux chrétiens d'Orient

la messe annuelle de l'Œuvre d'Orient sera célébrée selon le rite arménien par S. Exc. Mgr Élie Yéghiayan, évêque de l'éparchie de Sainte-Croix des Arméniens catholiques de France, le dimanche 21 mars 2021, à 14 h 30, en l'église Saint-Sulpice, à Paris (6e). Afin de respecter les mesures de distanciation sociale, l'inscription est obligatoire : [email protected] ou 01 45 48 95 00.

remerciements

survenu le 14 mars 2021, à l'âge de 91 ans.

La comtesse Arnaud de Buyer-Mimeure, son épouse, ses enfants, ses petites-filles et toute la famille, très touchés des marques de sympathie qui leur ont été témoignées lors du décès du

La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église Saint-Pierre d'Assier (Lot), le vendredi 19 mars 2021, à 11 heures.

vous prient de trouver ici, leurs sincères remerciements.

Gabriel MURAT de MONTAI

James Levine, chef d’orchestre entre grandeur et décadence

Claire, Rémi, Camille, Etienne et sa fiancée Pauline, Charles, Solenne, ses petits-enfants,

ont la tristesse de vous faire part du décès de Régine de Miribel, son épouse,

disparition

comte Arnaud de BUYER-MIMEURE

James Levine en concert Salle Pleyel, à Paris, en 2007. MIGUEL MEDINA/AFP

CHRISTIAN MERLIN

Avec la mort, à 77 ans, du chef d’orchestre James Levine s’achève la triste fin d’une des carrières les plus éblouissantes du XXe siècle. Né à Cincinnati en 1943, il est le petit-fils d’un cantor de synagogue et le fils d’un violoniste d’orchestre de danse et d’une actrice. Pianiste surdoué, il joue le Concerto no 2 de Mendelssohn en public à 10 ans, se perfectionne avec Rudolf Serkin et entre à la Juilliard School de New York. Il s’y inscrit aussi dans la classe de direction de Jean Morel, avant de se perfectionner avec Fausto Cleva, deux des chefs attitrés du Metropolitan Opera. Il a 21 ans lorsque George Szell fait de lui son assistant à Cleveland. Il le reste pendant six ans, marqué durablement par les méthodes de travail et le style économe du chef hongrois. En 1971, il remplace un chef au pied levé dans la 2e de Mahler à Chicago : l’orchestre lui propose immédiatement la direction de son festival d’été, à Ravinia. La même année, il fait ses débuts au Met dans Tosca. Deux ans après, à 30 ans, il en devient le chef principal. Il l’était toujours quarante ans après, avec le titre de directeur musical en 1979 et de directeur artistique en 1989, s’identifiant corps et âme à cette maison. Il porte le Met au niveau d’excellence et de notoriété le plus durable de son histoire, tant par les distributions que les mises en scène, sans parler de l’orchestre, qu’il transforme d’honnête formation de fosse en phalange virtuose. Il y dirige tout le répertoire, Mozart, Verdi et Wagner en tête, mais aussi Berg, Schönberg et la création qui y étaient nettement plus rares

Un grand wagnérien Avec partout le même sens extraordinaire du théâtre, du son et de l’accompagnement des voix. Alors qu’il accède à la célébrité internationale grâce à La Traviata filmée par Zeffirelli en 1982, l’Europe s’intéresse à lui : il devient un pilier du Festival de Salzbourg, où ses productions avec JeanPierre Ponnelle font date (La Flûte enchantée, La Clémence de Titus), puis devient incontournable à Bayreuth où il dirige Parsifal et le Ring, se confirmant comme un des grands wagnériens de son temps. Invité régulier des Philharmoniques de Berlin et Vienne (avec les Wiener, il enregistre une intégrale des symphonies de Mozart), il prend la succession de Sergiu Celibidache au Phil-

harmonique de Munich de 1999 à 2004 et encadre l’orchestre des jeunes du Festival de Verbier, en Suisse. Au début des années 2000, sa carrière se recentre sur les États-Unis. À son fief de New York, où il règne en monarque (« ce que Jimmy veut, Jimmy l’obtient », disait-on au Met), il ajoute à partir de 2004 la direction de l’Orchestre symphonique de Boston, confirmant sa volonté de faire une place grandissante à la musique symphonique dans un parcours qui avait jusqu’ici donné priorité à l’opéra. L’occasion de se souvenir qu’il était un mahlérien de premier ordre.

Rattrapé par #MeToo À partir de 2008, il est en proie à des incidents de santé à répétition. Atteint de la maladie de Parkinson et d’une tumeur cancéreuse au rein, il souffre d’une hernie discale et subit des opérations du dos à répétition. Souvent obligé d’annuler, il démissionne du Boston Symphony en 2011, mais pas du Met où ses apparitions, même en fauteuil roulant, sont toujours un événement attendu. Du moins jusqu’en 2017, quand il est accusé d’agression sexuelle par quatre hommes, conduisant la direction du Met à le suspendre de ses fonctions en décembre 2017, puis à le licencier en mars 2018, prélude à une procédure judiciaire conclue en 2020 par un accord financier. Il fut ainsi l’un des premiers et des plus éminents acteurs de la scène musicale classique à être rattrapé sur le tard par le mouvement #MeToo. Les réactions aux États-Unis furent extrêmement contrastées, certains préconisant de supprimer ses enregistrements et de le rayer de l’histoire du Met, d’autres insistant sur l’hypocrisie de la compagnie new-yorkaise, qui faisait semblant de découvrir ce qui était su depuis des décennies. Ce qui est sûr, c’est que sa carrière, déjà bien chancelante en raison de sa mauvaise santé, était cette fois terminée, et de bien pitoyable manière. En France, on lui fit souvent la réputation d’un chef superficiel. Fort injuste quand on considère l’étendue de son talent, auquel s’ajoute une musicalité exceptionnelle dès qu’il se mettait au piano pour accompagner chanteurs et partenaires de musique de chambre. Lorsque l’on aura assez de recul pour faire la part des choses entre les faiblesses de l’homme et la grandeur de l’artiste, il sera temps de redécouvrir une des grandes baguettes du XXe siècle. ■

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La quintessence du rebellocrate Homme « féministe », Ivan Jablonka enfile les perles de la doxa dans un nouvel essai sur la virilité. Quand le jargon le dispute aux leçons de morale bien pensante.

UN GARÇON COMME VOUS ET MOI Ivan Jablonka, Seuil, 282 p. 20 €.

CHRONIQUE Éric Zemmour

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omme un garçon, j’ai les cheveux longs, comme un garçon, je porte un blouson, comme un garçon, j’ai un ceinturon. Comme un garçon. » Elle était belle, Sylvie Vartan, lorsqu’elle entonnait d’un pas allègre sa célèbre chanson. Belle et légère, longues jambes gainées de noir mais veste stricte et chapeau haut de forme sur ses cheveux blonds : jouant avec les rôles traditionnels des deux sexes, mais sans se prendre au sérieux, en revendiquant sa liberté sans renier sa féminité. Un modèle d’élégance de la femme française, produit de siècles de raffinement et de finesse. Quarante ans plus tard, on lit : « Je définis la ‘‘genration’’ le processus par lequel le genre détermine une génération. Dans ce livre, j’ai étudié ma genration pour savoir quelle garçonnité a été prescrite aux jeunes mâles de ma cohorte (…) Ainsi, ai-je mené mon enquête sur nous garçons, sur le nous-garçon. » Bienvenue dans la France de 2021 et le monde universitaire de la théorie du genre. Le monde lourdaud des « assignations genrées » et du « privilège blanc » importé des campus américains : « La masculinité n’a cessé pour moi d’être un problème (…) Cet autoexamen, qui pourrait passer pour sympathique, ne doit pas cacher les privilèges que je détiens en tant qu’homme blanc, hétérosexuel, diplômé. »

gique et cette éducation exigeante aient marqué à jamais l’esprit du petit Ivan devenu grand angoissé, mais on a déjà lu et vu ça cent fois – en livre, en film, et même en sketch voire dans les fameuses « blagues juives »- et Jablonka n’a pas le génie littéraire (ni l’humour féroce) de Philip Roth : c’est Portnoy et son complexe, mais en moins truculent et moins talentueux. Et surtout soixante ans après ! Alors, Jablonka, qui sait qu’il ne sera ni Philip Roth ni Woody Allen, mais qui n’est pas dénué d’ego : « La tâche que je me suis fixée – contribuer d’un seul geste au renouvellement des sciences sociales et de la littérature » s’est rabattu sur la théorie du genre. Il enfile les perles sur l’éducation virile d’un garçon et prend la pose de « la fille » parce qu’il n’était ni musclé, ni agressif, et préférait les livres aux bagarres. Comme si Blaise Pascal Jablonka est un personnage n’avait pas cru être un homme parce du « Soumission » de Houellebecq qu’il n’était pas le qui se prend pour Jean Moulin chevalier Bayard. Comme si « devenir un homme », c’était forcément se batmille, ses copains de classe, ses premiètre, boire, ou draguer les filles avec le res amours. Comme tous les enfants mépris aux lèvres. C’est le ridicule de français de cette génération, Ivan a reces études de genre qui ressassent des gardé Goldorak et Candy, écouté les lieux communs que nos ancêtres bachansons de Renaud et de Jean-Jacques layaient avec dédain. En vérité, il y a Goldman. Il est né en 1973, à Paris, de plusieurs manières d’être un homme – parents juifs ashkénazes, venus d’Euroon a honte d’écrire de telles évidences pe centrale. Ses parents sont commuparce qu’il y a différentes manières de nistes, héritiers de survivants d’Ausséduire les femmes. Jablonka n’a pas – chwitz. Chez eux, on y pratique contrairement à ce qu’il croit exhiber l’accouchement sans douleur et les vaavec fierté – refusé les codes de la virilicances en club naturiste. On y retrouve té ; il en a adopté certains qui convesurtout les affres d’un enfant roi, né naient à son physique et surtout au type d’une « mère juive » et son rêve « d’ende femmes qu’il voulait séduire : celles fant parfait », qui doit être toujours prequi étaient attirées par des intellectuels, mier de la classe pour mériter en retour timides mais lettrés, mal fagotés mais un amour maternel immodéré. bons élèves. Il se montrait fidèle en cela On comprend que cette histoire traIvan Jablonka n’en est pas à son coup d’essai. Dans un précédent ouvrage, intitulé Les Hommes justes, il avait déjà sonné la charge contre la fabrique aliénante de la masculinité. Il persiste et signe : « Les hommes justes n’existent pas. Il y a seulement des êtres-à-pénis qui sont nés légitimes et que tout conforte dans la bonne opinion qu’ils ont d’euxmêmes. » Dans ce nouvel opus, il réussit l’exploit d’être à la fois geignard et suffisant. Geignard quand il nous conte son incapacité d’adolescent à adopter les codes de la virilité pour plaire aux filles. Suffisant quand il nous impose le spectacle faussement humble de son excellence scolaire et universitaire. Pour mieux nous raconter sa « genration », Jablonka nous plonge dans son enfance, sa fa-

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non seulement à l’éducation que lui avaient donnée ses parents, mais à une tradition millénaire née dans les ghettos autour des écoles talmudiques. Déjà, au Moyen Âge, les jeunes juifs étaient moqués – voire molestés – par les vigoureux cosaques russes ou les paysans polonais, parce qu’ils ne savaient ni se battre ni boire. Cet héritage millénaire s’est fondu idéalement dans la méritocratie républicaine lorsque ces populations sont arrivées en France. Jablonka est beaucoup plus le produit de cette histoire millénaire que d’une « autodérision de genre (qui) visait à abjurer mon identité de dominant ». Mais voulant tout concilier dans une synthèse progressiste, il explique que son milieu le prédisposait à ce féminisme militant : « Le judaïsme féminise les hommes et c’est une bonne chose », sans se rendre compte qu’il renoue avec les préjugés traditionnels des antisémites d’avant-guerre, contre lesquels, d’ailleurs, se forgea l’idéal sioniste du soldat paysan. Mais notre auteur n’en démordra pas. Il est un héros de la lutte féministe : « Ma crise d’adolescence a été tardive, mais radicale : elle a consisté à désavouer les certitudes des pères, les frontières du savoir comme l’ordre du genre. La vraie subversion est calme, réfléchie, obstinément indocile, elle se construit livre après livre en déplaçant les lignes derrière lesquelles nous sommes parqués. » Jablonka prend la pose pour l’éternité. Tout à l’admiration de lui-même, il ne voit pas que les valeurs qu’il exhibe fièrement : « liberté, égalité, démocratie, féminisme », sont celles de son milieu et de son époque. Il est la quintessence du « rebellocrate » cher à Philippe Muray. Jablonka est un personnage du Soumission de Houellebecq qui se prend pour Jean Moulin. ■

Autopsie de l’arrogance méritocratique TÊTE À TÊTE Charles Jaigu

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’est depuis l’un des temples de la méritocratie que le philosophe Michael J. Sandel a rédigé ce livre qui en dénonce la tyrannie. Sandel a la soixantaine souriante, et il enseigne à Harvard depuis trente ans. On ne compte pas ses vidéos, de YouTube à TED. Les fameux cours en ligne - les Mooc -, c’est lui. Il nous parle de son bureau de bois sombre situé dans le campus bostonien. Pendant toutes ces années, il a vu se transformer son université en une entreprise internationale dont l’administration est devenue une gigantesque machine à trier. À ses élèves, il essaye d’expliquer que ce qu’ils ont conquis à force de nuits blanches ne leur donne pas tous les droits. Une idée qu’ils ont du mal à digérer, nous avoue-t-il. On peut le comprendre, étant donné la férocité de la compétition. Chaque année, 2 000 élèves sont sélectionnés par Harvard sur 35 000 candidats. Sandel décrit cette frénésie qui commence au berceau et n’est pas sans rappeler nos concours de grandes écoles, en bien pire. Il aimerait remplacer cette hypersélection, qui en outre est très chronophage pour les administrations de l’université, en un tira-

ge au sort effectué sur le vivier des 35 000 candidats. « Je n’ai pas vraiment été entendu », s’amuse-t-il à l’autre bout de l’océan. Sandel voudrait par tous les moyens desserrer l’étau méritocratique, qui, selon lui, prend trop de place aux ÉtatsUnis, à un moment où s’est perdu le respect pour les autres formes d’accomplissements : artisanal, charitable ou associatif. Il ne déplore pas seulement la mauvaise mise en œuvre du principe - qui serait biaisé socialement, etc. -, mais le principe lui-même, qui produit chez les vainqueurs un dangereux sentiment d’autosuffisance. Le talent et la ténacité des gagnants du jeu méritocratique leur donnent-ils un droit de tirage sans fin sur l’avenir du monde ? Le risque de l’arrogance induite par le privilège du diplôme est le cauchemar de Sandel. Il y voit la cause d’un appauvrissement du débat politique, où il n’est plus question de passion pour les valeurs mais de courbes et de chiffres ressassés par des experts. « Ils pensent que les clivages partisans sont artificiels et qu’il suffit de regarder les faits », dit-il en citant « Barack Obama, qui était affecté de ce complexe de supériorité et ne s’entourait que de super-diplômés ». C’est l’inconvénient d’une société administrée par les bons élèves et non par ceux qui ont roulé leur bosse et connaissent la vraie vie. La France a elle aussi été tôt convertie aux mirages de la société technocratique, et elle en a connu diverses incarnations, de VGE à Emma-

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SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO

Les super-diplômés « pensent que les clivages partisans sont artificiels et qu’il suffit de regarder les faits. Barack Obama était affecté de ce complexe de supériorité MICHAËL J. SANDEL

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nuel Macron. On pensait même qu’il s’agissait d’une spécialité locale, mais on découvre en lisant Sandel que les ÉtatsUnis font mieux. Sandel ressuscite les travaux du sociologue anglais Michael Young, qui, dans les années 1950, avait inventé le terme de méritocratie, même si la description du processus de dilution progressive de la société de classe dans l’égalitarisme libéral avait déjà été faite par Tocqueville. Young soulignait les effets pervers de cette méritocratie montante, où les enfants d’ouvriers pourraient enfin se mesurer aux descendants de la classe dominante. Ce triomphe avait un prix : « l’hubris des vainqueurs et l’humiliation des perdants ». Car celui qui n’y arrive pas ne peut plus le reprocher au système de classe ; il doit désormais l’imputer à son manque de talent et d’enthousiasme. Young, souligne Sandel, semblait presque regretter le temps où la société était divisée en classes sociales étanches, chacun acceptant sa place et n’imaginant pas pour lui-même un autre avenir que celui qui lui était assigné par la force des choses. Le basculement d’un principe aristocratique au principe méritocratique allait inévitablement fomenter une discorde sociale qui se terminerait en guerre civile. Young la prévoyait pour 2033. Les « gilets jaunes » de 2018 lui ont donné raison un peu plus tôt. En effet, l’Amérique et l’Europe semblent au bord de l’implosion à cause de cette cassure entre les gagnants de la compétition mondiale et les autres. Dans l’Amérique des années Clinton et Obama, le diplôme est peu à peu devenu le seul passeport pour assurer la mobilité promise par les pères de la démocratie américaine. Il fut un temps, il est vrai, où la réussite ne passait pas nécessairement par le diplôme. On célébrait le salarié autodidacte devenu patron. La mesure de l’énergie, du talent et de l’initiative n’étaient pas qu’académiques. En fait, deux phénomènes se juxtaposent. Le premier est l’effet puissant d’érosion des vents de la mondialisation sur les équilibres sociaux des économies occidentales, qu’on croyait granitiques et éternels. Personne ne s’attendait à une ascension aussi rapide de la Chine ; les élites, mais aussi les syndicats, ont sous-estimé la rapidité de la transformation. Sandel regrette que la seule réponse à cet immense défi ait été d’« envoyer les nouvelles générations à

l’université, en leur affirmant que ce serait le seul moyen de garantir leur réussite face aux concurrents du monde entier ». Il existe, en effet, tous les autres métiers, manuels et de services, qui méritent une tout autre considération. Le deuxième débat est religieux et philosophique, mais tout aussi passionnant, et Sandel l’aborde de manière claire et exhaustive. Il s’agit de la personnalisation du mérite et de ses conséquences sur le refus d’en partager les fruits par l’impôt ou par d’autres biais - rappelons que les capitalistes américains des années 1910, comme Carnegie, donnèrent jusqu’aux deux tiers de leurs fortunes. Cette éthique du mérite est pourtant au cœur du capitalisme et de ses succès. « Cela n’empêche pas de reconnaître tout ce que le capitalisme a accompli, mais, depuis quarante ans, nos attitudes envers le succès ont changé, et cela pose à terme la question de l’avenir de nos démocraties », nous dit-il. Il faut donc changer l’idée que nous nous faisons de nos mérites personnels. Quelle est la vraie valeur du mérite ? Si je rate, si je perds, est-ce parce que je le mérite ? Quand Job pleure ses fils, ce n’est pas parce qu’il a mal agi, bien au contraire, mais parce que Dieu en a décidé ainsi. Dieu ou la Nature, comme disait Spinoza, se fiche des mérites de chacun. Cette conviction antiméritocratique a infusé le protestantisme de Luther et de Calvin. Et, malgré cela, l’idée que nous méritons nos succès nous habite. Après les théologiens, de nombreux économistes ont démontré la relation aléatoire entre le succès et le talent, et Sandel nous en parle très bien. L’une des excellentes surprises de ce livre est de faire dialoguer l’ultralibéral Friedrich Hayek et le social-démocrate John Rawls. Ils sont au moins d’accord pour ramener l’idée de mérite à sa juste place. Plus modeste. ■

LA TYRANNIE DU MÉRITE Michael J. Sandel, Éditions Albin Michel, 377 p., 22,90 €.

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Le philosophe américain Michaël J. Sandel stigmatise l’égoïsme méritocratique, à l’origine d’une société froide et fracturée. Un essai sur la crise américaine qui remet à l’honneur l’humilité.

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CHAMPS LIBRES ENQUÊTE

AstraZeneca, le laboratoire ambitieux qui

Le groupe anglo-suédois, associé à l’université d’Oxford, a accumulé les revers et les erreurs dans le déploiement de BERTILLE BAYART £@BertilleBayart ET KEREN LENTSCHNER £@Klentschner

ENQUÊTE Dunkerque, 20 janvier 2020. Emmanuel Macron et Pascal Soriot visitent l’usine AstraZeneca, où le laboratoire vient d’annoncer un investissement de 450 millions d’euros. Le président de la République célèbre l’attractivité de la France ; le patron français du géant anglo-suédois savoure sa popularité dans son entreprise et dans son pays natal. Ce jour-là, le coronavirus n’est encore qu’un écho très lointain d’un problème très chinois. Le rideau de fer du confinement ne tombera sur Wuhan que le surlendemain. Ni Emmanuel Macron ni Pascal Soriot ne pressentent qu’ils s’apprêtent à affronter la plus terrible des crises. Que le premier devra bientôt confiner la France, une fois, deux fois, et peut-être trois. Que le second voudra bientôt sauver le monde, et fabriquer trois milliards de doses de vaccin. Que leurs trajectoires à l’un et à l’autre seront bientôt liées, pour le meilleur et pour le pire. Un an et deux mois plus tard, Pascal Soriot « est sur la sellette et il le sait parfaitement ». C’est une ministre du gouvernement français, Agnès Pannier-Runacher, qui lâche cette phrase sur Franceinfo, donnant le ton de ce qu’est devenue la relation entre les autorités françaises et européennes et le laboratoire. Mardi, Jean Castex n’a pas cité AstraZeneca, mais ce n’était pas nécessaire pour comprendre qui il visait quand il a déclaré sur BFMTV : « Il faut que l’Europe montre les crocs. » Ambiance… Les États membres de l’Union européenne sont en colère. La campagne vaccinale tourne à l’humiliation. Les Vingt-Sept ne recevront, ce premier trimestre, qu’un quart des doses qu’AstraZeneca leur a promises. Et AstraZeneca en a plein le dos des atermoiements européens. Douze pays, dont la France lundi, ont suspendu les injections de son produit après une trentaine de cas de thromboses, mais sans recommandation en ce sens des autorités sanitaires. Ce jeudi, l’Agence européenne du médicament doit se prononcer sur l’avenir du vaccin. La réputation du laboratoire et la vaccination des Européens en dépendent. Tout avait pourtant commencé



L’ambition de Pascal Soriot était d’émerger comme le « game changer » de la lutte contre le Covid

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UN PROCHE DE L’EXÉCUTIF



sous les meilleurs auspices. Au moment où Emmanuel Macron et Pascal Soriot arpentaient les allées de l’usine de Dunkerque, à Oxford, les chercheurs planchaient déjà sur la souche du Sars-CoV-2 rendue publique par les Chinois. Ils ont mis au point, en un temps record, leur projet de vaccin en utilisant comme vecteur un adénovirus de chimpanzé. « Ils ont utilisé une technologie qu’ils connaissaient bien, qu’ils avaient déjà utilisée contre Ebola, le HIV ou encore la tuberculose, raconte Paul-Henri Lambert, qui a dirigé la commission vaccins de l’OMS. Ils ont été parmi les premiers à développer un candidat vaccin. » Impossible pour Oxford de se lancer seul dans le développement clinique et dans une production à grande échelle. Mais si les équipes de chercheurs de la vénérable université sont habituées aux partenariats avec des start-up, il leur faut cette fois un industriel aux reins solides. Le gouvernement britannique sollicite d’abord le géant GSK, qui décline. Les chercheurs d’Oxford démarrent en parallèle des discussions avec l’américain MSD. Mais le projet doit rester british ! Boris Johnson minimise certes, à l’époque, comme d’autres leaders populistes, la gravité de l’épidémie. « Il considère la pharmacie comme une indus-

trie stratégique pour le RoyaumeUni post-Brexit », explique un patron de laboratoire. Le 10 Downing Street pèse de tout son poids pour pousser Oxford dans les bras du champion national, AstraZeneca, et réciproquement. Leur alliance est scellée le 30 avril, avec « BoJo » dans le rôle du témoin. AstraZeneca, du reste anglo-suédois, n’est pourtant pas un spécialiste du vaccin. Un marché difficile, exigeant, que se partagent GSK, le leader, MSD, Sanofi et Pfizer. Mais la mission est irrésistible, même aux conditions posées par les universitaires : le vaccin devra être vendu à prix coûtant, le temps de la pandémie, avec des royalties sur les ventes pour Oxford qui seraient de l’ordre de 6 %.

Afflux de financements Pascal Soriot y voit une mission de santé publique et un défi formidable. Vétérinaire de formation, il s’est taillé une réputation de patron coriace et brillant en échappant aux griffes d’une OPA de Pfizer en 2014 et en convainquant ses actionnaires d’investir toujours plus dans la R&D. Ce vaccin peut être une consécration. Peu cher à fabriquer, bon marché (2,50 euros la dose), facile à stocker, la trouvaille d’Oxford s’annonce, jusqu’à l’automne 2020, plus prometteuse que les projets de vaccins à ARN messager de Moderna et Pfizer/BioNTech, qui supposent des conservations à - 20 °C pour le premier, - 70 °C et en supercongélateurs pour le second. Le sérum d’AstraZeneca est celui qui pourra protéger, non seulement les pays occidentaux aux poches profondes, mais aussi les pays en développement. L’argent afflue. Le gouvernement britannique abonde le financement de la recherche d’Oxford et commence à enrôler des industriels avant même qu’AstraZeneca ne monte à bord. En mai, un accord plus formel est signé avec Londres et, aux États-Unis, le programme Warp Speed signe un premier chèque de 1,2 milliard de dollars. En juin, le laboratoire britannique est le premier à s’engager dans le programme international Covax, soutenu par le Gavi, chargé de garantir l’accès des vaccins aux pays pauvres. En août, la fondation Carlos Slim finance l’industrialisation pour le Mexique et l’Argentine. Preuve de sa confiance dans son candidat vaccin, Pascal Soriot s’engage à produire 3 milliards de doses à destination du monde entier. « Son ambition était d’émerger comme le “game changer” de la lutte contre le Covid », dit a posteriori une source proche de l’exécutif.

Des essais et des doutes Avec l’Union européenne, tout se passe en apparence pour le mieux. C’est avec Oxford/AstraZeneca que la Commission signe, avant Pfizer/ BioNTech, Moderna et Johnson & Johnson, son premier précontrat le 27 août, vingt-quatre heures avant Londres. Banco pour 200 millions de doses et 100 millions en option (100 millions seront ajoutées plus tard). Mais le chemin a été long, compliqué. Au printemps, c’est l’Allemagne qui était le plus avancée dans ses discussions avec le tandem britannique. En mai, quand se forme une alliance à quatre (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas), Paris exige des amendements. Avec Berlin, la coopération est difficile. Mais un mémorandum, signé le 13 juin, pose les bases du partage de la responsabilité entre les États et le laboratoire, prévoit les dons aux pays en développement et stipule une tranche optionnelle. Le 17 juin, l’Union européenne s’accorde sur des achats en commun et récupère la compétence. C’est la France, représentée par les ministres Agnès Pannier-Runacher et Olivier Véran, qui prend les rênes de la négociation, au nom des Vingt-Sept, avec AstraZeneca. « Pascal Soriot a été le premier à demander qu’on négocie au niveau de l’Union, à n’avoir qu’un seul interlocuteur », témoigne une source française. « Vingt-sept pays, vingt-sept autorités, ça s’an-

Dirigé par Pascal Soriot (en haut, à droite), AstraZeneca a été rappelé, fin janvier, à ses devoirs par la commissaire européenne Ursula von der Leyen (à droite, au centre) en raison de ses retards dans la livraison de doses aux États membres de l’UE. Depuis lundi, la France a suspendu, comme onze autres pays européens, en vertu du principe de précaution, les injections de ce vaccin à la suite d’une trentaine de cas de thrombose. Mardi, Jean Castex (à droite en bas) a indiqué qu’il se ferait rapidement vacciner avec AstraZeneca si l’Agence européenne du médicament devait se prononcer positivement jeudi. BLOOMBERG CREATIVE, SIMON DAWSON/ BLOOMBERG, POOL/ REUTERS, CAPTURE BFM

ASTRAZENECA ET LE COVID-19

400

millions de doses de vaccin commandées par l’Union européenne

100

millions

environ de doses fabriquées au mois de février dans le monde

nonçait très compliqué », confirme un industriel du vaccin. Pendant que ce volet commercial avance, bon an, mal an, l’entente entre le Big Pharma et la prestigieuse université n’est pas si évidente. « Le duo AstraZeneca/Oxford, c’est l’alliance d’académique avec un grand laboratoire, certes, mais il n’est pas rompu à la production de vaccins à grande échelle », analyse une source française. Les chercheurs, eux, ont peu d’expérience d’essais cliniques de cette ampleur, mais ils ne lâchent rien. « Lorsque leur collaboration démarre, Oxford était déjà bien avancé, raconte un industriel. Pascal Soriot a vite ressenti une grande frustration, avec le sentiment de naviguer avec des menottes. Oxford gardait la main sur certaines décisions et parlait directement à la presse en revendiquant le crédit du vaccin. AstraZeneca manquait d’accès aux données cliniques. Cela a pu expliquer certains cafouillages. » Dès la première phase des essais cliniques, qui portent sur un millier de participants, des interrogations apparaissent. « Le vaccin permettait bien d’induire la formation d’anticorps neutralisants chez 91 % de sujets sains un mois après l’injection et 100 % après la seconde dose. Puis l’efficacité du vaccin a été déterminée dans un essai de phase III, résume Marie-Lise Gougeon, immunologiste, professeur à l’Institut Pasteur. Mais un point sautait aux yeux : il y avait très peu de données sur les personnes âgées. Ce qui a suscité à l’époque la méfiance de la communauté scientifique. ». À partir d’août, le laboratoire corrige le tir. Il a inclus à ce jour environ 2 000 patients âgés de plus de 65 ans. Début septembre, AstraZeneca essuie un premier camouflet alors qu’il vient tout juste de lancer la phase finale de ses essais cliniques. Ceux-ci sont suspendus à la suite du décès d’un participant qui a contracté une myélite transverse, une inflammation affectant la moelle épinière. « Suspendre un essai arrive fréquemment lorsqu’on at-

teint la phase III, relativise PaulHenri Lambert. Hors Covid, cela serait sans doute passé inaperçu. » Mais la pandémie a braqué les projecteurs sur une poignée de laboratoires qui concentrent les espoirs de milliards d’individus. À l’époque, AstraZeneca est en pole position. Il fait partie des dix laboratoires à avoir débuté un essai de phase III (sur plusieurs milliers de candidats vaccins à travers le monde). Nouveau couac fin novembre. AstraZeneca et Oxford publient leurs résultats préliminaires de phase III entachés de nouvelles interrogations. Le timing tombe mal. Pfizer/BioNTech puis Moderna ont tous deux présenté, quelques jours plus tôt, des résultats spectaculaires avec un taux d’efficacité de leurs vaccins de 90 % et 95 %. « D’emblée, AstraZeneca était perdant en termes d’image ! », résume un observateur. « Il y a eu un vrai sentiment de confusion », souligne PaulHenri Lambert. AstraZeneca annonce une efficacité de 70 % de son vaccin. Mais il reconnaît une erreur de dosage qui a conduit à administrer une demi-dose à certains participants lors de la première injection puis une dose entière lors de la deuxième injection. Étonnamment, c’est le groupe n’ayant reçu qu’une demi-dose qui se trouve être le plus protégé par le vaccin (90 % d’efficacité). « Cela suggère que l’essai n’était pas bien contrôlé, lâche Marie-Lise Gougeon. Ils ont perdu une part de leur crédibilité visà-vis des scientifiques. » Quant au taux d’efficacité de 70 %, il est également contesté. « Ils ont mélangé les deux protocoles en faisant comme s’il s’agissait d’un seul groupe homogène », ajoute l’immunologiste qui s’étonne que la publication ait été acceptée telle quelle par The Lancet, une prestigieuse revue scientifique. En coulisses, Oxford et AstraZeneca se rejettent la responsabilité de l’erreur de dosage. La maîtrise du process a pu être affectée par le fonctionnement du duo. « L’étude anglaise était gérée par Oxford, l’étude américaine par AstraZeneca.

Il ne peut y avoir deux entités légales qui sponsorisent les essais cliniques et gèrent, chacune de son côté, les aspects éthiques, cliniques… », commente un industriel.

Le Blitz britannique Pas question pour la Food & Drug Administration (FDA), aux ÉtatsUnis, d’accepter ces résultats. Traditionnellement très prudente, l’autorité réglementaire américaine exige d’AstraZeneca de mener une nouvelle étude aux États-Unis qui n’est toujours pas terminée. Londres fait moins la fine bouche. Le Covid et Boris Johnson ont fait retrouver au pays de Florence Nightingale ses ressorts du Blitz. Le Royaume-Uni a été le premier au monde à autoriser, dès le 4 décembre, le vaccin à ARN messager de Pfizer/BioNTech. Le 27 décembre, le régulateur britannique donne son feu vert à celui d’AstraZeneca-Oxford, une fierté nationale. La campagne de vaccination connaît une accélération spectaculaire. Plus lente ou plus prudente à valider les vaccins à ARN messager, et à lancer la vaccination en commençant par les populations les plus à risques et les plus âgées, l’Europe est aussi plus lente à donner son feu vert à AstraZeneca. Et quand l’Agence européenne du médicament (EMA) délivre son autorisation de mise sur le marché, le 29 janvier, l’ambiance n’est pas à la fête. Cela fait plusieurs jours que des doutes s’expriment sur l’efficacité du produit chez les plus âgés. Des rumeurs, appuyées sur les péripéties des essais cliniques du tandem, circulent d’une capitale à l’autre. À Berlin, où la classe politique s’enflamme sur la pénurie de doses et sur la politique d’achat de Bruxelles, les coups sont lâchés. À Paris, ce 29 janvier, Emmanuel Macron est encensé pour avoir résisté à la pression des « confineurs » ; la France se contentera d’un couvre-feu national à 18 heures. Ses équipes communiquent sur la science de l’épidémie acquise par le chef de l’État, devenu un lecteur avide de publications scientifiques. Le soir, il reçoit

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est devenu la bête noire de l’Europe

son vaccin. Pris au milieu du champ de tir politique des campagnes vaccinales, il doit restaurer la confiance.

30 AVRIL 2020 AstraZeneca et l’université d’Oxford annoncent leur collaboration en vue de développer un vaccin à vecteur viral recombinant contre le Covid-19.

27 AOÛT 2020 Accord entre la Commission européenne et AstraZeneca sur la fourniture d’un futur vaccin Covid (jusqu’à 400 millions de doses). Premier contrat négocié par Bruxelles au nom des États membres de l’UE.

8 SEPTEMBRE 2020 AstraZeneca suspend ses essais cliniques après l’apparition d’une « maladie potentiellement inexpliquée » chez un participant. Reprise le 12 septembre au Royaume-Uni, le 23 octobre aux États-Unis.

23 NOVEMBRE 2020

quelques correspondants de la presse étrangère et affirme que le vaccin d’AstraZeneca est « presque inefficace » pour les plus âgés. La France, comme l’Allemagne d’ailleurs, ne l’administrera pas (jusqu’au 2 mars) aux plus de 65 ans. On fait mieux, comme démarrage, pour inspirer confiance ! Il faut dire que, ce 29 janvier, rien ne va déjà plus entre l’Europe et AstraZeneca. Au début de la semaine, le laboratoire a annoncé qu’il ne serait pas en mesure d’honorer les livraisons espérées. Le contrat envisageait jusqu’à 120 millions de doses pour l’Europe au premier trimestre. Un chiffre déjà révisé à 80 millions de doses. Le 22 janvier, le groupe anglais explique qu’il faudra se contenter de 30 millions de doses. C’est un coup de massue pour Bruxelles, qui ferraille au même



AstraZeneca a tout fait pour être le premier sur le marché. Ils ont coupé tous les virages. Ils se sont privés de tous les amortisseurs qui permettent en principe de gérer les aléas. Ils n’ont aucun stock

UN PROCHE DU DOSSIER



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moment avec Pfizer/BioNTech dont la production connaît aussi des difficultés. « On essaie vraiment de rattraper (le retard), explique à la presse Pascal Soriot. Mais il n’y a pas grand-chose de plus que l’on puisse faire. » L’épicentre des problèmes d’AstraZeneca se situe à 40 kilomètres à peine du Berlaymont, où siège la Commission européenne. L’usine belge de Novasep, sous-traitante d’AstraZeneca, n’atteint pas les rendements espérés. Et de loin. AstraZeneca évoque un processus de fabrication complexe, qui dure soixante-dix, à partir de cellules vivantes cultivées dans des bioréac-

teurs. « C’est l’une des spécificités de la production de ce vaccin : lorsqu’on passe des lots cliniques, fabriqués dans de faibles quantités, à une production à grande échelle, il y a une part d’imprévisibilité, explique Prashant Yadav, spécialiste de ces sujets à l’Insead. Cela nécessite de faire plusieurs batchs (lots, NDLR) avant de parvenir à stabiliser le niveau de production. » Or, AstraZeneca fonctionne à flux tendu. Impossible de puiser dans les stocks – qui n’existent pas - pour compenser ces aléas. « AstraZeneca a tout fait pour être le premier sur le marché. Ils ont coupé tous les virages. Ils se sont privés de tous les amortisseurs qui permettent en principe de gérer les aléas. Ils n’ont aucun stock. Ils livrent au cul du camion », explique un proche du dossier. Le laboratoire a opté pour un modèle de production décentralisé. Avec ses avantages et ses inconvénients. C’est le seul moyen de fournir des volumes colossaux au monde entier. Au risque de perdre le contrôle du processus industriel lors de la phase cruciale de « scale up », la montée en puissance de la fabrication. « Alors que Pfizer a choisi de rester maître de la production de la substance active, AstraZeneca a, lui, multiplié les sites sur plusieurs continents, décrypte Prashant Yadav. Or il est plus difficile ainsi de contrôler ce qu’il s’y passe. Les transferts de technologies avec les sous-traitants sont également plus difficiles à opérer lorsqu’il y a de nombreux sites impliqués. Cela oblige à faire de nombreux allers et retours. » Début février, la Commission européenne réalise qu’elle s’est trop préoccupée de conclure des contrats à bon prix correspondant aux souhaits de tous les États membres, et pas assez de l’industrialisation de produits dont dépend pourtant le retour à la vie normale des Européens et de toute l’économie du continent. Le Français Thierry Breton, commissaire au Marché intérieur et ancien chef d’entreprise, monte à bord et enchaîne les visites

de terrain. Les usines de la chaîne de production européenne, et en particulier d’AstraZeneca, sont inspectées par les agents d’autorités sanitaires au nom de la Commission européenne. Une possibilité que prévoit le contrat entre Bruxelles et le laboratoire. « Il nous est arrivé d’apprendre des difficultés de la part de sous-traitants avant même que la direction du groupe ne soit au courant », affirme une source publique. « Le dernier problème en date s’est produit sur les tests-diagnostics des lots avant commercialisation. Ce n’est pas du niveau d’un grand groupe pharmaceutique. C’est le B-A-BA du suivi de sous-traitant », ajoute un expert. « Il y a deux semaines de décalage dans les diagnostics effectués par le partenaire d’AstraZeneca qui a dû, à son tour, déléguer à un autre spécialiste », explique un proche du dossier.

L’Europe naïve ? Retards en série, problèmes de communication, surexposition politique : la relation entre le groupe et les autorités publiques s’est progressivement dégradée. « Nous avons eu le sentiment de… sincérités successives », note une source française. Dès qu’on la soupçonne de naïveté - son talon d’Achille vis-à-vis de tous les eurosceptiques -, l’Union européenne se sent acculée. Or, ce questionnement est partout dans le dossier des vaccins en général, d’AstraZeneca en particulier. L’Europe des Vingt-Sept court après les doses, mais vient de révéler que 34 millions d’unités ont été exportées depuis son sol. Huit millions de doses ont ainsi traversé la Manche ces derniers mois. Dans le contexte hargneux du Brexit, effectif depuis le 1er janvier, AstraZeneca est au milieu du champ de tir. L’usine de Halix, aux Pays-Bas, fait partie de la chaîne de fabrication à destination du Royaume-Uni. Mais elle est aussi mentionnée dans le contrat européen. En cas de difficultés, ce site, dont le rendement est élevé, doit-il produire en priorité pour Londres, comme il le fait, ou

Dans le cadre de résultats préliminaires, AstraZeneca annonce une efficacité de son vaccin à 70 %. Mais la coexistence de deux protocoles (l’un avec une demi-dose, l’autre avec une dose entière lors de la première injection) sème le trouble.

4 JANVIER 2021 Le Royaume-Uni est le premier pays au monde à déployer le vaccin d’AstraZeneca.

22 JANVIER 2021 AstraZeneca prévient qu’il ne pourra livrer à l’UE que 50 % des doses prévues au premier trimestre, invoquant une « baisse de rendement » dans l’usine belge d’un sous-traitant.

29 JANVIER 2021 La Commission européenne donne son feu vert au vaccin d’AstraZeneca, faisant de celui-ci le troisième autorisé dans l’UE.

4 MARS 2021 L’Italie bloque l’exportation de 250 000 doses vers l’Australie.

15 MARS 2021 La France suspend la vaccination avec le vaccin AstraZeneca.

18 MARS 2021 Décision attendue de l’Agence européenne des médicaments sur la poursuite, ou pas, de la vaccination avec le vaccin AstraZeneca.

répartir sa production entre ses deux grands clients ? Selon AstraZeneca, l’usine n’a pas encore reçu la certification des autorités sanitaires européennes. Une autre explication est possible, avancée par Pascal Soriot fin janvier : « L’accord avec le gouvernement britannique a été conclu en juin, trois mois avant l’Union européenne. Comme vous pouvez l’imaginer, le gouvernement britannique a dit que l’approvisionnement à partir de la chaîne britannique irait d’abord au RoyaumeUni. » « Nous refusons la logique du premier arrivé, premier servi », avait rétorqué la commissaire à la Santé, Stella Kyriakides.

Coups de fil et de pression L’Europe brandit le paragraphe 5.1 de son contrat, qui exige du laboratoire qu’il fasse ses « meilleurs efforts » pour honorer son contrat. « La clause des “best efforts” est classique et parfaitement documentée par la jurisprudence arbitrale, explique une source publique. il faut prouver qu’il n’y a aucune solution possible pour livrer ce qui était promis. » Le groupe répond en arguant de la pénurie. Toutes ses troupes sont sur le pont, pour former les équipes de sous-traitants qu’il peut encore trouver, de plus en plus rares. Et, avec la meilleure volonté du monde, il est devenu impossible de trouver en Europe la moindre cuve de 2 000 litres, ou même de 1 000 litres, pour réaliser la substance active. « Il ne faut pas oublier l’ampleur du défi. Quatre mois seulement après la publication des études cliniques, le groupe produit déjà 100 millions de doses par mois dans le monde. C’est en principe le volume annuel d’un vaccin mature ! », relève un industriel. AstraZeneca a cherché ailleurs sur la planète la solution pour compenser son problème de production en Europe. Mais rien à faire. Aux États-Unis, au moins 30 millions de doses attendent toujours le feu vert de la FDA, qui n’aura pas lieu avant des semaines. Mais Joe Biden, s’il se dit décidé à donner ses surplus pour vacciner le monde, ne le fera qu’au terme de la campagne de vaccination américaine. L’Inde, où les plus grandes chaînes de fabrication au monde tournent à plein régime au Serum Institute, ne lâche les doses qu’au compte-goutte et à discrétion. AstraZeneca a déjà envoyé ses premiers lots au Ghana, au Nigéria, en Côte d’Ivoire. « La France a toujours soutenu le fait que la production du Serum Institute était destinée au programme Covax et aux pays en développement. Mais il n’est pas normal que l’Europe soit écartée de cette production alors qu’il semble que des doses aient été exportées vers le Royaume-Uni et vers l’Arabie saoudite », explique une source proche du dossier. « Au début, le monde entier ou presque était aligné sur l’idée que le programme Covax était central dans le projet de vaccination. Et puis, peu à peu, ça a été la débandade et tout le monde s’est mis à vouloir commander de son côté », témoigne un industriel. À ce jeu, l’Europe serait-elle condamnée à se faire doubler par d’autres « clients » plus accrocheurs qu’elle ? AstraZeneca ne prend « certainement pas de vaccins aux Européens pour les vendre ailleurs avec profit », a répliqué Pascal Soriot fin janvier, dans un entretien à plusieurs quotidiens dont Le Figaro. Bruxelles ne prend cependant plus rien pour acquis. Depuis fin janvier, l’Union contrôle les exportations. Et, pour faire un exemple, l’Italie a bloqué le 4 mars un départ de 250 000 doses vers l’Australie. Avec AstraZeneca, le ton a continué à monter. La colère est palpable. Le 25 février, les parlementaires européens ont auditionné ensemble et par visioconférence quatre PDG de grands labos. Plus de la moitié des questions ont été adressées à l’un d’eux seulement : Pascal Soriot. L’arme des poursuites en justice ou de la demande d’arbitrage est posée sur la table. « Mais le but, ce n’est pas d’obtenir des dommages et intérêts. C’est d’avoir des doses », rappelle une source fran-

çaise. Alors la riposte part dans deux directions. La première, c’est de procéder à une revue industrielle approfondie pour gérer les goulots d’étranglement. Une méthode de travail que vient de proposer Paris. La seconde, c’est d’accentuer la pression sur le laboratoire anglosuédois. Jeudi 11 mars, Thierry Breton a rappelé en un tweet le conseil d’administration du groupe à ses « devoirs fiduciaires ». Une interpellation publique rarissime à ce niveau, prolongée depuis, selon nos informations, par un échange direct entre Ursula von der Leyen et le président du conseil d’administration d’AstraZeneca. Et comme Agnès Pannier-Runacher, le commissaire européen attaque de front le directeur général Pascal Soriot. Dimanche dernier, sur Europe 1, Thierry Breton a rappelé que ce dernier est installé en Australie, ce qui le prive de faire les visites de terrain que lui effectue en Europe. De fait, après onze mois d’absence



La plupart des pays européens ont construit leur stratégie de vaccination autour du déploiement du vaccin AstraZeneca. Certains n’ont même pas commandé de Pfizer

UNE SOURCE PROCHE DU DOSSIER



et deux semaines de quarantaine isolé dans une chambre d’hôtel, Pascal Soriot a rejoint sa famille en Australie début décembre. Le décalage horaire cale à 5 heures du matin l’échange désormais quotidien entre le commissaire et le patron. Vu d’AstraZeneca, le fuseau horaire n’est pas un problème. « Nous échangeons et nous recevons des messages de lui à toute heure. À se demander seulement s’il dort ! », témoigne une source. Le patron d’AstraZeneca n’est pas près de retrouver un sommeil parfaitement serein. En 2020, le vaccin n’a pesé que 2 millions de dollars dans les revenus du groupe (sur 26,6 milliards), mais il représente 100 % de l’exposition médiatique, et désormais politique, du groupe. La confirmation la semaine dernière des difficultés de production qui mettent en cause non seulement les livraisons du premier trimestre (30 millions attendues) mais aussi du deuxième, promet encore des semaines difficiles. « La plupart des pays européens ont construit leur stratégie de vaccination autour du déploiement du vaccin AstraZeneca. Certains n’ont même pas commandé de Pfizer », souligne une source proche du dossier. En France, cette déconvenue est arrivée au pire moment. À la veille d’un nouveau possible confinement. Et au lendemain de la mise en scène d’un « super week-end de la vaccination », sursaut national après une nouvelle colère présidentielle, que la perspective d’une pénurie rend a posteriori un peu ridicule. Les doutes sur l’efficacité ont été levés. Les modalités d’administration (intervalle de trois mois entre deux doses) ont été optimisées. Mais la confiance du public est érodée. Pendant des semaines, on a vu en Europe les stocks s’accumuler, faute de candidats à la vaccination, notamment chez le personnel médical. Le groupe va reprendre son bâton de pèlerin auprès de la communauté médicale et réaliser des webinaires, version 2.0 et époque Covid du travail des visiteurs médicaux, à destination des médecins. Mais la suspension désordonnée de la vaccination, décidée en début de semaine et en attendant le verdict de l’EMA, ajoute aux inquiétudes. « Il faut espérer que cet excès de prudence aidera au contraire à rétablir la confiance », analyse un expert. Mardi, Jean Castex a promis d’apporter sa pierre à ce travail de reconstruction. Il se fera vacciner dès que possible, avec de l’AstraZeneca. ■

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CHRONOLOGIE

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CHAMPS LIBRES DÉBATS

Covid : pourquoi notre impuissance persistante nous laisse pantois

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DESSINS CLAIREFOND

es années qui s’entassent pour former l’histoire ne se ressemblent pas toutes. Dans l’histoire d’une personne individuelle comme dans celle des peuples, il y a des moments de calme et d’autres de tempête. Il y a, disait Péguy « des périodes et des époques, des plaines et des points de crise ». Les périodes traduisent des années calmes dans lesquelles l’existence se déroule avec ses rythmes naturels, dans la quotidienneté et le retour sans surprise des épisodes de la vie humaine et sociale. Parce qu’il s’agit d’un temps prévisible et serein, les peuples peuvent s’y permettre de réformer l’État, de sophistiquer le bien-être et la liberté. De la même façon un individu en pleine santé peut oser des aventures et perfectionner sa vie jusqu’au plus subtil. On peut tout se permettre par beau temps calme. Tandis que l’époque est un temps de tempête, où le quotidien se disjoint et se défait, où il faut, pour survivre, démanteler les règles et parfois profaner certains principes sacro-saints, parce qu’ici l’existence est en jeu. L’époque se définit par l’advenue, parfois soudaine et inattendue, toujours inquiétante, d’un événement qui bouleverse la vie quotidienne et la récuse. La situation dans laquelle nous vivons depuis maintenant un an, revêt bien les caractéristiques de ce que Péguy appelle une « époque ». La pandémie est typiquement un événement, massif puisque global, POUR « LE FIGARO » affectant tous Nous quittons une « période » de soixante-dix ans les domaines de la vie sociale de prospérité pour entrer dans une « époque » et personnelle. selon la distinction de Péguy, argumente Un événement qui la philosophe*. Les Français n’y étaient pas en tant que tel fait préparés par leur mentalité d’Occidentaux douillets éclater avec fureur et habitués à la sécurité. des signes qui se

CHANTAL DELSOL

elles voient venir l’oppression quand le gouvernement fiche les citoyens. Autrement dit, le seuil de l’insupportable grandit à mesure que les malheurs diminuent : quand tout va bien on trouve encore du malheur dans le moindre embarras – l’humain est ainsi fait. On se souvient qu’en 1968 (mentalité bien visible par exemple dans les films de Bertrand Tavernier), la jeunesse gorgée de bienfaits était L’ampleur de la période de soixante- persuadée de vivre dans une société dix ans de paix que nous venons positivement de traverser a émoussé nos capacités malheureuse. Oui, tout de réaction. Nous ignorons désormais cela est bien humain. Si vous souffrez d’une pour la plupart, même par ouï-dire énorme et horrible grippe, on ne va pas s’agissant des plus jeunes, ce qu’est vous consoler en vous une situation tragique montrant le cancer d’un autre. Chaque malheur importe pour son signification que la volonté de persévérer propre compte, et à sa mesure. dans l’être. Rien ne menace pendant les Mais ce qui est certain, c’est que périodes. On peut croire que les peuples y les périodes et les époques n’exigent pas sont heureux. Les peuples heureux n’ont des humains les mêmes qualités. N’ayant pas d’histoire, dit l’adage. Là-dessus, connu depuis si longtemps que Péguy s’insurge : c’est faux, parce que des périodes, nous avons appris à faire de toute façon « il n’y a pas de peuples face à des difficultés permanentes heureux ». Faut-il mettre cette réponse et cruelles comme le chômage. Mais nous sur le compte du pessimisme constant vivons dans la certitude que tout peut de Péguy à propos du bonheur, quand il avec le temps s’améliorer, à partir de la dit que le grand secret, « c’est qu’on n’est situation présente. Et nous ne savons plus pas heureux » ? Pas uniquement. guère ce que peut être une menace Une très longue « période » suscite sur l’existence. Je ne parle pas de menace des mentalités particulières. Nos pays sur la vie, ce que n’est pas vraiment d’Occident viennent de vivre soixantela pandémie, qui n’est ni la peste ni dix ans dotés de la richesse économique, même la grippe espagnole. Cependant de la liberté politique et de la paix l’ampleur de la période que nous venons extérieure. Autrement dit, soixantede traverser a émoussé nos capacités dix ans de bonheur, en tout cas selon de réaction : notre sensibilité est si les critères courants. Nos peuples grande qu’elle se mue en sensiblerie. ignorent, depuis deux générations déjà, Nous ne supportons plus grand-chose. la situation de tragédie nationale. DoitLe résultat est qu’une maladie emportant on penser qu’elles sont heureuses pour 1 % de la population, gens le plus souvent autant ? Pas du tout. À défaut de guerre âgés et déjà malades, nous affole autant elles s’affolent des émeutes de banlieue. que s’il s’agissait de 20 % de gens jeunes À défaut de pauvreté, elles récriminent et sains. parce que les subventions ne sont pas suffisantes. À défaut de dictature, Tout cela explique que nous trouvaient là auparavant à l’état latent (la mondialisation dans tous ses états) ; et qui, en tant que tel, va déstabiliser la situation existante au point de laisser derrière lui un monde différent. Ce qui revient à dire que les périodes ne seraient pas vraiment de l’histoire, au sens où le quotidien s’y déroule sans surprise et où le temps « passe » par la seule force de l’horloge, et sans plus de

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supportions si mal les dérangements et préjudices d’une situation jusque-là si faste. Nous considérons comme insupportables, et même, inadmissibles les écoles fermées, le sport restreint, les confinements et leur cortège de conséquences funestes. C’est que nous venons de vivre une « période » de soixante-dix ans. Nous ignorons désormais tout à fait pour la plupart, même par ouï-dire s’agissant des plus jeunes (car leurs parents ne l’ont pas connu non plus), ce qu’est une situation tragique, une « époque ». Nous avons peut-être cru qu’on les avait supprimées, avec la technique et le progrès. Que tout était désormais prévisible, planifié et sans faille. D’où la mauvaise surprise. L’annonce brutale et troublante de notre impuissance persistante nous laisse pantois. Où l’on voit à quel point chaque moment historique façonne des caractères différents. Chez certains peuples, par exemple en Europe centrale,les époques ou situations tragiques se sont succédé sans interruption pendant l’ensemble du cruel XXe siècle. Pendant des décennies, des esprits d’élite y étaient partout traqués, devaient se cacher pour penser, et passaient une partie de leur existence en prison ou en exil. Une histoire qui produit des peuples courageux et épuisés par les tragédies historiques, tandis que la nôtre produit des gens assistés et sensibles. Notre mal-être présent provient moins de la catastrophe qui nous frappe, que de la pusillanimité laissée par une période de soixante-dix ans. Parce qu’il est probable que les suites de la pandémie ressembleront à celles d’une guerre, il nous faudrait bien cesser de nous plaindre et forger des caractères. * De l’Institut. Dernier ouvrage paru : « Le Crépuscule de l’universel » (Éditions du Cerf, 2020).

« La vaccination n’est pas une course d’endurance mais une course de vitesse » PROPOS RECUEILLIS PAR

EUGÉNIE BASTIÉ £@EugenieBastie

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NICOLAS BOUZOU

LE FIGARO. - Dans votre essai, Homo sanitas, vous décrivez la maîtrise de plus en plus grande de son corps et de sa santé par l’homme. Mais la crise du Covid n’a-t-elle pas été un formidable démenti à ce progressisme technologique ? Nous, pays occidentaux développés, avons dû recourir à la technique primitive et archaïque du confinement… Nicolas BOUZOU. - Dans les pays développés, peut-être pensions-nous en effet avoir dépassé l’âge des infections au profit de celui des maladies chroniques. Mais nous avons eu les moyens de traiter cette crise avec de nombreux outils modernes. Nous avons vite identifié les mécanismes de transmission du virus. Avant la révolution pastorienne, c’est la théorie des miasmes qui prédominait. Autrement dit, à l’époque, pour ne pas attraper le Covid, nous aurions fui les mauvaises odeurs ! Ensuite, vous dites que le confinement est une pratique archaïque. C’est vrai. Le confinement est à la lutte contre les virus ce que la décroissance est à la lutte contre le réchauffement climatique : un « faute de mieux » qui génère des coûts économiques, sociaux et psychologiques exorbitants. Mais nos connaissances scientifiques nous ont aussi amenés à porter des masques très performants et à utiliser du gel hydroalcoolique, une invention d’après-guerre. Le traitement des malades à l’hôpital a fait beaucoup de progrès en quelques mois. Enfin, le séquençage du génome du virus dès le début de 2020 a débouché sur les vaccins à ARN messagers dont il est possible qu’ils soient les plus efficaces et les plus sûrs de l’histoire de la médecine. Une épidémie de Covid-19 voilà seulement cent cinquante ans aurait été infiniment plus grave sur tous les plans.

L’économiste publie un essai relatant les progrès de l’humanité dans le domaine de la médecine. Il se désole du retard français en matière de vaccination.

Vous critiquez ceux qui ont lu dans cette crise un symptôme

des déséquilibres de la mondialisation. N’y a-t-il pas, pourtant, une part de vérité dans ces analyses ? Les pandémies n’ont pas attendu la mondialisation libérale. Elles sont nées avec l’agriculture il y a plusieurs milliers d’années. Depuis cette période, l’histoire humaine est ponctuée d’épidémies plus ou moins meurtrières de peste, de choléra, de lèpre, de grippes… Ce qui est nouveau, c’est la vitesse à laquelle s’est propagé le virus. Cette vitesse est moins liée à la perméabilité des frontières qu’aux voyages en avion. Ce qui change la donne, c’est la possibilité de se déplacer vers n’importe quel point de la planète en moins de 24 heures. Cette fragilité a été aggravée par l’absence de transparence de la Chine au début de la pandémie. Mais ce monde hyperconnecté tant critiqué est aussi celui qui nous a donné les vaccins enfantés par la science, le capitalisme et la mondialisation. On a beaucoup conspué le système de santé français pendant la pandémie. Quel regard portez-vous sur celui-ci ? Un regard positif. Notre système fonctionne sur un principe sain : celui de l’accès égal aux soins. C’est essentiel en période de pandémie. Aux États-Unis, de nombreux malades ne se sont pas déclarés pour ne pas avoir à payer des sommes exorbitantes. Toutes les études montrent en outre que la qualité des soins reste en France excellente. Contrairement à ce qui est souvent dit, nos urgences sont particulièrement performantes. Notre système souffre cependant de deux maux. Premièrement, une organisation soviétique, en particulier à l’hôpital, qui entrave les soignants dans leur capacité à s’organiser librement pour être efficaces. C’est lié à la suradministration mais aussi à la tarification à l’activité, le système le plus antilibéral qui soit puisque ce sont les pouvoirs publics qui fixent tous les prix de la santé. Le deuxième mal, c’est le rationnement des budgets. Notre système de soins étant collectivisé, c’est le Parlement qui fixe l’augmentation des dépenses. Les enveloppes votées font progresser les dépenses de santé de moins de 2,5 % par an. Mais avec

les coûts liés à l’innovation thérapeutique et au vieillissement de la population, cela devrait être quasiment le double !

N’êtes-vous pas en contradiction avec votre héritage libéral en tenant pour secondaire une intrusion inédite et spectaculaire de l’État dans la vie des citoyens ? Comment expliquez-vous le fiasco vaccinal C’est absolument faux. Je place la liberté au-dessus de toutes les autres valeurs et la de la France et de l’Union européenne ? démocratie libérale au-dessus de tous les Il y a un triple fiasco. Premièrement, la autres régimes politiques. Je considère que France n’a pas été capable de produire rapil’État de droit est notre bien le plus précieux dement un vaccin à ARN messager. Notre et que tous les pouvoirs, publics comme recherche publique, les grands laboratoires privés doivent lui être assujettis. La queset les start-up de biotech ne collaborent pas tion posée chez les libéraux est de savoir si, assez et manquent d’argent pour les grands depuis un an, c’est le virus qui est liberticide projets de recherche et développement. ou l’État. Pour moi, c’est le virus. Les pays Deuxièmement, l’Union européenne a qui ont tenté des stratégies sans restriction commandé des vaccins comme elle aurait comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou commandé des protège-cahiers. En prela Suède ont dû faire marche arrière devant nant du temps et en négociant les prix. la catastrophe sanitaire et les difficultés L’Union européenne n’a pas compris le traéconomiques. Certains de mes amis libégique de la période. Elle n’a pas compris que raux pensent en outre, reprenant L’Union européenne a commandé l’héritage de des vaccins comme elle aurait commandé Foucault, que les citoyens s’habides protège-cahiers. En prenant du temps tuent aux restrictions de liberté et en négociant les prix voire en redemandent. Je crois le contraire. Le corps soces achats de vaccin étaient le premier acte cial n’en peut plus. L’appétit de liberté n’a de guerre depuis son existence. Troisièmejamais été aussi grand. Mon ennemi dans ment, la campagne vaccinale en France a cette affaire, c’est donc moins l’État que le démarré sur un rythme à peu près correct virus. C’est lui qui m’empêche de voyager, avec deux mois de retard. Cela m’a rendu d’aller au concert, de faire la fête ou d’emmalade car depuis le mois de décembre, brasser. On peut être libéral et accepter, j’expliquais que le vaccin était le meilleur transitoirement, des restrictions pénibles outil de politique économique. Ce n’est pas mais qui sont le seul moyen de recouvrer l’administration qui est coupable mais le vite une pleine liberté. ■ pouvoir politique qui avait théorisé la vaccination comme une course d’endurance, ce qui est intellectuellement faux. La vaccination est une course de vitesse. La suspension temporaire du vaccin AstraZeneca est la dernière erreur en date de cette séquence. Nous appliquons le principe de précaution à l’envers : non pas contre le virus mais contre les effets seHOMO SANITAS. condaires d’un vaccin. De fait, les quelHISTOIRE ques jours de retard liés à cette suspension ET AVENIR vont générer au bas mot des dizaines de DE LA SANTÉ morts du Covid. Nous préférons mourir de Nicolas Bouzou d’un microbe naturel que souffrir, éven(XO Éditions, tuellement, d’une substance fabriquée. 299 p., 19,90 €).

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jeudi 18 mars 2021

CHAMPS LIBRES LE FIGARO

OPINIONS CHRONIQUE Luc Ferry

[email protected] www.lucferry.fr

LR, réveillez-vous !

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es candidats potentiels de la droite républicaine plafonnent autour de 15 % dans les sondages, Xavier Bertrand étant pour l’instant le seul à tirer son épingle du jeu. Tant que les LR se refuseront à présenter une équipe soudée autour d’une personnalité crédible, il est donc probable qu’aucun leader de droite n’aura la moindre chance d’accéder au second tour. À en croire quelques rumeurs dont j’espère vivement qu’elles sont fausses, certains leaders LR seraient même prêts, lâcheté suprême, à passer un accord avec Emmanuel Macron à condition qu’il nomme un des leurs (Baroin ?) à Matignon. Pire encore si possible, sur les trois domaines

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100 000 citations et proverbes sur evene.fr

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fondamentaux dont on sait déjà qu’ils vont être au cœur du cœur de la prochaine campagne - l’écologie, la question sociale mise en avant par le mouvement des « gilets jaunes » et la conception de l’idée républicaine (donc, de la sécurité et de l’identité nationale), les LR ne nous disent rien d’original ni de saillant, rien qui puisse si peu que ce soit animer le débat public. Ils semblent se contenter de se laisser mollement déborder sur leur droite, leur centre ou leur gauche - par les Verts sur l’écologie, par les syndicats sur le social, par le RN sur la sécurité, l’islam et l’identité nationale. Sur ces sujets majeurs, je vous mets au défi de dire aujourd’hui ce que la droite dite « modérée » propose non seulement de novateur, mais surtout

ENTRE GUILLEMETS 18 mars 1871 : début de la Commune de Paris. TALLANDIER/BRIDGEMAN IMAGES/LEEMAGE

George Sand, 23 mars 1871

L’horrible aventure continue»

de spécifique qui puisse la différencier des autres partis. Comme d’habitude, elle se satisfait d’être « réaliste » et « pragmatique », comme si la platitude était une vertu et les idées un luxe, voire une lubie dangereuse qu’il vaut mieux abandonner aux extrêmes. Quand on lit les documents publiés par le comité central de ce parti qui s’est autoproclamé « républicain », on y trouve bien entendu des discours très « convenables » sur tous les thèmes d’actualité, des passages obligés sur l’éducation et le chômage, sur le « développement durable » et la « croissance verte », deux notions agréablement consensuelles qui n’engagent rigoureusement à rien, auxquelles s’ajoutent ici ou là une pincée de nationalisme sécuritaire, de réforme pénale ou de coups de pouce aux minima sociaux, bref, à tous les étages, mais rien qui dégage une vision du monde singulière. En termes de communication, c’est ce qu’on peut faire de pire dans un monde où les médias ne réagissent qu’à ce qui sort un tant soit peu de l’ordinaire. Dans ces conditions, la plupart des électeurs de la droite libérale proeuropéenne que je rencontre me demandent pourquoi ils iraient déloger le couple MacronBayrou qui en matière de centre mou sans relief est imbattable. De leur côté, les souverainistes antieuropéens qui pensent, non sans raison, que « la France fout le camp », que l’islamisme gagne chaque jour du terrain en même temps que la violence et les trafics de drogue dans les quartiers, n’auront plus d’autre choix que voter pour le RN. S’agissant de l’identité nationale, je n’aperçois pas

davantage, dans ce parti qui se veut pourtant « républicain », de réflexion sur ce concept devenu flou, adopté autant par Mélenchon que par Le Pen, rien qui indique comment une droite qui ne peut tout de même pas être anticapitaliste, articule aujourd’hui intérêts particuliers et intérêt général, démocratie et république, autrement dit, libéralisme économique et rôle du politique dans la définition d’un bien commun dont elle se garde bien de donner la moindre définition. Si les LR ne se réveillent pas, et s’ils ne le font pas maintenant, le désespérant face-à-face MacronLe Pen sera inévitable. La droite aurait pourtant un boulevard pour se réinventer si elle le voulait. Par exemple, sur le social, elle pourrait réhabiliter, en la réactualisant de fond en comble, la question de l’intéressement et de la participation dans l’entreprise : comme l’avait compris de Gaulle avec cinquante ans d’avance sur son temps, c’est le seul moyen sérieux d’augmenter le pouvoir d’achat sans tuer l’économie. Quant à l’environnement, pourquoi les LR ignorent-ils jusqu’à l’existence des idées, pourtant géniales, de l’écomodernisme, le seul courant de l’écologie qui ne soit pas hostile au capitalisme et qui explique concrètement à quelles conditions une croissance non seulement infinie, mais dépolluante, serait possible dans un monde fini. Ce ne sont bien sûr que quelques pistes de réflexion, il en est bien d’autres à explorer, mais ce qui est d’ores et déjà certain, c’est que sans candidat et sans projet, on n’a encore jamais vu un parti politique remporter la présidentielle.

Envers Israël, la Cour pénale internationale fait de la politique, pas du droit

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DESSIN CLAIREFOND

a rencontre avec Monsieur le président Macron aujourd’hui ne sera pas seulement une rencontre entre deux amis, mais également une rencontre entre chefs de deux États qui entretiennent des relations bilatérales profondes et sincères. Nos pays coopèrent sur un large éventail de questions, notamment dans les domaines sécuritaires, de lutte contre le terrorisme, mais aussi scientifiques, technologiques, culturels et universitaires. La France et Israël partagent également des valeurs fondamentales qui guident nos deux pays ainsi que l’ensemble du monde démocratique : la liberté, l’égalité, la justice, le pluralisme et la tolérance. C’est en ayant à l’esprit la force et la solidité des relations entre nos deux pays que je partagerai avec mon ami le président Emmanuel Macron un sujet qui préoccupe profondément Israël. Les amis peuvent parfois être en désaccord. Cependant je pense que les valeurs qui nous unissent sont suffisamment fortes pour que nous puissions écouter et comprendre nos positions, motivations et décisions respectives. La décision du procureur de la Cour pénale internationale d’enquêter sur Le président de l’État hébreu, en visite officielle Israël pour de à Paris, expose la position d’Israël sur la décision possibles crimes de du procureur de la Cour pénale internationale guerre représente d’ouvrir une enquête sur des accusations une application de crimes de guerre imputés, notamment, tronquée du droit international. Un à l’armée israélienne à Gaza en 2014.

REUVEN RIVLIN

et les civils sur lesquels la Cour pénale internationale menace d’enquêter sont nos enfants et petits-enfants, nos voisins et amis. Nous ferons tout notre possible pour les protéger, tout comme ils nous ont protégés lorsque nous le leur avons demandé. En parallèle, nous continuerons à fonctionner selon les normes les plus strictes du droit international, et ce, même lorsque cela exige de nous de prendre des décisions douloureuses. Si nous voulons que le droit international continue de jouer pleinement son rôle pour garantir la paix et la justice, nous devons le La position de la Cour sur les conflits protéger face à deux défis. asymétriques pourrait limiter Le premier est la la capacité même des démocraties tentative de politiser le droit libérales à se défendre international, comme nous le constatons avec la Cour pénale mondiale, furent aussi à l’avant-garde internationale. Nous avons déjà observé de la création des différents organes les dommages causés à d’autres organes juridiques internationaux, y compris internationaux - comme le Conseil des la Cour pénale internationale. Nous droits de l’homme de l’ONU par sommes profondément attachés à l’idée exemple - par ceux qui cherchent à les fondamentale que les crimes de guerre, exploiter à des fins politiques. Soyez les génocides et les crimes contre assurés que ceux qui sacrifient les droits l’humanité ne puissent jamais rester de l’homme à des fins politiques feront impunis à cause de systèmes juridiques de même avec le droit international. nationaux qui refusent ou ne sont pas en Nous devons rester vigilants et unis afin mesure de poursuivre leurs auteurs. de les en empêcher. Mais ce n’est pas le cas d’Israël. Nous Par ailleurs, dans la réalité des conflits avons déjà prouvé que nous étions asymétriques modernes, des États complètement disposés à enquêter sur comme Israël, qui respectent le droit nos propres forces militaires international, sont mis en difficulté par lorsqu’elles font l’objet d’accusations, des organisations terroristes cyniques et nous avons la capacité de le faire. qui cachent militants et armes au cœur Pour nous, il ne s’agit pas d’une des zones civiles. Le droit international question juridique abstraite. Les soldats tribunal créé pour enquêter sur les crimes les plus graves est en effet aujourd’hui utilisé comme une arme politique. C’est une décision qui est moralement et légalement erronée. Comme il est déclaré par les prophètes, « Sion ne pourra être sauvé que par la justice » (Esaïe 1:27). Ainsi, le droit international et la justice ont toujours été au cœur de la vision du monde du peuple juif. Les Juifs prirent part à la création d’un système encadrant le droit international. Les Juifs et les Israéliens, motivés par les horreurs de la Seconde Guerre

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doit non seulement se prononcer sur les actes que les belligérants ne sont pas autorisés à entreprendre, mais aussi sur ceux, qu’un État qui veut protéger la vie de ses civils, a le droit d’accomplir. Le droit international ne peut pas équivaloir à un pacte suicidaire. C’est un dilemme auquel d’autres États démocratiques, dont la France, seront confrontés dans leur lutte contre le terrorisme à travers le monde. La position de la Cour pénale internationale sur les conflits asymétriques pourrait ainsi limiter la capacité même des démocraties libérales à se défendre. L’une des conséquences les plus regrettables de la décision de la Cour pénale internationale est peut-être qu’il sera maintenant encore plus difficile pour Israéliens et Palestiniens de trouver un terrain d’entente. Tant que l’enquête de la Cour ne sera pas achevée, ce qui pourrait prendre plusieurs années, il est difficile d’imaginer les deux parties s’engager dans des négociations sérieuses. Alors que les récents accords entre Israël et les pays arabes rendaient la perspective de tels progrès enfin à portée de main, cette décision fait faire marche arrière au processus de paix. J’appelle les amis d’Israël et des Palestiniens, en France et à l’étranger, à déclarer clairement, une fois pour toutes, que la route pour la paix passe directement entre Jérusalem et Ramallah. Les détours par la Cour pénale internationale à La Haye et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève sont contreproductifs pour la paix et sapent les chances d’un accord.

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SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions (société éditrice) Alexis Brézet 14, boulevard Haussmann 75009 Paris Directeurs adjoints de la rédaction Gaëtan de Capèle (Économie), Président Laurence de Charette (directeur Charles Edelstenne de la rédaction du Figaro.fr), Anne-Sophie von Claer Directeur général, directeur de la publication (Style, Art de vivre, F), Anne Huet-Wuillème (Édition, Marc Feuillée Photo, Révision),

Philippe Gélie (International), Étienne de Montety (Figaro Littéraire), Bertrand de Saint-Vincent (Culture, Figaroscope, Télévision), Yves Thréard (Enquêtes, Opérations spéciales, Sports, Sciences), Vincent Trémolet de Villers (Politique, Société, Débats Opinions)

Directeur artistique Pierre Bayle Rédacteur en chef Frédéric Picard (Web) Directeur délégué du pôle news Bertrand Gié Éditeurs Robert Mergui Anne Pican

FIGAROMEDIAS 9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 Tél. : 01 56 52 20 00 Fax : 01 56 52 23 07 Président-directeur général Aurore Domont Direction, administration, rédaction 14, boulevard Haussmann 75438 Paris Cedex 09 Tél. : 01 57 08 50 00 [email protected]

Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy 93290 Tremblay-en-France Midi Print, 30600 Gallargues-le-Montueux Ecoprint Casablanca Maroc. ISSN 0182-5852 Commission paritaire n° 0421 C 83022 Pour vous abonner Lundi au vendredi de 7 h à 18h ; sam. de 8 h à 13 h au 01 70 37 31 70. Fax : 01 55 56 70 11 . Gérez votre abonnement, espace Client : www.lefigaro.fr/client Formules d’abonnement pour 1 an - France métropolitaine Club : 469 €. Semaine : 329 €. Week-end premium : 270 €. Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement. Origine du papier : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 100%. Ce journal est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen sous le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne de papier.

Ce journal se compose de : Édition nationale 1er cahier 18 pages Cahier 2 Économie 8 pages Cahier 3 Le Figaro et vous 10 pages Cahier 4 Littéraire 8 pages Promo Portage Engel et Volkers diffusion sur une partie du territoire national

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“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais

Dassault Médias (actionnaire à plus de 95 %) 14, boulevard Haussmann 75009 Paris Président-directeur général Charles Edelstenne Administrateurs Olivier Dassault, Thierry Dassault, Olivier Costa de Beauregard, Benoît Habert, Bernard Monassier, Rudi Roussillon

jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

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l est temps de prendre le rire au sérieux. Alain Vaillant, professeur de littérature française à l’université de Nanterre, en est convaincu depuis longtemps. Après avoir publié La Civilisation du rire (CNRS Éditions, 2016), il récidive chez le même éditeur avec L’Empire du rire XIXe-XXIe siècle. Un ouvrage collectif, qu’il a codirigé avec Matthieu Letourneux et qui embrasse toutes les facettes d’« un bien commun, partagé par tous et irriguant la totalité de l’espace public ». Justement, quand une pandémie s’abat sur la planète, trouve-t-on encore le temps de rire ? LE FIGARO. - En pleine crise sanitaire, n’est-il pas un peu incongru de publier sur le rire ? Alain VAILLANT. - Au contraire. Le rire est un mécanisme anthropologique qui protège des dangers ou des angoisses. Grâce au rire, on se libère des menaces tout en resserrant les rangs entre rieurs. Il peut donc naître aux moments de forte tension – comme le rire nerveux qui se déclenche pendant un enterrement. D’ailleurs, la frontière est très mince entre le tragique et le comique : les humoristes sont très sou-

« Le rire est une forme d’art » vent de grands mélancoliques. Cependant, on a ri davantage pendant le premier confinement. On avait le sentiment d’une parenthèse que le rire servait à gommer. Aujourd’hui, l’attente angoissée du futur contrecarre le relâchement du rire. Mais n’exagérons pas les variations : en toutes circonstances, le rire est un formidable instrument de sociabilité, que nous partageons avec les grands singes, et sans doute avec beaucoup d’autres espèces d’animaux sociaux. Comment en vient-on à s’intéresser à l’histoire du rire ? Au départ, sans doute une question de sensibilité. Les racines du rire sont beaucoup plus profondes qu’on l’imagine ; elles touchent aux zones les plus intimes de la psyché, qui renvoient d’ailleurs souvent au monde

de l’enfance. Baudelaire, qui a publié en 1855 son essai De l’essence du rire, suggérait déjà que le meilleur comique tendait vers la joie pure de l’enfant. Quant à Hugo, Balzac ou Flaubert, eux aussi mettaient le rire au cœur de leur univers imaginaire. Le rire est trop souvent considéré comme vulgaire ou insignifiant. Je préfère la conception de Kant, qui comparait le comique à la musique, expliquant que, dans les deux cas, l’esprit était sollicité pour produire un plaisir essentiellement organique. Entre une salle de concert qui ondule au son des instruments et un public de spectateurs secoués de rire, la jouissance physique est assez comparable. Cette double dimension, à la fois spirituelle et corporelle, explique que le rire ait pu être considéré, au Moyen Âge, comme un phénomène diabolique.

« La double dimension, à la fois spirituelle et corporelle, du rire explique qu’il ait pu être considéré, au Moyen Âge, comme un phénomène diabolique. Plus généralement, les religions se méfient du rire. Il est difficile de rire et de croire en même temps. »

Plus généralement, les religions se méfient du rire. Il est difficile de rire et de croire en même temps. Peut-on rire du Covid ? Bien sûr, même si j’ai l’impression que ce n’est pas - pas encore ? - dans l’air du temps. Le rire peut être violent, voire méchant, et s’abstraire de toute considération morale. Aristote disait déjà que le comique découlait de l’enlaidissement de l’homme – à condition, précisait-il, qu’il n’y ait « ni douleur ni dommage ». Mais cette limite elle-même peut être allègrement dépassée. L’histoire regorge d’épisodes d’où l’homme sort très malmené mais que le rire n’épargne pas. Les gueules cassées de la Première Guerre mondiale n’ont pas inspiré que de la compassion. Le rire carabin et le rire des croque-morts sont dans le même registre d’un rire qui n’a pas de limites. Au-delà de la pandémie, l’époque actuelle est-elle à l’origine de nouvelles formes d’humour ? N’exagérons pas les innovations du comique. Depuis l’origine, le rire naît de deux mécanismes archétypaux : l’incongruité et l’amplification. Ils traversent toutes les époques. Il y a pourtant une vraie nouveauté : depuis le XIXe siècle, la culture comique repose sur une industrie du rire structurellement liée au développement des médias : il y a eu d’abord les journaux, le théâtre et le music-hall ; vos lecteurs l’ignorent peut-être mais Le Figaro était un journal fantaisiste sous la Restauration. Puis sont apparus le cinéma, la publicité, la radio et la télévision, les réseaux sociaux. Dans cette société de consommation qui est la nôtre, la fonction du rire, au-delà de sa fonction satirique, est d’adoucir le rapport au monde, de produire un effet d’anesthésie.

Le rire est trop « souvent

considéré comme vulgaire ou insignifiant. Je préfère la conception de Kant, qui comparait le comique à la musique. Entre une salle de concert qui ondule au son des instruments et un public de spectateurs secoués de rire, la jouissance physique est assez comparable

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Y a-t-il des variations nationales et communautaires du rire ? Je dirai qu’il n’y a presque que cela. On rit, à l’intérieur d’un groupe, pour éprouver le plaisir de la complicité partagée. Ce groupe peut avoir la dimension d’un pays ou être lié à un sentiment d’appartenance sociale, professionnelle, voire ethnique. Mais le rire est toujours communautaire, au sens le plus large du terme. Il y a d’ailleurs des cultures nationales du rire parfaitement identifiées : à la Renaissance, le rire joyeux des riches cités italiennes ; au XVIIIe siècle, la concurrence entre l’ironie de la France aristocratique et l’humour flegmatique de l’Angleterre bourgeoise, etc. Cela dit, à l’ère de la mondialisation, le rire ne s’arrête pas aux frontières. Il y a une globalisation du comique, qui découle, comme partout, des standards américains. Pour revenir à la France, comme le rire a très longtemps été utilisé contre des pouvoirs autoritaires ou répressifs, une des constantes de notre rire national est sa vocation satirique et contestataire. Notamment en lutte contre les religions : qu’il s’agisse de Rabelais qui tourne l’Église en dérision et de Charlie Hebdo qui utilise l’image de Mahomet à des fins satiriques, les deux stratégies sont assez proches finalement. Croyez-vous vraiment que le rire soit une arme politique efficace ? Peut-être moins pour sa force de contestation que par l’esprit de dérision qu’il instille. Le sérieux est vital pour le pouvoir. Souvenez-vous de Louis-Philippe et de la monarchie de Juillet : l’autorité royale était tellement affaiblie par les caricatures que les « lois scélérates » de 1835 ont fini par rétablir la censure. Et si le pouvoir dédaigne le rire, mal lui en prend : Giscard a vu une bonne part de son autorité sapée par les humoristes. Quand François Hollande est surnommé « M. Petites Blagues », cela diminue son crédit. Mais il ne faut pas, non plus, exagérer la portée politique du rire. Aujourd’hui, les enjeux économiques sont infiniment plus considérables : une industrie mondiale du rire a pris corps, pour laquelle on peut parler d’un soft power du comique, qui repose bien davantage sur l’empathie humoristique du rire partagé que sur la tradition satirique du comique français. Personnellement, qu’est-ce qui vous fait rire ? Assez peu, je l’avoue, l’humour massifié d’aujourd’hui. Non que j’aie le goût particulièrement difficile. Mais le rire est surtout consommé par les jeunes et repose sur leur univers culturel, qui n’est plus le mien. Et, à dire vrai, je ris surtout de mes propres blagues, que je réserve à mon cercle d’intimes : le meilleur rire appartient à la sphère privée. Mais, enfin, disons que j’aime surtout le rire, lorsqu’il donne à s’émouvoir ou à imaginer, parfois jusqu’au délire : plutôt Charlie Chaplin ou les Monty Python que Molière. ■

SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO

Frédéric de Monicault

Alain Vaillant : RENCONTRE

L’universitaire se penche sur ce mécanisme anthropologique qui protège des dangers ou des angoisses et qui va de pair avec la sociabilité.

jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO - N° 23 817 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

> FOCUS lefigaro.fr/economie

CROSSCALL

UN STATUT HYBRIDE PROPOSÉ AUX CHAUFFEURS PAGE 24

LE GROUPE FRANÇAIS VA ÉQUIPER LA GENDARMERIE ET LA POLICE EN MOBILES PAGE 25

GATEWAY FOUNDATION, CROSSCALL, ALAMY STOCK PHOTO / ABACA, STOCK.ADOBE.COM

économie

Comment le tourisme va accélérer la conquête spatiale Les projets de vols privés se multiplient. De nouvelles infrastructures et des hôtels extra-terrestres sont en préparation. L’économie de l’espace change de dimension. PAGES 20 ET 21

Vue d’artiste d’un hôtel spatial.

Amazon a perdu des parts de marché en France L’année faste masque une déception pour Amazon. Les ventes réalisées sur le site français du géant de l’e-commerce ont certes progressé de 7 % en 2020, selon Kantar, à 8,3 milliards d’euros. Mais cette performance est faible, comparée à celle du marché total de l’e-commerce. La crise sanitaire a fait bondir les ventes en ligne de 24 % l’an passé, à 43 milliards d’euros. La part de marché d’Amazon a reculé, passant de 22 % en 2019 à 19 %, l’an passé. En

le PLUS du FIGARO ÉCO CRISE DU COVID

Les aides publiques réduisent les risques d’insolvabilité des entreprises PAGE 21

LA SÉANCE DU MERCREDI 17 MARS 2021

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DOW JONES 33015,37 +0,43% ONCE D’OR 1736,95 (1732,30) PÉTROLE (lond) 67,430 (68,470) EUROSTOXX 50 3853,51 +0,07% FOOTSIE 6762,67 -0,60% NASDAQ 13202,38 +0,97%

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incluant les grandes surfaces alimentaires, la part de marché d’Amazon est de 16 %, contre 19 % en 2019. L’e-commerçant reste un leader incontesté (Cdiscount figure loin derrière en deuxième position), mais les craintes des distributeurs se sont avérées infondées. Amazon n’a pas raflé toutes les ventes qu’ils n’ont pu réaliser en magasin, lorsqu’ils étaient contraints de fermer leurs portes pour des raisons sanitaires. La baisse de part de marché s’ex-

plique en partie par la fermeture des entrepôts français d’Amazon lors du premier confinement, suite à une décision de justice. Si Amazon a pu livrer les Français depuis les pays voisins, sa capacité à répondre à la demande a été limitée. Ces ennuis logistiques ainsi que les discours anti-Amazon, qui se sont intensifiés en novembre lors de la fermeture des magasins « non essentiels », ont contribué pour un point à ce recul de la part de marché d’Amazon, estime Kantar.

Même Jean Castex avait incité les Français à reporter leurs achats plutôt que « de commander en ligne sur un grand site étranger »… Le recul d’Amazon s’explique surtout par l’élargissement considérable de l’offre en ligne : la plupart des magasins physiques fermés ont su faire basculer leur activité sur internet lors du deuxième confinement, proposant du « click and collect ». Autant de nouveaux rivaux pour Amazon, M. B. désormais bien installés.

L'HISTOIRE

L’encyclopédie Wikipédia veut faire payer les Gafa pour doper ses revenus

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est une première. Vingt ans après sa création, l’encyclopédie en ligne gratuite va proposer un service payant pour les entreprises qui exploitent les contenus produits par ses contributeurs bénévoles. Parmi elles, Google, Amazon ou Apple utilisent, par exemple, les données de Wikipédia dans leurs résultats de recherche et pour alimenter leurs assistants vocaux. Le service Wikimedia Enterprise proposera aux sociétés d’exploiter de manière plus efficace les jeux de données à disposition et de les adapter pour leurs services. « Pour la fondation Wikimedia, qui gère l’encyclopédie, il s’agit surtout de générer de nouveaux revenus. Elle est actuellement uniquement

financée par des dons, qui couvrent difficilement son budget annuel de plus de 100 millions de dollars. Nous savions que les utilisateurs commerciaux étaient là, mais nous ne les avons jamais vraiment traités comme une base d’utilisateurs », explique Lane Becker, directeur principal de la fondation. La fondation estime que les plus grandes multinationales - dont certaines faisaient jusqu’ici des dons parfois importants - seront prêtes à mettre le prix pour améliorer plus rapidement la qualité leurs services. Des discussions avec certains acteurs de la Big Tech seraient déjà en cours, pour un lancement du service prévu en juin. Les sociétés qui le souhaitent pourront continuer à utiliser la version gratuite du site. Et pour les particuliers, rien ne change, le contenu de l’encyclopédie restera entièrement gratuit. ■ EMMA CONFRÈRE

Les membres du comité monétaire de la banque centrale des États-Unis se préparent en moyenne à 6,5 % de croissance dès cette année. Une telle flambée, comparable aux prévisions des économistes privés, serait sans précédent depuis trente-sept ans. En décembre, la prévision médiane des dix-huit membres du comité n’était que de 4,2 %. Pour ce qui est de l’année prochaine, en revanche, leur révision de la croissance est à peine notable : elle passe de 3,2 % à 3,3 %. L’embellie de la prévision est le résultat de l’adoption depuis mi-décembre de deux plans massifs de relance. L’un peu après Noël de 900 milliards de dollars, promulgué par Donald Trump. L’autre, il y a quelques jours, d’un montant de 1900 milliards de dollars, décidé par son successeur, Joe Biden. Dans ce contexte, la Réserve fédérale a renouvelé mercredi soir sa promesse de maintien durable d’une politique ultrastimulante de rachats massifs de dette publique et de taux directeur nuls. Jay Powell et ses collègues n’anticipent toujours pas de flambée des prix déclenchée par une surchauffe. Ils notent néanmoins l’amélioration récente des indicateurs relatifs à l’activité et à l’emploi. Leurs prévisions d’inflation pour 2021 sont certes révisées à la hausse, entre 2,2 et 2,4 %, et non plus entre 1,7 et 1, 9 %. Ce rythme d’augmentation est toutefois conforme à l’objectif de la Fed de repasser temporairement au-dessus de 2 %, puis d’en rester très proche les années suivantes. En matière d’emploi, la Fed prend en compte les énormes plans de relance pour réviser à 4,5 % le taux de chômage anticipé à la fin de l’année, contre 5 % précédemment. On observe tout de même que quatre des dix-huit membres du comité jugent que la Réserve fédérale pourrait avoir à relever son principal taux directeur dès l’année prochaine. Aucun n’était de cet avis en décembre. Ce taux reste pour le moment délibérément maintenu à pratiquement zéro. PIERRE-YVES DUGUA

En Allemagne, une croissance plus faible mais plus d’inflation Moins de croissance, mais plus d’inflation: c’est le paradoxe auquel pourrait être confrontée l’Allemagne cette année. Le comité des sages qui conseille le gouvernement de Berlin a revu sa prévision de progression du PIB à 3,1 % cette année, contre 3,7 % précédemment. Le gouvernement, lui, anticipe 3 %, après une chute de 5 % l’an dernier. Ce ralentissement est dû au recul de l’activité au premier trimestre, d’environ 2 %, après l’envolée des infections au Covid et la remise en place de restrictions. Le rapport des sages préconise une hausse de 50 % du rythme quotidien de vaccination pour espérer atteindre l’immunité collective d’ici à la fin de l’été. Pourtant, les experts s’inquiètent d’un rebond de l’inflation à 2,1 % à la fin de l’année. En février, le taux a atteint 1,6 %, reflétant notamment la remontée de la

TVA après une baisse temporaire décidée en juin pour relancer la consommation en berne. Celle-ci a connu un plongeon historique de 4,9 % l’an dernier, du jamais vu. Avec l’Autriche ou les PaysBas, l’Allemagne se situe dans un groupe de pays où l’inflation est supérieure à la moyenne de la zone euro. Celle-ci a atteint 0,9 % en février, stable par rapport à janvier, selon les données publiées mercredi par Eurostat. Après une baisse de 0,5 % des prix en Allemagne l’an dernier, ce rebond s’explique notamment par la hausse des prix de l’énergie, due à l’instauration d’une taxe carbone et à l’augmentation des prix du pétrole sur un an. Ces tensions sur les prix inquiètent dans un pays allergique à l’inflation. Les appels s’y multiplient pour un arrêt de la politique accommodante de la Banque centrale F. C. européenne.

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LA FED PRÉVOIT 6,5 % DE CROISSANCE AUX ÉTATS-UNIS

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L'ÉVÉNEMENT

Le tourisme spatial tout proche de devenir une réalité

SpaceX, Boeing, Axiom, Orbital Assembly… Des grands noms de l’industrie et des start-up investissent dans ce nouveau marché dont l’Europe est absente. son grand projet d’installation de colonies humaines sur Mars. Lorsque « voyager dans l’espace sera devenu aussi banal que voyager en avion, le SPATIAL Le compte à rebours est futur de la civilisation humaine sera assuré », avance-t-il. enclenché pour Inspiration4, le preAu début des années 2000, Rosmier séjour touristique autour de la cosmos, l’agence spatiale russe, a Terre organisé par SpaceX. Au quaouvert la voie en vendant des siètrième trimestre 2021, une fusée Falges vacants à bord de Soyouz vers con 9 réutilisable doit décoller, del’ISS, pour des raisons économiques. puis le centre spatial Kennedy en Entre 2001 et 2009, 7 touristes ont Floride, pour déposer, à quelque aidé Roscosmos à rentabiliser ses 400 km de la Terre, une capsule missions. La Nasa a poussé ce Crew Dragon avec à son bord quatre concept encore plus loin. En touristes, pour un séjour de quatre juin 2019, elle a autorisé des séjours jours en orbite basse. touristiques de 30 jours maximum à Avec ce vol, Elon Musk affiche son bord de l’ISS, à raison de deux vols ambition d’être le leader non seulepar an pour une dizaine de ment de la commercialisavoyageurs. Il s’agit de faire tion de l’orbite basse avec de l’ISS un levier de déla fusée Falcon 9, les veloppement éconoconstellations avec mique, en autorisant le Starlink, le transport secteur privé à déved’astronautes vers la millions de dollars lopper des activités Station spatiale interEstimation du prix commerciales et de renationale (ISS) avec pour le transport cherche, génératrices de Crew Dragon. Mais ausvers l’ISS nouveaux revenus. La si de dominer dans le touNasa facturera 35 000 dollars risme spatial, avec des tours de la Terre - et de la Lune, avec sa nouvelle fusée Starship à partir de 2023 -, assortis de séjours dans des modules amarrés à l’ISS, développés par son partenaire, la start-up américaine Axiom, créé en 2016. Un projet auquel Thales Alenia Space participe en tant que responsable de la conception, de la pressurisation et du système de protection contre les débris spatiaux. Ce premier hôtel Virgin Galactic, la société spatiale de Axiom en orbite, décoré par Philippe Richard Branson, et Blue Origin, Stark, doit ouvrir dans deux ans. celle de Jeff Bezos, le fondateur D’autres projets sont lancés. À d’Amazon, sont en compétition l’instar de la station Voyager, un hôpour être la première à programmer tel spatial de luxe développé par la un vol suborbital touristique. Il start-up californienne Orbital Ass’agit de faire l’expérience de l’apesembly. Elle doit accueillir ses presanteur pendant quatre à cinq mimiers touristes en 2027 dans 24 monutes, tout en contemplant la courdules en rotation constante afin de bure de la Terre, à un peu plus de reproduire la gravité terrestre. 100 km d’altitude, soit aux portes de D’une capacité de 400 clients, Voyal’espace, lors d’un vol parabolique. ger sera doté de restaurants, spas, Prix du billet ? Entre 200 000 et salles de sport en apesanteur et de 250 000 dollars. vastes salons avec vue panoramique « Le premier vol touristique suborsur la Terre. En revanche, le projet bital était annoncé pour 2006, nous Genesis I, un prototype d’hôtels l’attendons toujours », relève Chrisgonflables en orbite présenté en tophe Bonnal, ingénieur au CNRS et 2006 et issu du programme Transhab organisateur du premier congrès de la Nasa, dont les plans ont été rainternational sur le tourisme spatial chetés par le groupe Bigelow (hôtels à Arcachon en 2008. Quatre ans Budget Inn), a tourné court depuis sa plus tôt, l’américain Scale Compofaillite en mars 2020. sites a gagné le concours organisé Ces projets intrigants font rêver et par la fondation X-Prize. Son avion posent question. L’objectif est-il de spatial, le StarShipOne, a réussi à satisfaire une élite argentée ? De déatteindre une altitude de 100 km et mocratiser l’accès à l’espace ? De à revenir se poser au même endroit. préparer l’humanité à voyager dans « Vingt-six engins spatiaux étaient les étoiles ? Pour Elon Musk, le touen lice. Il y avait même une soucourisme spatial marque une étape vers pe volante ! » se rappelle Christophe VÉRONIQUE GUILLERMARD £@vguillermard

Vue d’artiste de Voyager, l’hôtel spatial de luxe développé par la start-up californienne Orbital Assembly. Il doit accueillir ses premiers touristes en 2027 dans 24 modules en rotation constante afin de reproduire la gravité terrestre. GATEWAY FOUNDATION

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la nuitée à bord de l’ISS, pension complète comprise. Le taxi spatial sera facturé entre 45 et 55 millions par SpaceX et Boeing. « Nous proposerons aussi des sièges à bord de notre capsule Starliner à des scientifiques ainsi qu’à des touristes spatiaux », confirme le géant américain. La Chine, qui a déjà envoyé des taïkonautes en orbite, se prépare. « Pékin doit débuter la construction de sa propre station spatiale fin 2021 et pourrait bien y amener des touristes chinois dès que possible », relève Didier Schmitt, responsable stratégie et coordination pour l’exploration robotique et humaine de l’Agence spatiale européenne (ESA). D’ici à deux ans, l’Inde aura une station en orbite qui accueillera aussi des touristes. Et l’Europe ? La deuxième puissance spatiale mondiale a renoncé à son autonomie dans les vols habités au début des années 1990. Ses astronautes décollent à bord de Soyouz et, à partir d’avril 2021, de Crew Dragon. « Pourtant, nous avons toutes les capacités en Europe : le pas de tir avec Kourou en Guyane, le lan-

ceur avec Ariane, et potentiellement la capsule. Ainsi, avec l’ATV, nous avons démontré nos capacités d’arrimage à l’ISS et, avec l’ARV et le Space Rider, la rentrée atmosphérique. Nous fabriquons le module de service qui fournit la propulsion et le support vie de la capsule Orion, qui transportera 4 astronautes vers le Lunar Gateway (station lunaire, NDLR), dans le cadre de la mission Artemis lancée par la Nasa avec l’Europe, son partenaire », développe Didier Schmitt.



Les Européens veulent explorer l’espace pour le bien de l’humanité



DIDIER SCHMITT, RESPONSABLE ESA

L’Europe n’a peut-être pas dit son dernier mot. « L’Europe avance bien sur les aspects réglementaires avec l’Agence européenne pour la sécurité aérienne et avec la DGAC en France, souligne l’ancien astronaute JeanFrançois Clervoy. Nous avons tout le savoir-faire mais il nous manque le visionnaire richissime à la Elon Musk,

une industrie suffisamment audacieuse pour se lancer et une volonté politique. » « Comme le montre l’exemple des États-Unis, il ne peut y avoir de tourisme spatial que si, au préalable, un programme de vols habités institutionnels a été lancé en Europe », relève Stéphane Israël, président d’Arianespace. La question de l’acceptation sociale est plus prégnante en Europe. « Les Américains veulent explorer mais aussi exploiter l’espace et dominer. Les Européens veulent surtout explorer l’espace pour le bien de l’humanité. C’est une nuance de valeurs », estime Didier Schmitt. L’Europe questionne l’utilité du tourisme spatial. « Voir la Terre, sa beauté sur fond noir du Cosmos, est une révélation et interroge profondément sur nos origines », souligne Jean-François Clervoy. Cet overview effect (vue d’ensemble) entraîne une prise de conscience de la fragilité de la Terre. Les voyages touristiques permettront aussi de réduire les coûts fixes des bases spatiales des agences nationales. Plus il y aura de lance-

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Bonnal. Enthousiaste, Richard Branson s’est rapproché de Scale Composite en créant une coentreprise qui a donné naissance à Virgin Galactic. Une douzaine d’autres projets coexistent, dont ceux de RocketPlane, Xcor, Excalibur Almaz mais aussi d’Airbus. En 2007, sa filiale spatiale (Astrium à l’époque) a présenté une maquette du SpacePlane, un avion fusée de cinq places. Astrium prévoyait de lancer la campagne d’essais en vol avec un prototype, à partir de 2012. Estimé à un milliard d’euros, le développement du SpacePlane a été suspendu.

Succès inégaux Virgin Galactic a persévéré en développant le SpaceShipTwo, un vaisseau de sept places, lancé par un avion porteur, le WhiteKnightTwo. Quelque 22 vols d’essais ont été réalisés depuis 2013, avec des succès inégaux. En 2014, un prototype a explosé. Fin 2020, la société a suspendu sa campagne d’essais en vol à la suite de problèmes techniques. Elle doit reprendre en mai 2021. Virgin Galactic revendi-

que 600 préréservations. Les vols décolleront du spaceport America installé dans le désert du NouveauMexique. De son côté, Blue Origin a développé le New Shepard, une petite fusée réutilisable, qui embarque une capsule dotée de cinq places. En janvier 2021, la mission NS-14, qui a décollé depuis le Texas, a réussi un nouveau vol d’essai. Le prochain vol devrait se réaliser avec un ou deux pilotes à bord. Blue Origin n’a pas encore donné de date pour le décollage du premier vol avec passagers. Ces projets donnent des idées aux investisseurs, qui étudient la possibilité de construire des parcs de loisirs à proximité des spatioports. L’idée serait de commercialiser des packages associant un séjour hôtelier, l’accès au parc de loisirs avec le vol suborbital en point d’orgue. Mais aussi des séjours secs à destination d’un public plus large mais aux moyens plus limités. Selon une récente étude, le marché potentiel tournerait autour de mille passagers par an. ■ V. GD.

Le vaisseau SpaceShipTwo (en haut), de Virgin Galactic, et la fusée réutilisable New Shepard (en bas), développée par Blue Origin, sont conçus pour effectuer des vols suborbitaux touristiques. EYEPRESS NEWS/EYEPRESS VIA AFP, BLUE ORIGIN

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Vol suborbital : Virgin Galactic et Blue Origin aux avant-postes

LE FIGARO

ÉCONOMIE VOL PARABOLIQUE Prix : 6 000 dollars La société Novespace, filiale du Cnes, commercialise des vols paraboliques depuis 1995 sur des Airbus. Depuis

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ÉCONOMIE 2121

Les aides publiques n’ont pas sauvé que des entreprises moribondes Elles ont permis de réduire fortement les risques d’insolvabilité. ANNE DE GUIGNÉ £@adeguigne

CONJONCTURE Malgré la crise, et la pluie d’aides publiques, venue soutenir les entreprises, l’économie française ne risque pas la « zombification ». Elle ne devrait pas émerger de ces mois difficiles peuplée d’entreprises sans avenir, vivotant sur leurs acquis. Telle est la rassurante conclusion d’une étude intitulée, « Will Schumpeter catch Covid-19 » (Schumpeter va-t-il attraper le Covid, NDLR), que vient de publier le Centre for Economic Policy Research (CEPR). « Des craintes ont émergé au sujet des aides publiques dans la crise sanitaire qui auraient été trop généreuses, réduisant ainsi la sortie des entreprises improductives et empêchant la mise en place de la destruction créatrice schumpétérienne », écrivent les auteurs, les économistes Mathieu Cros, Anne Epaulard et Philippe Martin. Entre les prêts garantis par l’État (PGE), le chômage partiel massif, les accords d’activité partielle de longue durée et les aides mensuelles du fonds de solidarité, l’économie hexagonale a en effet été quasiment « soviétisée » l’année dernière. La facture globale pour l’État étant estimé à environ 160 milliards d’euros pour 2020. Cette impressionnante mise sous tutelle publique n’aurait a priori pas d’effet sur la productivité du pays rassurent toutefois les économistes car en 2020 comme en 2019, les défaillances ont été prédites par les mêmes facteurs, dette et productivité du travail, au premier rang. Autrement dit, les aides publiques ont réduit mécaniquement le nombre de faillites en 2020, par rapport à 2019, mais pas provoqué de distorsion dans la sélection de ces entreprises défaillantes. « Si les entreprises relativement peu productives sont aussi celles qui ont été les plus soutenues, c’est parce qu’elles ont été davantage frappées par la crise et non en raison d’un biais des aides publiques en leur faveur : les aides ont permis de réduire très fortement le nombre d’entreprises à risque d’insolvabilité, sans sélectionner les plus productives ni les moins productives », complétait dans un article

de son blog, en janvier, la chef économiste du Trésor, Agnès Bénassy-Quéré. « Il n’y a pas à ce stade de “zombification” de l’économie, plutôt une mise en hibernation », affirment alors les trois auteurs de l’étude du CEPR. La différence est importante : les entreprises « zombies », d’au moins dix ans d’âge dont les résultats annuels ne permettent pas de financer les intérêts sur sa dette selon la définition de l’OCDE, ne parviennent plus à investir. À terme, elles risquent de plomber fortement la croissance du pays. « Les entreprises “zombies” sont plus petites, moins productives, plus endettées et investissent moins dans leur capital physique et immatériel », développe encore une étude de 2020 de la Banque des règlements internationaux (BRI).

« Hibernation » « Notre analyse démontre que les aides ont été a priori bien ciblées, résume Philippe Martin, l’un des coauteurs de l’étude du CEPR, également président du Conseil d’analyse économique (CAE). Les dispositifs publics ont su protéger également des jeunes entreprises, viables mais très endettées en raison des investissements passés ». Ce type d’entreprises, souvent très productives, avait par exemple particulièrement souffert après la crise financière, aux États-Unis.

Passé ce premier satisfecit, « à terme, il faudra bien que les entreprises non viables sortent, insiste toutefois Philippe Martin. Les tribunaux de commerce vont devoir faire ce travail de triage et proposer aux entreprises viables mais insolvables, des restructurations ». Un des volets les plus délicats de ce chantier de tri concernera les secteurs du tourisme, de la restauration, de l’hôtellerie… « Il va falloir se poser une question difficile : le choc est-il temporel ou persistant ? insiste l’économiste. Si la crise devait encore durer plus d’un an, le gouvernement devra assumer de retirer ses aides », sous peine de provoquer une véritable « zombification » de ces secteurs. La pression politique serait toutefois intense, tant il serait délicat pour Emmanuel Macron de mener une campagne présidentielle sur fond de vague de faillites dans les très populaires bars-restaurants et hôtels. Depuis trente ans, dans tous les pays de l’OCDE le nombre d’entreprises « zombies » augmentent sous l’effet notamment des taux bas et des liquidités abondantes. Cette tendance est particulièrement forte en France. « Dans l’Europe continentale la part de “zombies” est restée constante (entre 10 % et 15 %) après la crise financière. À l’exception de la France où leur part a plus que doublé depuis 2008 », écrit ainsi la BRI. ■

La facture globale de l’État pour venir en aide aux entreprises dans l’Hexagone est estimée à environ 160 milliards d’euros pour 2020. JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/ LE FIGARO

Vers une augmentation des faillites en fin d’année VOL EN BALLON STRATOSPHÉRIQUE Plusieurs start-up travaillent sur des vols en ballons stratosphériques gonflés à l’hélium, auxquels sont accrochées des nacelles vitrées d’une capacité de 8 à 10 personnes, à 25 voire 40 km d’altitude. « Dans ce cas, il n’y a pas de poussée, ni de vue de la Terre, ni du ciel noir étoilé mais un peu d’apesanteur et une vue de la courbure de la planète. Mais c’est 50 % moins cher que le vol suborbital », souligne un expert du domaine. La start-up espagnole Bloon a réalisé des essais à vide. Une autre startup française, Zephalto, prévoit la mise en service d’un ballon stratosphérique, capable de s’élever à 25 km de la Terre, en 2024. V. DG.

«

À mesure que l’endettement des entreprises augmente, les cas d’insolvabilité ne peuvent que se multiplier

»

OLIVIER BLANCHARD ET JEAN PISANI-FERRY (TERRA NOVA)

La crise, quelle crise ? En 2020, les faillites sont apparues en diminution de 36 % pour l’ensemble des entreprises et de 29 % pour les PME par rapport à 2019. Protégées par le solide filet d’aides publiques, les entreprises ont déserté les tribunaux de commerce. Et pour l’instant, malgré la chute de l’activité, rien ne bouge. Pendant le premier confinement, les experts tablaient sur l’éclatement d’une bulle de faillites dès l’été 2020, mais la prolongation de l’épidémie, entraînant une prolongation des mesures de soutien, le « mur » tant redouté a été repoussé. «Jusqu’à présent, il semble que les facilités de trésorerie aient été efficaces et que les faillites d’entreprises aient diminué. Mais à mesure que l’endettement des entreprises augmente, les cas d’insolvabilité ne peuvent que se multiplier, avancent ainsi Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry dans une note pour Terra Nova, publié ce jour. Une partie du coût sera répercutée sur les finances publiques, si les garanties de crédit sont appelées, ce qui pourra entraîner un coût budgétaire significatif », rappellent les économistes.

Un mauvais calendrier Tous les secteurs ne seront pas concernés de la même manière par le choc. « Nos estimations suggèrent que le surcroît de dette accumulée et la baisse de productivité (du fait des contraintes persistantes sur

leur activité) pourraient engendrer une augmentation d’un quart des défaillances pour les secteurs du commerce les plus touchés sur la période 2021-2022. Cela viendrait en plus du rattrapage des défaillances ‘‘normales’’ qui n’ont pas eu lieu en

2020, de l’ordre de 30 %», prévoit le Conseil national de productivité dans son dernier rapport. Le calendrier pouvait difficilement être pire pour le président, qui devrait alors lancer sa campagne électorale. ■ A. G.

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ments, plus les prix baisseront. Selon plusieurs études, le tourisme spatial avec les vols suborbitaux (lire ci-dessous) pourrait générer 20 milliards de dollars par an de revenus, à partir de 2030. Mais il faudra du temps pour que cette activité se démocratise. Les premiers touristes spatiaux sont tous ultrariches. La mission Inspiration4 a été réservée pour 35 à 45 millions de dollars par le milliardaire Jared Isaacman, PDG fondateur du système de paiement Shift4 Payments. Et le premier tour de Lune a été acheté plusieurs centaines de millions par le milliardaire japonais Yusaku Maeza, 45 ans. Pour se développer, le tourisme spatial aura besoin d’un cadre juridique et réglementaire. La préparation des touristes est dispensée par les acteurs privés. « Il leur faut être en bonne santé et condition physique. Et passer des examens médicaux pour vérifier les fonctions cardiaques et respiratoires. Un psychiatre devra s’assurer de leur stabilité émotionnelle. Ils auront des cessions en simulateur de vol pour voir leur réaction, lors de mise en situation critique. Ils devront apprendre à enfiler et à retirer leur combinaison ainsi que manger, boire, dormir, aller aux toilettes… en apesanteur », explique Jean-François Clervoy. Le cadre juridique existe déjà aux États-Unis. Il a été fixé par le Commercial Space Launch Act de 1984. Cette loi fédérale reconnaît au secteur privé la capacité de développer des véhicules spatiaux et de les exploiter à des fins commerciales. Un amendement de 2004 définit le touriste spatial. « La loi américaine parle de “space flight participant”, c’est-àdire un individu qui n’est pas un membre de l’équipage. Il est probable qu’un astronaute de métier soit à bord des capsules embarquant des touristes afin d’assurer leur sécurité et d’activer les procédures de sauvetage en cas de problème », explique Arthur Sauzay, spécialiste du spatial auprès de l’Institut Montaigne et avocat chez Allen & Overy. Les touristes seront dûment informés des risques. « On estime à 1 sur 8 le risque de perdre l’ISS sur une décennie tout en sauvant les astronautes, à 1 sur 60 le risque de perdre un membre d’équipage à cause d’une météorite ou d’un débris », rappelle Jean-François Clervoy. Les futurs touristes « devront signer un abandon de recours auprès de l’opérateur du vaisseau spatial ou de l’agence de voyages spatiale », ajoute-t-il. Pas sûr que tous les touristes acceptent cette ultime condition… ■

2015, c’est sur un A 310 Zero-G. « C’est la version low-cost du tourisme spatial, car, pour le prix d’un billet d’avion aller-retour en business, vous vivez réellement 5 minutes d’apesanteur, 1 minute de gravité lunaire et 35 secondes de gravité martienne, au cours des 15 à 16 paraboles réalisées à bord de l’Airbus A 310 Air Zero G », explique Jean-François Clervoy, qui a créé l’activité en Europe et fut PDG de Novespace entre 2006 et 2011. Une simple visite médicale et un briefing sont nécessaires pour accéder à ce vol, qui décolle depuis Mérignac, à côté de Bordeaux. Novespace a déjà accueilli près de 2 000 clients. Trois avions offrent cette prestation dans le monde : un Boeing 727 en Floride, un Iliouchine à 40 km de Moscou et l’Airbus A 310 de Novespace en France. V.GD.

jeudi 18 mars 2021

jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

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ÉCONOMIE

L’emploi va rebondir plus vite qu’après 2008 Le chômage partiel devrait éviter des destructions massives de postes en sortie de crise. FLORENTIN COLLOMP £@fcollomp

EUROPE Et si la casse sociale était évitée à la sortie de la crise ? La reprise du marché de l’emploi devrait être beaucoup plus rapide qu’à l’issue de la crise financière de 2008, à en croire une étude publiée par S&P Global Ratings. « Il avait alors fallu sept ans à la zone euro pour retrouver son niveau d’avant la crise. Cette fois, cela ne devrait prendre que quatre ans », prévoit Marion Amiot, économiste de l’organisme. Le niveau d’emploi de 2019 devrait donc être rattrapé en 2023. Entre-temps, la hausse du chômage, inévitable, serait limitée à deux points. Selon S&P, le chômage ne devrait pas dépasser 8,7 % dans la zone euro à la fin 2021. Corroborant cette analyse, la Banque de France a révisé mardi à la baisse son anticipation du taux de chômage à 9,5 % à la fin de l’année, au lieu de 10 % attendus précédemment.

Incitation à la formation On le constate dans la comparaison des courbes du PIB et de l’emploi en 2020 (voir ci-contre) : la chute d’activité a été bien plus prononcée que celle de l’emploi. Le taux de chômage dans la zone euro est passé de 7,4 % en janvier 2020 à 8,1 % un an plus tard, après un pic à 8,6 % en septembre. À comparer à plus de 12 % en 2013. Cette différence est due à l’amortisseur des mécanismes de chômage partiel, généralisés à tra-

ÉVOLUTION ANNUELLE DE L’EMPLOI ET DU PIB, DANS LA ZONE EURO, en % PIB

lequel elles ne recruteront pas. Un décalage de neuf à douze mois après le redémarrage de l’activité. Ce qui risque d’affecter les nouveaux arrivants sur le marché du travail, les jeunes en particulier. Aux États-Unis, où un tel amortisseur social n’existe pas, la courbe du chômage a bondi au pic de la crise, à plus de 14 % en mai, avant de redescendre fortement à 6,3 %. Si cette flexibilité accrue est louée pour sa capacité d’adaptation à l’évolution de l’activité, en moyenne, l’évolution suit - pour l’heure - un niveau comparable outre-Atlantique avec celui de l’Europe.

LES SECTEURS CRÉATEURS ET DESTRUCTEURS D’EMPLOIS, évolution des effectifs T3 2020/ T3 2019, en %

Emploi Mine Immobilier Autres services Information, communication Electricité Administration publique Finance Traitement de l’eau Éducation

4% 2% 0% -2 % -4 %

Santé, social Industrie Activités professionnelles Total Agriculture Commerce de gros et de détail Arts, divertissement Transport, stockage Construction Administration de services Hébergement, restauration

-6 % -8 % -10 % -12 % -14 % 2005 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 2020

-16 %

-11 %

-6 %

-1 %

4%

9%

« Il y aura des morts »

14 %

Infographie

Sources : Eurostat, S&P Global Ratings

ques tendances ont toutefois connu une accélération pendant cette crise, comme la digitalisation de l’économie, qui a largement profité au secteur des télécommunications (voir ci-dessus), au détriment, par exemple, du commerce de détail. Toute la difficulté réside dans la sortie de ces dispositifs qui, d’urgence, ont tendance à s’éterniser. C’est le risque de « zombification », le maintien en respiration artificielle d’emplois non nécessai-

vers l’Europe. Près d’un quart de la main-d’œuvre totale en a bénéficié au plus fort de la crise, en avril, une proportion actuellement revenue en dessous de 5 %. Les emplois mis ainsi en suspension ne sont « pas directement menacés parce que, dans leur majorité, ils restent viables », selon Marion Amiot. À l’inverse de la crise financière, ils sont frappés par un choc exogène et non soumis à des déséquilibres structurels de l’économie. Quel-

res à l’activité. « Beaucoup de ces dispositifs prévoient une incitation à la formation des salariés pendant les périodes d’activité partielle, justement pour éviter ce risque », souligne Torsten Müller, chercheur à l’Institut syndical européen. La sortie de l’activité partielle devrait s’accompagner d’une période de stagnation du marché de l’emploi, le temps pour les entreprises de réabsorber leurs effectifs concernés à plein temps, pendant

Ce scénario vertueux suscite pourtant des réserves. « On a mis en hibernation les entreprises frappées par l’interdiction d’ouvrir mais, quand viendra le dégel, il y aura des morts, certaines ne se relèveront pas », prévient Emmanuel Jessua, directeur des études de Rexecode. Après une chute d’environ 30 % de leurs marges, les employeurs ne pourront pas se passer de réductions de coûts, qui toucheront la main-d’œuvre. Aux 370 000 destructions d’emplois en France en 2020 devraient s’en ajouter 200 000 à 250 000. Les mécanismes de chômage partiel ont, certes, joué leur rôle pour préserver l’emploi. Mais leur prolongation pourrait avoir des effets pervers en retardant les ajustements économiques naturels inévitables. ■

En Italie, Mario Draghi prolonge l’interdiction de licenciement Le chef du gouvernement maintient le dispositif face à une reprise économique très graduelle.

600 000 personnes

au chômage partiel en Italie, fin février

VALÉRIE SEGOND £@V_Segond ROME

CRISE Alors que l’Italie comptait encore fin février près de 600 000 personnes en chômage partiel, le gouvernement de Mario Draghi a décidé de prolonger l’interdiction des licenciements pour motif économique en place depuis un an. Depuis le 17 mars 2020, ne peuvent licencier que les entreprises qui font faillite ou qui ont signé un accord avec les syndicats sur les incitations au départ. La mesure, exceptionnelle en Europe, va être prolongée jusqu’au 30 juin. Car selon les calculs de l’économiste du travail, Bruno Anastasio, publiés dans La Voce, la

fin de l’interdiction de licencier devrait entraîner 200 000 à 300 000 licenciements pour motif économique, soit deux à trois fois les flux normaux. Des masses difficiles à réemployer alors qu’avec le semiconfinement depuis le 15 mars, et ce jusqu’au week-end de Pâques, les perspectives de retour à une activité normale se sont encore éloignées. À première vue, Mario Draghi reprend donc la politique de son prédécesseur, Giuseppe Conte. Avec un coût très élevé : 10 milliards d’euros. Pourtant, dans son discours à la Chambre du 17 février, il avait affirmé : « Le gouvernement devra protéger tous les travailleurs, mais ce serait une erreur de protéger

indifféremment toutes les activités économiques. » « Le chômage partiel profite surtout aux employeurs qui se gardent ainsi gratuitement une réserve ultraflexible de maind’œuvre intermittente », dénonce Bruno Anastasia. Une autre critique sur le blocage des licenciements vient de l’ancien syndicaliste Pietro Ichino, expliquant que « les employés qui sont maintenus trop longtemps en chômage partiel deviennent inemployables ».

Réforme de la protection Ainsi, une vraie rupture était attendue de la part de l’ancien président de la BCE. Comme l’explicite l’économiste Tito Boeri : « Sa philosophie est de faciliter le passage de secteurs

en déclin à des secteurs en expansion tout en réduisant autant que possible les coûts sociaux de la transition. » Alors, où est la rupture ? Pour tenir compte des différences de protection sociale dont bénéficient les salariés selon la taille des entreprises, un régime différencié va être adopté. Dans les grandes entreprises de l’industrie et de la construction, le gel n’est prolongé que jusqu’au 30 juin. À partir du 1er juillet les restructurations pour motif économique y seront donc autorisées. Et celles qui décideraient de maintenir une partie de leurs salariés en chômage partiel devront le payer avec leurs cotisations. En revanche, dans les TPE de moins de 5 salariés, du commerce,

hôtellerie, restauration, des agences de location, mais aussi les artisans et travailleurs agricoles, le blocage est étendu jusqu’au 30 octobre. L’idée est qu’à cette date sera lancée la réforme de la protection à tous les travailleurs, y compris ceux des plateformes, en un régime universel et simple, comme l’a annoncé Draghi. À cette date aussi, si l’on en croit le plan de vaccination du général Figliuolo, 80% de la population italienne devrait être vaccinée, donc le pays immunisé, et l’activité sera repartie. Aussi, le gouvernement Draghi qui se prépare à un retour très progressif à la normale, maintient le gel des licenciements comme un outil de transition. ■

La demande de pétrole ne sera tirée que par l’Asie La consommation de brut pourrait ne pas retrouver son niveau d’avant-Covid, selon l’AIE.

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ARMELLE BOHINEUST £@armelellaa

ÉNERGIE Entre le déploiement des programmes de vaccination contre le Covid-19, les plans de relance et les signes d’une forte activité industrielle en Chine, la demande de pétrole va rebondir, prévoit l’Agence internationale de l’énergie (AIE). L’industrie pétrolière reste confrontée à « un niveau d’incertitude jamais vu auparavant », estime l’organisation. Mais après un recul marqué en 2020, la demande mondiale devrait retrouver son niveau d’avant crise d’ici à deux ans. Et dans cinq ans, en 2026, la consommation globale sera probablement en hausse de 4 %, à 106 millions de barils par jour (mbj) par rapport à 2019. L’AIE, qui milite pour une transition énergétique soucieuse des enjeux climatiques, s’inquiète de ne pas voir le pic de la demande se profiler rapidement. « Tant que les gouvernements ne prendront pas de

mesures audacieuses pour infléchir la demande, nous ne verrons pas de pic », a déploré mercredi son directeur Fatih Birol. En revanche, la demande mondiale pourrait culminer plus tôt que prévu si « l’attention croissante des gouvernements pour l’énergie propre se transformait en politiques plus affirmées » et si « les changements de comportement induits par la pandémie s’enracinaient », assure le rapport Oil 2021 qui détaille les perspectives du secteur à cinq ans. « Les comportements individuels peuvent avoir un impact fort », explique Toril Bosoni, directrice des marchés pétroliers à l’AIE. Par exemple, généraliser le télétravail à deux trois jours par semaine plutôt qu’un, ne serait-ce que dans les pays développés, « ce serait 2 mbj/ en moins ». L’augmentation de la demande de brut proviendra à 90 % d’Asie, à commencer par la Chine et l’Inde. La consommation des pays développés ne devrait, elle, pas revenir à ses niveaux d’avant la pandémie.

Selon l’AIE, « une forte croissance de la consommation dans les pays émergents ne suffit plus à compenser les baisses au sein de l’OCDE », l’Organisation économique qui regroupe 37 États, dont 27 nations européennes, les trois pays d’Amérique du Nord, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, la NouvelleZélande, la Turquie et deux États d’Amérique latine. Dans ce groupe

Des pompes en action sur une plate-forme pétrolière. « Une forte croissance de la consommation dans les pays émergents ne suffit plus à compenser les baisses au sein de l’OCDE», selon l’Agence internationale de l’énergie. STOCK.ADOBE.COM

de pays, les progrès de l’efficacité énergétique et le passage aux véhicules électriques ont un impact important, explique l’AIE.

Dilemme des producteurs La pétrochimie continuera à tirer l’appétit mondial pour l’or noir. La demande d’essence pourrait, elle, avoir déjà atteint son « pic ». La consommation de kérosène, secteur le plus affecté l’an dernier, devrait progressivement retrouver son niveau d’avant-Covid. Mais les visioconférences, les restrictions budgétaires des entreprises et les réticences des voyageurs pourraient aussi affecter durablement l’aérien, note le rapport. Du côté des producteurs, l’offre supplémentaire viendra pour moitié du Moyen-Orient, en particulier d’Arabie saoudite. Aux États-Unis, où l’industrie du pétrole de schiste a été déstabilisée en 2020 par la baisse de la demande et le plongeon des cours, la croissance de l’offre devrait être modeste.

Un scénario à l’inverse du boom qui avait caractérisé la production américaine ces dernières années. Quant aux membres africains fragiles de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), ils verront leur production décliner. Les producteurs font aujourd’hui face à un dilemme, ajoute l’AIE. Leurs choix d’investir ou non « pourraient entraîner soit un excès de capacité inutilisée, soit une insuffisance de brut ». Les opérateurs ont dépensé un tiers de moins que prévu en 2020 et, cette année, une augmentation marginale des investissements en amont est attendue. « Aucune société pétrolière et gazière ne sera épargnée par la transition vers l’énergie propre. Chacune doit réfléchir à sa façon de réagir », a mis en garde Fatih Birol. Mercredi, alors que le niveau des stocks américains était à nouveau en hausse, les prix de l’or noir ont chuté à 67,70 dollars le baril pour le brent et 64,20 dollars pour le WTI. ■

LE FIGARO

jeudi 18 mars 2021

ENTREPRISES 23

Nouveau problème de sûreté à l’EPR de Flamanville EDF estime que ce risque est identifié mais prévient qu’il n’a plus de marge pour respecter le calendrier.

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milliards d’euros Coût de l’EPR de Flamanville, selon la Cour des comptes

GUILLAUME GUICHARD £@guillaume_gui

ENERGIE Nouvel incident sur le chantier de l’EPR de Flamanville. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a divulgué mardi la présence d’un « écart de conception » de trois raccordements (dits « piquages ») sur le circuit primaire du réacteur, situé en zone nucléaire. « Il s’agit d’une non-conformité, ce qui signifie que le réacteur ne peut pas démarrer dans cette configuration-là », précise-ton à l’ASN. L’EPR de Flamanville doit entrer en service en 2023. Le circuit primaire est un des éléments les plus critiques d’une cen-

trale. « Une fuite d’eau sur ce circuit peut entraîner, si elle n’est pas compensée, un défaut de refroidissement et un échauffement du cœur du réacteur, décrit l’expert nucléaire Yves Marignac, de l’Institut négaWatt. Cette eau s’échappant du circuit primaire sous très forte pression va vaporiser dans l’enceinte et provoquer une montée en pression du bâtiment réacteur, ce qui peut conduire à des fuites de radioactivité. » L’EPR est doté de plusieurs équipements de secours redondants pour éviter un tel dénouement. Mais il faut à tout prix éviter en amont ce genre d’accident. En 2006, Framatome décide d’élargir ces trois « piquages » sur le

circuit primaire pour des raisons industrielles. Ce n’est qu’en 2014 qu’EDF réalise que cela entraînerait des brèches plus larges que prévu si les soudures de ces pièces venaient à céder. Une brèche plus large signifie une fuite d’eau plus importante que celle pour laquelle sont dimensionnés les équipements de secours.

Dérapages accumulés Curieusement, cet « écart » n’est pas signalé à l’époque à l’ASN alors qu’il aurait dû l’être. L’électricien ne l’a notifié à l’Autorité que sept ans après, le 3 mars dernier, et après que l’ASN lui a demandé explicitement, en 2017, d’ausculter le circuit primaire. Difficile de dire si ce nou-

vel incident rallongera encore les délais de mise en service de l’EPR. EDF reste très prudent. « Le risque porté par ce dossier est identifié, fait valoir un porte-parole du groupe. À date, il n’y a pas d’impact sur le coût et sur le planning du projet. » Le document de référence d’EDF, publié le 15 mars, liste ces « piquages » problématiques parmi les opérations qui conditionnent « la réalisation des objectifs de calendrier et de coûts » de l’EPR de Flamanville. Et souligne que la crise du Covid a ôté toute marge de manœuvre d’agenda. EDF étudie trois options pour satisfaire aux exigences de sûreté, qui toutes nécessitent une intervention sur les piquages, voire leur rempla-

cement. Ces solutions nécessitent de nouvelles études d’ingénierie, qui devront ensuite être soumises à l’ASN pour validation, avant leur mise en œuvre. Ce n’est pas le premier problème de soudure de l’EPR de Flamanville. L’entrée en activité du réacteur, prévue un temps en 2018, avait été repoussée de cinq ans à la suite de défauts décelés sur plus d’une centaine de soudures. D’après l’ASN, la reprise de ces dernières devrait s’étaler jusqu’à fin 2022, et devrait coûter 1,5 milliard d’euros. À cause de multiples avanies, le coût du chantier de Flamanville est désormais de 19 milliards d’euros, contre 3,3 milliards annoncés en 2006. ■

vaccins en cours de fabrication, explique Jean-Philippe Maurer, le patron du site. L’utilisation de ces équipements évite, en effet, d’avoir recours à d’énormes bioréacteurs. Ce qui permet de gagner de l’espace sur les lignes de production. Et du temps. Il faut une semaine pour nettoyer la grande cuve en inox d’un bioréacteur classique, au lieu de 24 à 48 heures avec ce type de machine. L’urgence consistait donc à « remédier à cette situation de vulnérabilité », a indiqué la ministre qui n’a pas communiqué le montant du soutien de l’État à ce projet. « Pour gagner cette bataille, il

faut avoir des outils industriels qui relèvent le défi de la production en masse de ces nombreux vaccins, a résumé de son côté Thierry Breton. Nous sommes ici pour préparer l’avenir de notre continent. » En se déplaçant en Alsace, Agnès Pannier-Runacher a également souhaité rappeler l’engagement du gouvernement à l’égard de la filière, désormais considérée comme stratégique. 250 millions d’euros ont été injectés par l’État en 6 mois dans 56 projets. Une enveloppe supplémentaire de 300 millions d’euros a été annoncée le mois dernier pour contribuer à la lutte contre le Covid. ■

Vaccins : Merck dope ses capacités de production en France Le laboratoire investit 25 millions d’euros dans son usine alsacienne d’ingrédients et de machines. KEREN LENTSCHNER £@Klentschner

SANTÉ C’est un investissement symbolique destiné à renforcer l’indépendance sanitaire de la France et de l’Europe dans la production à grande échelle de vaccins Covid. Alors que les laboratoires peinent à monter en cadence, l’allemand Merck va débourser 25 millions d’euros pour créer une nouvelle unité de production dans son usine alsacienne de Molsheim. Ce site, l’un des 8 de Merck en France, fournit les principaux fabricants de vaccins. Sur ce site, qui emploie 1 650 personnes, 350 emplois seront ainsi créés, dont 80 d’ici à la fin de l’année. L’annonce a été faite en grande

pompe mercredi en présence de la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, en première ligne sur les vaccins, et de Thierry Breton, commissaire européen, qui pilote la task force sur la production de vaccins à Bruxelles. Si Merck n’est pas un fabricant de vaccins, il participe dans l’ombre à l’effort des industriels en produisant des matières premières, lipides et autres équipements indispensables à leur fabrication. Or les tensions d’approvisionnement et les « goulots d’étranglements » se multiplient, freinant l’accélération de la production. « Cet investissement témoigne de la mobilisation des industries de santé depuis le début de la crise du Covid », s’est réjoui Agnès Pannier-Runacher. La ministre a

Sur le site de l’usine alsacienne Merck, à Molsheim, qui emploie 1 650 personnes, 350 emplois seront créés dont 80 d’ici à la fin de l’année. MERCK

évoqué un « projet stratégique qui participe au renforcement de notre autonomie » et « contribue à la réindustrialisation de la France en matière de santé ».

Indépendance sanitaire En clair, la nouvelle unité de production qui démarrera au second semestre sera dédiée à la fabrication d’équipements baptisés « Mobius ». Il s’agit de poches à usage unique en polyéthylène dans lesquelles la substance active des vaccins est fabriquée de façon stérile. Un produit qui fait l’objet d’une « demande imprévue et sans précédent » en raison des volumes de

Le plan de Fleury Michon pour détrôner le jambon Herta Le groupe vendéen se développe sur l’entrée de gamme. Il veut redevenir leader sur ce marché d’ici 3 à 5 ans.

13,5 % La part de marché de Fleury Michon sur le rayon jambon en France

OLIVIA DÉTROYAT £@Oliviader

AGROALIMENTAIRE Après le boom des ventes de charcuterie en grandes surfaces en 2020, Fleury Michon veut confirmer son retour de forme. Malmené ces dernières années, jusqu’à perdre sa place de leader dans les rayons jambon au profit de Herta, le groupe vendéen a réussi à se stabiliser l’an dernier. À côté d’une refonte de ses packagings, il a revu 50 % de son offre pour la diversifier et l’adapter aux différentes attentes des consommateurs. « On ne peut plus jouer unique-

ment la carte du bon. Et sur le drive, nous étions en retard », décrypte Jean-François Fournier, directeur général de l’offre libre service de Fleury Michon, qui pèse 660,7 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020 (+ 8,3 % sur un an). Dans un contexte où le pouvoir d’achat des Français est tendu, le groupe développe l’entrée de gamme en lançant « Simplement bon », une gamme 10 % moins chère au kilo que son offre jusque-là la plus économique (le supérieur). Pour les consommateurs plus engagés, il lance une gamme sans nitrites avec une couleur et une date de conservation similaires à

celle des recettes traditionnelles. Un moyen de corriger les défauts de ces produits, souvent grisâtres.

Cours du porc en baisse « Nous avons enfin fait des efforts sur les prix dans le bio, qui reste très cher », appuie le dirigeant. Le groupe assure avoir rogné sur ses marges et standardisé ses process pour ces offres AB plus accessibles. Dans ce contexte, le développement d’une offre bio « made in France » apparaît donc moins prioritaire. Le sourcing se fait globalement en Europe. Après un gain de 0,6 % de part de marché en 2020 sur le jambon (à

13,5 %), la marque espère que ces efforts accéléreront sa dynamique. «Le but est, dans les trois à cinq ans, de retrouver de la croissance rentable, ainsi que notre place de leader sur ces rayons du jambon cuit », précise Jean-François Fournier. La route est encore longue car Herta devance son dauphin de plus de 6 % de part de marché. L’accent mis par Fleury Michon sur le drive avec des investissements pour un meilleur référencement devrait contribuer à poursuivre la dynamique. Sous pression depuis deux ans à cause de la flambée des cours du

porc liés à l’épidémie de peste porcine en Chine, les marges du groupe en grande distribution pourraient enfin bénéficier de la forte décrue des cours depuis six mois. Mais le groupe, qui annoncera le 21 avril une perte nette autour de 30 millions d’euros pour 2020, reste prudent, dans un contexte où les négociations commerciales sont encore « très déséquilibrées avec la distribution ». Et où persiste la chute de ses activités de plateaux-repas et repas pour les compagnies aériennes (11 % de l’activité) fortement pénalisées par les restrictions sanitaires. ■

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jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

24 ENTREPRISES

Pour éviter le salariat, Uber offre un statut hybride à ses chauffeurs Le roi du VTC a décidé d’appliquer cette formule au Royaume-Uni. Il la promeut en Europe. Les « chauffeurs

Uber auront un salaire minimum, des congés payés et une pension de retraite

»

JAMIE HEYWOOD, DIRECTEUR GÉNÉRAL D’UBER POUR L’EUROPE DU NORD ET DE L’EST

JEAN-YVES GUÉRIN £@jyguerin

TRANSPORT Décidément, Uber surprend. Quand la Cour suprême du Royaume-Uni avait requalifié le 22 février ses chauffeurs en « workers », un statut de quasi-salariés, le roi du VTC avait minimisé la portée de cette décision. L’arrêt « concerne un petit nombre de chauffeurs qui ont utilisé l’appli en 2016 », expliquait un porte-parole du groupe. On comprenait alors que la plateforme ferait tout pour empêcher ses conducteurs de bénéficier de ce statut. Mardi soir, Uber a changé de pied. La société cotée à Wall Street a décidé d’appliquer cet arrêt dès mercredi à ses 70 000 chauffeurs au Royaume-Uni. « Les chauffeurs Uber auront un salaire minimum, des congés payés et une pension de retraite », a affirmé Jamie Heywood, directeur général du groupe pour l’Europe du Nord et de l’Est. Ainsi, ils seront assurés de gagner 8,72 livres (10,17 euros) par heure.

Une révolution, car c’est le premier pays où Uber accorde tant d’avantages à ses partenaires. Où il remet en cause le dogme selon lequel ses conducteurs seraient seulement des prestataires de services. Mais attention, au Royaume-Uni ses chauffeurs ne seront pas « employees ». Ils n’auront donc pas droit au congé maladie, aux indemnités de licenciement et au chômage. Bref, la plateforme accorde à ses chauffeurs en Angleterre un statut hybride. Plus tout à fait indépendant, pas complètement salarié. Si Uber fait des concessions sur le plan social, c’est que la pression est très forte. Dans beaucoup de pays occidentaux (États-Unis, Canada, France…), ses chauffeurs multiplient les procès pour bénéficier de tous les droits liés au salariat. Avec parfois des succès : ainsi, en France, la Cour de cassation a reconnu en mars 2020 que les chauffeurs Uber étaient des salariés. Même si seulement 400 d’entre eux ont entamé les procédures judiciaires pour bénéficier de ce

Un taxi Uber devant la gare de Birmingham. Le Royaume-Uni est le premier pays où Uber remet en cause le dogme selon lequel ses conducteurs seraient seulement des prestataires de services. DARREN STAPLES/REUTERS statut, la menace est réelle. D’autant plus que certains gouvernements vont dans ce sens : en Espagne, les livreurs en tous genres (Uber Eats, Deliveroo…) jusqu’ici autoentrepreneurs seront désormais considérés comme salariés. Si ce modèle se répandait, ce serait une catastrophe pour Uber, car ses coûts seraient significativement renchéris.

Toujours en pertes Pour ne pas en arriver là, le groupe propose donc une solution intermédiaire. Et ce n’est pas uniquement en Angleterre qu’il promeut cette approche. En Californie, où il réalise 9 % de son chiffre d’affaires mondial, il l’a mise en place fin 2020. Ses chauffeurs ont droit à un salaire minimum, mais ne sont pas

payés pendant leur temps d’attente entre deux courses. Ils bénéficient d’une couverture santé, mais pas de congé maladie ou d’indemnités chômage. Le groupe défend maintenant cette formule partout sur le Vieux Continent. « Nous sommes prêts à aller beaucoup plus loin partout en Europe, souligne son directeur général Dara Khosrowshahi. Mais cela doit être réalisé dans des cadres juridiques adaptés qui garantissent des standards minimaux pour les travailleurs indépendants sans nuire à la flexibilité. » Dans l’Hexagone, Uber voit d’un bon œil les recommandations de Bruno Metling. Chargé d’une mission sur les plateformes par le gouvernement, l’ex-DRH d’Orange parle de renforcer les droits des chauffeurs sans évoquer la notion

de salariat. « La task force Mettling a émis des propositions qui vont dans le bon sens, avec des règles claires autour de la représentation, explique-t-on chez Uber France. Nous sommes prêts à prendre toute notre part à ce dialogue social. Ces discussions permettront de mettre en place un socle de droits et protections universels pour les travailleurs indépendants, quelle que soit la plateforme qu’ils utilisent. » Reste une question pour l’instant sans réponse : Uber peut-il être rentable en accordant des avantageux coûteux à ses chauffeurs ou livreurs alors qu’il a toujours été dans le rouge depuis sa création ? En tout cas, après l’annonce mardi soir, le groupe n’avait pas modifié ses prévisions de résultat pour cet exercice. ■

ATR parie sur l’essor du fret et des liaisons régionales Le leader mondial des avions à hélices n’a livré que dix appareils en 2020, mais s’estime bien armé pour rebondir. VÉRONIQUE GUILLERMARD £@vguillermard

AÉRONAUTIQUE Comme tous les avionneurs, ATR, filiale à parité d’Airbus et de l’italien Leonardo, a subi le contrecoup de la crise du Covid-19. L’an dernier, le leader mondial des avions régionaux à hélices n’a livré que dix appareils, contre 68 en 2019. Et il n’a enregistré que trois commandes nettes contre 79 en 2019. « 2020 a été une année très difficile », a admis Stefano Bortoli, président exécutif d’ATR. L’entreprise a dû prendre des mesures d’adaptation. Ce qui s’est soldé par un plan social portant sur 204 suppressions de postes, dont 186 en France, sans

départs contraints, sur un effectif de 1 400 salariés. ATR a aussi aidé ses clients qui ont multiplié les reports de livraison. « Nos clients sont de petites compagnies régionales qui ont davantage de difficultés pour avoir accès aux banques et aux aides publiques », souligne Stefano Bortoli. Le constructeur a ainsi proposé des solutions de stockage des avions produits que les compagnies ne pouvaient pas venir chercher, en raison des quarantaines et des restrictions de voyages. Le constructeur a aussi proposé des solutions de conversion d’avions passagers en cargo. Malgré le choc de la crise sanitaire sur son activité - ATR n’a pas rendu public son chiffre d’affaires

2020 -, le constructeur reste confiant sur son avenir à long terme. Car tout au long de la crise, « la connectivité vitale offerte par le transport aérien régional, pour notamment les évacuations sanitaires et les livraisons de matériels médicaux, a rendu ATR plus attractif pour l’Europe et l’Amérique du Nord, tandis que les turbopropulseurs continuent à représenter la solution optimale pour des régions moins bien desservies, comme l’Asie, l’Amérique latine et l’Afrique, où les infrastructures terrestres ne constituent pas une option satisfaisante », insiste le président exécutif. Malgré la crise, neuf nouvelles compagnies ont commencé à exploiter des ATR et 84 nouvelles routes ont été ouvertes

liaisons « deLespoint

à point vont doubler entre des aéroports plus petits et moins fréquentés que les grands hubs

»

TEFANO BORTOLI, PRÉSIDENT EXÉCUTIF D’ATR

en 2020. À ce jour, 70 % de la flotte d’ATR est en service dans le monde.

Argument écolo Parmi les éléments encourageants pour « sortir plus fort de la crise », ATR se considère bien placé pour profiter de la reprise du trafic, qui bénéficiera d’abord aux liaisons intérieures. « Les liaisons de point à point vont doubler entre des aéroports plus petits et moins fréquentés que les grands hubs », souligne Stefano Bortoli. Pour les servir, ATR, qui prévoit un doublement de ses livraisons en 2021, avance aussi l’argument écolo. « Notre gamme, avec l’ATR 42 -600 et 72- 600, consomme 40 % de carburant en moins et émet 40 % de CO2 de moins qu’un jet régional », insiste-t-

HSBC France devrait être vendue au fonds Cerberus Le géant bancaire britannique se recentre sur l’Asie et cède une filiale en perte de vitesse.

« estLa vente

compliquée car nous ne vendons pas une filiale, mais des actifs et des passifs

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JEAN BEUNARDEAU, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE HSBC CONTINENTAL EUROPE

DANIÈLE GUINOT £@danieleguinot

BANQUE HSBC France est en passe de changer de main. Dix-huit mois après le lancement de son processus de cession, la banque a indiqué mercredi à ses salariés qu’elle allait entrer en négociations avec le fonds d’investissement américain Cerberus, confirmant une information du journal Les Échos. Cerberus est déjà propriétaire en France de My Money Bank (anciennement GE Money Bank.) Faisant état d’une « avancée », la direction explique dans un courrier interne que Le Figaro a consulté, « progresser dans les discussions, qui devraient durer encore quelques semaines ». « Lors d’une rencontre avec les représentants du personnel, la direction nous a indiqué que les négociations sont devenues quasiment exclusives, souligne Pascal Montmain, représentant syndical (CFDT) chez HSBC France. Elle

nous a également dit qu’en cas d’échec des discussions, HSBC serait prête à reprendre des négociations avec le fonds AnaCap. » Le fonds d’investissement britannique AnaCap, actionnaire en France de la banque Milleis (ex-Barclays en France) était le seul en lice avec Cerberus dans les enchères. Après plusieurs banques, un fonds d’investissement français dont le nom n’a pas été dévoilé, avait jeté l’éponge. Si les négociations entre Cerberus et HSBC aboutissent, le fonds d’investissement reprendra les activités de banque de détail du géant bancaire britannique (800 000 clients) et son réseau de 270 agences. Au total, 4 000 salariés seront concernés. L’assurance et la gestion d’actifs seront exclues de la corbeille de la mariée ; mais, en cas de cession, des accords de distribution de ces produits seraient signés entre HSBC et Cerberus. Les activités de banque de financement et d’investisse-

ment, les activités entreprises et celles de banque privée (au total, 4 500 personnes) resteront également dans le giron de HSBC.

Marque CCF relancée ? La reprise de l’activité en France pourrait se faire à un prix symbolique, avec une recapitalisation par HSBC d’au moins 500 millions d’euros, nécessaires pour financer sa restructuration. Un prix sans rapport avec les 11 milliards d’euros déboursés en 2000 par HSBC pour mettre la main sur le CCF. HSBC France est dans le rouge depuis quelques années. « Il y a une forte volonté des deux parties pour que l’opération se fasse », explique-t-on en interne chez HSBC. Cerberus aurait ainsi revu son offre en acceptant d’inclure dans l’opération la reprise totale du système informatique. Est-ce pour rassurer les clients et les salariés de la banque ? Le fonds d’investisse-

ment pourrait reprendre la marque CCF (vendue avec les activités de banque de détail), disparue en 2005, cinq après son rachat par HSBC. Il a aujourd’hui la préférence de représentants syndicaux. « C’est le candidat ayant la structure financière la plus importante pour porter le projet », estime Philippe Usciati, délégué syndical SNB chez HSBC. Spécialisé dans le secteur financier, Cerberus gère 50 milliards de dollars d’actifs et a multiplié les acquisitions en Europe ces dernières années. Il est très présent en Allemagne où il possède une participation dans les banques Commerzbank et Deutsche Bank ; en 2018, il s’est allié au fonds JC Flowers pour reprendre HSH Nordbank. La possible cession de HSBC France s’inscrit dans la stratégie du géant bancaire britannique, qui souhaite réduire ses coûts et renforcer son ancrage en Asie, où il génère l’essentiel de ses profits. ■

il. Et « nos avions sont certifiés pour voler avec un mélange de 50 % de carburants alternatifs ». Avec la version cargo de l’ATR 600, le groupe s’estime bien armé pour bénéficier « de la résilience du marché du fret aérien, dont les capacités sont appelées à doubler dans les vingt ans à venir ». Mais aussi pour profiter de la vague de renouvellement des flottes d’avions à hélices vieillissants, soit 900 appareils dans le monde. Enfin, la région Asie-Pacifique reste porteuse pour ATR, en particulier la Chine où la demande en turboprop devrait représenter 1 100 appareils dans les 20 prochaines années. Le groupe espère obtenir la certification de l’ATR 600 en Chine au premier semestre 2021. ■

EN BREF LE COÛT DE LA CRISE RÉÉVALUÉ À LA BAISSE £ « Entre les pertes de recettes et les dépenses que nous avons engagées pour faire face à la crise sanitaire, son coût (…) peut être estimé autour de 160 à 170 milliards d’euros » pour les finances publiques, a déclaré Olivier Dussopt, ministre en charge du Budget, au Sénat. Les dernières prévisions tournaient autour de 180 milliards.

LA GRÈCE EMPRUNTE £ La Grèce a levé mercredi 2,5 milliards d’euros par le biais d’une émission d’obligations à trente ans, la première de ce genre depuis 2008, avant le début de la débâcle de la crise de la dette qui avait frappé le pays.

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» Ces pistes pour inciter les ménages à rénover leur logement www.lefigaro.fr/economie

LE FIGARO

jeudi 18 mars 2021

TECH 25

Crosscall va équiper la gendarmerie et la police nationale avec ses smartphones Le fabricant tricolore remporte un appel d’offres historique pour 200 000 téléphones. Il est « possible

ELSA BEMBARON £@elsabembaron

de remettre en marche l’écosystème français

»

DAVID EBERLÉ, VICE-PRÉSIDENT DE CROSSCALL

TÉLÉPHONIE Cette fois, c’est la bonne ! Avec Orange, Crosscall a emporté l’appel d’offres lancé par la police nationale et la gendarmerie. Le fabricant français de smartphones va livrer 200 000 téléphones mobiles et 20 000 tablettes aux forces de l’ordre nationales. Une belle revanche pour le groupe qui s’était fait souffler le marché, il y a quatre ans, par Sony. Avec cette commande publique, qui sera livrée entre le dernier trimestre 2021 et le premier de 2022, Crosscall franchit une étape importante. Le Petit Poucet français de la téléphonie mobile devrait passer de 500 000 appareils vendus par an à 700 000. De quoi renouer avec la croissance, après une année 2020 « stable » à 81 millions d’euros. Le groupe espère passer le cap des 140 millions de revenus pour l’exercice en cours. Il pense aussi gagner en visibilité auprès du grand public, des entreprises et des politiques. Crosscall ne néglige aucune piste pour améliorer sa notoriété, dans un secteur dominé par des acteurs capables d’investir des dizaines de millions d’euros en mar-

La marque Crosscall, surtout connue des amateurs de sports en extérieur et des professionnels du bâtiment, est appréciée pour la solidité de ses appareils et leur durabilité. CROSSCALL keting. Le Français a beau disposer de 100 000 fans sur les réseaux sociaux, difficile de rivaliser avec les moyens marketing des leaders du marché.

Une durée de vie moyenne de 40 mois

Pour l’heure, la marque est surtout connue des amateurs de sports en extérieur et des professionnels du bâtiment. Elle est appréciée pour la solidité de ses appareils et leur durabilité. Ses smartphones affi-

chent une durée de vie moyenne de 40 mois. En outre, Crosscall a décroché un 8,8/10 à l’indice de réparabilité, une des meilleures notes du marché. Or plusieurs critères évalués dans l’appel d’offres des forces de l’ordre portaient sur la résistance de produits, leur capacité à encaisser des chocs, à résister à des chutes, à une immersion dans l’eau… L’autonomie de la batterie faisait aussi partie des points déterminants, au même titre que la capa-

cité à livrer des produits avec une version open source d’Android, sans surcouche fabricant. La sécurité logicielle est, en effet, cruciale pour les forces de l’ordre. Il faut ainsi éviter que les utilisateurs des terminaux puissent être tracés par des personnes malveillantes. La partie intégration revient à Orange. L’opérateur télécoms a embarqué Crosscall aux termes d’un premier processus de qualification. Il poursuit ainsi sa stratégie d’appui aux start-up

françaises en les intégrant à ses développements commerciaux. Crosscall joue, en effet, la carte tricolore, affirmant « offrir une alternative française à des acteurs non européens ». Même si pour l’heure, ses appareils sont encore fabriqués en Chine, comme l’essentiel des produits concurrents. Le Français commence néanmoins à « rapatrier des activités qui étaient externalisées en Asie », avec la mise en œuvre d’un laboratoire évolutif de recherche et développement, à Aix-en-Provence, à côté de son siège social. Le groupe veut relocaliser la conception des produits et le prototypage. Cette première étape est déjà enclenchée. Dans un deuxième temps, une ligne de reconditionnement sera ouverte, ce qui est aussi un moyen pour gagner en compétences dans le domaine de la fabrication. D’ici à quelques années, il espère pouvoir assembler des smartphones en France. « Ces différences étapes sont une façon de faire mûrir la filière », explique David Eberlé, vice-président de Crosscall. Une partie des composants continuera d’être importée, d’autres pièces pourront être fabriquées sur le territoire national, par exemple, celles en plastique injecté. « Il est possible de remettre en marche l’écosystème français », estime David Eberlé. Un point l’inquiète cependant : la difficulté à trouver de la main-d’œuvre qualifiée et notamment des développeurs en France ! ■

La pénurie de semi-conducteurs pénalise encore l’automobile Honda arrête pour une semaine sa production en Amérique du Nord. Les équipementiers sont pointés du doigt.

véhicules

pourraient ne pas être produits par Renault en 2021 à cause de la pénurie de semi-conducteurs

EMMANUEL EGLOFF £@eegloff

AUTOMOBILE La situation ne s’améliore pas sur le front de l’approvisionnement en semi-conducteurs pour les constructeurs automobiles. Mercredi, le japonais Honda a été contraint d’annoncer la suspension de la production de ses 5 usines en Amérique du Nord pendant une semaine. « Toutes nos usines automobiles aux États-Unis et au Canada seront touchées, avec une suspension temporaire de la production au cours de la semaine du 22 mars », a précisé un porteparole du constructeur. Et de justifier ces arrêts de production par « un certain nombre de problèmes sur la chaîne d’approvisionnement liés à l’impact du Covid-19, à la co-

gestion dans les ports, à la pénurie de semi-conducteurs et aux intempéries hivernales ». Honda n’est pas le seul constructeur touché par la pénurie de puces. Les géants General Motors et Ford ont également annoncé des suspensions de production en Amérique du Nord. Et l’Europe est également affectée. Apparues fin 2020, les perturbations dans l’approvisionnement en puces ne s’améliorent pas. L’industrie des semi-conducteurs a réduit sa production lors des confinements généralisés du premier semestre 2020. Et le rebond de la demande n’a pas été anticipé. Le secteur auto en pâtit particulièrement, même s’il n’est pas le seul. L’impact sur la production mondiale sera significatif. « Par rapport à l’offre de puces, sur la

base de facteurs connus aujourd’hui, nous anticipons le pic de la pénurie de puces vers la fin du mois de mars », anticipent les analystes d’IHS Markit. Une prévision confirmée par Renault lors de la publication de ses résultats 2020.

Un premier semestre très difficile

« À ce stade, nous prévoyons un manque à gagner portant sur un million de véhicules dans le monde au premier trimestre », va jusqu’à estimer IHS Markit. Avec de lourdes conséquences financières. General Motors les évalue entre 1,5 et 2 milliards de dollars sur son résultat d’exploitation annuel. Soit environ 10 % de ce dernier. La marque au losange estime pour sa part qu’elle pourrait être empê-

LA SÉANCE DU MERCREDI 17 MARS

LE CAC

JOUR

AIR LIQUIDE ........................... 135,5 AIRBUS .............................................. 101 ALSTOM ..............................................41,92 ARCELORMITTAL SA ........................... 22,345 ATOS .............................................. 63,68 AXA .............................................. 22,445 BNP PARIBAS ACT.A ........................... 51,68 BOUYGUES .............................................. 34,27 CAPGEMINI .............................................. 142 CARREFOUR .............................................. 14,43 CREDIT AGRICOLE ...........................12,17 DANONE ..............................................59,84 DASSAULT SYSTEMES ........................... 177,4 ENGIE .............................................. 12,07 ESSILORLUXOTTICA ........................... 134,55 HERMES INTL ........................... 981,8 KERING ..............................................604,3 L'OREAL ..............................................326 LEGRAND ..............................................75,62 LVMH .............................................. 568,2

%VAR.

0 -0,77 -1,64 -2 -1,67 -0,73 +0,96 -0,64 -1,73 -0,99 +0,45 +0,2 0 -0,33 -1,72 +0,7 +0,27 +0,8 -1,05 +1,41

+HAUTJOUR

+BAS JOUR %CAP.ECH 31/12

135,85 102,6 42,7 22,815 65,22 22,68 52,68 34,64 144,95 14,61 12,33 60,14 178,15 12,17 136,9 984,8 609,3 326,4 76,5 569,2

134 100,96 41,8 22,27 63,54 22,39 51,2 34,12 141,5 14,375 12,11 59,34 175,9 12,015 134,55 962,2 598,1 322 75,32 558,9

0,166 0,182 0,357 0,672 0,599 0,187 0,344 0,263 0,313 0,297 0,173 0,189 0,1 0,22 0,129 0,054 0,139 0,057 0,23 0,06

+0,93 +12,5 -10,06 +18,35 -14,84 +15,03 +19,89 +1,84 +11,99 +2,85 +17,93 +11,31 +6,77 -3,59 +5,49 +11,62 +1,67 +4,89 +3,59 +11,22

JOUR

MICHELIN .............................................. 127,05 ORANGE ..............................................10,445 PERNOD RICARD ...........................162,5 PUBLICIS GROUPE SA ..................... 52,04 RENAULT .............................................. 39,635 SAFRAN .............................................. 123,6 SAINT GOBAIN ........................... 48,35 SANOFI ..............................................81,82 SCHNEIDER ELECTRIC ..................... 126,35 SOCIETE GENERALE ........................... 21,96 STELLANTIS NV ........................... 14,94 STMICROELECTRONICS ..................... 30,56 TELEPERFORMANCE ........................... 303,7 THALES ..............................................84,76 TOTAL .............................................. 40,61 UNIBAIL-RODAMCO-WE ..................... 72,58 VEOLIA ENVIRON. ........................... 22,61 VINCI .............................................. 91,52 VIVENDI ..............................................28,03 WORLDLINE .............................................. 72,68

%VAR.

+2,25 +0,48 +0,37 +2,6 +3,1 -1,2 +0,54 -1,1 -0,55 +1,34 +1,41 -0,78 -0,75 -0,42 -0,38 -1,31 -1,74 -0,02 +1,37 -1,76

+HAUTJOUR +BAS JOUR

127,05 10,47 163,15 52,32 39,975 125 48,68 83 127,05 22,045 14,962 30,9 308,7 85,32 40,86 74,02 23,1 91,72 28,03 74,24

124,1 10,335 161,9 50,72 38,54 123,25 47,83 81,58 125,65 21,58 14,65 30,14 302,3 84,4 40,01 71,32 22,61 90,6 27,62 72,64

%CAP.ECH

0,346 0,241 0,103 0,469 0,554 0,162 0,239 0,145 0,124 0,48 0,388 0,287 0,208 0,118 0,27 0,684 0,198 0,164 0,166 0,237

31/12

+21,06 +7,3 +3,64 +27,67 +10,84 +6,6 +28,93 +3,96 +6,8 +29,01 +16,33 +0,92 +11,94 +13,16 +15,04 +12,39 +12,99 +12,49 +6,25 -8,12

LES DEVISES

chée de produire 100 000 véhicules en 2021, y compris en tenant compte d’un éventuel rattrapage en deuxième moitié d’année. Ce qui représente 3 % à 4 % d’une production normale. Le premier semestre sera sans doute très difficile en termes de production. Le groupe français gère au plus près ses stocks, avec des arrêts perlés pour usines. Cette semaine, les sites hexagonaux de Flins, Douai et Maubeuge vont ainsi cesser leur production pour une journée. Stellantis (ex-PSA) est également touché. Mardi 16 mars, le site historique de Sochaux a été totalement à l’arrêt, pour la première fois depuis le début de la crise. Mulhouse ou Rennes ont également été affectés cette semaine.

MONNAIE

AUSTRALIE ................................................................................ DOLLAR AUSTRALIEN CANADA ................................................................................ DOLLAR CANADIEN GDE BRETAGNE ................................................................................ LIVRE STERLING HONG KONG ................................................................................ DOLLAR DE HONG KONG JAPON ................................................................................ YEN SUISSE ................................................................................ FRANC SUISSE ETATS-UNIS ................................................................................ DOLLAR TUNISIE ................................................................................ DINAR TUNISIEN MAROC ................................................................................ DIHRAM TURQUIE ................................................................................ NOUVELLE LIVRE TURQUE EGYPTE ................................................................................ LIVRE EGYPTIENNE CHINE ................................................................................ YUAN INDE ................................................................................ ROUPIE ALGERIE ................................................................................ DINAR ALGERIEN

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dernier mois d’exploitation complet avant que le Covid-19 ne paralyse le trafic. Dans le détail, les aéroports de RoissyCharles de Gaulle (CDG) et Orly ont vu passer moins de 1,3 million de passagers le mois dernier (800 000 pour CDG et 463 000 pour Orly), ce qui représente des chutes respectives de 84,2 % et 79,3 %, selon ADP. Le trafic vers la France métro-

AUD CAD GBP HKD JPY CHF USD TND MAD TRY EGP CNY INR DZD

L’OR

JOUR

VEILLE

31/12

COTATION QUOTIDIENNE ASSURÉE PAR LOOMIS-CPOR www.cpordevises.com LINGOT DE 1KG ENV ..................................................... 46880 46500 -6,24 NAPOLEON ..................................................... 281,9 282 -7,54 PIECE 10 DOL USA ..................................................... 855 855 -4,47 PIECE 10 FLORINS ..................................................... 299,8 299 -7,61 PIECE 20 DOLLARS ..................................................... 1655 1650 -5,43 PIECE 20F TUNISIE ..................................................... 285 285 -10,09 PIECE 5 DOL US (H) ..................................................... 410 410 -9,89 PIECE 50 PESOS MEX ..................................................... 1819,75 1782,25 -6,68 PIECE FR 10 FR (H) ..................................................... 162 159 -2,94 PIECE SUISSE 20F ..................................................... 282 280,2 -5,97 PIECE LATINE 20F ..................................................... 279,9 279,9 -8,23 SOUVERAIN ..................................................... 355 352,2 -6,33 KRUGERRAND ..................................................... 1582,75 1500 -5,49

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LE TITRE ADP SOUFFRE D’UN TRAFIC QUI FAIBLIT ENCORE PLUS DANS LES AÉROPORTS PARISIENS Le trafic des aéroports parisiens ne cesse de dégringoler. Il a encore faibli en février avec une chute du nombre de passagers de 82,7 % sur un an, a annoncé leur gestionnaire, le groupe ADP. Cette dégringolade marque une nouvelle aggravation de la tendance par rapport à celle de janvier (- 73,5 %) et de toute l’année 2020 (- 69,4 %). Février 2020 avait constitué le

1 EURO=

1,5427 1,4852 0,8567 9,2476 130,02 1,1047 1,1907 3,273 11,103 8,9498 18,74 7,7435 86,429 159,33

Parmi les grands constructeurs, Toyota est l’un des rares à être épargné. Il l’a affirmé le 10 février dernier. L’inventeur de la production « juste à temps » a en effet constitué des stocks de 1 à 4 mois de production pour les semi-conducteurs. Pour sa part, Volkswagen, qui a été l’un des premiers en décembre dernier à prévenir des difficultés à venir, n’a pas hésité à mettre en cause ses équipementiers pour justifier la pénurie. « Les constructeurs diversifient leurs équipementiers de rang 1, explique un bon connaisseur du secteur automobile. Mais ils se sont rendu compte que ces équipementiers s’approvisionnent parfois tous chez le même fournisseur. » Une fois la crise passée, il va falloir en tirer les enseignements. ■

politaine est celui qui résiste le mieux (- 66,4 %), celui vers l’Europe chute de 87,9 % tandis que le trafic international, incluant les vols vers l’outre-mer se replie de 83,5 %. Les liaisons vers l’Asie-Pacifique et l’Amérique du Nord s’effondrent de près de 92 % et celles vers l’Afrique s’érodent un peu moins, de 77,3 %. ADP, qui gère une vingtaine d’aéroports dans le

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monde, d’Amman à Santiago du Chili, a vu en février son trafic total baisser de 67,5 %, une légère aggravation de 0,4 point par rapport à janvier. Le groupe, qui a perdu 1,17 milliard d’euros en 2020, déclare pourtant pouvoir envisager 2021 « sereinement » grâce à une trésorerie stabilisée, au prix d’une chasse aux coûts drastique. Les

compagnies et les aéroports misent désormais sur la progression des campagnes de vaccination et la mise en place de certificats sanitaires, évitant des quarantaines, pour relancer le secteur. La saison estivale sera cruciale pour le transport aérien. Le titre ADP a cédé 1,8 % mercredi, à 108,20 euros, et il perd un peu plus de 11 % sur un an. ■

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jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

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MÉDIAS et PUBLICITÉ

Apple échappe à une première sanction de l’antitrust français

EN BREF LA CNIL ENQUÊTE SUR LE RÉSEAU CLUBHOUSE £ À la suite d’une plainte, la Commission nationale de l’informatique et des libertés enquête sur la plateforme américaine Clubhouse, qui permet à ses membres de discuter dans des salons en audio. Le gendarme français des données veut savoir si l’application respecte bien le règlement général sur la protection des données et ne porte pas atteinte à la vie privée.

L’Autorité de la concurrence refuse la saisine et continue d’instruire le cas de la pub en ligne.

MEDIAWAN LANCE SON SERVICE EXPLORE SUR L’APPLE TV

ELSA BEMBARON £@elsabembaron

PUBLICITÉ L’Autorité de la concurrence vient d’infliger une douche froide aux acteurs de la publicité en ligne. Saisie par plusieurs associations représentant les différents acteurs du secteur, l’Autorité a annoncé mercredi matin qu’elle « rejette la demande de mesures conservatoires ». Mais elle poursuit l’instruction sur le fond du dossier. Le bras de fer avec le géant américain est loin d’être terminé. L’antitrust français a été saisi en octobre par plusieurs associations dont l’IAB, l’Udecam ou le Syndicat des régies internet (SRI). Ils craignent que de nouvelles mesures mises en place par Apple ne fassent chuter l’efficacité des publicités ciblées, en poussant les consommateurs à les refuser. Cette baisse se traduirait par un recul des revenus liés à la publicité ciblée. L’inquiétude est née des annonces

faites par la marque en juin 2020. Lors de sa conférence annuelle pour les développeurs, Apple a dévoilé une nouvelle fonctionnalité intégrée à la dernière version du système d’exploitation des iPhone iOS14 : l’App Tracking Transparency (ATT). La marque avait alors décidé de faire apparaître une fenêtre lors de l’installation d’une application, demandant le consentement du consommateur pour l’utilisation de ses données personnelles à des fins publicitaires, avec l’installation de cookies et de

La plainte recevable de France Digitale La Cnil va instruire la plainte de France Digitale. L’association, qui représente 2 000 start-up françaises, a déposé plainte le 9 mars contre Apple. Cette procédure fait écho à celle déposée auprès de l’autorité de la concurrence. France Digitale reproche à l’américain certaines pratiques publicitaires qui ne seraient pas conformes aux règles

européennes sur la protection des données personnelles. Dans le détail, l’organisation estime qu’Apple fait de la « self preference », en appliquant aux éditeurs tiers d’applications des règles plus strictes que celles qui prévalent à l’utilisation de ses propres applis. Une notion que les régulateurs doivent intégrer à leurs analyses. E. B.

cookies tiers. Devant la levée de boucliers, Apple avait repoussé la mise en place de l’ATT.

Adapter le droit de la concurrence

L’Autorité de la concurrence a analysé les pratiques d’Apple qui « se présente en champion de la vie privée de ses utilisateurs », rappelle Isabelle de Silva, la présidente de l’Autorité. Elle a ainsi pris en compte le fait que, dès 2005, « la marque a décidé de permettre de bloquer les cookies par défaut sur son navigateur Safari ». Elle a aussi demandé un avis à la Cnil. La Commission nationale informatique et liberté a estimé qu’il était possible à Apple de rajouter un dispositif de consentement sans être contraire aux règlements européens, le RGPD et e-Privacy. « Ce type d’approche est même favorable pour aider les consommateurs à maîtriser ses données », mentionne Isabelle de Silva. Toutefois, l’Autorité n’est « pas naïve ». Elle va instruire le dossier sur le fond. « Nous devons adapter le droit de la concurrence à la réalité nouvelle, liée aux plateformes

Plusieurs associations ont saisi l’antitrust français car elles craignent que de nouvelles mesures mises en place par Apple ne fassent chuter l’efficacité des publicités ciblées, en poussant les consommateurs à les refuser. LUCAS JACKSON/REUTERS

structurantes », souligne Isabelle de Silva, reconnaissant à Apple sa « position dominante ». «Ce dernier point est déjà une avancée », souligne Nicolas Rieul, président de l’IAB France, appelant à « une évolution de la législation européenne ». Pour lui, le dossier est loin d’être clos. L’Autorité de la concurrence doit encore se prononcer sur des points cruciaux, dont le « self preference », politique consistant à ne pas s’appliquer les mêmes conditions qu’aux autres. En l’occurrence, l’IAB reproche à Apple de collecter les données de consommateurs pour son propre compte et de refuser aux autres de le faire. « Au final, dans ce dossier, on passe pour ‘‘les méchants’’», déplore Nicolas Rieul. ■

£ La société de production inaugure ce jeudi Explore, un service de streaming 100 % dédié au documentaire. Disponible en France, mais aussi en Suisse, en Belgique et au Luxembourg sur l’Apple TV, cette nouvelle plateforme va proposer plus de 500 heures de documentaires à la demande, dont Coronation, réalisé par l’artiste chinois Ai Weiwei et tourné à Wuhan, ou encore Air Jordan : l’histoire d’une basket culte. Ce nouveau service sera accessible sur abonnement, au prix de 4 euros par mois.

GOOGLE BAISSE SA COMMISSION POUR CERTAINES APPLIS £ Emboîtant le pas à Apple, Google réduira à 15 % la commission prélevée sur les applications réalisant moins de 1 million de chiffre d’affaires annuel au sein de son magasin Google Play Store.

L’Assemblée s’attaque au piratage des contenus sportifs Le fléau fait perdre 100 millions d’euros par an.

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SPORT Avec un an de retard, en raison de la crise sanitaire, l’Assemblée se penche enfin sur la problématique du piratage des contenus sportifs. La Chambre des députés étudie cette semaine en séance publique la proposition de loi LREM sur le sport, dont un volet est consacré à la lutte contre le streaming illégal des contenus sportifs. Concrètement, il s’agit de durcir l’arsenal juridique en vigueur. L’idée consiste à permettre aux ayants droit ainsi qu’aux chaînes de télévision de déclencher une procédure judiciaire « dynamique » pour « le blocage, le retrait ou le déréférencement des sites retransmettant illégalement une compétition sportive diffusée en direct », indique l’article 10 de la proposition de loi. En outre, l’autorité judiciaire « pourra ordonner le blocage de sites contrefaisants pour toute la durée d’une compétition, dans la limite de douze mois ». Il y a urgence à renforcer les moyens de lutter contre le piratage. Ces dernières années, le phénomène a explosé. Les sites de streaming diffusant illégalement des matchs de foot pullulent et les boîtiers IPTV qui, moyennant une cinquantaine d’euros, donnent accès à toutes les chaînes qui retransmettent du football se sont démultipliés. L’Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet) évalue à plus de 3 millions les personnes qui consomment des programmes sportifs illégalement en streaming. Un chiffre en augmentation de 28 % l’an dernier. De son côté, Médiamétrie estimait à 626 000 en moyenne, le nombre de téléspectateurs pirates lors de chaque journée

de Ligue 1 de foot en 2020. Les raisons de cette flambée sont diverses. La fragmentation de l’offre qui oblige à multiplier les abonnements ou les changements de diffuseurs tous les quatre ans, qui déroutent les consommateurs, expliquent en grande partie le choix des amateurs de sport de se tourner vers le piratage.

Appel d’offres du foot au plus tard en juin

Ces pratiques illicites ont pourtant de lourdes conséquences financières. Selon les diffuseurs et les détenteurs de droits, elles feraient perdre au secteur 500 millions d’euros par an. L’Hadopi parle plutôt d’une centaine de millions évaporés. Dans un récent rapport parlementaire, Canal+ assurait que le piratage en général privait la chaîne d’environ 500 000 abonnés. Les détenteurs de droits et les diffuseurs ne sont pas les seuls à subir un préjudice économique. L’État, lui aussi, a tout intérêt à mettre un tour de vis puisque le piratage lui fait perdre à la fois des recettes fiscales et sociales. Pour le football français, sport le plus piraté, le sujet est crucial. Son financement repose principalement sur la revente des droits TV. Or, plus le visionnage illicite des matchs s’accroît, moins ces droits TV ont de valeur. Ils sont en partie démonétisés, faute d’être exclusifs. Un renforcement de l’arsenal juridique constituerait une avancée bienvenue pour la Ligue de football professionnel. Mise à mal par le fiasco de Mediapro, l’instance doit relancer les discussions de gré à gré avec les diffuseurs pour les droits TV des saisons 2021-2024. Et le temps presse. « La date limite, c’est le mois de juin », a déclaré le président de Lyon, Jean-Michel Aulas. ■

L’Hadopi « (Haute

Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet) évalue à plus de 3 millions les personnes qui consomment des programmes sportifs illégalement en streaming

»

jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO - N° 23 817 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

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ENTRE MARS ET MAI 1871, L’INSURRECTION PARISIENNE NÉE DE LA SIGNATURE DE L’ARMISTICE DONNAIT LIEU À DES VIOLENCES, DES DESTRUCTIONS ET UNE SANGLANTE RÉPRESSION. 150 ANS APRÈS, SON SOUVENIR DIVISE ENCORE. PAGES 28, 29 ET 30

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es passants n’ont pu la rater, cette grande toile tendue rue de la Paix la semaine dernière, pour couvrir les travaux du magasin Cartier. Tel un décor de théâtre géant, elle reproduit l’exact visage de la façade historique. Chez le joaillier et JCDecaux, on parle d’ailleurs de « scénographie urbaine », et un décorateur de spectacles a planché sur le dossier. Pour l’installer, quatre alpinistes encordés sont montés au sommet des échafaudages avant de dérouler ces mètres de bâche ultrarésistante et microperforée camouflant le chantier (qui avance largement sur la rue) tout en laissant entrer la lumière à l’intérieur pour les ouvriers. La toile a été imprimée de murs en pierres de taille, d’un toit en zinc et de vingt-sept fenêtres et chiens-assis. Les huisseries ont, elles, été habillées de moulures d’encadrement en po-

lystyrène peint à la main imitant le bois et équipées de garde-corps en aluminium doré et de stores en tissu rouge. Les corniches et les chéneaux viennent parfaire l’illusion, tandis que les fenêtres seront bientôt rétroéclairées la nuit pour donner plus de relief à l’ensemble. Au rez-de-chaussée de ce vrai-faux hôtel particulier, les façades de marbre ont également été reproduites sur des plaques d’aluminium imprimées et un passage couvert le long du trottoir guide les passants devant quelques vitrines remplies des fameuses boîtes rouges et de la panthère.

fait partie du patrimoine parisien, raconte Corinne Le Foll, directrice générale France de la marque. Sa rénovation est ambitieuse, durera deux ans.

Nous voulions continuer à faire vivre ce lieu durant la fermeture et profiter de l’occasion pour nous adresser différemment à nos clients et aux Parisiens. »

Un chantier titanesque de deux ans Le résultat se distingue des grandes bâches publicitaires qui fleurissent partout dans Paris en ce moment. « Le “13 Paix” est notre adresse emblématique, ouverte en 1899 par Louis Cartier lui-même. Cet hôtel particulier est fondateur dans l’histoire de la maison et

La toile a été imprimée de murs en pierres de taille, d’un toit en zinc et de vingt-sept fenêtres et chiens-assis.

À l’intérieur, les travaux sont titanesques. Tout l’immeuble a été désossé, jusqu’au toit qui a été retiré. La base du chantier accueille la cinquantaine d’ouvriers présents chaque jour. « De tels travaux, par définition sales et poussiéreux, ne sont pas un spectacle réjouissant, souligne Isabelle Schlumberger, directrice générale de JCDecaux. Dans des sites parisiens remarquables, comme la rue de la Paix, haut lieu de l’histoire du luxe français, l’habillage est un geste noble. Ce projet avec Cartier a mobilisé une vingtaine de métiers différents, des designers aux ingénieurs, en passant par des artisans d’art. » Ce trompe-l’œil devra tenir deux ans, contre vents et tempêtes. Des équipes de JCDecaux passent quasi quotidiennement pour s’assurer que le chantier reste propre à l’extérieur et l’habillage, impeccable. Une gageure, au vu du défilé, toute la journée, de camions déposant des plaques de fers à béton et ressortant chargés de kilos de gravats. ■

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jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

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L'ÉVÉNEMENT

Vue générale du parc d’artillerie de la Butte Montmartre, le 18 mars 1871. Jour où Adolphe Thiers, président exécutif, ordonne de saisir ces pièces d’artillerie pour défendre Paris (à gauche).

FAUT-IL COMMÉMORER OU PAS LA RÉVOLTE DE PARIS EN 1871 ? UN SIÈCLE ET DEMI APRÈS, CET ÉPISODE CLAIRE BOMMELAER [email protected]

E

lle a beau avoir 150 ans, la Commune de Paris suscite toujours les passions, et sa mémoire reste conflictuelle. En février, au Conseil de Paris, la mise au vote d’une subvention à l’association les Amis de la Commune, destinée aux événements imaginés par la mairie autour de cet anniversaire, a provoqué une passe d’arme entre la majorité et

l’opposition. Tandis que Laurence Patrice, adjointe PC chargée de la mémoire, proposait de célébrer « la révolution la plus moderne » qui soit, elle s’est attiré les foudres de Rudolph Granier, élu LR dans le 18e arrondissement – lequel a estimé qu’on ne devait pas « danser au son des meurtres et des incendies ». « Il y a plusieurs Commune, un versant généreux et patriotique, mais aussi un autre visage, plus sombre de crimes et de violence », a abondé le conseiller de Paris LR David Alphand, réclamant un « droit d’inven-

taire » pour ces 72 jours qui ont ébranlé Paris. Un mois et demi plus tard, ces derniers sont conviés à ce qui ressemble bien à des célébrations. À partir d’aujourd’hui et jusqu’au 28 mai, un « hommage aux communard-e-s militant.e.s, mais aussi aux anonymes du peuple parisien qui se sont mobilisé.e.s pour la création de la Commune de Paris » va démarrer dans la capitale. Il s’ouvrira sur une exposition « Nous la Commune ! » dans le square Louise-Michel (18e). S’y ajouteront des pièces de

théâtre immersives, des conférences, des visites guidées sur des lieux historiques. Le 2 avril prochain, si la situation sanitaire le permet, le procès de Louise Michel sera évoqué sur le parvis et dans la salle des fêtes de l’hôtel de ville.

« Révisionnisme heureux » Face à ce programme, il est difficile de savoir si les Parisiens mordront à l’hameçon, tant cet épisode sanglant de 1871 est mal connu. Mais la mairie de Paris espère mettre en avant l’héritage de cette révo-

AFP, ©BRIDGEMAN IMAGES/LEEMAGE

Plutôt que de rendre Paris, les communards, poussés dans leur retranchement, commencent à incendier Paris, le 23 mai 1871. L’Hôtel de ville, le palais des Tuileries, la Légion d’honneur, le Conseil d’État et la Cour des comptes seront ravagés par les flammes (à droite).

150 ANS DE LA COMMUNE : L’ANNIVER

Biblio

DU REFUS DE L’ARMISTICE À LA SEMAINE SANGLANTE, 72 JOURS

« La Commune de Paris 1871. Les acteurs, l’événement, les lieux » Un ouvrage collectif qui a mobilisé une trentaine de chercheurs autour de Michel Cordillot avec la volonté de rassembler les connaissances sur le sujet. Avec plus de 600 illustrations à la clé. Les Éditions de l’Atelier, 1 440 p., 34,50 €.

JACQUES DE SAINT VICTOR

EXPRESS

« La Commune de 1871 expliquée en images » Un nouveau volume de cette excellente collection destinée aux plus jeunes. L’historienne Laure Godineau répond aux questions de son fils et revient de manière didactique sans pour autant être sentencieuse sur les fondements de l’insurrection, la chronologie des faits, éclairant au passage la riche iconographie qu’a laissée cet événement. Seuil, 160 p., 29 €. « Le Brasier. Le Louvre incendié par la Commune » Actes Sud réédite au format poche le très prenant récit de Nicolas Chaudun sur la Commune racontée à travers le gigantesque incendie qui frappa les hauts lieux de la capitale. Actes Sud, « Babel », 208 p., 7,70 €.

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« Tableaux de siège » Le cri d’effroi de Théophile Gautier, dans une édition établie par Michel Brix. Bartillat, 285 p., 20 €.

Faut-il ou non commémorer la Commune ? La question s’était déjà posée en 1971, pour les cent ans de l’événement, et, à l’époque, la réponse avait divisé la classe politique, comme elle semble le faire encore aujourd’hui. Le Figaro du 19 mars 1971 s’était félicité du silence des autorités car la Commune de Paris continuait à susciter une vive opposition mémorielle, certains insistant sur ses exactions fiévreuses et ses incendies, tandis que d’autres rappelaient, non sans raison parfois, l’originalité de certains de ses projets de réforme, et la répression féroce menée par les troupes versaillaises. Mais qu’est-ce exactement que cette « Commune de Paris » qui n’a été qu’un feu de paille dans l’histoire du monde, du 18 mars au 28 mai 1871, mais dont le souvenir continue à hanter les mémoires ? Est-ce la « dernière scène de la révolution », comme le prétendait François Furet ? Ou au contraire, comme l’a laissé entendre Marx dans La Guerre civile en France, une répétition générale pour les révolutions à venir ? C’est le 28 mars que la Commune de Paris est officiellement proclamée mais la date la plus célèbre est celle du 18 mars. Ce jour-là, vers 3 heures du matin, la troupe a reçu l’ordre d’Adolphe Thiers, nommé le 17 février chef de l’exécutif, de s’emparer des 271 canons de la Garde nationale rangés sur la butte Montmartre. Les accords d’armistice négociés par Jules Favre avaient laissé à cette garde, distincte de l’armée, la liberté de conserver son armement. Animés d’un patriotisme ardent, les gardes nationaux ne veulent pas de paix avec les Prussiens. Le mot d’ordre des Parisiens depuis le mois d’octobre est : « Pas d’armistice ! » Or le gouvernement s’apprête à signer la paix avec le nouvel empire allemand (qui vient

d’être proclamé à Versailles, dans la galerie des Glaces, le 18 janvier 1871) en sacrifiant l’Alsace et la Moselle. Le 17 mars, dans une proclamation aux « Habitants de Paris », Thiers avait accusé les meneurs de la Garde d’être des hommes de désordre. Mais sa manœuvre du 18 tourne à l’émeute. Les Parisiens qui se lèvent tôt pour partir au travail se dressent contre les soldats, les empêchant de s’emparer des canons. Le général Lecomte, commandant la troupe, donne l’ordre de tirer sur la foule mais ses soldats pactisent avec les faubouriens et il sera même tué par ses hommes, comme le général Clément-Thomas.



L a République sera conservatrice ou ne sera pas



ADOLPHE THIERS, CHEF DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE

Le redoutable « Monsieur Thiers », que les esprits de l’époque surnomment « Tom Pouce », en raison de sa petite taille, mais surtout « Foutriquet », tant son cynisme redoutable rivalise avec son implacable volonté, comprend très vite que l’émeute va lui permettre de sauver la République, menacée par une France qui vient d’élire en février une Assemblée majoritairement monarchiste. Dès lors, les communards vont être les jouets d’une partie qui, au fond, les dépasse. C’est Paris contre le reste de la France, notamment Versailles, la ville des rois, où l’Assemblée a décidé de s’établir le 10 mars. Plus la Commune se radicalisera, plus elle profitera à Thiers et aux républicains de Versailles qui vont au fond la pousser avec machiavélisme vers la Terreur de 1794 plutôt que vers le « printemps des peuples » de 1848. Ro-

bespierre plutôt que Lamartine. Thiers sait que l’avenir même du régime se joue en ces heures sombres. D’où son mot célèbre : « la République sera conservatrice ou ne sera pas ». La partie était délicate pour lui. Car la Commune se voulait à ses débuts une « République sociale », plus proche de « l’esprit de fraternité » de 1848 que de l’esprit sanglant de l’an I. Le peintre Gustave Courbet, ardent communard, en résumait l’esprit : « Ce que nous représentons, c’est le temps qui s’est passé de 93 à 71 ». Les projets des communards sont parfois novateurs : une politique sociale (suspension de toutes poursuites pour loyers non payés), l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes, la création des crèches, la séparation de l’Église et de l’État, déjà établie en 1794, avec une laïcisation poussée (suppression des croix, des statues, des icônes religieuses). À la place de la religion – et parce que la commune n’ignore pas que l’Homme a besoin de

transcendance –, un soin particulier est accordé à l’Art. Une « Fédération des artistes » est mise sur pied avec Courbet comme figure de proue. Elle a ses obsessions. Le décret du 12 avril décide d’abattre la colonne Vendôme, « monument de la barbarie, symbole de force brutale (…) insulte permanente des vainqueurs aux vaincus ».



Nous brûlerons toutes les baraques des riches

ANNE-MARIE MENAND, PARTICIPANTE À LA COMMUNE DE PARIS



Contre cette utopie en acte, Thiers va jouer de toutes les ruses que lui offre non seulement sa force – il dispose de la neutralité que Bismarck lui a accordée pour mater la mutinerie parisienne – mais surtout il va savoir jouer de la maladie infantile du « gauchisme » qui s’exprime déjà dans toute sa radicalité : la surenchère purificatrice et la divi-

Exécution de communards au jardin du Luxembourg pendant la Semaine sanglante, du 22 au 28 mai 1871. LEEMAGE VIA AFP

LE FIGARO

HISTORIQUE COMPLEXE CONTINUE D’ÊTRE DÉBATTU. lution dans la période actuelle. « Notre sujet, c’est les valeurs qui furent portées en 1871 et qui sont encore d’actualité aujourd’hui », expliquait Laurence Patrice, lors de sa présentation à la presse. Ne craignant pas l’anachronisme, l’élue met en avant la question des femmes, celle de la laïcité, la place des étrangers citoyens ou même celle du logement – avancées sociales censées avoir puisé leurs racines dans la Commune. « Les ‘‘gilets jaunes’’ n’étaient pas très parisiens, mais on retrouvait chez eux l’esprit de rébellion et de

démocratie directe », ajoute Laurence Patrice. Les silhouettes à taille réelle de l’artiste Dugudus seront là pour symboliser le peuple de Paris, « dans un souci d’éducation populaire ». La capitale étant devenu une ville bourgeoise, on ne sait si les Parisiens s’y reconnaîtront. C’est un des risques pris par la mairie, et que Rudolph Granier résume à sa manière: « L’histoire nous enseigne l’humilité et nous ne devrions pas jouer avec le révisionnisme heureux que nous proposent les communards de 2021. » ■

L'ÉVÉNEMENT LE LOURD BILAN DES DESTRUCTIONS ÉRIC BIÉTRY-RIVIERRE [email protected]

Le 8 mai 1871, Thiers adresse un ultimatum aux Parisiens. Trois jours plus tard la Commune ordonne la démolition de son hôtel particulier place Saint-Georges. Et le 16, la colonne Vendôme, symbole impérial, est abattue. Cela, alors que le peintre Gustave Courbet, président de la commission préposée à la conservation des musées et objets d’art n’avait appelé qu’à son « déboulonnement » avec dépôt des bas-reliefs aux Invalides. Dans la nuit du 23 au 24, malgré un

Paris corseté de barricades, les Versaillais ont atteint le Quartier latin. Leur progression a été facilitée par des bombardements sur le Champ-deMars et le ministère des Finances, alors rue de Rivoli. Ces tirs à boulets rouges sont la cause des premiers incendies. Les autres, actifs jusqu’au soir du 26 mai, autrement plus nombreux et ravageurs, sont le fait de la Commune. Consigne a en effet été passée de brûler Paris plutôt que de se rendre. Le palais des Tuileries, naguère tête d’un Empire deuxième puissance mondiale, rougeoie le premier. Tel le dernier cercle de l’enfer. Car autour s’embrasent aussi le quartier populaire de la porte Saint-Martin et de Saint-Eustache, le Théâtre lyrique ou encore la mairie du 4e arrondissement. Place de la Bastille, la colonne de Juillet fume comme une cheminée de haut-fourneau. Idem pour les docks du bassin de l’Arsenal, auparavant grenier d’abondance. Idem sur l’île de la Cité pour le Palais de justice et la Préfecture de police. Comme, rive gauche, la rue de Lille, le quartier Vavin, le carrefour de la Croix-Rouge, la manufacture des Gobelins. Au total 238 bâtiments brûlés. Le bûcher était même prêt pour NotreDame, interrompu in extremis. Jusque-là occupés, devenus d’abord lieu de fêtes, puis un centre militaire et un hôpital, les Tuileries ont été la proie d’une dizaine de pétroleurs organisés. Ils ont sifflé les dernières des 40 000 bouteilles de vins fins de la cour impériale avant d’allumer leurs mèches aux endroits stratégiques, sur ordre de leur chef Jules Bergeret. Aujourd’hui, de ces salles richement ornées, et qui heureusement avaient été vidées de leurs trésors mobiliers (excepté dans le pavillon de Flore), quelques vestiges de pierre subsistent. Au château de la Punta près d’Ajaccio, dans celui du décorateur Jacques Garcia à Champ-deBataille, dans un parc près de Berlin, dans les communes de Barentin, de Saint-Raphaël, aux Essarts et à Marlyle-Roi, à Paris au Trocadero, rues Tourlaque et Murillo. En 1884, Le Figaro distribuait même à ses lecteurs des presse-papiers fabriqués dans le calcaire du défunt palais. Autant de reliques…

Adieu aux fresques d’Isabey et de Chassériau

QUI VIRENT LA CHUTE D’UNE UTOPIE

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sion congénitale. Car, loin d’être un bloc, la Commune est en réalité profondément divisée et c’est d’ailleurs ce qui explique qu’aucune personnalité n’ait émergé en dehors d’une femme, l’intrépide Louise Michel, fille naturelle d’un châtelain, et talentueuse mémorialiste. En suivant l’historien marxiste Henri Lefebvre, on trouve au moins quatre grandes sensibilités en 1871 : les jacobins, les « blanquistes », les socialistes et les internationalistes. Les membres de l’Internationale, qui a été fondée par Marx à Londres en 1864, n’ont joué qu’un petit rôle en 1871, sinon dans la décision d’incendier Paris ; les anarchistes, disciples de Bakounine de même. Ce sont surtout les proudhoniens, adeptes du « socialisme mutualiste », qui sont alors fort influents dans le courant anti-étatiste. Pour eux, la Commune, c’est le fédéralisme et la décentralisation. Les jacobins et les adeptes d’Auguste Blanqui, dit « L’Enfermé », tant il a passé d’années en prison, sont en revanche partisans d’une République centralisatrice et dictatoriale. Entre ces grandes tendances opposées, la Commune ne sera jamais qu’un « compromis instable et toujours remis en question » (Henri Lefebvre). Ces divisions, que renforce un fonctionnement « collégial » (avec 9 commissions), expliquent les agissements brouillons. Selon Marx et Engels, la Commune commet dès le départ deux erreurs stratégiques : ne pas marcher tout de suite sur Versailles, comme en octobre 1789, et ne pas s’emparer de la Banque de France. Elle se berce de mots - « nous ne sommes qu’un petit Parlement bavard », se plaint Édouard Vaillant -, puis se déchire, notamment entre la Commission exécutive et le comité central de la Garde nationale. Finalement, début avril, elle est contrainte de recourir à des « mesures terroristes » : décret sur les otages (5 avril), rappelant la loi des « sus-

pects », puis, le 28 avril, création d’un Comité de salut public. La Commune se rapproche désormais de la dictature de l’an I. Thiers a réussi, refusant toute tractation menée par le « parti des maires », dont Clemenceau, et peut lancer la troupe à l’assaut de la capitale. Son plan vise à attaquer par le sud-ouest. Le 8 mai, le fort d’Issy tombe et le 21 mai, les Versaillais entrent dans Paris. Malgré la « forêt de barricades » (Pierre Milza), la moitié de la ville est conquise en trois jours. C’est le début de la « Semaine sanglante » et la débandade générale. Montmartre, « l’acropole de l’émeute » (Louise Mi-



La Commune ne sera jamais qu’un « compromis instable et toujours remis en question »



HENRI LEFEBVRE, HISTORIEN MARXISTE

chel), tombe le 23. Alors, pris de folie, les communards commettent l’irréparable : ils exécutent leurs 74 otages, dont l’archevêque de Paris, Mgr Darboy, et ils incendient l’Hôtel de ville, le palais des Tuileries, la Légion d’honneur, le Conseil d’État et la Cour des comptes. Les écrivains de l’époque comme Flaubert ou Maxime Du Camp sont horrifiés et accusent les femmes, les mythiques « pétroleuses », d’être à l’origine de ces brasiers inutiles. Quelques-unes, de l’aveu même de l’historienne Édith Thomas, y ont en effet participé, telle une certaine Anne-Marie Menand, qui crie : « Nous brûlerons toutes les baraques des riches ». Mais ces femmes ne sont le plus souvent que des émeutières spontanées qui ne fréquentent pas les clubs communards. Les derniers combattants se retirent aux Buttes-Chaumont ou au cimetière

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du Père-Lachaise avant d’être éliminés le 27 au fameux « mur des Fédérés ». Le 28, l’ultime bastion de Belleville est pris. « Paris est délivré » (Mac-Mahon). Après la victoire militaire commence une répression d’une grande violence. On fusille un peu partout jusqu’aux premiers jours de juin. Benoît Malon attribue cette brutalité aux méthodes apprises en Afrique du Nord par les troupes de Bugeaud. L’historien Robert Tombs dénombre entre 6 000 et 7 500 morts ; Jacques Rougerie penche pour 3 000 à 4 000 morts au combat et entre 10 000 et 20 000 durant la répression. Cette dernière se pense comme une « expiation » et permet de rassurer les provinces affolées par la Commune mais aussi les élites hésitantes sur le régime. La férocité de Thiers va payer. Dès les élections partielles de juillet 1871, les républicains l’emportent largement sur les monarchistes et les bonapartistes (99 sièges contre 12 et 4). C’est une victoire significative qui marque un rapide changement par rapport à février. Même s’il faudra attendre 1875, la République est déjà en passe de l’emporter car elle a su faire preuve de sa volonté d’ordre. Bien des communards, tous amnistiés en 1880, iront grossir les rangs de la gauche radicale ou socialiste mais d’autres, par leur anticléricalisme et leur anticapitalisme, nourriront « l’antisémitisme de gauche », s’inspirant du communard Gustave Tridon, dont l’œuvre influencera Édouard Drumont, l’auteur de La France juive. Au moment de la crise boulangiste, puis surtout de l’affaire Dreyfus, certains héritiers de Blanqui, comme Rochefort, se révéleront d’ardents piliers des ligues antisémites et ils marqueront, par leur ton radical et leurs invectives, héritées, non de la presse conservatrice mais du Père Duchesne, la nouvelle extrême droite antiparlementaire qui surgit à cette époque. ■

À l’est, le musée d’alors n’occupe pas encore les parties mitoyennes des Tuileries. Il ne court que sur 132 salles. Reste que les flammes blessent les avant-bras du complexe palatial, ravageant une bonne partie de l’aile de Flore (côté Seine) et autant de l’aile de la Régie (ministère de la maison de l’Empereur, côté Rivoli). Les sacs de terre occultant les ouvertures ainsi que les coffrages blindant la Grande Galerie - depuis l’ordre donné par Courbet (qui a également fait protéger les Chevaux de Marly, les musées de Cluny et du Luxembourg, et même les bas-reliefs très napoléoniens de l’arc de Triomphe) -, ne vont pas être suffisants. La partie musée, dont les collections ont été pour moitié évacuées à Brest au moment de la défaite de Sedan, sera toutefois épargnée. Cela grâce à l’action d’un conservateur, Henry Barbet de

Jouy, de quelques gardiens et d’une poignée de soldats commandés par Martian de Bernardy de Sigoyer (tué un peu plus tard). Ils ne pourront en revanche rien tenter côté Rivoli. La bibliothèque impériale y part en fumée (100 000 volumes, « un crime inouï » dixit Hugo). Plus loin, battant en retraite, des membres du groupe de Bergeret (décédé à Manhattan en 1905) allument encore le Palais-Royal… Rive gauche, même apocalypse. Le Palais d’Orsay, édifié à l’initiative de Napoléon Ier (à l’emplacement de l’actuel musée), abritait le Conseil d’État et la Cour des comptes. Dans La Débâcle, Émile Zola décrit le pétrole « versé à pleines tonnes dans les quatre escaliers ». Là aussi les locaux avaient été vidés. Mais adieu aux fresques d’Isabey et de Chassériau, dont seuls 60 m2 ont pu être sauvés. Ces allégories de la Force, de l’Ordre et de la Paix, restaurées en 2006 pour 50 000 euros, sont désormais présentées au Louvre. Le 24 mai 1871, Jean-Louis Pindy, menuisier du faubourg du Temple propulsé colonel-gouverneur, ordonne enfin la mise à feu de l’hôtel de ville, centre assiégé de la Commune. « Toute la partie qui fait face à la Seine et à l’avenue Victoria est consumée: il n’y a d’intact que la façade du côté de la place », constatera bientôt Hippolyte de Villemessant dans Le Figaro. Bien sûr tous les documents administratifs, les dossiers de l’assistance publique, de l’octroi, de l’état civil, sont en cendres. Tout comme les plafonds d’Ingres et de Delacroix. « Quand on s’est appelé la Commune de Paris, on n’en détruit pas le vivant symbole », s’étranglera Michelet. Et Edmond de Goncourt, autre témoin oculaire, relate dans son Journal : « Ironie du hasard ! Dans la dégradation du monument brille sur une plaque de marbre intacte, dans la nouveauté de sa dorure, la légende menteuse : Liberté, Égalité, Fraternité ». Côté clérical, même la croix placée au sommet du Panthéon a été mise à bas. Dès août, Thiers veut que l’hôtel de ville soit le premier édifice reconstruit, avant même son hôtel particulier. La version presque à l’identique et en plus grand du bâtiment - celle que l’on connaît - ne sera pourtant inaugurée que le 14 juillet 1882 tandis qu’aux Tuileries est rasé ce qui reste. De tels chantiers ont eu lieu quatre ans après l’ouverture du Continental, palace destiné aux riches visiteurs de l’Exposition universelle et qui remplaçait le ministère des Finances aux vestiges passés aux enchères. Sept ans après le relèvement de la colonne Vendôme, dont il avait fallu rechercher les morceaux chez les antiquaires et collectionneurs. Huit ans enfin après la réparation du palais de la Légion d’honneur financée par ses 65 000 membres. Pour la carcasse d’Orsay, sa disparition au profit d’une gare n’interviendra qu’en 1898. Durant ce quart de siècle, tandis que la République peine à accoucher d’elle-même, les ruines du centre-ville ont servi d’attractions. Les curieux affluaient, jusqu’aux touristes anglais acheminés par l’agence Cook dès le rétablissement des liaisons ferroviaires. ■

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SAIRE QUI DIVISE

jeudi 18 mars 2021

jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

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L'ÉVÉNEMENT

PROPOS RECUEILLIS PAR

JACQUES DE SAINT VICTOR

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historien, qui vient de publier Jeunesse (Gallimard), dans lequel il explore ses « lieux » de mémoire personnels, décrypte ce qu’il appelle les dérives mémorielles de notre temps. LE FIGARO. - Vous disiez récemment être d’accord pour commémorer Napoléon mais pas la Commune. Pourquoi ? Pierre NORA. - La Commune a laissé évidemment dans la tradition de la gauche révolutionnaire et même au-delà le souvenir d’un grand moment émancipateur, avec des figures emblématiques, comme l’écrivain Jules Vallès, le peintre Courbet, le colonel Rossel et Louise Michel bien entendu. L’écrasement des Communards par les Versaillais a renforcé sa légende. Mais, ce qui m’avait beaucoup frappé, c’est qu’en 1971, le président de la République, Georges Pompidou, était venu s’incliner devant le mur des Fédérés… Vous en êtes sûr ? J’ai ce souvenir très précis et j’ai eu le sentiment à partir de ce moment-là que la question ouvrière était en train de disparaître et qu’elle se transformait en une mémoire inoffensive que tous, même Pompidou, pouvaient célébrer. Naissance d’une mémoire, fin d’une histoire. C’est d’ailleurs le moment où commence le déclin de la classe ouvrière qui va aboutir au déclin du Parti communiste. Célébrer Napoléon, c’est autre chose. D’abord, c’est une nouveauté. Avant, on célébrait Bonaparte. Mais nous ne sommes plus sous la IIIe République. L’attitude vis-à-vis des grands hommes n’est plus la même depuis de Gaulle, qui n’aimait pas beaucoup Napoléon d’ailleurs, mais qui a restauré le goût du « grand homme ». Certes, outre le nombre effroyable de morts dans ses batailles, on reproche surtout à Bonaparte le rétablissement de l’esclavage en Haïti, qui est devenu aujourd’hui un crime. Bien sûr, c’est criminel, mais on oublie le rôle de Joséphine, des colons et l’importance de l’économie sucrière pour l’Europe. Napoléon a reconnu luimême plus tard que c’était une erreur. Et il abolira la « traite des noirs » lors des Cent Jours. Alors se servir de cet argument pour disqualifier à tout jamais un homme qui a transformé l’Europe en y apportant les idées révolutionnaires, qui a donné à la France des institutions qui durent encore, comme le code civil, la « vraie constitution de la France » (selon le juriste Jean Carbonnier), les préfets ou le lycée, me paraît dérisoire. Évidemment, Napoléon n’a jamais respecté la liberté de la presse et il a fini dictateur. Mais, légende pour légende, sans Napoléon, nous n’aurions ni Stendhal ni tant d’autres écrivains romantiques. La France ne peut quand même pas laisser l’Europe entière célébrer Napoléon et ne pas le faire.



Le « roman national » est devenu en France une romance. Plus notre pays rétrécit, plus on rêve de sa grandeur

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PIERRE NORA



Ce débat traduit ce que vous appelez une dérive mémorielle. Or vous êtes le fondateur des « lieux de mémoire ». Quand, selon vous, la question a-t-elle dérapé en France ? À l’époque de la rédaction des Lieux de mémoire, au début des années 1980, l’éveil de ces mémoires était profondément émancipateur puisque celles-ci ranimaient la conscience d’identités que l’histoire de France traditionnelle n’avait pas prise en compte, voire rabotée. L’école elle-même avait eu cette mission de faire d’un petit-fils d’aristocrate guillotiné ou d’un petit-fils d’un communard fusillé des citoyens français. L’un et l’autre n’étaient aristocrate ou prolétaire qu’en famille. L’histoire républicaine avait ainsi contribué à écraser ces identités particulières, comme les langues ou les identités régionales. Ce réveil mémoriel a donc mis en cause le modèle assimilationniste et unitaire français. Il y a eu cette explosion des mémoires minoritaires, y compris religieuses, comme la mémoire juive qui a servi d’aiguillon. Ensuite, il y a eu la mémoire féminine, puis la mémoire gay, la mémoire ouvrière, les mémoires provinciales, etc., qui étaient toutes accusatrices de l’unité nationale

PIERRE NORA : « LA DÉRIVE A COMMENCÉ AVEC L’EXCÈS DES MÉMOIRES MINORITAIRES » LA COMMUNE, COURBET, LOUISE MICHEL, NAPOLÉON… SI L’UN DES PILIERS DE L’INTELLIGENTSIA FRANÇAISE RECONNAÎT AUX GRANDS ÉVÉNEMENTS ET AUX « GRANDS HOMMES » LE DROIT ET LE BESOIN D’ÊTRE COMMÉMORÉS, IL DÉPLORE L’EXPLOSION DES REVENDICATIONS COMMUNAUTAIRES.

« La Commune a laissé évidemment dans la tradition de la gauche révolutionnaire et même au-delà le souvenir d’un grand moment émancipateur », explique Pierre Nora. FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

qui les avait ignorées. Chacune de ces minorités voulait récupérer sa propre histoire et l’inscrire au grand livre de l’histoire nationale. C’étaient des mouvements libératoires. Que s’est-il passé depuis ? La dérive a commencé avec les excès de ces mémoires. Mais, surtout, l’élément accélérateur est lié à l’émergence de la mémoire coloniale, la dernière venue. Mais cette mémoire est très ambiguë. La grande majorité des Français a très vite tourné la page de la colonisation, mais pas les anciens colonisés qui, au contraire, l’ouvrent en grand. D’où une dissymétrie qui s’élargit au moment où les décolonisés découvrent et portent leur propre histoire. Or cette mémoire coloniale est profondément accusatrice de la totalité de l’histoire nationale. Les Français ont réagi par une culpabilité nationale en grande partie liée à la guerre d’Algérie. On a beaucoup reproché à la France de ne pas « regarder son passé en face ». Expression toute faite. La raison profonde de ce malaise est sans doute le rapport difficile de la gauche française au passé colonial. C’est la gauche qui avait fait de l’Algérie une partie de la France sous la IIIe République et elle a eu beaucoup de mal à se convertir à l’idée de l’indépendance algérienne. « L’Algérie, c’est la France », disait encore François Mitterrand en 1954. Depuis, la gauche a du mal à assumer ce passé et elle a laissé prospérer, voire encouragé, une nouvelle mémoire « décoloniale » qui est devenue l’antichambre des dérives actuelles. On est passé du mémoriel à l’identitaire. Les identités communautaires ont aujourd’hui remplacé les mémoires minoritaires. Le gouvernement a nommé une commission proposant des changements de noms de rues pour favoriser la « diversité ». Est-ce une illustration de cette dérive ? Évidemment. C’est le corollaire de la parcellisation de la France. C’est vrai qu’on a passé son temps en France à changer les noms de rues. Mais cela se faisait dans le consensus et non dans l’agressivité ou le rejet. On peut peutêtre changer certains noms de rues à Bordeaux ou à Nantes, ports coloniaux s’il en est, mais l’idée de mettre le petit doigt dans l’engrenage me fait retomber dans le camp des opposants à cette démarche. Je suis un citoyen républicain laïque pur et dur. Il faut rester

campé sur nos positions car les ennemis de ces positions sont très hostiles à la tradition républicaine et occidentale et notre devoir est, sur le plan politique comme sur le plan culturel, de défendre cette tradition. Jusqu’où ce mouvement subversif va-t-il aller ? Je crains que nous n’en soyons qu’au début. Lorsque j’ai créé Le Débat, je me trompais en croyant à un apaisement des radicalités. Cela n’a pas duré très longtemps. Deux mouvements se combinent pour expliquer les dérives actuelles. Un mouvement d’origine anglo-saxonne lié à la « cancel culture », la culture de l’effacement, mais il y en a un autre, proprement français, qui vient du poids de la colonisation, du poids du monde musulman en France et des manipulations venant de l’extérieur, soit d’États comme la Turquie, soit de groupuscules, comme les Frères musulmans. Tout cela conflue dans la formation de ce qu’il faut bien appeler en France une sorte d’idéologie de substitution à ce qu’avait été le communisme. Elle partage avec lui la fermeture sur elle-même et l’agressivité à tout ce qui n’est pas elle. Ce mouvement qui envahit les milieux intellectuels et les universités est à mon sens l’expression compensatrice de la faiblesse politique de la gauche. Plus la gauche politique est impuissante, plus la gauche intellectuelle se fait radicale. Face à la crise actuelle, certains proposent, outre les commémorations de plus en plus nombreuses, un retour au « roman national ». Des émissions s’y hasardent. Même si les historiens de profession y sont hostiles, ne serait-ce pas au fond un moindre mal ? Je ne le crois pas. Le « roman national » est devenu en France une romance. Plus notre pays rétrécit, plus on rêve de sa grandeur. Depuis 1945, le gaullisme comme le communisme ont fait vivre la France au-dessus d’elle-même. D’un côté, l’utopie de la grandeur nationale ; de l’autre, l’utopie révolutionnaire. Depuis la fin du gaullo-communisme, la France est confrontée à une adaptation difficile aux dures réalités : la dégradation de son importance extérieure et le déchirement de ses divisions intérieures. Alors, pour exalter le passé national et pour favoriser l’unité illusoire, commémorons, commémorons, il en restera toujours quelque chose…

Les membres de la Commune devant le Conseil de guerre à Versailles, le 2 septembre 1871. ARCHIVES SNARK/PHOTO12 VIA AFP

Depuis la fin du gaullocommunisme, la France est confrontée à une adaptation aux dures réalités : la dégradation de son importance extérieure et le déchirement de ses divisions intérieures PIERRE NORA

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Toute la partie qui fait face à la Seine et à l’avenue Victoria est consumée : il n’y a d’intact que la façade du côté de la place

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HIPPOLYTE DE VILLEMESSANT DANS « LE FIGARO » À PROPOS DU 24 MAI 1871

100 000 livres

sont partis en fumée à la bibliothèque impériale du palais des Tuileries, « un crime inouï », dixit Victor Hugo.

VOUS RÉVÈLE LES DESSOUS DE LA CULTURE

NAPOLÉON, LA LÉGENDE ET L’HISTOIRE Fut-il le fossoyeur de la Révolution ? Le fondateur du patriarcat ? Un dictateur militaire ? Un conquérant sans scrupules ? Un esclavagiste ? Le bicentenaire de la mort de Napoléon a allumé le brasier de la polémique. Le Figaro Hors-Série met sur la table les pièces du dossier, pour répondre au procès anachronique dont l’Empereur fait l’objet. Autour de Jean Tulard, Thierry Lentz, Emmanuel de Waresquiel, Patrice Gueniffey, Jacques-Olivier Boudon, Jean-Marie Rouart, les meilleurs historiens napoléoniens font la part du mythe et de l’histoire. Récit de sa vie en douze journées, dictionnaire illustré des personnages (épouses, famille, généraux, ministres), portrait du chef de la Grande Armée et de l’homme d’État visionnaire : l’incroyable itinéraire du jeune Corse mélancolique devenu empereur de tous les Français. « Napoléon, l’épopée, le mythe, le procès », Le Figaro Hors-Série, 164 pages somptueusement illustrées.

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JEAN TOUITOU ET CHITOSE ABE : « C’EST COMME QUAND LES BEATLES INVITENT CLAPTON SUR UN SOLO DE GUITARE »

LE FIGARO.- Qu’est-ce qui vous parle dans le travail de l’autre ? Chitose ABE. - Le style d’A.P.C. est authentique, et n’a pas changé depuis ses débuts. C’est à la fois incroyable et génial, et c’est pour ça que j’admire la marque de Jean depuis que je suis jeune. En 2019, à l’occasion d’un pop-up store Sacai à Paris, nous avions fait appel à Jean pour customiser 200 de ses blousons… Si nous concevons des vêtements complètement différents, ma création est basée sur des modèles classiques comme les chemises, les trenchs, le denim, la maille, que je modifie et reconstruis ensuite… Jean TOUITOU. - J’ai le même point de départ, mais j’emprunte le chemin inverse, puisque chez A.P.C., on cherche la version la plus épurée, impeccable de chaque type de pièce. Il existe de nombreuses manières de « faire » du minimalisme. Celle que nous avons choisie, à savoir la création de vêtements portables par les gens dans la vraie vie, est sans doute la plus complexe. Ce n’est pas pour rien que, depuis nos débuts il y a trentecinq ans, nous ayons été tant clonés… Mais souvent, ces imitations se limitent à copier les formes, sans opérer le même travail de matières. Si bien qu’aujourd’hui, il m’arrive de me sentir prisonnier

PROPOS RECUEILLIS PAR

MATTHIEU MORGE ZUCCONI [email protected]

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un côté, Jean Touitou, fondateur d’A.P.C. qui, depuis 1987, crée une mode « radicalement normale » (basée sur des classiques pour hommes et femmes sans fioritures) devenue emblématique d’un nouveau chic rive gauche par-delà nos frontières - les Japonais, qui savent reconnaître ce qui se fait de mieux en France, en sont fous. De l’autre, Chitose Abe, japonaise donc, la créatrice de Sacai que Karl Lagerfeld qualifiait de « l’une des marques les plus intéressantes de l’époque ». Vendue en France dès le début des années 2010 (alors par la boutique Colette), sa mode est à la fois conceptuelle, sportswear et sensuelle chose rare. Reconnaissance ultime, son esthétique inspire toujours plus les designers, tandis que ses baskets cosignées avec Nike s’arrachent à prix d’or sur le marché de la seconde main. Ensemble, ils dévoilent une dizaine de pièces, essentiellement des standards en denim d’A.P.C., croisés avec les influences militaires, l’obsession des zips et les incrustations de plissés chers à Chitose.

du vocabulaire que j’ai moi-même inventé. Je suis très content d’avoir influencé une bonne partie de la mode que les gens portent, mais j’aime sortir de mes limites, les repousser. Je n’apprécie pas qu’on nous réduise à une marque de « basiques », un terme qui ne veut d’ailleurs pas dire grand-chose… C’est comme lorsque le public des Rolling Stones, après cinquante ans de carrière, leur demande encore et toujours (I Can’t Get No) Satisfaction. Au final, avec Chitose, même si nous partageons des influences, peu de choses nous rapprochent. Elle est très créative, loin de ce que je voulais mettre en place quand j’ai monté ma marque. Mais ce métier, en fin de compte, ce sont des patrons sur une table de coupe. Et pour ça, nous avons la même approche et exigence.

très différents et je suis sûre que ce projet apportera une exposition supplémentaire aux deux marques. J. T. - Chitose est mythique. Tous les gens qui connaissent la mode savent qu’elle est l’une des meilleures designers au monde. Mais elle n’est pas grand public. Effectivement, travailler avec nous pourrait la rendre plus populaire. Surtout, le prix de sa création est, chez nous, plus accessible que ce qu’elle propose habituellement. On verra certainement plus de gens porter ses pièces dans la rue

après cette collection qu’avant. Chez les autres, la plupart des collaborations servent surtout à faire parler, et sont produites en petites quantités pour être offertes à des influenceuses. C’est bien, le bruit, mais il faut qu’il y ait de la substance derrière. C’est de la vraie marchandise qu’on installe et vend dans des boutiques. Il n’était pas question de produire des quantités homéopathiques de ces vêtements et que personne n’y ait accès. Nos marques ont plus que jamais besoin de vendre pour survivre.

Ces deux dernières années, vous avez multiplié les collaborations, que vous appelez « interactions ». Est-ce une façon de vous ouvrir à d’autres savoir-faire et visions de la mode ? J. T. - Oui. C’est une manière d’introduire d’autres univers. Si je proposais à mes boutiques ou aux multimarques qui vendent A.P.C. ce genre de vêtements, on nous dirait « non, ce n’est pas du A.P.C. ». C’est une façon agréable et habile de proposer autre chose, de dire, « on sait aussi faire ça. » Pour prendre une autre comparaison musicale, on peut rapprocher ça des Beatles qui appellent Eric Clapton pour jouer le solo de While My Guitar Gently Weeps. Certaines marques sont très avancées dans ce processus de la déconstruction du vêtement. Je trouve plus digne de les appeler et de concevoir des pièces ensemble, que de les imiter. De votre côté, Chitose, vous avez toujours aimé transformer les formes classiques, y ajoutant des détails, des tissus pour en faire des vêtements hybrides. C. A. - Nos créations sont basées sur des styles classiques que nous modifions avec notre signature, « l’hybridation ». Ce fonctionnement est au cœur de la marque, non seulement dans le vestiaire et le design, mais aussi chez les personnes avec lesquelles nous travaillons. Il est important que cet ADN se retrouve dans tout ce que nous faisons. Cette collection commune vise-t-elle à vous ouvrir à de nouveaux publics ? Beaucoup de Français adeptes d’A.P.C. ne connaissent pas Sacai… C. A. - Je n’ai jamais pensé au fait que cette collaboration nous permettrait de séduire un nouveau public en France. A.P.C. est une marque française, certes, mais elle est mondialement connue et reconnue. Cela dit, nous avons des clients

Collection Interaction A.P.C. #9 avec Sacai.

A.P.C.

TIM ELKAÏM

LE FONDATEUR FRANÇAIS D’A.P.C. CONVIE LA CRÉATRICE JAPONAISE DE SACAI À REVISITER SES BEST-SELLERS. UNE « INTERACTION », DISPONIBLE DÈS CE 19 MARS, QUI DEVRAIT DEVENIR CULTE… ENTRETIEN CROISÉ.

RECHERCHE BIJOUX SYMBOLIQUES POUR JEUNES FILLES ÉLODIE BAËRD [email protected]

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ifficile de prédire aujourd’hui si les célébrations religieuses (comme les professions de foi et confirmations, pour ne pas parler des mariages), traditionnellement prévues au printemps, auront bien lieu cette année… Les préparatifs suivent toutefois leur cours, d’un point de vue spirituel comme du côté pratique. Certains sont ainsi déjà partis en quête d’un bijou pour jeune fille afin de marquer l’événement. La chasse devrait être facilitée en cette période qui a vu se multiplier les propositions à forte charge symbolique. L’or a mis du baume au cœur des confinés, et bracelets, colliers et autres grigris précieux brillent dans les vitrines des créateurs, des jeunes labels et des marques plus traditionnelles. Des croix modernes font ainsi leur chemin dans de nombreuses collections, comme chez Atelier Paulin et Marc Deloche. Le succès de la marque Gigi Clozeau, lancée il y a une dizaine d’années par Marie et Géraldine Clozeau (mère et fille) s’inscrit dans cette mouvance. Ces deux-là, originaires de Montpellier, ne

GIGI CLOZEAU ; STONE PARIS ; ARTHUS BERTRAND ; LAUDATE ; MARC DELOCHE

CROIX, MÉDAILLES MIRACULEUSES ET AUTRES GRIGRIS SPIRITUELS FLEURISSENT CHEZ LES CRÉATEURS. DE QUOI COMBLER LES DEMOISELLES, NOTAMMENT POUR MARQUER UN ÉVÉNEMENT RELIGIEUX COMME LA CONFIRMATION. 1. Collier Croix en or et perles de résine (13 coloris), 445 €, Gigi Clozeau. 2. Bague Céleste en or rose et diamants, 620 €, Stone Paris. 3. Médaille miraculeuse, en or rose laqué (plusieurs coloris), 180 €, Arthus Bertrand. 4. Mini-pendentif Stella en or, 63 € (sans la chaîne), Laudate. 5. Bracelet Grigri Croix en or sur cordon, 210 €, Marc Deloche.

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s’avouent pas particulièrement pieuses, mais sont des adeptes de toujours de la culture du Sud, avec ses madones et ses superstitions. Elles accrochent Vierges, étoiles, croix et autres soleils sur les chaînes en or ponctuées de perles en résine de couleur qui font désormais la signature de la marque (autour de 400 € pour un collier).

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« La vie, la victoire, le partage et la stabilité »

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À Marseille, la créatrice de Bee Valentina, Vanessa, trouve l’inspiration dans le souvenir « de (sa) gourmette de baptême, des chevalières des hommes de la famille, des médailles aux profils de madones de (ses) grands-mères, des épingles à nourrice où s’accumulaient les petites plaques de métal à l’effigie des anges et de tous les saints. » Ses pen-

dentifs émaillés et ses colliers chapelets (autour de 80 €), comme sa bague Apparition figurant une Vierge (best-seller vendu à plusieurs milliers d’exemplaires chaque année) affichent un air rock. Dans un style plus précieux, Marie Poniatowski, qui se déclare pourtant « totalement athée », a fait de la croix sous toutes ses formes (bagues et pendentifs à partir de 620 €) l’un des credo de sa marque Stone Paris. Parce que ce « porte-bonheur aussi féminin que masculin » représente à la fois « la vie, la victoire, le partage et la stabilité ». Du côté des spécialistes du bijou religieux, les lignes s’étoffent également. Ainsi, chez Arthus Bertrand, sous l’impulsion de la directrice artistique Camille Toupet, de jolies médailles miraculeuses en or et laque de couleur (à partir de 180 €) ont été développées. Le boom des ventes en ligne facilite par ailleurs l’accès à des labels tels que Laudate et ses différents pendentifs (en or ou en plaqué à partir de 60 €), Catho Rétro et ses joncs en plaqué or gravés de phrases telles que « Tout est possible à celui qui croit » (21 €), et même le site de l’Artisanat monastique et ses colombes (39 €) fabriquées à la main par les petites sœurs de Bethléem du monastère de Saint-Pé-de-Bigorre. ■

LE FIGARO

VOYAGE QUE L’ON SE DÉPLACE EN VOITURE, À MOTO, À VÉLO, OU À PIED, IL EST DEVENU NOTRE OUTIL FÉTICHE. L’ASSISTANT DE NAVIGATION LIBÈRE DE L’ANGOISSE DE LA ROUTE ET DONNE MÊME DÉSORMAIS DU PLAISIR À SE PERDRE…

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COMMENT LE GPS NOUS GUIDE VERS LE « SLOW TOURISME »

VALÉRIE SASPORTAS [email protected]

Rouler dans les virages Par des voies pittoresques on traverse l’arrière-pays sans chercher une sortie. Il suffit d’indiquer son point de départ et la distance souhaitée, l’algorithme de calcul se base sur des critères de beauté selon le dénivelé, les courbes, les pentes, les panoramas. L’appli prévient : « Les circuits sont générés avec un soupçon de hasard, d’où une proposition d’itinéraires différents à chaque fois ». Cinq réglages sont possibles : « le plus rapide », « rapide et sinueux », « sinueux », « super sinueux » et, enfin, « tous les modes afin de basculer entre les différentes alternatives ». Sur le blog Cars Passion, un retour d’expérience entre Paris et Deauville donne envie de s’en servir : « Kurviger nous a fait éviter l’A13 pour nous faire profiter des méandres de la Seine puis de la beauté du bocage normand. Prochaine étape : la Route des Grandes Alpes, du lac Léman à Menton, mais on en reparlera après cet été… » Les automobilistes, émoustillés par le frisson d’une aventure sans risque d’être égaré, ont adopté cet outil qui permet d’échapper aux aires de repos

PHOTOS MARKUS BORMANN/STOCK ADOBE, PORTNOI NICOLAS POUR LE PELERIN

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n voiture, pourquoi prendre le chemin le plus court plutôt que celui le plus agréable à suivre ? Du temps où l’on dépliait les cartes en accordéon Michelin (la première fut brevetée en 1910), les plus beaux itinéraires étaient surlignés de vert. Il y avait de la poésie dans ces tracés dont l’index épousait les contours pour en comprendre les reliefs. Mais depuis que l’on se laisse guider par les satellites plutôt que les cartographes, on suit la voie la plus rapide dans un réflexe moutonnier. Comme si tous les automobilistes étaient des gens pressés… Pourtant, « en France, une carte se vend toutes les secondes », confie Philippe Sablayrolles, directeur de la cartographie chez Michelin. Et en 2020, entre 2 et 3 millions d’exemplaires de cartes routières ont encore été imprimés chez Bibendum. La demande s’érode mais ne disparaît pas. « La carte parle au cerveau quand le GPS parle à l’oreille », souligne le cartographe. Et si le GPS, nous ayant libéré de l’angoisse de la route, nous donnait désormais du plaisir à nous perdre ? Rien n’oblige en effet à utiliser le Global Positioning System en suivant « bêtement » l’axe que « la voix » dicte. Fuyant la monotonie des bandes d’asphalte rectilignes, les motards ont inspiré des assistants de navigation qui conduisent dans les courbes. Prenez Kurviger (kurviger.de), ce planificateur « privilégie les routes sinueuses et vallonnées, tout en évitant les villes et les autoroutes », indique l’avant-propos.

Même pour une simple balade, on se laisse guider par les satellites plutôt que les cartographes. bondées. L’un des derniers-nés, Calimoto (calimoto.com/fr), convient en particulier aux cyclotouristes qui adhèrent à son concept : « Des routes de campagne, des virages, la nature : voilà notre définition de la liberté », vante l’appli. Sur l’écran, les routes sinueuses sont entourées de rouge, comme sur une carte, pour être vues en un coup d’œil. Son option « calculer » permet d’improviser une balade au départ de sa position, près de chez soi comme au bout du monde, dans la direction que l’on veut et en fonction du nombre de kilomètres souhaités. Le trajet peut prendre deux à trois fois plus de temps. Mais le « slow tourisme » est tendance. Après tout, il suffit de considérer que le voyage commence en chemin et non à destination. Google Maps est la référence quant à la navigation. Mais pas toujours en termes d’itinéraires. Pour les amoureux de la petite reine, l’alternative s’appelle Komoot, 6 millions d’utilisateurs, dans le top 10 des applis pour cyclistes et vététistes. Popularisée en Angleterre et en Allemagne avant d’arriver en France, Komoot tient compte de la convivialité de la route et de votre forme physique. « Différents paramètres de bases lui permettent de proposer un itinéraire clé en main, analysant le type de terrain (asphalte, tout-terrain, sentiers…), la dénivellation, les points d’intérêt, ainsi que les passages d’autres utilisateurs », témoigne Léo Kervan, qui l’a testée pour le magazine en ligne Outside. En ville, le Waze du cyclisme, c’est Geovelo. Qu’un utilisateur lui signale un aménagement urbain qui n’a pas été mis à jour, ou un problème de voirie, et ce GPS aux sept ans de réflexion et 600 000 téléchargements améliore à l’instant T

ses choix de pistes, bandes cyclables et rues peu passantes pour rouler en toute sérénité. Une autre appli urbaine séduit les amateurs du genre, Bike Citizens, disponible dans 450 villes européennes et fonctionnant aussi hors ligne, afin d’éviter des frais d’itinérance à l’étranger. Et ces GPS intéressent également les professionnels du tourisme pour être repérés. Car la plupart intègrent une base de données de points d’intérêts qui s’affichent en un clic et s’enregistrent pour les prochaines virées. Ainsi le territoire se remplit peu à peu d’une réalité conforme à la carte de nos désirs.

Profiter du chemin On peut s’inquiéter de voir nos choix prépensés par des concepteurs, ingénieurs, marketeurs dont l’écrivain Michel Houellebecq passe au crible les filtres d’un tourisme idéalisé dans son roman La Carte et le Territoire. Mais on peut y échapper. User d’un GPS pour

SPOUTNIK, PREMIER GÈNE DE GPS Cette histoire technologique commence en 1957. Cette année-là, Spoutnik, le premier satellite, est lancé par les Russes. Dans un contexte de guerre froide, la réplique ne tarde pas. Les Américains travaillent à un programme permettant le positionnement terrestre d’engins mobiles à partir d’émissions radio émanant d’un satellite. En 1960, l’US Navy propose la première application concrète. Vingt-trois ans plus tard, après le crash d’un avion de Korean

Airlines, Ronald Reagan annonce que ce système de Global Positioning System est accessible aux civils. Révolutionnaire, le GPS s’est imposé au quotidien, comme la machine à laver. Son épopée est détaillée sur le site (cigref.fr) de l’association Cigref des grandes entreprises et administrations publiques françaises, qui revient sur l’histoire de l’informatique et des systèmes d’information numériques qui ont transformé nos vies. V. S.

flâner. C’est ce que propose Derive, une appli pour marcheur, lancée il y a huit mois et déjà téléchargée plus de 5 000 fois. Son concepteur : Hérétique, un collectif à la frontière du think-tank, du studio de développement, de la maison d’édition et de l’agence de conseil, cofondé par Antoine Mestrallet et Kevin Guive Echraghi. « Se déplacer tout le temps de façon optimisée, c’est pour les robots, pas pour les humains. Pas besoin de chercher la rapidité et l’efficacité quand on veut juste profiter du chemin », disent-ils. Mais sauront-ils se repérer ? Le cartographe s’interroge : « La nouvelle génération qui arrive n’aura peutêtre pas vu des parents utiliser une carte, qui intègre tout ce qui est visible depuis la route, l’environnement. Est-ce que cela va provoquer la perte de ce sens ? Qui sait se diriger avec une carte sait aussi se diriger sans. » L’appli s’utilise comme un entre-deux. À partir d’une adresse indiquée, elle donne « une direction, une distance et rien de plus. La certitude d’arriver à bon port, mais sans itinéraire suggéré ni imposé ». Ses concepteurs revendiquent une démarche écoresponsable : Derive n’optimise pas le temps de trajet, n’ajoute pas d’informations sur la carte routière afin d’alléger son impact carbone, et ne récolte pas non plus d’information personnelle. Pour Kevin Guive Echraghi, « le numérique contribue à la fabrique de la société, dans tous les champs de la vie quotidienne et il est nécessaire que chacun puisse se faire une idée sur la manière dont il oriente le monde. Avec Derive, les déplacements ne sont pas optimisés pour être optimisés, mais laissés au gré des utilisateurs. » Des aventuriers de l’ère connectée à qui Derive donne envie d’apprendre à utiliser, tout simplement, une boussole. ■

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Marcheuse, familière des chemins de Saint-Jacques qui l’enthousiasment depuis trente ans, Gaële de La Brosse est à l’origine d’un livre hommage, et collégial, qui vient de paraître à l’occasion de l’année jubilaire 2021, À Compostelle *. Jean-Christophe Rufin, Bernard Ollivier, Hervé Bellec, Alexandre Poussin, ou encore Jean-Pierre Raffarin, y témoignent, parmi 34 personnalités, de leur expérience. Or, entre cartes et balises, certains pèlerins suivent le GPS. Pour Le Figaro, l’éditrice se penche sur ce que ce changement peut induire dans la culture collective.

mettent de s’y repérer. Le GPS me semble plus utile sur des chemins au long cours dont le balisage lui-même a été fait virtuellement, tels les chemins de saint Colomban. Ceux-ci, qui totalisent 9 000 km à travers neuf pays, ont été reconnus par un pèlerin, Simon Derache, qui a enre-

LE FIGARO. - Vous offusquez-vous de voir des pèlerins utiliser le GPS sur Compostelle ? Gaële DE LA BROSSE. - Non, car j’adhère au dicton : « À chacun son chemin ». Cependant, je ne le conseille pas : la plupart de ces chemins sont balisés, et des outils très bien conçus (cartes et guides) per-

gistré la trace de son parcours au moyen d’un GPS. Un site internet (viacolumbani.com) et une application (ou topo-guide numérique) sont à présent disponibles. La fédération Via Columbani, qui s’occupe de promouvoir ce chemin, a fait ce choix pour trois raisons : économiser le coût financier et énergétique de la pause



Le GPS me semble utile sur de longs chemins GAËLE DE LA BROSSE



et de l’entretien d’un balisage sur un si long parcours ; faciliter l’organisation et la modification des itinéraires ; et préserver la nature, souvent surchargée de divers balisages. Que vous inspire cet outil ? L’utilisez-vous à pied, à vélo ou en voiture ? Non, je ne l’ai jamais utilisé, ni à pied, ni à vélo, ni en voiture. Je n’en ai jamais éprouvé le besoin ni l’envie. En voiture, j’utilise les cartes routières ; et à pied ou à vélo, les guides et les cartes topographiques. J’ai quelque réticence à me faire guider par un satellite. Personnellement, je suis une amoureuse des cartes, anciennes comme contemporaines, routières ou topographiques. J’aime tout particulièrement y découvrir les courbes de niveau, les fleuves et les rivières, la couleur des routes qui déterminent leur importance (des autoroutes rouges aux chemins noirs suivis par Sylvain Tesson dans sa traversée de la France), les taches vertes ou

bleues qui révèlent les espaces naturels, les limites de département. Et tous ces petits points comme autant de villages ou de hameaux derrière lesquels se trament tant d’histoires humaines ! Même les légendes des cartes me font rêver beaucoup plus que le vocabulaire des outils numériques de cartographie. Enfin, j’aime voir loin. Avec un GPS, l’horizon, c’est notre écran. Avec une carte, on se situe dans un environnement plus ou moins large au fur et à mesure qu’on la déplie. Le GPS redéfinit-il, selon vous, les contours d’une géographie psychologique ? Oui, très certainement. On utilise le GPS pour gagner du temps, pour trouver l’itinéraire le plus court, le moins cher, celui qui n’est pas en travaux, qui n’est pas encombré, etc. Celui qui utilise la carte, en voiture comme à pied ou à vélo, accepte que l’incertitude fasse partie du voyage. Il intègre même la possibilité (toute relative

dans nos contrées !) de se perdre. Ces aléas font partie de l’aventure. Ils ont sur nous non seulement des conséquences matérielles (retard), mais aussi psychologiques, nous apprenant à gérer l’imprévu et à développer certaines facultés qui nous serviront aussi dans notre pèlerinage de la vie – où il faut parfois se perdre pour mieux se retrouver. Voyager avec une carte, c’est développer non seulement son intuition, mais aussi tous ses sens. La vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût valident ou invalident l’actualité des données de la carte. Enfin, je décernerais un prix particulier au croisement de routes, ces traits qui se chevauchent sur la carte et qui imposent un choix. La croisée des chemins est un imaginaire à lui tout seul ! Et, là encore, le fait de faire confiance à un satellite ou à notre bonne étoile est un choix qui révèle un caractère, ou du moins une manière de voyager. PROPOS RECUEILLIS PAR V. S. * Éditions Salvator, 256 p., 17 €.

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« VOYAGER AVEC UNE CARTE, C’EST DÉVELOPPER TOUS SES SENS »

jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

TÉLÉVISION

SUSSMAN/GETTY IMAGES VIA AFP IMAGES VIA AFP

Les actrices oscarisées Natalie Portman (Black Swan) et Lupita Nyong’o (12 Years a Slave) ont signé avec Apple TV+ pour jouer dans la minisérie Lady in the Lake. C’est la première fois que Portman (photo) s’implique dans un projet télévisé. Lady in the Lake se déroule à Baltimore dans les années 1960.Un meurtre non

résolu pousse une femme au foyer Maddie Schwartz (Portman) à s’improviser journaliste d’investigation. Sa nouvelle vocation la met en contact avec Cleo Sherwood (Nyong’o), qui jongle entre plusieurs emplois et son engagement pour les droits civiques des Afro-Américains.

SCANDALE À L’ANGLAISE

À peine libéré de WandaVision, Paul Bettany quitte son uniforme d’androïde pour donner la réplique à Claire Foy, ex-Elizabeth II de The Crown, dans la seconde saison de l’anthologie de la BBC A Very English Scandal. La série, rebaptisée A Very Bristish Scandal, poursuit son exploration des affaires qui ont défrayé la chronique. Elle se penchera sur le divorce qui passionna le gotha dans les années 1960. Celui du duc et de la duchesse d’Argyll. Réputée pour son train de vie faramineux, la duchesse voit ses liaisons extramaritales et photos dénudées publiées dans les tabloïds.

MAUD KENIGSWALD [email protected]

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es 18-25 ans souffrent. La vie sous cloche depuis un an les précarise et restreint leurs perspectives d’avenir. Selon un sondage Ipsos pour France Télévisions, 51 % d’entre eux se révèlent plutôt pessimistes quant à leurs potentialités d’embauche à la fin de leur cursus. Ils s’estiment lésés par le gouvernement : 65 % se déclarent insatisfaits des décisions prises par Emmanuel Macron et l’exécutif à leur égard et 67 % désapprouvent les réactions du ministère de l’Éducation nationale. Ce jeudi 18 mars, le groupe France Télévisions leur tend le micro au cours d’une émission spéciale afin qu’ils expriment leur mal-être. Au-delà de leurs récits, l’objectif demeure de valoriser leurs initiatives et leur proposer des solutions concrètes, notamment pour l’emploi. En direct du lieu culturel Ground Control, dans le 12e arrondissement de Paris, Élise Lucet et Samuel Étienne piloteront la soirée. La journaliste de France 2, présentatrice de « Cash Investigation » et « Envoyé spécial », et l’animateur de « Questions pour un Champion», très actif sur Twitch, le réseau social en vogue, accueilleront des jeunes mais pas seulement. Des étudiants et des nouveaux diplômés seront présents, mais aussi des chefs d’entreprise, des

« NOUS SOMMES LA GÉNÉRATION 2021 » : AU NOM DE L’ESPOIR psychologues, des artistes ainsi que Sophie de Tarlé, rédactrice en chef du Figaro étudiant, partenaire de l’émission.

Offres de stages et de jobs Des journalistes de la chaîne interviendront depuis les locales en région : Émilie Tran Nguyen depuis Rennes et Djamel Mazi à Nancy. Le dispositif s’étendra aussi sur les réseaux sociaux, à l’instar de TikTok et Twitch justement, où les spectateurs pourront poser leurs

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JULIA BAUDIN £@BaudinJ

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Flora Ofelia Hofman Lindahl et Bjarne Henriksen dans Cry Wolf, une série d’un réalisme souvent désarmant. SALTO

PROBLÈME N° 5616

1. Phrase grav(é)e. - 2. Membre d’une police supplétive. - 3. Bouquets verts introduits en France par Catherine de Médicis. - 4. Gaz de bec. Office de quinze heures. - 5. Mot à la verticale. - 6. Pour coucher avec la Madone de Maurice Dekobra ? - 7. Son voisin corse est à portée de bouches. Agent de renseignements officieux. - 8. Entre l’expert et son domaine. Déesse gauloise au culte cavalier. - 9. Bras droit du Prophète. Pain rond. - 10. Suit Agnès à l’écran. En option. - 11. A lieu en juillet-août. - 12. Attachés sans intermédiaire.

e qu’il faut bien que tu comprennes, c’est que tout ce que tu dis doit être vrai, tu comprends, Holly ? » La jeune fille a 14 ans. Dans une rédaction dont le sujet demandait que les élèves racontent une journée en famille, elle a écrit l’indicible. La protection de l’enfance est alertée. La mécanique s’enclenche. Holly et son frère font l’objet d’une mesure de placement immédiat. La mère est dans le déni. Les autorités se doivent désormais de découvrir si la jeune fille ment ou pas. Lars Madsen, travailleur social, est chargé du dos-

Jeudi 18 mars Par Vincent Labbé

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VERTICALEMENT 1. Femmes toujours prêtes à l’étreinte. - 2. Affection du 8 mâtin. - 3. Poulet en pâté. En quatuor au bal, naguère. - 4. Automatique à répétition. Capitulerais sans conditions. 9 - 5. Allège. Allant en tous sens. Calvitie bien avancée… - 6. Poteau d’exposition. Est souvent pris par le temps. 10 Article d’importation. - 7. Quoi ou comment ? Le rêve de tout scrabbleur. - 8. Des femmes de devoir et qui ont de 11 la classe.

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SOLUTION DU PROBLÈME N° 5615

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HORIZONTALEMENT 1. Cambrure. - 2. Agoniser. - 3. Grippage. - 4. Ein. Étai. - 5. Scène. Ln. - 6. Aura. Bât. - 7. Pli. Pose. - 8. Otello. - 9. Ur. eurcÉ. - 10. Liât. Man. - 11. Écrasant. - 12. Sea-lines.

Demain

lévisés ». Elle loue au passage l’optimisme de la jeunesse : « Ils bousculent des montagnes, tentent de trouver des moyens pour affronter cette période trouble. » Amaury Guibert, directeur adjoint de la rédaction de France Télévisions, confirme d’ailleurs cette diversité des témoins, issus de masters, de BTS, d’IUT, etc., ou en recherche d’un poste. « Ils ont été sélectionnés via un appel émis par le site de Franceinfo, et les contacts de France.tv Slash, le média du groupe le plus familier de cette tranche d’âge. » ■

questions. Enfin, des entreprises diffuseront des offres de stages, de jobs d’été, de CDD et de CDI sur la plateforme Wan2bee. Une compilation des annonces sera relayée en direct. « Cette émission ne représentera pas des vieux qui parlent des jeunes », assurait dernièrement Samuel Étienne lors d’un direct sur le Tweet du Figaro étudiant. Élise Lucet a aussi souligné sur les réseaux sociaux que l’on verrait, lors de cette émission, des profils peu visibles habituellement, « différents de ceux qui se rendent sur la majorité des plateaux té-

LA SCÉNARISTE DE « BORGEN » LIVRE UNE SÉRIE ÉDIFIANTE SUR LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES.

MOTS CROISÉS HORIZONTALEMENT

L’émission a pour objectif de valoriser les initiatives des jeunes et de leur proposer des solutions concrètes, notamment pour l’emploi.

« CRY WOLF » : LE SECRET DE HOLLY

JUDE LAW, NOUVEAU CAPITAINE CROCHET

Disney+ a annoncé le début du tournage, au Canada, de Peter Pan & Wendy, un film en prises de vues réelles avec David Lowery (Peter et Elliott le dragon) aux manettes. Alexander Molony (The Reluctant Landlord) joue Peter Pan, Ever Anderson (Black Widow) Wendy, Yara Shahidi (Black-ish) la fée Clochette. Et, clou du casting, Jude Law (Sherlock Holmes, The Young Pope) incarne le capitaine Crochet. Le célèbre dessin animé de Disney, sorti en 1953, a déjà été adapté par Steven Spielberg en 1991 avec Dustin Hoffman dans le rôle de Crochet et en 2003 par P.J. Hogan.

DAVIDE ANGELINI - STOCK.ADOBE.COM

PORTMAN EN SÉRIE

FRANCE 2 ET « LE FIGARO ÉTUDIANT » PROPOSENT UNE SOIRÉE DÉDIÉE AUX 18-25 ANS. L’OCCASION DE LEUR DONNER LA PAROLE ET D’AIDER UNE JEUNESSE SÛREMENT FRAPPÉE PAR LA CRISE SANITAIRE.

VERTICALEMENT 1. Cages à poules. - 2. Agricultrice. - 3. Moinerie. Ara. - 4. BNP. Na. Létal. - 5. Ripée. Plu. Si. - 6. Usât. Boorman. - 7. Régalas. Cane. - 8. Éreintements.

sier. Une affaire qui résume à elle seule la très grande majorité des violences intrafamiliales – le beau-père est mis en cause -, et avec elle, la maltraitance infantile, les dysfonctionnements des services sociaux, la crédibilité accordée à la parole des enfants.

Nous place face à leurs dilemmes moraux. Celui de Lars (Bjarne Henriksen, vu dans The Killing), celui de l’adolescente (Flora Ofelia Hofman Lindahl), ceux des parents (Christine Albeck Borge et Peter Plaugborg). Il fallait une très haute exigence d’écriture pour parvenir à un résultat à la hauteur de ce seul enjeu. On la doit à la scénariste Maja Jul Larsen, à l’origine de l’exceptionnel Borgen. Elle qui se dit volontiers fascinée par « ce pouvoir qu’ont les services sociaux de s’immiscer jusque dans la sphère la plus privée pour juger de la capacité de ceux qui la composent d’élever ou non des enfants » voulait créer une série authentique. Elle l’est. Forte d’un réalisme souvent désarmant. ■

Cruels dilemmes Sélectionnée en com○○○○ pétition internationale à Séries Mania 2020, la série danoise Cry Wolf explore tout cela (en 8 épisodes de 59 minutes), ne poursuivant d’autre ambition que celle de raconter le drame familial et social. Elle ne juge pas, se concentre sur le point de vue de chaque personnage.

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SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT MOTS À CASER B E T T E R A E X I MA G N E T T O Y E E C A R T E F U R E T C I T E R A T I Q A T G A R U N P E L E E T A I C R

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En regroupant et en mélangeant les lettres des deux mots de trois lettres proposés, composez un troisième mot de six lettres.

LAC+SO I =S UNE +RAT = F I N+CE T =

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jeudi 18 mars 2021

LE FIGARO

TÉLÉVISION

MÉTÉO

Tous les programmes dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag

À LA DEMANDE 21.05

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Gloria

Série. Suspense

ÉPHÉMÉRIDE St-Cyrille Soleil : Lever 06h55 - Coucher 19h01 - Premier croissant de Lune

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Nous sommes la Génération 2021

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PAR

MATIN

Floride

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Film. Comédie dramatique

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Emission spéciale

Fra. 2020. Saison 1. Avec Cécile Bois. 2 épisodes. Inédit. Une femme, avocate, mère de trois enfants, voit son quotidien voler en éclats lorsque son mari disparaît du jour au lendemain, sans explication. Où est-il ?

Prés. : Elise Lucet, Samuel Etienne, Emilie Tran NGuyen, Djamel Mazi, N’Fanteh Minteh et Aurélie Renard. 2h32. Les 18-25 ans souffrent fortement de la crise sanitaire.

Fra. 2015. Réal. : Philippe Le Guay. 1h50. Avec Jean Rochefort. Un grand industriel du papier, au bord de la sénilité, a « oublié » la mort de sa fille et mène la vie dure à son aînée, qui a repris les rênes de sa société.

23.15 New York Unité Spéciale. Série. Policière. A la recherche de l’orphelin Le pouvoir de la presse - Influence

23.40 :Scan : Coronavirus, le monde sous la menace. Documentaire. 00.15 13h15, le dimanche... Magazine.

23.00 Roubaix : la nouvelle face du Pile. Documentaire.Réal. : Ghislaine Buffard.

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Vikings

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En thérapie

Série. Action

This Is Us

Série. Dramatique

Irl/Can. 2020. Saison 6. Avec Alexander Ludwig. 2 épisodes. Après leur victoire, les Rus se préparent à attaquer Kattegat. Harald, leur captif, parvient à s’échapper. Bjorn est aussi vivant mais grièvement blessé. 22.37 Dead Pixels. Série. Humoristique. Ours - Tana del

Série. Dramatique

Fra. 2020. Saison 1. Avec Frédéric Pierrot. 5 épisodes. Dayan reçoit la visite de sa fille, Liza. Puis Mohammed, le père d’Adel, se rend à son cabinet pour tenter de comprendre ce qui a poussé son fils à consulter. 23.05 La fête est finie. Film. Drame. Avec Clémence Boisnard. Inédit.

EU. 2019. Saison 4. Avec Mandy Moore. 2 épisodes. Inédit. Après avoir traversé chacun des péripéties, Kate, Kevin et Randall se reconnectent avec le clan familial et notamment au chalet, lieu de nombreux souvenirs. 22.40 This Is Us. Série. Dramatique.3 épisodes. Inédit.

20.44 Touche pas à mon poste !

19.50 Les Marseillais à Dubaï

20.10 Quotidien. Divertissement.

21.19 Balance ton post !

21.05 Le monde de Narnia, chapitre 1 : le lion, la sorcière blanche et l’armoire magique

21.15 Sherlock Holmes : Jeu d’ombres

Film. Fantastique. EU/GB. 2005. Réal. : Andrew Adamson. 2h23. Avec Georgie Henley. Les aventures de quatre enfants dans le monde magique de Narnia.

Film. Action. GB/EU. 2011. Réal. : Guy Ritchie. 2h09. Avec Robert Downey Jr. Sherlock Holmes et le docteur Watson tentent d’arrêter le redoutable professeur Moriarty, qui veut plonger le monde dans la guerre.

22.07 Balance ton post ! Ça continue

23.30 Les vacances du Petit Nicolas

23.35 Sherlock Holmes. Film. Action.

20.20 Passage des arts. Magazine.

19.55 Wheeler Dealers France

18.55 Caligula. Documentaire.

20.50 Les 300, la bataille des Thermopyles

21.05 Vintage Mecanic

20.50 Charité : en guerre

Magazine. Prés. : Cyril Hanouna. 0h48. Une équipe de chroniqueurs revient sur les temps forts de l’actualité, les polémiques du moment et tous les sujets qui provoquent de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux.

Dans les années 90, Stevie, 13 ans, grandit auprès d’une mère absente et d’un frère aîné qu’il admire. Il aimerait quitter ses parures de lit Tortues Ninja et ses t-shirts de gamin pour enfin devenir cool. Après une visite dans un boutique de skateboards, Stevie se met à fréquenter une bande de « riders », auprès desquels il ne va pas hésiter à se mettre en danger. Après avoir joué les seconds rôles dans de nombreuses comédies potache (« SuperGrave », « En cloque, mode d’emploi »), Jonah Hill passe pour la première fois derrière la caméra et réalise une émouvante chronique d’une décennie marquante, qui a précédé l’avènement d’Internet. Sur un sujet pourtant rebattu au cinéma, il parvient à imposer un ton particulier. Une belle surprise.

Documentaire. EU. 2019. Réal. : Sam Mortimore. 0h55. Les 300, la bataille des Thermopyles. La bataille des Thermopyles est l’un des plus célèbres faits d’armes de l’histoire antique. 21.45 La face cachée d’Athènes

22.20 Vintage Mecanic. Documentaire. 2 épisodes.

Série. Historique. All. 2017. Saison 1. Avec Alicia von Rittberg. 4 épisodes. Koch espère que sa percée lui permettra enfin d’obtenir les finances nécessaires pour divorcer et épouser Hedwige. 00.10 La guerre d’Hollywood 1939-1945. Réal. : Michel Viotte.

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➜10 h : « Le Buzz » (avec le TV Magazine) – Invité : Karim Rissouli, présentateur de « C politique », sur France 5. Interviewé par Philippe Larroque et Damien Canivez

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Aujourd’hui jeudi 18 mars sur lefigaro.fr

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Documentaire. Fra. 2020. 1h15. Corvette C1. François Allain va se lancer dans la restauration d’une légende américaine des fifties au caractère élégant et sensuel : la toute première des Corvette, la C1.

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lachainemeteo.com

Par téléphone :

Sur L’APPLI

LIVE 24/24

GRATUITE La Chaîne Météo

2,99 €/appel

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°2851 DONC PAS MONO FAIRE SURFACE

AGRESSIVITÉ DÉSINENCE VERBALE

MARCHANDISE SANS VALEUR BRIDÉE

IL PRENAIT LA TÊTE DES CAÏDS

PASSE À MUNICH ET REJOINT LE DANUBE

BONNE FEMME DRÔLES DE MOUETTES

COMME UN COUSIN COLÉREUX

ON EN TIRE UNE TERRE GRASSE PIONNIER

OUVRAGE AJOURÉ SOLDAT ARMÉ

MÉMOIRE DE DISQUE

FRUIT DU HASARD BANDE DE PAPIER TOURNAIT EN ROND

DU JAMAIS VU SUR SCÈNE CLAMEUR

HONNÊTE ET DROIT DURÉE

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CHAPEAU CLOCHE EN TOILE

À SEC SALOPETTE BIÈRE ANGLAISE

SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT

GRANDE ÎLE INDONÉSIENNE

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BIEN GAGNÉE

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FROMAGE D’UNE BREBIS DE L’AVEYRON CAMILLE, HOMME POLITIQUE ALSACIEN

PASSAGE D’UN PLAN À UN AUTRE

BON CLIENT

TEST POUR UN PSYCHIATRE

DÉSIGNE LA CHOSE DONT ON PARLE

ATHÈNES EN EST LA CAPITALE DIVISION DE LA COURONNE SUÉDOISE

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ON L’EST QUAND ON SE LAISSE TROMPER

ENTRELACEMENT

INTERJECTION COBALT DU CHIMISTE

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FAVORI ARNAQUÉ

UN COUP QUI FAIT SON EFFET

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TOURMENTÉ PONT DE VENISE

BAC À RAFRAÎCHIR ABRI DE CHEVAL

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APRÈS LA CANINE ÉTAT DE LOMÉ

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AUTORITAIRE CONSIDÉRÉS

PIÈCE DE RÉSERVE ÎLES VERS BORNÉO

YANKEE SAINT ÉVÊQUE

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GROUPE MUSICAL CRIBLA DE DETTES

IL S’OCCUPE DES INTÉRÊTS D’AUTRUI CONDUIRE LE PAYS REDONNER VIE

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SPORT DE SAUTS ANDOUILLE VÉRITABLE

jeudi 18 mars 2021 LE FIGARO

36 REBOND LE CHANTEUR CONSACRE UN LIVRE À SA RELATION AVEC L’AUTEUR DES « COPAINS D’ABORD », QUI A CHANGÉ LE COURS DE SA VIE À PLUSIEURS REPRISES.

Olivier Nuc

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e suis à un âge où on commence à regarder dans le rétroviseur », explique Maxime Le Forestier, très tranquille. « J’ai eu quelques aiguilleurs dans ma vie, au premier rang desquels Georges Brassens. » L’influence exercée par le Sétois sur la vie de Maxime Le Forestier a été telle que celui-ci lui consacre aujourd’hui le premier ouvrage qu’il signe sous son seul nom, Brassens et moi (collection « Passeurs d’histoires », Éditions Stock). Son aîné, qui aurait célébré cette année son centième anniversaire, a croisé son chemin une première fois en 1963. Apprenti guitariste, le jeune homme pousse la porte du magasin Paul Beuscher de la Bastille pour s’y procurer des partitions. Le vendeur lui conseille les chansons d’un certain Brassens, dont

Le Forestier n’avait encore jamais entendu parler. « À la maison, nous n’avions pas de tourne-disques, se souvient-il. La musique, on la jouait nous-mêmes. Je suis reconnaissant au marchand de m’avoir vendu ça. S’il m’avait proposé du Claude François, je ne serais pas devenu chanteur. » Moins de dix ans plus tard, fort d’un premier album aux allures de chefd’œuvre, Maxime Le Forestier assurera la première partie d’une série de concerts du maître dans sa salle fétiche, le Théâtre Bobino, rive gauche à Paris. Pendant trois semaines, après avoir chanté San Francisco, La Petite Fugue, La Rouille et Parachutiste, le jeune homme de 23 ans ne loupe pas une miette du spectacle de celui qui lui a tant apporté. Cinquante ans après, Maxime Le Forestier a estimé qu’il était temps de raconter sa relation avec Georges Brassens. S’il devait au départ signer ce recueil à quatre mains avec le journaliste Laurent Joffrin, Le Forestier en complétera l’écriture, seul. « Finalement, je l’ai fait pour rendre service à Laurent, qui était alors occupé à sauver la gauche », s’amuse-t-il. Amorcée en mars 2020, au début du premier confinement, l’écritu-

FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO

MAXIME LE FORESTIER, LE PASSEUR DE BRASSENS

re de Brassens et moi s’achèvera neuf mois plus tard, comme une belle grossesse. « Je m’étais toujours dit que je n’écrirais jamais de livre. Les chansons suffisaient à ma noblesse », a longtemps considéré le chanteur. Pourtant, le septuagénaire s’est plu à mener un travail de rédaction de longue haleine, qui rompt avec ses propres habitudes d’écriture. « Un auteur de chansons se doit de couper en permanence. Là, au contraire, il m’a fallu développer, ce que j’ai mis des semaines à accepter. » Habitué à dire beaucoup en peu de mots et à laisser le pouvoir de suggestion agir, Maxime a fini par se plier à cette discipline nouvelle. Familier du sprint, le voici

converti au marathon ! « Il y a eu des moments de blocage, où je me disais : “Ça ne va intéresser personne.” Cela a constitué une drôle d’aventure, vraiment. »

« J’ai essayé de lui rendre ce que je pouvais »

Retiré à la campagne, Maxime Le Forestier a eu le temps de se plonger dans ses souvenirs de tournée, lorsqu’il a décidé de consacrer quatre années de sa carrière à interpréter les chansons de Brassens sur scène. Une expérience qui ne devait durer que quelques semaines… « Je lui dois beaucoup, j’ai essayé de lui rendre ce que je pouvais ». En reprenant chacune des chansons écrites par Georges Brassens, y compris les posthumes que ce dernier n’avait pu chanter, Maxime Le Forestier s’est livré à une mission d’une ampleur inédite dans le domaine de la chanson. Un vrai cauchemar de manager, le type d’initiative déconseillée aux carriéristes de tout poil. En se livrant à ce noble exercice, Le Forestier a été à Brassens ce que Glenn Gould a été à Jean-Sébastien Bach. « C’était surtout d’utilité publique, avouet-il, modeste. Même si ça n’a touché qu’une personne sur dix, c’est ça de gagné. » De la part de cet autodidacte, qui a abandonné les études avant de passer le bac, l’exercice a été un accomplissement majeur. « En classe de première, au lycée Condorcet, nous étions 8 sur 40 à aimer Brassens. Cela n’a pas changé aujourd’hui. Il faut faire la démarche d’aller vers lui. » Faute d’avoir poursuivi des études su-

UN DERNIER MOT [email protected]

périeures, Maxime Le Forestier estime avoir compensé en passant autant de temps à travailler sur le répertoire de son aîné, qui lui a donné du fil à retordre pendant de longs mois. « Ça m’a demandé du temps et beaucoup de travail mais c’est ce dont je suis le plus fier. C’est comme si j’avais repris des études sur le tard et rendu ma thèse à cinquante ans passés. » Initialement sortie en 2005, l’intégrale live des titres est aujourd’hui rééditée. Si Brassens fut son aiguilleur, Le Forestier a été le passeur d’une des œuvres les plus immortelles du répertoire français. « Brassens aimait bien les jeunes, il transmettait volontiers. Eddy Mitchell allait chez lui, Christophe l’admirait énormément, les rappeurs le citent volontiers. En réalité, il est important pour tous ceux qui aiment les textes. » Dans son ouvrage, Maxime Le Forestier tord le cou une bonne fois pour toutes au mythe selon lequel les musiques du maître sont « toutes pareilles ». « Il se considérait comme un homme de lettres avant tout. Son idée de départ était d’écrire des poèmes dans le style des auteurs du XIXe siècle. Il disait surtout que la musique devait servir le texte avant tout. » Pourtant, quiconque s’est essayé à jouer Brassens, à la guitare ou au piano, s’est aperçu de la complexité harmonique de ses morceaux. Si elles sont dépouillées d’instrumentation, les chansons de Brassens sont plus riches et complexes qu’il n’y paraît. « Et s’il avait réussi son coup ? » sourit Maxime Le Forestier. ■

Par Étienne de Montety

Moment [mo-man] n. m. Temps partiel.

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ean Castex a déclaré : le moment est venu d’envisager des dispositions… Le mot vient du latin movimentum (du verbe movere, bouger), dont il est une contraction. Signifiant d’abord « mouvement », le mot a fini par désigner une petite division temporelle. Si le moment est venu, c’est d’abord que le premier ministre en a trouvé un. À ses moments perdus, probablement. Longtemps il a été persuadé de ne pas en avoir un à soi. Comment choisir ? Ce n’était jamais le bon. Et puis, il se disait sûrement qu’il déciderait dans un moment. De tranquillité. C’est justement au moment où on n’y pensait plus qu’il a sauté dessus. Sur le moment. Personne n’a réagi. Peut-être sera-t-il mal choisi, mais c’est comme ça : à force d’attendre le dernier… Le moment n’est plus à la plaisanterie. Hélas, il semble que les bons soient derrière nous et que ce qui est désormais à passer, c’est un mauvais. Il risque de durer : maintenant qu’il est venu, on en a pour un moment. ■

FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ

Ali Onaner, le nouvel ambassadeur de Turquie en France, connaît bien notre pays. Non seulement il a été en poste à Paris entre 2012 et 2017, mais il a été également élève à l’ENA, entre 2002 et 2004. Il comptait alors, parmi ses condisciples, Emmanuel Macron. Ancien directeur de cabinet de Mevlüt Cavusoglu, le chef de la diplomatie turque, Ali Onaner, 47 ans, est le deuxième ambassadeur étranger en France – avec son collègue libanais Rami Adwan - à avoir fait l’ENA avec le président de la République. La France et la Turquie ont connu l’an dernier une période de fortes tensions.

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Sommet sur la radicalisation islamiste

La deuxième édition du sommet européen sur la radicalisation islamiste et la menace terroriste - la première s’est déroulée en janvier - aura lieu sur Zoom le 22 mars, jour du neuvième anniversaire des attentats de 2012, à Toulouse et à Montauban. Organisée par le think-tank européen Elnet, en partenariat avec l’Institut Montaigne, la conférence, qui se tiendra de 14 h 30 à 17 h 30, réunira les meilleurs experts européens de la question. Elle a notamment pour ambition de dresser le portrait-robot du djihadiste européen.

TWITTER ALI ONANER

Le nouvel ambassadeur de Turquie a pris son poste à Paris